| Interview de Son Excellence Monseigneur Richard Williamson | 
| 12 juin 2008 - rorate-caeli - version française: christus.imperat | 
| Un       correspondant de RORATE CÆLI en Scandinavie a interviewé Monseigneur       Williamson (l’un des quatre évêques consacrés par Monseigneur Marcel       Lefebvre en 1988 pour la Fraternité sacerdotale Saint Pie X) il y a       quelques jours dans une ville de Scandinavie. Nous publions cette       interview exclusive sans y ajouter de commentaires – tout en attirant       l’attention de nos lecteurs sur la réponse de Mgr Williamson à la       question n° 16. [QUESTIONS       PERSONNELLES] [1.]       Excellence, pour commencer : qui a le plus marqué votre vie à part       Monseigneur – les Anglais disent « l’Archevêque » pour désigner       Monseigneur Lefebvre. Nous conserverons tout au long de cette article        « Monseigneur » pour la version française – NdT) et peut-être       votre propre mère ? C’est       probablement Beethoven. La reine Mary Tudor disait que, lorsqu’elle       mourrait, on ouvrirait son cœur et on trouverait « Calais »       écrit dessus. Calais fut la dernière possession anglaise en France, et       cette ville fut perdue sous son règne. Et bien lorsque je mourrai moi, on       ouvrira mon cœur et je pense que l’on trouvera écrit dessus :       « Beethoven ». Il a été pour moi d’une grande influence.       Je veux dire la musique de Beethoven, pas sa personne. [2.]       Cette croix pectorale, d’où vient-elle ? On dirait qu’elle pourrait       être de fabrication assez récente ? Non,       c’est une croix ancienne. Je crois qu’elle vient du Canada, c’est un       Américain qui me l’a donnée. Ces détails sont des feuilles d’érable,       voyez-vous ? [ROME] [3.]       Comment définiriez-vous le concept de romanitas? Je       pense que ce concept recouvre une connaissance des voies de Rome, ainsi       que l’amour des voies de Rome, et pousse à se comporter instinctivement       d’une certaine manière, et cette manière était avant en accord avec       les intérêts de l’Eglise. Or, toujours depuis Vatican II, la romanitas       est dangereuse parce qu’elle fait se comporter conformément à la       Nouvelle Église, qui n’est pas catholique – pas essentiellement       catholique. [4.]       En parlant de Rome, comment personnellement vous tenez-vous au courant de       Rome et de ce qui se passe dans l’Eglise ? Simplement, pour prendre       un exemple très courant des choses qui se passent à Rome, citons la       nomination du Cardinal Antonelli de Florence – un supporter notoire de       la tradition – à la charge de Président pour le Conseil Pontifical       pour la Famille… Je       ne suis pas beaucoup ce qui se passe à Rome, pour vous dire la vérité,       je ne suis pas beaucoup. Je pense qu’il y a une lutte en cours, il y a       une lutte depuis longtemps. Mais je pense que les francs-maçons tiennent       les rênes du pouvoir, et je ne pense pas qu’ils vont laisser les choses       se faire. Oh oui, ils œuvrent encore, c’est du moins mon opinion. [COMMUNAUTÉS       TRADITIONNELLES] [5.]       Quel type de contacts avez-vous avec les autres communautés       traditionnelles ? Personnellement,       je n’ai pas beaucoup de contacts, mais la Fraternité, par l’intermédiaire       de la Maison générale de Menzingen, est régulièrement en contact avec       les différents groupes traditionnels, spécialement en Europe. Il n’y a       pas beaucoup de ces groupes en Amérique du Sud, où je suis en poste, et       je n’ai pas beaucoup de contacts avec eux, j’ai à peine de contacts       avec eux. [L’ÉDUCATION       AU SÉMINAIRE] [6.]       Au cours de votre conférence, vous avez mentionné que le niveau d’éducation       en humanités était un problème dans les séminaires, des jeunes gens       qui arrivent dans les séminaires avec presque aucune éducation humaine       sensée, parfois même pas du tout. Comment résolvez-vous de telles       situations ? Aux       États-Unis et en Argentine, j’étais responsable de la mise en place de       ce que l’on appelle l’« année des humanités », qui       consiste en une année préliminaire d’« humanités » comme       autrefois. Les jeunes gens étudient, pendant une année du catéchisme,       une bonne quantité de latin, la grammaire de leur langue maternelle,       qu’il ne connaissent plus. La grammaire de leur propre langue – l’Espagnol       en Amérique du Sud et l’Anglais aux États-Unis – ne leur est évidemment       plus enseignée. La grammaire, ne le saviez-vous pas, est considérée       comme fasciste, car elle est structurée. Elle structure l’esprit, donc       on doit se débarrasser de la grammaire, et le résultat est que les       pauvres enfants ne connaissent pas leur grammaire. La grammaire,       l’histoire, la littérature et un peu de musique classique – ils       connaissent bien peu ces choses-là. Donc une année, c’est mieux que       rien. Ce n’est pas beaucoup ; mais c’est bien sûr mieux que       rien. [7.]       Poursuivons sur ce thème de l’éducation dans les séminaires : comment       la liturgie est-elle enseignée aux séminaristes, outre par leur       participation quotidienne à la Messe ? Il       y a un cours de liturgie – les humanités ne comportent pas de liturgie,       mais de tous les cours enseignés durant les années de séminaire, le       plus petit est celui de liturgie. Ce n’est pas l’un des sujets       principaux, mais c’est un sujet qui est enseigné. Ainsi ils en       apprennent la théorie et la pratique. Il y a un cours de liturgie au début       de la formation du séminaire et à la fin. [LA       FSSPX ET LA SPIRITUALITÉ IGNATIENNE] [8.]       Si quelqu’un voulait comparer la Fraternité et sa spiritualité à la       vieille école des Jésuites, y aurait-il quelque chose de commun ? Oui       et non. Il y a une comparaison, mais d’un autre côté, la situation de       l’Église est très différente et le besoin de l’Église est différent.       Monseigneur Lefebvre avait toujours coutume de dire que la spiritualité       de la Fraternité, c’est la Messe. De même, la spiritualité des Jésuites,       ce sont les Exercices (ignatiens), qui sont l’épée Excalibur       avec laquelle Saint Ignace a forgé la Compagnie de Jésus. [9.]       Mais si l’on compare les deux, la Fraternité Saint Pie X qui utilise       les Exercices de saint Ignace, ne peut-on pas considérer qu’il y a une       coïncidence ? Non ;       nous utilisons les Exercices de Saint Ignace, nous utilisons également la       Summa Theologica de saint Thomas d’Aquin. Vous savez,       ce sont les deux instruments classiques de la formation catholique. Vous       ne pouvez pas trouver plus classique que la Somme théologique       pour l’esprit et les Exercices pour la volonté. La Fraternité utilise       les deux, néanmoins Monseigneur a dit que la spiritualité de la       Fraternité devait être la spiritualité de la Messe. La Messe est le       grand besoin de notre temps, car Vatican II a détruit la Messe – ou a       essayé de détruire la Messe. [QU’EST-CE       QUE LA FSSPX?] [10.]       Diriez-vous que la Fraternité est fondée comme un contrepoids au concile       Vatican II ? On       peut le dire ainsi, oui. [11.]       Est-ce que cela ne limiterait pas la Fraternité en la réduisant à n’être       dans le temps qu’un moment ? Et       bien, les méfaits de Vatican II vont durer longtemps, donc la Fraternité       a une chance que l’on ait besoin d’elle pendant bien longtemps. Mais       bien sûr, l’autre aspect du châtiment c’est que l’Église va se       remettre sur pied. Et là, peut-être avec de la chance, on n’aura plus       besoin de la Fraternité, et nous pourrions tous partir en retraite un       jour dans le futur. [12.]       Au cours de votre conférence, il semblait que vous vous plaigniez des       difficultés  provenant des laïcs. Ne conviendriez-vous pas plutôt       que les plus graves problèmes rencontrés tout au long de l’histoire de       l’Église ont trouvé leur origine au sein du clergé ? Ici       encore, oui et non. La seule solution aux problèmes du monde se trouve       dans un bon clergé, car la seule solution c’est Notre Seigneur Jésus-Christ,       puisque sans Notre Seigneur le péché est insoluble. Seul Notre Seigneur       peut racheter et laver notre péché. Mais, Jésus Christ choisit d’œuvrer       par Son Eglise, et l’Eglise – ce sont les prêtres, les prêtres font       fonctionner l’Eglise. Donc, tout bien vient de bons prêtres, mais symétriquement,       tout mal vient également du clergé. L’expression en latin est : omne       malum ab clero. On dit qu’en Enfer chaque âme montre du doigt une       autre âme et dit : « C’est de ta faute à toi ». Puis       cette deuxième âme montre du doigt une troisième, et ainsi de suite, et       à la fin de chaque chaîne on trouve un prêtre. C’est une pensée       terrifiante. Je crains qu’un certain nombre d’hérétiques aient été       des prêtres : Nestor, Eutychos, Arius était diacre, Luther… Le       vrai mal vient par le prêtre parce que le vrai bien vient par le prêtre.       Et quand le diable prend un prêtre qui travaille pour lui, il fait       beaucoup de dégâts. [13.]       Pour poursuivre, dans quelle mesure diriez-vous que vous adaptez votre       message selon les différents publics ? Par exemple, il y a deux jours       vous avez, au cours d’une conférence, fait part de votre opinion sur la       Constitution américaine. Cela provoquerait plutôt des réactions [aux États       Unis], même, disons, au Séminaire de Winona. Si       vous parlez de la Constitution, vous devez évidemment être prudent aux       États-Unis. Lorsque j’en parle aux États-Unis, j’ai toujours       l’habitude de dire – tout comme je pense l’avoir fait cette fois-ci       aussi – que tous les graves problèmes des États-Unis proviennent de       mon pays, de l’Angleterre. Si vous faites ce préambule, les Américains       peuvent un petit plus facilement « avaler » ce que vous dites.       Bien évidemment, il faut en partie s’adapter à chacun des publics ;       il y a des choses que vous pouvez dire en face de certains, et pas à       d’autres, néanmoins les choses basiques que vous dites doivent être       les mêmes. [ŒCUMÉNISME] [14.]       Concernant vos déclarations sur la pratique publique d’autres       religions, comment leur interdiction passerait-elle dans des sociétés       catholiques ? Cela       serait impopulaire. Tout simplement parce que les gens aujourd’hui sont       imbibés d’œcuménisme, ils sont imbibés de l’idée que la vérité       n’a pas d’importance. Toutes les religions qui vous font vous sentir       bien sont considérées comme bonnes, par conséquent bannir n’importe       quelle religion c’est injuste et déloyal, c’est « pas cool »,       ça va contre l’idée d’être « sympa », d’être       « humain ». Vous pouvez difficilement bannir aujourd’hui,       parce que ça ne passera pas. C’est un exemple, comme vous le disiez, de       s’adapter à son public. Donc vous ne pourriez par le dire       aujourd’hui, les gens sont trop malades. Quand vous êtes devant un       infirme très malade, il y a un traitement fort que vous aimeriez lui       donner, mais vous ne pouvez pas le lui donner parce qu’il est trop       malade. Certaines personnes sont trop malades pour pouvoir subir l’opération       dont elles ont besoin, l’opération les tuerait. Il faut faire quelque       chose que les personnes peuvent recevoir, de nos jours on ne peut dire à       la plupart des âmes que les vérités qu’elles peuvent « avaler ». [15.]       Donc, vu le contexte pratique d’aujourd’hui, c’est plus une position       que nous prenez qu’une recommandation que vous faites d’application       immédiate ? C’est       une position de principe. C’est un principe clair, qui doit être employé       avec prudence. L’application de ce principe requiert de la prudence. [RÉGULARISATION       DE LA FSSPX] [16.]       Pour le futur, comment envisageriez-vous une régularisation de la FSSPX       si jamais cela devait arriver ? Et       bien, Monseigneur disait, et il a tout à fait raison : « Une fois       que Rome revient à la raison, il n’y a plus de problèmes ». Les       Romains sont déjà en train de faire des documents, on voit déjà se       profiler la manière dont ils procéderaient. Ca sera de la paperasserie,       de la paperasserie. [LES       RÉDEMPTORISTES TRANSALPINS] [17.]       Pour finir, pourriez-vous commenter les derniers évènements concernant       les Rédemptoristes à Papa Stronsay ? Les       choses ne semblent pas très bonnes, on dirait qu’il vont conclure un       accord avec la Rome moderniste. Donc, à mon avis, ce n’est pas une très       bonne idée, car ils seront contraints, plus ou moins, d’abandonner la défense       de la Foi. Plus ou moins. [18.]       Comment le changement que vous prédisez se manifesterait-il ? Ils       ne pourront plus critiquer librement Vatican II, et ils seront soumis à       des pressions pour célébrer la Messe moderne, ou du moins pour assister       à la Messe moderne avec l’évêque local un jour ou l’autre. La       Nouvelle Église peut difficilement insister sur moins que ça, c’est       sur ce point qu’elle doit insister. [19.]       Considéreriez-vous même, si les Rédemptoristes régularisaient leur       situation, ce fait comme un trahison ? Trahison       est un mot très fort. Je distingue le point de vue subjectif du point de       vue objectif. Objectivement, cet événement est plus grave que       subjectivement. Subjectivement, j’oserais dire que les Rédemptoristes       pensent bien, ils ont de bonnes intentions, et ils sont sincères. Mais       objectivement, je pense qu’ils sont en train d’abandonner la vraie       cause de la Foi, oui, ils sont essentiellement en train d’abandonner la       véritable défense de la Foi, je dirais. [20.]       Doit-on prendre ceci comme votre opinion personnelle ou comme la position       de la Fraternité ? Je       pense qu’un certain nombre de personnes au sein de la Fraternité       partagerait cette opinion, oui, qu’ils sont objectivement en train       d’abandonner la véritable défense de la Foi. Un certain nombre de       personnes au sein de la Fraternité prendrait cette position, et je pense       qu’un certain nombre dirait aussi que, néanmoins, ils pensent bien, ils       sont sincères, ils ont une bonne intention, ils veulent défendre la Foi,       pas abandonner la défense de la Foi. Mais Monseigneur était très sévère       envers les personnes qui abandonnaient la Tradition à l’époque, il y a       des années, il était très sévère. [21.]       Dire que les Rédemptoristes à Papa Stronsay sont en train d’abandonner       la Tradition pourrait être perçu comme un jugement aussi fort que       l’appeler une trahison ? Je       n’ai pas dit qu’ils sont en train d’abandonner la Tradition, j’ai       dit qu’ils sont en train d’abandonner la véritable défense de la       Tradition, ce qui est sensiblement différent. Ils continueront à défendre       la Tradition dans un certain sens, mais ils sont en train d’abandonner       la défense complète et véritable de la Tradition. [22.]       Avez-vous lu quelque chose sur la manière dont les Rédemptoriste       raisonnent et considèrent leur situation ? Non.       Je ne suis pas au courant de ces choses. [23.]       Mais certainement des personnes du commandement central sont chargées de       s’occuper précisément de ces choses ? Bien       sûr. Je ne suis pas au commandement central, je ne suis pas à la Maison       générale. Je suis en Amérique Latine, donc que je peux profiter du       soleil et oublier de nombreux problèmes.      | 
