| Restez avec nous, Seigneur, car il se fait tard... | 
| 26 juin 2008 - abbé Philippe Laguérie - blog.institutdubonpasteur.org | 
| Bien chers amis, Je ne réponds aujourd’hui à aucune question : je       viens vous demander des prières pour mes amis, mes frères, de la       Fraternité saint Pie X. A la veille de « l’ultimatum »       romain, que nous voyions venir depuis des années, l’abbé Héry,       l’abbé de Tanoüarn, l’abbé Aulagnier, quelques autres et moi, nous       sommes saisis d’une profonde tristesse, quasi mortelle. Sauf miracle,       que seules des montagnes de prières pourraient arracher du ciel, nous       connaissons suffisamment nos anciens confrères et toujours amis pour       savoir que leur décision collective des jours prochains devrait renvoyer       la proposition romaine aux calendes grecques. Hélas ! Quel gâchis incommensurable pour l’Eglise ! Tout       dans leur attitude depuis des années (et bien avant nos difficultés avec       eux) démontre un système de pensée et de relations avec les autorités       qui induit la conclusion vers laquelle on s’achemine aujourd’hui,       d’un rejet pratique de toute autorité dans l’Eglise. Je ne songe pas       seulement à la conférence scandaleuse de Monseigneur Tissier que j’ai,       seul, stigmatisé comme il se doit sur ce blog ; je pense aux       contradictions revendiquées de Monseigneur Fellay qui oscille depuis des       années entre deux positions contradictoires : accords doctrinaux       d’abord et solution pratique plus tard (et donc jamais) ou accords       pratiques possibles et plusieurs générations pour expurger les       contentieux doctrinaux. Ses demandes de discussions doctrinales et, quand       on les lui propose, son refus de s’y rendre. Ses fiertés jaunes de ne       pas seulement répondre aux courriers de leurs Eminences romaines. Les       pamphlets, insignifiants par eux-mêmes mais insultants quand même, de       jeunes abbés de 25 ans qui salissent Rome et son évêque sans jamais       aucune mise au point ni réprobation de leurs supérieurs… Monseigneur Lefebvre n’en usait absolument pas de cette       sorte. Son respect de l’Autorité romaine était légendaire au point       que le seul reproche sérieux qu’on pût jamais lui faire fut d’ordre       canonique : sacres sans mandat pontifical. Ses attaques étaient       virulentes, certes, mais toujours exclusivement doctrinales : nous ne       comprenons pas, nous ne pouvons pas accepter ; c’est contraire au       catéchisme, au magistère de l’Eglise, à l’enseignement de mes maîtres…Tout       sauf un juge de Rome ; face à la crise, un simple chrétien d’une       rare humilité qui fait savoir, comme les autres, qu’il ne comprend       plus. C’est les larmes aux yeux qu’il parlait de Rome et la voix       troublée qu’il évoquait les papes Paul VI et Jean-Paul II. L’a-t-on       jamais entendu, ne serait-ce qu’une seule fois, appeler l’un Montini       et l’autre Wojtila ? Avez-vous oublié qu’il chassa de la FSSPX       tous ceux qui refusaient de reconnaître ces papes et de les nommer au       canon ? Je suis témoin personnel que, jeune sous-diacre en 1978, au       moment même où Mgr commence à se poser sérieusement la question des       sacres, interrogé sur le personnage de Paul VI et ses équivocités, il       se contente de souffler profondément et de lever les yeux vers le       ciel…On songe évidemment au roi David qui refusa toujours de porter les       mains, et même son jugement, sur l’oint du Seigneur (sur ce seul motif)       et fit périr systématiquement tous ceux qui s’y risquèrent. Les cinq conditions romaines à un accord possible entre       Rome et Ecône sont stupéfiantes, ahurissantes : elles concernent       toutes, non pas la position d’un évêque dans l’Eglise, mais celle       d’un simple chrétien ! Doit-on encore avoir du respect pour le       Pontife Romain ? Faut-il respecter sa personne ? Peut-on se prévaloir       d’un Magistère qui surpasse le sien ? Il est absolument certain       que le jour où la conférence de Monseigneur Tissier est arrivée sur le       bureau du pape, ce qui se passe aujourd’hui était inéluctable et       l’on peut simplement remercier Dieu que le « doux Christ en terre »,       comme l’appelait sainte Catherine de Sienne (qui ne le ménageait guère,       pourtant !) ait supporté si longtemps ces injures, bien plus       infamantes cependant pour leur auteur que pour leur destinataire… Il est donc patent que, non seulement il faut les       accepter, mais qu’il serait indécent, déshonorant de les refuser. On       peut quand même attendre d’un évêque qu’il soit simplement chrétien.       Ils vont donc les accepter ? Et c’est là que le comble se produit.       En les refusant sur des critères doctrinaux qui jugent d’un Pontife       Romain qui partout ramène la doctrine catholique, ils vont simplement       oublier le principal et le seul nécessaire à un accord pratique qu’on       leurs offre sur un plateau. Pratique pour pratique, il faut être       pratique. La question n’est évidemment pas Rome et le juste respect       qu’elle exige à bon droit ; quoi de plus normal ? La question       est de savoir comment ces nombreux prêtres seront reçus sur le terrain.       Leurs donnera-t-on des paroisses ? Seront-ils considérés comme des       prêtres au rabais, des sous-prêtres ? Rome les soutiendra-t-Elle       concrètement, pratiquement, sur le terrain ? Peut-on espérer une       paroisse personnelle de forme extraordinaire dans toutes les grandes       villes du monde, comme le souhaite le Cardinal Castrillon-Hoyos pour l’Angleterre ?       Va-t-on exiger demain qu’ils célèbrent ou concélèbrent la forme       ordinaire pour prouver une communion qu’on prétend aujourd’hui leurs       rendre pleinement ? Va-t-on simplement régulariser toutes leurs       maisons d’aujourd’hui sans aucune garantie de pouvoir en ouvrir une       seule demain ? En un mot comme en mille, va-t-on vraiment les laisser       faire une expérience loyale de la Tradition, avec les moyens assortis,       telle que l’a rêvée, sans l’obtenir, Monseigneur Lefebvre ?       Rome peut-Elle leurs promettre sérieusement cela ? Et qui le       pourrait en dehors d’Elle ? Voilà bien les vraies questions, les seules vraies à mon       sens. Et chacun sait que c’est sur ce seul motif concret (évêques en       plus que vous avez et que Mgr Lefebvre n’avait pas) que ce dernier a dénoncé       les accords du 5 mai 1988, pourtant signés de lui. N’oubliez pas       qu’un des rares évêques à nous avoir excusés, soutenus j’allais       dire, en 1988 fut le Cardinal Ratzinger, depuis Santiago du Chili. Il vous       a fallu presque un an pour que vous le remerciiez, bien timidement, de son       Motu Proprio. Chacune de ses mises au point doctrinales vous a laissés       indifférents ou critiques. Savez-vous de quoi demain sera fait ? Oui, il y a       encore des erreurs répandues un peu partout. Oui, la crise de l’Eglise       n’est pas finie. Mais sommes-nous sûrs de ne pas ressentir encore les       effets du jansénisme ? Et ceux du modernisme, alors ? Attendre       que l’Eglise ne soit plus agitée par rien, c’est attendre la Jérusalem       céleste au mépris de l’actuelle, qui rame et qui souffre jusqu’à la       fin du monde. Je n’ai aucun conseil à donner à quiconque, surtout       pas à mes confrères d’hier et amis d’aujourd’hui, toujours. Ils ne       les recevraient pas et je les comprends aisément. Qu’il me suffise donc       de vous dire que je prie et fais prier pour vous. Dans vos rangs, je ne le       cédais à personne en détermination et pugnacité ! Mais le temps a       passé, les données sont nouvelles et l’heure historique. Nous serions       tous atterrés d’une division dans vos rangs ou, pire encore, d’un entêtement       unanime et funeste qui réduirait notre chère Fraternité au niveau de       quelque Montanisme désespéré ou de quelque petite église sans       lendemain. Je garde confiance que le grand évêque qui m’a ordonné et       qui vous a fondé ne le permettra pas, dans son amour pour Rome et le       sacerdoce romain. P.S. On se reportera avec fruit au texte magnifique de       l’abbé de Tanoüarn sur son Meta-Blog. | 
