| Le kairos - par Yves Chiron | 
| 25 juin 2008 - aletheia.free.fr | 
| Le       kairos - par Yves Chiron L’étape       nouvelle que connaissent les relations entre la Fraternité Sacerdotale       Saint-Pie X et le Saint-Siège fait, comme d’habitude, l’objet d’une       piètre présentation dans la presse française. Elle confond les enjeux       et reprend, en les agrémentant d’interprétations erronées, les dépêches       des agences de presse. La presse italienne, notamment Il Giornale, est       beaucoup mieux informée. Sans       faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas et en considérant que,       du côté de la FSSPX comme du côté du Saint-Siège, tous les documents       échangés ne sont pas connus, on peut tenter de dresser, à ce jour, un       état des lieux provisoire. À partir de divers articles de la presse       italienne, des textes publiés par la FSSPX et d’informations reçues de       sources romaines, on peut, sans préjuger du résultat des discussions en       cours, essayer d’apporter quelques lumières. En       2000, à l’occasion du Grand Jubilé, le cardinal Castrillon Hoyos, président       de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » a, de sa       propre initiative, renoué les relations avec la FSSPX. Il a reçu       pour un déjeuner les évêques de la FSPPX en août 2000, le 29 décembre       suivant il proposait à Mgr Fellay un projet d’« accord entre       Rome et la Fraternité » et, le lendemain, il faisait se rencontrer brièvement       Jean-Paul II et le Supérieur général de la FSSPX dans la Chapelle privée       du pape. En       août 2005, Benoît XVI, élu au Souverain Pontificat quelques mois       auparavant, a tenté de réactiver le dialogue en recevant le Supérieur général       de la FSSPX. Son discours, de décembre 2005, sur « l’herméneutique       de la continuité » à appliquer au concile Vatican II et le motu       proprio, du 07.07.2007, libéralisant la messe traditionnelle, ont été,       de la part du nouveau pape, des initiatives qui resteront comme des actes       historiques décisifs. Après       huit ans d’un dialogue, qui a connu des périodes de latence du côté       de la Fraternité, une rencontre importante a eu lieu le 4 juin dernier       entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos. Dès 2000, la FSSPX       avait posé, comme un des préalables à toute réconciliation, la levée       des excommunications portées en juin 1988. À cette demande, réitérée,       le cardinal Castrillon Hoyos a répondu lors de la rencontre du 4 juin       2008 par un préalable en cinq points. En       voici le texte complet : 
 Certaines       tournures, maladroites ou incorrectes en français (langue originale du       document), semblent trahir une certaine précipitation dans la rédaction       de ce court memorandum. On       remarquera qu’il n’est pas question, dans ces cinq « conditions »,       d’engagement exigé de la FSSPX à adhérer explicitement aux       enseignements de Vatican II et à reconnaître l’orthodoxie du nouvel       Ordo Missæ. Si       la nouvelle de cette rencontre du 4 juin s’est répandue, discrètement       mais très vite, son objet n’a été connu, de manière partielle, que récemment.       La FSSPX avait déjà donné des réponses, provisoires (?), aux       conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos. Les       réponses de la FSSPX Le       20 juin dernier, lors de la cérémonie des ordinations au séminaire de       Winona, aux Etats-Unis, Mgr Fellay a prononcé un sermon durant lequel il       a longuement évoqué les discussions en cours avec le Saint-Siège. Il a       qualifié d’ « ultimatum » les conditions posées par       le cardinal Castrillon Hoyos et les a résumées en une injonction qui       serait adressée à la FSSPX : « Shut up » (« Taisez-vous »). Dans       ce sermon, Mgr Fellay a laissé comprendre que sa réponse serait négative       et que le temps de la levée des excommunications n’était peut-être       pas encore arrivé : « Mon impression, pour le moment, est que       nous pouvons encore attendre longtemps, et peut-être même très       longtemps. » Dans       le même temps, Le Chardonnet, le bulletin de l’église Saint-Nicolas du       Chardonnet à Paris, a consacré un dossier spécial aux sacres épiscopaux       accomplis, il y a vingt ans, par Mgr Lefebvre. Les différents articles de       ce numéro, rédigés pour nombre d’entre eux par l’abbé Chautard,       visent non seulement à justifier ces sacres épiscopaux, mais surtout à       montrer que les traditionalistes qui se sont séparés de la FSSPX à       cette époque, ou plus récemment (Institut du Bon Pasteur, par exemple),        ont commis une erreur grave. Un       article attire particulièrement l’attention. Il est intitulé :       « le ministère critique de la Fraternité ». De manière       traditionnelle, la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, parlait de son       « ministère de suppléance ». Désormais, la FSSPX semble se       poser davantage encore en gardienne ultime de la Tradition et considère       que « la condamnation de l’erreur » fait partie intégrante       de sa mission. Y compris vis-à-vis de Rome. L’abbé       Chautard écrit : 
 Cette       position n’est pas propre à l’abbé Chautard. On comprend bien       qu’exprimée dans un dossier spécial du Chardonnet et dans le contexte       actuel des discussions avec Rome, elle est un message adressé aussi bien       aux fidèles qu’au Saint-Siège. Le non possumus, déjà exprimé dans       un passé proche, est repris ici avec de nouveaux accents. L’abbé       Chautard, au début de son article, fait référence au « silence respectueux »       demandé à la FSSPX. Son texte, qui a été rédigé sans doute peu avant       le sermon de Mgr Fellay du 20 juin, s’inscrit dans une même       argumentation qui peut se résumer ainsi : la FSSPX ne peut se taire       quand la foi est en danger et se doit d’exercer un « ministère       critique ». En théologie, le mot ministère a un sens précis.       C’est un « service » et une médiation. Par ce mot de       « ministère critique », la FSSPX innove et s’attribue une       fonction inédite. Comme       Mgr Fellay qui refuse le « Shut up » que demanderait le       Saint-Siège, l’abbé Chautard estime que la FSSPX ne peut garder       « un silence respectueux sur les erreurs modernes répandues par les       autorités tout en prêchant la bonne doctrine ». Il écrit :       « A vrai dire, le silence respectueux n’est moralement possible       que pour éviter un mal pire. L’histoire de saint Pie X nous en fournit       un exemple avec l’Action Française, quand il estimait qu’une       condamnation était inopportune et aurait entraîné bien plus d’inconvénients       que d’avantages. Or, dans le cas présent, les circonstances sont telles       que l’inconvénient qui résulte du silence (la négligence pour le bien       commun de la foi et le scandale pour les fidèles) est pire que l’inconvénient       qui résulte de la dénonciation de l’erreur (la mise apparente au ban       de la société visible de l’Eglise conciliaire). » Il       est probable que Mgr Fellay donnera une réponse, plus développée, aux       « conditions » posées par Rome lors de la messe des       ordinations qui aura lieu à Ecône, dans deux jours, le 27 juin. Sans       préjuger du contenu définitif de cette réponse, on peut remarquer que,       jusqu’à aujourd’hui, la FSSPX considère que le moment de la réconciliation       n’est pas encore venu parce que, selon elle, « Rome n’est pas       encore retournée pleinement à la Tradition ». À ceux qui considèrent       que Benoît XVI, et ce qu’il a déjà accompli comme pape, représentent       un kairos (un « moment favorable » au sens biblique, voulu par       Dieu), Mgr Fellay répète : « Sans crainte, nous attendrons       des temps meilleurs » (sermon du 20.06.2008).      | 
