| "L’espoir que cette élection pouvait représenter un changement – le commencement de la fin du triomphe du modernisme – ne dura que vingt-quatre heures..." | 
| 26 juin 2008 - Editorial de l'abbé Ricossa pour Sodalitium n°61 - sodalitium.eu | 
| Editorial Il est malheureux       de se répéter. Et pourtant, Sodalitium ne peut que revenir sur ce       qui a déjà été dit dans l’éditorial de son numéro 58, consacré à       l’élection de Joseph Ratzinger au Souverain Pontificat. L’espoir que       cette élection pouvait représenter un changement – le commencement de       la fin du triomphe du modernisme – ne dura que vingt-quatre heures, le       temps de lire les premières déclarations de Benoît XVI qui       manifestaient sa ferme volonté d’appliquer pleinement Vatican II. Notre       espérance n’était pas dictée par des motifs humains, ni encore moins       par le curriculum de Joseph Ratzinger (l’un des principaux       tenants de la “nouvelle théologie” et l’un des artisans les plus       tenaces du Concile), mais par les paroles du Seigneur : portæ inferi       non prævalebunt adversus eam : les portes de l’enfer ne prévaudront       point contre l’Église du Christ (c’est la Révélation qui est       l’objet de notre foi, ne l’oublions jamais, et non de douteuses ‘révélations’       privées). Joseph Ratzinger a au contraire mis en pratique le programme       qu’il illustrait déjà – il y a plusieurs années – dans son livre       interview à Vittorio Messori, Entretien sur la foi, programme qui       prévoit la défense et l’application du Concile, non seulement contre       les modernistes extrémistes ou impatients, mais aussi contre les       catholiques fidèles à la Tradition de l’Église. Joseph Ratzinger,       donc, ne nous a pas étonnés (malheureusement, puisque notre désir le       plus ardent est justement celui d’être démentis, et de voir renouvelé       le miracle de Saul de Tarse devenu le grand Apôtre Paul). Ne nous a pas       non plus étonnés la réaction de tant de catholiques jusqu’alors       farouches adversaires du modernisme, qui semblaient au contraire enchantés       par celui qui a programmé – et l’a dit et écrit à plusieurs       reprises – leur disparition. Non, nous ne       sommes pas étonnés ; mais nous sommes affligés. Nous ne sommes pas étonnés,       parce que, hélas, c’est un scénario qui se répète depuis plus de       quarante ans, et particulièrement à chaque nouvelle élection. Nombreux       sont aujourd’hui ceux qui disent et écrivent ou laissent entendre       qu’avec Benoît XVI le cap a été inversé, que – peu à peu – le       Concile est implicitement désavoué, ou est au moins corrigé, ou mieux       interprété, si au fond, on le comprend à la lumière de la Tradition. Nous avons entendu       ces discours sous Paul VI, puis sous Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, et       maintenant Benoît XVI. Chaque fois, les catholiques, déçus, angoissés,       révoltés, par le “pontificat” précédent, ont pensé, cru, écrit       (voulu penser, croire, écrire…) que finalement tout allait changer.       Petit à petit l’illusion s’évanouissait, mais entre-temps, nombreux       sont parmi nous ceux qui avaient changé de camp, irréversiblement. Celui qui a de la       mémoire, celui qui a vécu ces époques, se souviendra que nombreux sont       ceux qui pensèrent que Paul VI aurait mis fin – peu à peu – à la Révolution       conciliaire. La Nota Prævia (au cours du Concile), Humanæ vitæ       (il y a juste quarante ans), le Credo du Peuple de Dieu, Mysterium       Fidei… nombreuses, très nombreuses sont les interventions de Paul       VI qui à l’époque – il y a de nombreuses années – tranquillisèrent       les bons catholiques ; le Père Guérard des Lauriers, dans le premier numéro       des Cahiers de Cassiciacum (p. 69), rappelait sa propre expérience       quand, religieux dominicain, il en appela à Mgr Philippe o.p. de la S. C.       des Religieux, puisque, contre les dispositions de Paul VI, les       Dominicains récitaient l’office choral en français et non plus en       latin. Mgr Philippe répondit au Père Guérard que précisément,       quelques jours avant, Paul VI avait concédé cette pratique qu’il avait       lui-même interdite : “nous n’avons plus qu’à obéir”. C’était en 1967       ! Après cela, ce fut la Nouvelle Messe, la réaction du Bref Examen       Critique, les discours rassurants de Paul VI : “nous n’avons plus       qu’à obéir”… et la révolution continua. Les premiers       collaborateurs de Mgr Lefebvre, les premiers séminaristes, le quittèrent       en 1969, d’autres en 1976, d’autres encore en 1977… parce  que       Paul VI promettait à tous le retour à la Tradition. Tout juste élu,       Jean-Paul Ier fut reconnu comme Pape légitime, y compris par des prêtres       qui ne reconnaissaient pas la légitimité de Paul VI (ils s’aperçurent       bien vite de l’erreur). Peu après, ce fut Jean-Paul II qui charma Jean       Madiran et Mgr Lefebvre avec “le Concile à la lumière de la       Tradition”. S’ensuivirent les expulsions des prêtres et des séminaristes       d’Écône qui ne reconnaissaient pas la légitimité de Wojtyla ni       l’intensification des tractations. S’ensuivirent       aussi, néanmoins, la visite à la Synagogue de Rome, le baiser au Coran,       la prière au mur des lamentations, le scandale d’Assise… La désillusion       prit la place de l’illusion, mais entre-temps combien quittèrent leur       poste de combat ? Nous nous souvenons de leurs noms, en France comme en       Italie. En dépit de tout cela, les tractations continuèrent, le cardinal       Gagnon fut accueilli triomphalement dans toutes les maisons de la       Fraternité Saint-Pie X, et ce fut aussi la signature par Mgr Lefebvre       d’un protocole d’entente. La signature fut retirée, les consécrations       épiscopales furent punies par l’“excommunication”… mais pendant       ce temps combien d’autres quittèrent leur poste séduits par les       promesses de la Commission nouvellement née       Ecclesia Dei ? Le       scénario est toujours le même, et l’on s’étonne que chaque fois il       se répète avec les mêmes résultats. Le Jubilé de l’an 2000 vit la       Fraternité Saint-Pie X bien accueillie par le cardinal Castrillon Hoyos ;       l’écot à payer fut l’abandon de nombreux autres prêtres, parmi       lesquels les héritiers de       Mgr De Castro Mayer. L’élection       de Joseph Ratzinger a relancé le même scénario ; les visites dans les       synagogues ou dans les mosquées, les rencontres oecuméniques, les déclarations       de fidélité intransigeante au Concile, le rappel continuel à la       doctrine de la liberté religieuse (même du droit à l’apostasie),       passent désormais inaperçus, comme du déjà vu, tellement on en a pris       l’habitude depuis quarante ans ; et nombreux disent que non, qu’avec       Benoît XVI tout a changé, qu’il est absurde de continuer de critiquer,       et ne sont pas peu ceux qui, à nouveau, ont trouvé un accord ou le préparent.       Combien sont désormais les prêtres (et même les évêques), les fidèles,       les maisons, les séminaires, les couvents et les abbayes passés au       modernisme ? Oui, passés au modernisme, puisqu’au moment d’accepter       les offres d’Ecclesia Dei, tous ceux-ci (ou au moins beaucoup       parmi eux) déclarèrent ne pas vouloir changer une virgule de leur       position doctrinale, de leur fidélité à tout ce qu’ils avaient       jusqu’alors vaillamment défendu ; tous ou presque déclarèrent avoir       trouvé un accord seulement canonique ou disciplinaire ; mais en peu de       temps beaucoup deviennent (plus ou moins sincèrement) des défenseurs       convaincus des doctrines de Vatican II. Quels sont les       motifs de ces désastres répétés ? Il ne nous appartient pas de juger       les consciences, et nous nous limiterons à des hypothèses générales.       Le motif le plus “noble” et le plus compréhensible est celui de la       pensée et de la fidélité et de l’amour que tout bon catholique       nourrit pour l’Église et pour le Pape. Quiconque, à la suite de Mgr       Lefebvre, reconnaît la légitimité de Paul VI, des deux Jean-Paul, et       maintenant de Benoît XVI, ne peut persister à la longue dans une       attitude de désobéissance  (qui       conduit ensuite aussi à de graves erreurs doctrinales) sans courir le       risque de se considérer schismatique, et finit, tôt ou tard, par donner       substance et réalité à une déclaration de légitimité jusqu’alors       seulement verbale. Ils ne se rendent pas compte du fait que la Papauté       est pour la Foi, et non vice-versa : erreur favorisée peut-être par un       volontarisme latent des écoles théologiques qui ne sont pas thomistes. D’autres,       parfois les mêmes, se découragent après des années de combat. La       bataille se prolonge, les années passent, l’âge aussi avance ; avec       lui avance le manque de confiance, l’espoir de ne plus être isolés,       humiliés, marginalisés, de pouvoir avoir des satisfactions et des       reconnaissances jusqu’alors déniées. Ils ne veulent plus être mis de       côté. D’autres, ou peut-être les mêmes, s’habituent peu à peu à       la manière de vivre, d’agir, de penser de leur temps, et finissent par       s’accommoder de ce qu’ils appellent la “réalité”. Les défauts       de leur propre camp sont alors exagérés, tandis que l’herbe du voisin       paraît toujours plus belle que la sienne (et parfois, les défauts des       “nôtres”, les risques de graves erreurs pour des brebis depuis trop       longtemps sans pasteur, sont effectivement grands…). Beaucoup jugent       selon la mentalité du siècle, qui ne s’occupe pas des vérités de       foi, mais des impressions journalistiques (et ainsi Benoît XVI est un…       traditionaliste). Tous doivent se résoudre à ne pas voir la réalité. Que Dieu me garde       la main sur la tête – disait saint Philippe Neri sortant de chez lui au       commencement d’une nouvelle journée – autrement je suis capable de me       faire Juif ! Nous ne sommes pas meilleurs que saint Philippe, et pas       meilleurs que beaucoup qui sont tombés jusqu’à maintenant ou sont en       train de le faire (cadent a latere tuo millia, et decem millia a       dextris tuis). Demandons donc au       Seigneur et à Notre- Dame qu’ils nous maintiennent fidèles. Fidèles       non à des préjugés ou à des idées humaines : fidèles à la foi révélée,       au magistère de l’Église, et donc à la condamnation des erreurs de       Vatican II : collégialité épiscopale, oecuménisme, dialogue       interreligieux, liberté religieuse… Tels sont les obstacles à       surmonter, et non pas d’autres ; il n’y pas de solutions à moitié,       des demi-vérités, qui ne soient remplies d’erreurs. Dieu est Vérité.       Le Christ est Vérité.  Et la       Vérité ne supporte pas de diminutions : elle est intègre, ou elle       n’est pas. En cela nous avons eu la grâce de connaître et aimer Mgr       M.-L. Guérard des Lauriers ; il y a vingt ans que le Seigneur l’a       rappelé à lui, et nous lui sommes reconnaissants non seulement parce que       sa thèse théologique nous semble aujourd’hui encore la seule qui décrive       la situation actuelle de l’Autorité dans l’Église avec entière fidélité       au donné révélé, mais aussi parce que sa vie nous a servi d’exemple,       puisque, pour la foi et par amour de la Vérité première, il a souffert       toutes sortes d’humiliations et l’isolement humain. À nos lecteurs       aussi ce numéro de Sodalitium entend donner des arguments pour       persévérer, pour ne pas se faire leurrer, pour raisonner à la lumière       de la foi. Nous ne le faisons pas par parti pris, par extrémisme, par       esprit de contradiction, par entêtement. Nous le faisons parce que –       malheureusement, nous le répétons – la situation en 2008 est       substantiellement inchangée par rapport à celle qui se présenta aux       yeux des bons catholiques déroutés en 1965, à la clôture de Vatican II.       Le       modernisme n’est pas encore vaincu, le modernisme doit être vaincu, et       chassé “du sein et des viscères de l’Église” (saint Pie X). Dieu       veuille que cela arrive vite.        | 
