23 février 1994

[Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°46)] "Afin de vous donner un aperçu du développement de l’apostolat..."

SOURCE - Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général - FSSPX - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs (n°46) - 23 février 1994

Chers amis et bienfaiteurs,

Personne ne sait combien de temps nous pourrons travailler dans les pays de l’Europe de l’Est. D’une part, en effet, les anciens fonctionnaires sont toujours au pouvoir, même si c’est sous un nouveau drapeau ! D’autre part, le communisme célèbre son retour officiel par le moyen d’élections libres comme en Lituanie et en Pologne. Cependant, tant que les portes nous sont ouvertes et que les âmes nous appellent au secours, nous ne pouvons pas fermer notre cœur. La parole du Seigneur : « Je dois accomplir les œuvres de Celui qui m’a envoyé tant qu’il fait jour, parce qu’il y aura la nuit où personne ne peut plus œuvrer » (Jn.9, 4) ne vaut-elle pas justement pour cette situation ? Et c’est ainsi que, fin octobre 1993, nous avons organisé ce grand convoi de secours en faveur des catholiques nécessiteux du nord de l’Albanie qui sera, si Dieu le veut, le premier pas d’un travail apostolique parmi ces hommes trahis de tous côtés.

Afin de vous donner un aperçu du développement de l’apostolat dans les autres pays de la même région, voici quelques témoignages pris sur le vif. Et d’abord un extrait de la lettre d’un de nos Frères qui a accompagné les abbés Mura et Esposito durant les vacances de Noël dans leur voyage en Biélorussie.
6 janvier 1994 
Monsieur le Supérieur général. 
Permettez-moi de vous faire part de quelques pensées et impressions concernant le dernier voyage en Biélorussie. 
Le voyage s’est passé de façon tout à fait normale et il n’y a rien de spécial à mentionner… La providence a fait de telle sorte que les gens nous sont restés fidèles… Les retraitants de Pâques nous ont presque tous rencontrés, et plusieurs pour des entretiens personnels. C’était très important et c’est le signe d’une grande sincérité et fidélité. En outre, le chœur de Mlle T. a chanté pour la première fois une messe en grégorien, « la première messe grégorienne en Biélorussie ». Et il n’est pas exagéré de dire : « mieux qu’au séminaire ! » II faut ajouter que c’est la messe de Pâques que la chorale a commencé à apprendre, mais cela a certainement plu à l’Enfant-Jésus. 
E., l’un des baptisés de Pâques, a fait baptiser ses deux enfants ; sa femme suivra lors du prochain voyage. Professeur de musique, pianiste et maintenant catholique convaincu, il veut se charger de l’organisation des Exercices de Saint-Ignace. Nous n’avons qu’à indiquer le lieu et les dates, il amènera les gens. Un tel zèle et un tel dévouement seraient souhaitables chez nous, à l’Ouest. 
Les gens évidemment ont besoin de pratique, de catéchisme, etc., mais nous sommes là et ils comptent sur nous …. La grâce et la providence de Dieu sont vraiment divines ! … L’abbé Esposito a été très impressionné ; il doit maintenant se mettre à étudier le russe énergiquement, car il est absolument nécessaire de pouvoir s’exprimer de manière concrète et correcte. Les fidèles l’aiment bien… 
Peut-être ai-je été parfois trop catégorique dans mes affirmations mais vous comprenez, Monsieur le Supérieur général, ce que j’ai voulu dire. 
Votre tout dévoué, Frère Y.
Comme deuxième témoignage, la lettre d’un de nos confrères :
Jaidhof (Vienne), le 10 janvier 1994 
Monsieur le Supérieur général, 
Laudetur Jesus Christus ! 
Ces quelques lignes pour vous informer du séjour d’un groupe de fidèles de Z. qui est passé par Jaidhof les 7, 8 et 9 janvier. Le groupe était composé de M. N. qui est le chef du “prieuré de St Josaphat” de Z., d’un professeur d’Histoire de l’Eglise à l’université de Z., d’une étudiante en grec, d’un vice-recteur de collège et de son épouse, musicienne. Ils m’ont bien expliqué la situation religieuse dans leur pays. Elle est vraiment déplorable, non seulement parce qu’il n’y a presque pas de prêtres, mais surtout parce que la formation religieuse des prêtres elle-même est mauvaise et déficiente. Actuellement, leur pays est la proie des protestants et des orthodoxes, et le peu de clergé n’a évidemment pas le niveau pour affronter cette nouvelle vague d’hérésie après le communisme. 
Pour remédier à la crise du clergé, ils voudraient que nous coopérions avec eux dans la formation d’un séminaire pour de jeunes lévites (ils ont déjà près de dix vocations), qui pourrait être placé dans une belle propriété près de N. En fait, ils veulent que nous assurions ou la formation religieuse, ou même l’enseignement théologique ou philosophique de ces jeunes, qui ne trouvent pas de bons professeurs ni de bons séminaires. Ils ont aussi le soutien d’un évêque et de quelques prêtres. Ils n’ont demandé aucune sorte d’aide matérielle, ce qui est remarquable pour des gens de l’Est… 
J’ai invité le professeur d’université à venir nous visiter à Zaitzkofen ou à Ecône, pour lui faire connaître le fonctionnement de nos séminaires. Ils m’ont invité pour les prochains jours à Z. pour parler de la Fraternité aux étudiants et pour prendre plus de contacts.
Et voici un troisième témoignage, une lettre en provenance de l’un des Pays Baltes :
Jeudi, 20 janvier 1994 
Cher Monsieur l’abbé Schmidberger, 
Permettez-moi de me présenter moi-même. Mon nom est (…). J’écris cette lettre au nom d’un petit groupe de jeunes gens âgés pour la plupart entre 21 et 26 ans qui sont intéressés pour préserver la tradition catholique. Nous avons entendu beaucoup parler de vos activités et des activités du glorieux archevêque Marcel Lefebvre. La Fraternité Saint-Pie X accomplit un travail très important et nous aimerions y participer dans l’avenir. Je comprends tout à fait que vous soyez très occupé, M. l’abbé, vous devez l’être. Ici les fruits de Vatican II sont juste en train de devenir évidents : des tables au lieu d’autels, la sainte communion est donnée aux gens debout au lieu de l’être à genoux, etc. En général, les adeptes du modernisme sont moins forts ici qu’à l’Ouest, naturellement. Tout bien considéré, nous pensons qu’il n’est pas trop tôt pour chercher la possibilité d’avoir ici la messe de toujours, au début peut-être une fois par an. D’autre part, je dois admettre que fort peu nombreux sont ceux qui sont intéressés par la tradition pour l’instant (entre dix et quinze personnes), mais “le Christ a commencé avec douze ; aussi n’avons nous pas à avoir honte d’être si peu”, comme disait Mgr Lefebvre. J’espère donc que ce ne sera pas un obstacle. Pouvons-nous donc espérer la visite d’un prêtre de la tradition cette année à X. ? Si oui, que pouvons-nous faire pour rendre cette visite possible ? Je serais très reconnaissant de votre réponse. 
Que Dieu vous bénisse, M. l’abbé, et votre mission. Votre (…). 
Chers amis,

Le Chapitre général qui doit avoir lieu du 11 au 13 juillet à Ecône auprès du tombeau de Mgr Lefebvre, pour l’élection du Supérieur général et de ses deux Assistants, sera de la plus grande importance pour notre Fraternité et même pour toute la famille de la tradition. A la longue, nous devons réussir à remettre en vigueur à Rome et dans les évêchés la saine doctrine, le vrai saint Sacrifice de la messe et la juste attitude catholique envers le monde et ses erreurs. Les funestes congrès religieux qui mènent fatalement le clergé et le peuple fidèle à l’indifférence religieuse doivent trouver une fin. Au lieu de cela, il faut que les adeptes des fausses religions entendent un appel à la conversion et au baptême, que les hérétiques et les schismatiques reçoivent la monition d’avoir à rentrer dans le giron de la sainte Eglise.

La reconstruction commence avec des familles nombreuses, catholiques, saines qui se rassemblent autour des autels, qui vivent de la grâce du saint Sacrifice de la messe, qui transforment leur foyer en un petit sanctuaire où l’on adore Notre-Seigneur et où l’on invoque quotidiennement Sa très sainte Mère par le Rosaire ; d’où est banni tout ce qui est contraire à la vertu chrétienne, particulièrement cette source empoisonnée qu’est la télévision, et où à sa place règnent la charité, la joie, la paix, fruits du Saint-Esprit. C’est dans un tel milieu que croissent les personnalités chrétiennes viriles, que se développent des âmes ardentes et apostoliques ; plus d’affection maternelle à l’intérieur, plus de virilité masculine à l’extérieur : voilà ce dont on a besoin ! Il nous faut des pères et des mères catholiques, des hommes et des femmes catholiques.

Que ces pères de famille cherchent ensuite à remplir des fonctions dans la politique de la cité afin d’obtenir de Notre-Seigneur son retour sur son trône royal dans la vie publique après qu’il y sera revenu dans la famille.

Joignez-vous donc à notre neuvaine de prières du 2 au 10 juillet. Nous invitons aussi les fidèles de nos prieurés et chapelles à une journée de jeûne et d’abstinence dans la même intention le 9 juillet ; et que les malades offrent leurs souffrances et leurs douleurs, les mourants leur vie en union avec la Victime eucharistique pour la sauvegarde et la propagation de la foi, pour la fin de la destruction du lieu saint, pour la sanctification des prêtres qui, dans ce monde sans Dieu, plein d’immoralité et d’infidélité, sont exposés quotidiennement à mille dangers et aux pires tentations. « Nul n’a un amour plus grand que celui qui donne sa vie pour ses amis » dit le divin Maître (Jn 15, 13).

De notre côté, nous n’avons qu’un seul désir : que ce Chapitre général soit, dans sa préparation, dans son déroulement, dans ses décisions et leur application, un acte de la profonde adoration de Dieu Trinité, une glorification de Jésus-Christ, Souverain prêtre et Victime, Roi d’amour sur toute la société humaine ; qu’il soit à l’honneur de la très sainte Mère de Dieu, médiatrice de toutes les grâces, à la gloire de la sainte Eglise catholique et romaine une grande bénédiction pour les âmes.

Menzingen, le 23 février 1994, mercredi des Quatre-Temps de Carême.

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur général