20 novembre 1999

[Bill Basile - CTNGREG] Éclaircissements fournis par Mgr Perl

SOURCE - Texte paru en anglais sur le forum ctngreg - 20 novembre 1999

[Cette communication a été lue par Mgr Camille Perl, de la Commission Ecclesia Dei, lors de la réunion d'Una Voce International qui a eu lieu à Rome la semaine dernière [13/19 novembre 1999]. Mgr Perl lut ce message puis refusa de répondre à aucune question ou d'accepter aucun commentaire de la part des délégués d'Una Voce. Il quitta brusquement la réunion après s'être attiré la demande "d'éclaircir ses éclaircissements". Mgr Perl parle d' "information discutable" diffusée sur Internet. Le présent document est authentique et provient d'une feuille distribuée lors de la réunion. (...) Les délégués d'Una Voce ont été unanimes dans leur réponse à cette communication. -- Bill Basile]
Éclaircissements
La Commission Pontificale Ecclesia Dei a été récemment l'objet d'attaques provenant de certains cercles traditionalistes; attaques dues pour une part à l'ignorance des faits et, d'autre part, à des informations discutables diffusées sans autorisation sur Internet. Afin de rétablir la vérité, la Commission juge opportun de publier les présents éclaircissements.

1. La Commission Pontificale a été instituée en 1988 par le Saint-Père avec la "mission de collaborer avec les évêques, les dicastères de la Curie romaine et les milieux intéressés, dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes, etc... qui désirent rester unis au successeur de Pierre dans l'Eglise catholique en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques" (Motu Proprio "Ecclesia Dei", n° 6 a). Pour accomplir cette mission, la Commission doit collaborer avec les évêques, sans qui cette union ecclésiale est impensable. Il n'est donc pas question de critiquer la commission pour cette collaboration.

2. La Fraternité Sacerdotale Saint Pierre a été érigée en 1988 par la Commission Pontificale avec des pouvoirs spéciaux donnés par le Souverain Pontife. La Commission n'a jamais eu l'intention de modifier ses statuts. Malheureusement, certains désaccords internes se sont produits ces derniers mois au sein de cette famille religieuse.
Des documents relatifs à ces questions, qui auraient du rester protégés par une stricte confidentialité, ont été publiés. La Commission ne peut que le regretter. Les responsables de cette publication ont causé un grand tort à la Fraternité Saint Pierre. On peut se demander, en outre, de quel droit des associations de laïques se sont engagées dans d'importantes actions de pression sur un sujet qui regarde de façon exclusive un institut religieux.

3. Plusieurs prêtres de la Fraternité Saint Pierre ont adressé une plainte à la Commission Pontificale. Les signataires faisaient usage de leur droit de faire appel au Saint Siège -- un droit que tout catholique fidèle possède. La Commission a le devoir de recevoir un tel recours et de proposer un moyen pour résoudre les problèmes : à cette fin, elle a pris certaines mesures conservatoires pour préparer une discussion sereine des problèmes par tous les membres de la Fraternité, tout en protégeant les signataires du recours contre de possibles mutations. Ceux qui soutiennent que ceci constitue un abus de pouvoir ne comprennent pas la vraie situation juridique: à savoir que la Commission exerce la pleine autorité du Saint Siège sur la Fraternité susmentionnée. Affirmer qu'il existe une intention de modifier l'orientation traditionnelle de la Fraternité n'est pas seulement absurde; c'est une offense grave contre la vérité et contre les membres de la Commission Pontificale.

4. Au coeur de cette crise est le problème de la concélébration des prêtres qui se sentent liés à certaines formes de la tradition liturgique latine lors d'une messe célébrée selon le rite actuellement en vigueur. Cette possibilité a été demandée, et à l'occasion appliquée par certains prêtres lors de messes avec l'évêque diocésain; mais elle a été refusée de façon catégorique par la majorité. La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, après avoir consulté le Conseil Pontifical pour l'Interprétation des Textes de Loi, et demandé l'avis de la Commission Pontificale "Ecclesia Dei", a publié des "Réponses officielles" dans les Notitiæ, et a expliqué ses raisons aux supérieurs des instituts concernés. Ces réponses formulent une affirmation au plan juridique : ceux qui ont le privilège de célébrer selon les livres liturgiques en usage avant la réforme de Paul VI ne perdent pas pour cette raison le droit de célébrer selon le Missel de Paul VI - un droit qui appartient à tout prêtre du rite romain. Il n'est dit nulle part que ces prêtres sont obligés de le faire; mais qu'ils en ont le droit, et qu'aucun supérieur ne peut les empêcher de faire ce à quoi la loi générale de l'Eglise les autorise. "Un droit exclusif" de célébrer selon les livres de 1962 n'existe pas et n'a jamais existé, et aucun texte officiel n'en fait mention. Les textes de la Congrégation pour le Culte Divin sont très clairs et ne laissent pas place au doute sur ce point. Il est donc manifestement faux de parler d'ôter à la Fraternité son droit exclusif, parce qu'un tel droit n'a jamais existé. D'autre part, il faut souligner qu'il n'existe aucune intention d'abroger les privilèges concédés aux prêtres et aux instituts attachés à la tradition liturgique latine.

5. La concélébration est une manifestation de la communion qui existe entre l'évêque et les prêtres munis d'une mission pastorale dans son diocèse. Ce signe de communion, réintroduit dans l'Eglise par le deuxième Concile du Vatican, joue aujourd'hui un rôle important en tant qu'expression de la communion entre les prêtres - même traditionalistes - et les évêques, dans les diocèses où ils exercent. On ne peut refuser ce signe liturgique sans donner l'impression de refuser la communion elle-même. C'est pourquoi la Commission Pontificale "Ecclesia Dei" exhorte ces prêtres à accepter la concélébration avec leur évêque puisque sa mission est justement de faciliter cette communion ecclésiale des prêtres et des fidèles tout en garantissant le respect de leurs traditions spirituelles et liturgiques.

17 novembre 1999

[Una Voce Internationale] "Una Voce demande respectueusement une adhésion aux normes du motu proprio 'Ecclesia Dei adflicta' sans changement..."

SOURCE - Una Voce International - novembre 1999

Résolution suivante votée à l'unanimité par les délégués d'Una Voce International lors de leur réunion de Rome du 13 au 17 novembre 1999.
A la suite de suggestions, issues de certains milieux, visant à ce que les célébrants de la Messe traditionnelle du rite romain défini dans l'édition typique de 1962 utilisent le missel de 1965 et ses multiples modifications, cette quatorzième Assemblée générale de la Fédération Internationale Una Voce demande respectueusement une adhésion aux normes du motu proprio "Ecclesia Dei adflicta" sans changement. L'introduction des changements que l'on trouve dans l'édition de 1965 constituerait un "mélange de textes et de rites" explicitement prohibé par "Quattuor abhinc annos" du 3 octobre 1984.

Nous, quatorzième Assemblée générale de la Fédération Internationale Una Voce, ayant fondé un grand espoir sur le motu proprio "Ecclesia Dei adflicta", et sur la fondation de la Fraternité Saint Pierre, dans l'objet de nous donner la messe et les sacrements conformément aux rites traditionnels et immémoriaux présents dans les livres liturgiques en usage en 1962, nous demandons respectueusement que cette sainte liturgie continue de nous être dispensée par la Fraternité Saint Pierre, érigée sous l'égide de la Commission Pontificale Ecclesia Dei. Dans cette pensée, nous réaffirmons notre confiance complète et entière en M. l'abbé Joseph Bisig, qui a rendu, et continuera de rendre dans l'avenir, un service inestimable à l'Eglise et aux fidèles attachés au rite traditionnel, service qui découle de sa fidélité totale au décret d'érection et aux constitutions de la Fraternité Saint Pierre.

18 octobre 1999

[Cardinal Medina Estevez - Congrégation du Culte Divin] Réponse générale aux lettres reçues qui concernent les Réponses Officielles de la Congrégation du Culte Divin du 3 juillet 1999, Prot. 1411/99

Cardinal Medina Estevez - 18 octobre 1999

CONCREGATIO DE CULTU DIVINO ET DISCIPLINA SACRAMENTORUM
Rome 18 Octobre 1999
Prot. n., 1411.99 Réponse générale aux lettres reçues qui concernent les Réponses Officielles de la Congrégation du Culte Divin du 3 juillet 1999, Prot. 1411/99
1-Le Missel Romain approuvé et promulgué par l'autorité du pape Paul VI, par la Constitution Apostolique Missale Romanum du 3 avril 1969, est l'unique forme en vigueur de la célébration du Saint Sacrifice selon le Rite romain, en vertu du droit général liturgique.
Cela vaut de la même façon, toutes les réserves à faire étant faites, pour les autres livres liturgiques approuvés après le Concile Œcuménique Vatican II.

2. - L'usage de la forme qui a précédé la rénovation liturgique post-conciliaire du Rite romain (quelle soit appelée "traditionnelle", "antique", "de Saint. Pie V", "classique" ou "tridentine") a été accordé, en termes fixés dans le Motu proprio "Ecclesia Dei Adflicta", aux personnes et. aux communautés qui sont attachées à. cette forme du Rite romain. Cette faculté est accordée par un Indult spécial, ce qui ne signifie en rien cependant que les deux formes aient égale valeur.

3. - Celui qui jouit de l'indult accordé par le Motu proprio "Ecclesia Dei Adflicta" peut librement user de cette forme en privé ou en public dans les églises, et aux horaires, expressément désignés aux fidèles.

4. Comme le mode actuel de célébrer suivant le Rite romain constitue la norme liturgique commune, qu'on ne parle pas de "deux rites" ou de "bi-ritualisme". La concession faite, selon le Motu proprio "Ecclesta Dei Acffticta  protège la sensibilité liturgique des prêtres et des fidèles habitués au mode précédent, mais elle ne les constitue en aucun cas comme "Eglise rituelle".

5. Le Saint-Siège exhorte les évêques à se montrer grandement patients à l'égard des fidèles qui désirent participer à la sainte liturgie selon les livres liturgiques antérieure, et à considérer avec attention leur sensibilité. Pour leur part, que ces fidèles tiennent la doctrine de Vatican Il et reconnaissent également, sincèrement, la légitimité et la cohérence avec la foi catholique des textes promulgués après la rénovation liturgique.

6 - Dans les diocèses, selon la diversité des situations, la bienveillance dans l’accueil des fidèles qui sont attachés à la forme antérieure, est exprimée soit par l’assignation dans certaines églises d’heures propres à la célébration liturgique, soit par l’assignation de quelque église à la charge d’un recteur ou chapelain, soit même parfois par l’érection d’une paroisse personnelle.

7. - Lorsque les prêtres qui jouissent de cet indult d'user de la forme antérieure, célèbrent publiquement dans les églises ou pour les communautés qui suivent la forme actuellement en vigueur, ils doivent se servir des livres d'aujourd'hui, en respectant avec soin les prescriptions du Rite romain actuel.

8. - La compétence, c'est-à-dire l'autorité du Saint-Siège, sur les communautés qui jouissent de l'indult leur permettant de suivre la forme antérieure. du rite romain regarde la Commission "Ecclesia Dei Adflicta". Mais les relations de ces communautés avec les églises particulières, en ce qui touche les célébrations liturgiques, sont soumises (relèvent de) à la compétence de la Congrégation du Culte Divin et de la Discipline des Sacrements ; les autres Dicastères, en ce qui les concerne, ayant été entendus.

9. - Les réponses officielles (Riposte ufficiali) émanant de la Congrégation du Culte Divin, en date du 3 juillet 1999, ne dérogent en rien aux concessions faites par le Motu proprio "Ecclesia Dei Adflicta", mais déterminent avec plus de précision les droites relations des bénéficiaires du Motu Proprio avec les Eglises particulières, dans lesquelles ils désirent eux-mêmes célébrer la Sainte Liturgie.

10. - Ces explications sont envoyées et deviennent de droit public après consultation et avec le consentement de la Commission Pontificale "Ecclesia Dei Adflicta".

Du Vatican, le 18 octobre 1999
(Georges Card. Medina Estévez), Préfet

(François-Pie Tamburrino), Archiepiscopus a Secretis

15 octobre 1999

[Abbé Ettelt, fsspx (Pologne)] "Octobre est consacré d’une manière particulière à la prière du Rosaire..."

Abbé Ettelt, fsspx (Pologne) - Lettre circulaire N°6 aux participants à la croisade du Rosaire - version originale en polonais - Octobre 1999

Chers croisés de la Notre Dame du Rosaire,

Octobre est consacré d’une manière particulière à la prière du Rosaire. Renouvelons, durant ce mois, notre ardeur à le réciter ! Si quelqu’un l’a négligé souvent, qu’il le dise chaque jour ; si quelqu’un a prié sans piété, qu’il essaye maintenant de trouver une nouvelle ferveur. La Mère de Dieu, à l’occasion de chacune de ses apparitions à Fatima, a parlé aux enfants-visionnaires de la nécessite de dire chaque jour le rosaire. Le Père Maximilien Kolbe, incitait sans cesse à se réfugier sous la protection de l’Immaculée. La Divine Mère a montré de divers manières la puissance de sa défense et de ses soins, et combien fructifie la confiance placée en Elle ; Elle a également obtenu de nombreux miracles par son intercession pour ceux qui avaient mis en Elle leur confiance.

Un événement qui a eu lieu durant l’attaque nucléaire américaine sur Hiroshima, le 6 août 1945, montre combien la protection de la Vierge Marie peut être puissante. Et cet événement est connu de toute la Terre. Un Jésuite allemand, le Père Hubert Schiffer, et 3 de ses confrères, habitaient à 8 maisons de distance de l’endroit au-dessus duquel a explosé la bombe atomique. Malgré cela, tous quatre échappèrent à la mort qu’auraient du leur apporter cette terrible explosion, et les radiations mortelles. L’onde de choc les a certes blessés, et ce n’est qu’au bout d’une journée qu’une équipe de secours les a évacués du presbytère, qui, de manière inexpliquée, resta intact, bien que tous les gens, dans un rayon de un mile autour de l’épicentre, étaient morts sur place. De même, après, les 4 Jésuites restèrent en bonne santé, alors que les autres personnes, qui se trouvaient à une distance plus grande, mouraient du fait des radiations. Le père Hubert Schiffer avait alors 30 ans ; durant les 30 années qui ont suivi, à peu près 200 médecins et scientifiques l’ont examiné, ainsi que les 4 autres Jésuites, pour découvrir par quel moyen ils avaient survécu. Lorsque que le Père Schiffer passa à la télévision américaine, il donna l’explication suivante à la présentatrice très surprise : " Dans cette maison, on disait quotidiennement le Rosaire, et on vivait selon les instructions de la Divine Mère de Fatima. "

La Sainte Vierge souhaite que nous disions bien notre Rosaire. Le Christ déjà nous enseigne de ne pas gaspiller de mots, en priant, comme les païens. Tous les médicaments (et le Rosaire est dans un certain sens un médicament), agit de manière optimale quand on le prend régulièrement, et de la manière qu’il faut. Régulièrement, cela veut dire quotidiennement ; quel est cependant la meilleure manière ? Des Papes et beaucoup de pieux Prêtres nous ont enseigné que la méditation est la meilleure manière de dire le Rosaire. Beaucoup dépend de si nous nous habituons à ce moyen de prière. Qu’est-ce qui peut nous y aider ?

D’abord, il faut tout faire pour connaître les Mystères du Rosaire : comment en effet peut-on méditer quelque chose qu’on ne connaît pas ? Il serait donc bien de lire, de temps en temps, des livres religieux, car cela ravive la ferveur. Une lecture pieuse permet d’accueillir ce dont l’Homme veut être comblé. Les gens passent de nos jours trop de temps devant le téléviseur, et toutes leurs pensées et leurs sensations sont définies automatiquement par les choses qu’ils reçoivent ainsi. On dit à raison que " le Rosaire est la télévision du bon Catholique " : Disons donc notre Rosaire, lisons et pensons à ses Mystères. Cela formera notre esprit et notre foi, et cela aura pour effet que nous dirons pieusement notre Rosaire.

Deuxièmement : Consentir volontiers un sacrifice d’ascèse pour la Mère Divine. Celui qui n’économise pas sa peine, pour participer aux adorations de toute une nuit (de telles adorations sont organisées par exemple dans nos prieurés), celui-là reçoit beaucoup de grâces. La Vierge Marie récompense chaque effort fait en son honneur ; au contraire, chaque action contre Elle trouve sa punition.

Troisièmement, commençons la prière du Rosaire par un regard, ne serait-ce qu’en esprit, vers la Divine Mère et Son Fils. Un moment de concentration au début est indispensable, car il décide de toute la prière : Celui qui ne se concentre pas au début sera distrait tout le temps, mais celui qui consciemment concentre son attention en regardant vers Jésus ou vers Sa Mère, celui-là sera plein d’ardeur durant tout le temps du Rosaire. Les petites distractions ne diminuent pas alors la valeur de la prière.

Que la Mère Divine vous bénisse tout spécialement en ce mois.

8 octobre 1999

[ART] Allocution de M. l'abbé Josef Bisig, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, au Synode Européen des Evêques

ART -  Abbé Bisig - 8 octobre 1999

Mis en ligne par Avenir du Rit Tridentin (Versailles)
Intervention de M. l’abbé Bisig au Synode Européen des Evêques
Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Evêques

REMARQUES

* Cette grande réunion des évêques européens a lieu à Rome du 1er au 23 octobre 1999. Le thème de ce synode est : "Jésus-Christ, vivant dans son Eglise, source d'espérance pour l'Europe". Il s'agit notamment de réfléchir à la situation de la Foi en Europe et aux instruments de la nouvelle évangélisation. L'abbé Bisig participe en tant qu'auditeur, comme le lui a demandé le nonce apostolique en Allemagne. Il assiste donc aux débats et participe aux travaux d'une commission.

* L'abbé Bisig a prononcé son allocution en présence du Pape et de 153 Pères synodaux. Il a parlé en français durant quatre minutes, et a été applaudi comme les autres intervenants. Malgré l'opposition des évêques allemands (qui ont été jusqu'à dire que l'abbé Bisig allait attaquer le pape !), le Saint-Père a tenu à ce que l'abbé Bisig s'exprime et représente ainsi les fidèles traditionalistes. Il a aussi bénéficié de la bienveillance du Cardinal Schotte, Secrétaire général du Synode des Evêques.

* Dans son intervention, qui a un caractère volontairement positif et consensuel, l'abbé Bisig fait mention du n°69 du " document de travail " (Instrumentum laboris) remis aux Pères synodaux avant le début de l'Assemblée. Ce passage parle effectivement des traditionalistes en termes caricaturaux et peu flatteurs, laissant penser que leur attitude est inspirée par la nostalgie et une conception rubriciste de la liturgie.

abbé Alban Cras

Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Evêques - 8 octobre 1999 - 12e congrégation générale - Allocution de M. l'abbé Josef BISIG, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre
Tout d'abord je tiens à remercier très vivement Sa Sainteté pour Sa bienveillance envers les catholiques attachés à la tradition liturgique et spirituelle latine. Je suis très honoré et heureux de pouvoir représenter ces nombreux catholiques, prêtres et laïcs, dans ce Synode des évêques. Permettez-moi également d'exprimer ma gratitude vis à vis des évêques qui nous ont ouvert leur bras en nous acceptant dans leurs diocèses.

Voici une brève présentation de notre Fraternité sacerdotale Saint Pierre, dont je suis le supérieur: Elle a été érigée en 1988 par la Commission pontificale Ecclesia Dei. Nous comptons aujourd'hui 105 prêtres et nous avons dans nos deux séminaires internationaux 140 séminaristes, dont 29 nouveaux cette année. Nous sommes en train de construire deux nouvelles maisons pour ces lieux de formation, l'une en Allemagne et l'autre aux Etats-Unis. A notre grande joie, c'est le Saint Père Lui-même qui a bénit, ici à Rome, les Premières pierres pour ces nouveaux Séminaires.

Nous sommes donc au service des fidèles qui sont attachés à la tradition liturgique latine, leur nombre dans les pays de l'Europe est assez grand et croit toujours; une partie importante reste malheureusement attachée à la Fraternité Saint Pie X qui n'est toujours pas retournée dans la communion avec le Successeur de Pierre. Ce Synode est placé sous le signe de l'espérance: laissez-moi exprimer devant vous mon espoir de voir aussi ces frères - dans la Foi rentrer dans l'union de l'Eglise catholique. Notre Fraternité travaille et s'efforce - en coopération étroite avec les évêques - de réaliser ce but. Mais elle participe également volontiers avec son charisme propre à cette grande tâche qui est la nouvelle évangélisation. Elle se met au service de la transmission de la foi par l'enseignement catéchétique dont l'importance a été soulignée par le Saint Père lors de la promulgation du catéchisme de l'Eglise catholique. Beaucoup de jeunes ont une grande soif de connaissance; et bien leur transmettre la doctrine de la foi, c'est leur donner l'espérance, c'est ouvrir les cours à la grâce, et les ancrer dans la Charité du Christ.

J'aimerai dire un mot au sujet de n° 69 de l'lnstrumentum laboris : Nous ne pouvons pas nous identifier avec cette image qui y est donnée des fidèles traditionalistes. Notre expérience est toute autre: ces fidèles sont aidés par les formes liturgiques traditionnelles dans leur spiritualité et se voient plus intimement unis aux mystères de la Croix et de la Résurrection, célébrés dans la Sainte Messe.

Nos prêtres qui s'efforcent de mettre au centre de leur vie sacerdotale le Saint Sacrifice de la Messe, exercent indéniablement un attrait considérable sur les jeunes qui aspirent à servir l'Eglise comme futurs prêtres.

En conclusion, il me semble que pour une pastorale d'espérance, nos églises d'Europe ne peuvent laisser de côté ce qui constitue aussi leur patrimoine spirituel; la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre a été fondée dans un acte d'espérance. Loin d'être nostalgie, son attachement à la tradition liturgique latine se veut porteur d'un service humble de continuité. Ainsi l'usage vivant de la liturgie latine aura pour effet de ne pas laisser la langue de l'Eglise se réduire à la forme littéraire des documents officiels, mais de permettre un "Cor unum" et une "anima una" des fidèles du Christ.

10 septembre 1999

[Angelo Cardinal Felici - Vatican] Précision de la Commission Ecclesia Dei

Angelo Cardinal Felici - Commission Ecclesia Dei - Vatican - 10 septembre 1999

PONTIFICIA COMMISSIO
" ECCLESIA DEI "
N.512/99
Le 10.IX.1999
Monsieur l'abbé,

La lettre de la Commission Pontificale "Ecclesia Dei" du 13 juillet dernier a suscité des réactions, qui sont un peu étonnantes. Il est possible qu'à la base de ces réactions il y ait le fait que quelques phrases de cette lettre ont été mal comprises ou interprétées.

Il semble donc indiqué de donner quelques clarifications :

1° Cette Commission Pontificale ne fait pas siennes les contestations contenues dans la lettre d'un groupe de prêtres de la Fraternité Saint-Pierre ; dans la lettre citée, la Commission en réfère simplement le contenu dans les trois premiers alinéas.

2° Le retrait de l'autorisation pour l'anticipation extraordinaire du Chapitre Général, prévu pour le mois d'août de cette année, ne concerne évidemment pas le Chapitre Général ordinaire prévu pour l'an 2000.

3° Le Supérieur Général est nullement privé de tous ses pouvoirs ; il a été seulement "prié de s'abstenir de faire des mutations" qui pourraient être interprétées comme punitions par ses confrères signataires du Recours. La lettre de la Commission dit clairement, que cette mesure ne vaut que "entre-temps", ce qui veut dire : durant le temps de préparation de l'assemblée générale des membres de la Fraternité, donc pour un laps de temps assez réduit.

4° La finalité de cette assemblée est double :

a. elle permettra aux membres de la Fraternité de discuter ensemble et en toute liberté les problèmes qui existent indéniablement au sein de la Fraternité et qui ont conduit à cette situation conflictuelle.

b. elle sera aussi l'occasion pour toute la Fraternité de prendre conscience des problèmes qu'elle pose elle-même aux autres membres de l'Église, comme pour beaucoup d'évêques, et de se situer mieux dans la réalité de l'Eglise. Des conférences sur des thèmes, qui nous semblent être à l'origine de la crise actuelle, pourront contribuer à clarifier les idées et à en tirer des conséquences pratiques.

Enfin, il semble urgent de constater ceci : il est absurde de soupçonner que cette Commission Pontificale puisse avoir l'intention d'imposer à la Fraternité Saint-Pierre la célébration de la liturgie romaine réformée par le Pape Paul VI. Les réactions venues de plusieurs pays démontrent que même des laïcs ont été informés dans ce sens non exact et tendancieux, - et ceci malgré que la lettre de la Commission invitait expressément à ne pas donner aucune publicité à toute cette affaire.

Dans l'espoir d'avoir contribué à une plus grande clarté,
Angelo Cardinal Felici

8 septembre 1999

[71 prêtres et diacres de la Fraternité Saint Pierre] Lettre Monsieur l'abbé Bisig

Soixante-et-onze prêtres et diacres de la FSSP - 8 septembre 1999

à Monsieur l'abbé Josef BISIG
Supérieur général de la Fraternité Saint-Pierre
Copies à : S. Em. le Cardinal Josef RATZINGER
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

S. Em. le Cardinal Jorge-Arturo MEDINA-ESTEVEZ
Préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements
S. Em. le Cardinal Angelo FELICI
Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei

Monsieur le Supérieur général,
 
Par cette lettre, les 71 prêtres signataires désirent vous faire part de leur surprise attristée à la lecture des graves accusations contenues dans la lettre envoyée le 13 juillet par la Commission "Ecclesia Dei" à vous, notre Supérieur général et dont vous nous avez donné connaissance, avec l’accord de Mgr Perl.
 
Son Eminence le Cardinal Felici pense que "la cause profonde des difficultés actuelles semble être un manque de confiance vis-à-vis de la hiérarchie de l'Église à tous les niveaux, tant le Saint-Siège que les évêques". Monsieur l'abbé une telle à affirmation nous blesse tous profondément dams la fidélité que nous avons toujours vécu vis-à-vis de l'Église et de sa hiérarchie. Depuis 1988, date où les sacres conférés par Mgr Lefebvre ont obligé nos membres fondateurs à rompre avec la Fraternité Saint-Pie X, nous n'avons eu de cesse que de construire notre Fraternité dans cette fidélité, heureux que le Saint-Père nous ait confié cette mission spécifique de l'usage des livres liturgiques de 1962.
 
Il nous semble, Monsieur l'abbé, que cette réaction de la Commission "Ecclesia Dei", suite à la démarche de quelques confrères français au début du mois de juillet, ne reflète pas l'état d'esprit exact de la plus grande partie des membres de la Fraternité. En effet, les quelques confrères qui se sont arrogés le devoir de porter ces dures critiques, quand elles ne sont pas mensongères, n'ont pas respecté, quant à eux, ce qu'exige la règle canonique comme ce que suggère la délicatesse fraternelle.
 
D'une part, ils vous ont mis devant le fait accompli, sans vous avoir jamais présenté d'abord leurs revendications précises. D'autre part, certains d'entre-eux n'ont pas hésité à poser des actes répétés de désobéissance. Il nous est dès lors difficile d'accepter avec sérénité des reproches visant à faîte croire que nous refusions systématiquement toute obéissance à l'Église et à sa hiérarchie.
 
Ces quelques prêtres, presque uniquement fiançais, ne représentent par ailleurs qu'une petite partie de la Fraternité Saint-Pierre (16 prêtres sur 100), De plus, aucun d'entre eux ne fait partie dcs prêtres fondateurs de la Fraternité. C'est pourquoi nous agissons à notre tour auprès de vous, notre Supérieur général, car nous ne pouvons accepter la suspicion jetée ainsi sur vous-mênes et sur l'autorité interne de la Fraternité.
 
Par ailleurs, il est de notre devoir de soulever le problème extrêmement grave qui ne manquera pas de se poser si la Fraternité Saint-Pierre devait demeurer dans la situation actuelle.
 
Le texte signé en juillet 1988 par les fondateurs de la Fraternité Saint-Pierre a eu pour base le Protocole d'accord du 5 mai que Mgr Lefebvre a par la suite remis en cause. Dans son esprit cet accord prévoit bien pour la Fraternité Saint-Pierre le droit exclusif de célébrer et conférer les sacrements dans le rit de 1962. C'est la raison pour laquelle la concélébration pose plus de problèmes qu'elle n'en peut résoudre ; certes, nous reconnaissons absolument la légitimité du nouvel Ordo. Mais cette reconnaissance ne nous ôte pas le droit reconnu en 1988, de faire part de nos difficultés vis à vis de ce même nouvel Ordo.
 
Depuis notre fondation, nous n'avons pour but que de respecter ce que l'Église nous a donné. Si, par malheur, la démarche de nos confrères devait obtenir comme résultat de nous ôter cette exclusivité, non seulement notre Fraternité n'aurait plus de raison d'exister, mais les fidèles eux-mêmes, totalement désorientés, n'y verraient qu'une nouvelle occasion de division. Quant à nous, nous ne pourrions comprendre facilement ce qui ressemblerait fort à un retour en arrière de la part de l'autorité.
 
Monsieur l'abbé, lors de notre fondation en 1988, il a bien été affirmé que notre existence était souhaitée pour éviter que de trop nombreux fidèles et prêtres demeurent en dehors de l’Église. A l'heure où nous vous écrivons, nous ne pouvons ignorer que ce péril est plus que jamais présent, au cas où la Fraternité Saint-Pierre viendrait à perdre sa spécificité liturgique. Or c'est ce qui ne peut qu'arriver si les critiques de quelques confrères ne sont pas remises à leur juste place, et si ces confrères ne veulent pas agir avec loyauté vis à vis de leurs supérieurs et de l'ensemble la Fraternité.
 
Sous votre direction, la Fraternité Saint-Pierre a affirmé depuis onze ans dans les faits comme dans les écrits un attachement sincère et définitif à l'Église romaine . Preuve en a été faite lors du notre pélerinage Rome à la Toussaint 1998, par lequel de très nombreux fidèles ont été confortés dans cette double fidélité.
 
Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, nous désirons continuer notre apostolat dans la paix sous votre autorité, autorité reconnue par les divers chapitres et ce depuis la fondation de la Fraternité. Nous vous prions donc de bien vouloir faire connaître à la Commission pontificale " Ecclesia Dei " le soutien que nous vous apportons ainsi qu'à votre gouvernement.
 
Avec, l'assurance de notre prière fervente, veuillez agréer, monsieur le Supérieur général l'expression de nos sentiments filiaux et respectueux.

LISTE DES SIGNATAIRES
MEMBRES INCARDINES OU INCORPORES

Philippe TOURNYOL du CLOS, fondateur et premier assistant du supérieur général
Patrick du FAY, fondateur, conseiller du supérieur général, secrétaire général et supérieur du séminaire St-Pierre
Engelbert RECKTENWALD, fondateur et conseiller du supérieur général
Gabriel BAUMANN, fondateur et supérieur du district de Suisse
Denis COIFFET, fondateur et supérieur du district de France
Franz PROSINGER, fondateur
Arnaud DEVILLERS, supérieur du district d'Amérique du Nord
Martin LUGMAYR, supérieur du district d'Autriche
Gèrald DUROISIN, supérieur pour la Belgique
Bernd GERSTLE, supérieur du district d'Allemagne
Charles RYAN, supérieur du séminaire ND de Guadalupe
François POZZETTO, aumônier général du pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté.
Sven CONRAD, économe général
Alban CRAS, secrétaire du district de France
William RICHARDSON, secrétaire du district d'Amérique du Nord

 Pablo ALVAREZ
Dietmar AUST
Hubert BIZARD
John BERG
Grégory BOTTA
James BUCKLEY
José CALVINE-TORRALBO
Louis CAMPBELL
Paul CARR
Carlos CASAVANTES
Bruno CHASSAGNE
Philip CREURER
Bruno de BLIGNIERES
Michel de FOMMERVAULT
Edouard de MENTQUE
Laurent DEMETS
Bernward DENEKE
Gerald DILLEY
Daniel EICHHORN
John EMERSON
Mark FISHER
Jean-Marc FOURNIER
Christoph FUISTING
George GABET
Peter GEE
Pierre-Henri GOUY
Ludwig HAGEL
Hervé HYGONNET
Michael IRWIN
James JACKSON
Jean-Laurent LEFEVRE
James MAC LUCAS
Eugen MARK
Axel MAUSSEN
Brice MEISSONNIER
John MELNICK
Claude MICHEL
Paul PETKO
Karl PIKUS
Joseph POISSON
Mario PORTELLA
Joseph PORTZER
Martin RAMM
Carlos-Alfredo REYES-BARRIOS
Vincent RIBETON
Chad RIPPERGER
John RIZZO
Paul ROMAN
José SALGADO
Bruno STEMLER
Joseph TERRA
Nathan VAIL
Joseph VALENTINE
Charles VAN VLIET
Stefan ZEIS
Nicholas ZOLNEROWICZ

30 août 1999

[Abbé Bisig, fssp] Lettre en réponse au Protocole 1411 et au recours formulé par 16 prêtres de la Fraternité

Abbé Bisig, fssp - 30 août 1999

le 30 Août 1999, fête de Sainte Rose Chers Membres de la Fraternité,

A l’heure actuelle, beaucoup d’entre vous ont été mis au courant de certaines évolutions récentes dans la vie de notre Institut. Cette lettre a pour but de vous communiquer des informations précises afin de prévenir le trouble dû aux diverses rumeurs qui circulent. L’ennemi du genre humain est toujours prêt à s’agiter et à provoquer confusion et découragement.

Je souhaiterais vous faire part de deux événements. Le premier est la Lettre, en date du 3 juillet 1999 (protocole 1411/99) de la Congrégation pour le Culte Divin, qui se présente comme une réponse à certaines questions concernant l’utilisation du Novus Ordo Missae par les prêtres liés à la liturgie romaine traditionnelle. Le second est l’annulation par la Commission Ecclesia Dei de la session du Chapitre général de la Fraternité, qui devait se réunir au mois d’août. Cette session est remplacée par la convocation d’une réunion plénière des membres incardinés de la Fraternité en novembre.

Avant tout, laissez-moi vous assurer de notre engagement à maintenir l’intégralité des principes fondateurs de la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre. Dans ces principes fondés sur le protocole d’accord du 5 mai 1988, signé par le cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre, est inclus l’exercice du ministère sacerdotal pour le bien de toute l’Eglise, par l’utilisation des livres liturgiques du Rite Romain de 1962. La raison de ce principe fondateur est double. D’abord, de façon positive, le Saint Siège a voulu que nous servions l’Eglise en témoignant de la tradition pérenne de la liturgie romaine à une époque de changements liturgiques rapides. En second lieu, du point de vue d’une critique constructive, le Saint Siège nous a autorisés à poser les fondements d’une étude respectueuse et ouverte des objections et des inquiétudes que nous avons à l’égard de certaines réformes liturgiques commencées après le Concile Vatican II.

Par une large et généreuse application du Motu Proprio Ecclesia Dei Afflicta du pape Jean-Paul II, le Saint Siège a béni jusqu’à maintenant le travail apostolique de la Fraternité et ses autres activités liées à la liturgie romaine traditionnelle. Malgré cette générosité, la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre a été soumise ces dernières années à des pressions croissantes, d’origines diverses, pour célébrer le Novus Ordo Missae, ou du moins pour permettre à ses membres de le faire dans certaines circonstances particulières. Je les ai repoussées pour plusieurs raisons : la fidélité à notre mission propre dans l’Eglise, le souci d’éviter les troubles et divisions parmi nos fidèles et nos membres, la consolidation et l’identité de notre apostolat, l’unité de vie et de discipline selon nos Constitutions.

Notre attachement à la liturgie romaine traditionnelle a été l’occasion pour certains de soupçonner la Fraternité, à tort, de refuser la validité du Novus Ordo Missae. En outre, certains évêques et certaines conférences épiscopales ont jugé nécessaire de limiter sévèrement l’activité pastorale de la Fraternité, à cause de notre option préférentielle pour maintenir l’utilisation exclusive de l’ancienne liturgie dans notre ministère. Enfin, à une époque où la concélébration est devenue (sans fondement théologique sérieux) la principale - et parfois la seule - expression de l’unité ecclésiale, notre volonté de vivre dans l’unité avec tous les catholiques tout en suivant les anciens rites et coutumes, a été fréquemment l’objet d’incompréhensions.

A cause de ces difficultés et de ces incompréhensions, certains de nos prêtres, particulièrement en France, ont exprimé leur désir de concélébrer à certaines occasions le Novus Ordo Missae. Ils étaient sans aucun doute mus par leur zèle apostolique. Dès lors limiter leur capacité à pourvoir aux vastes besoins des fidèles pouvait leur paraître dur. Pourtant les supérieurs n’ont pas donné suite à leur désir, afin de sauvegarder le bien commun de notre Institut. Je pense que notre mission particulière au service de la hiérarchie et des fidèles est davantage aujourd'hui d'ordre qualitatif que quantitatif : il s'agit d'un témoignage rendu à la tradition liturgique immémoriale de l’Eglise, parfois au détriment de l'expansion de notre apostolat.

Cette situation a conduit ces prêtres, un petit groupe de nos membres, à soumettre à mon insu un recours officiel à la Commission Ecclesia Dei, le 29 Juin de cette année. Les deux sujets qui nous occupent maintenant ont suivi ce recours : d’abord les « Réponses officielles » de la Congrégation pour le Culte Divin du 3 Juillet (protocole 1411/99), et l’annulation de la session du Chapitre général de la Fraternité de 1999, avec, à la place, la convocation d’une réunion plénière de nos membres incardinés au mois de novembre.

Pour le bien de l’Eglise et de notre Fraternité, j’ai pris les dispositions légales appropriées pour m’assurer que les autorités compétentes reconsidèrent ces mesures, en déposant dans les délais prescrits un recours. Il est important que la Fraternité retrouve rapidement l’exercice des droits législatifs et exécutifs attachés à son statut d’Institut de droit pontifical. En fait, nous souhaitons vivement que la réunion plénière de novembre soit l’occasion d’un échange honnête et respectueux concernant nos difficultés à l’égard de certaines des réformes liturgiques. Nous devons comprendre la nécessité d’un dialogue à la fois sérieusement théologique et fraternellement ouvert, pour nous assurer que les aspirations légitimes de toutes les parties seront prises en considération et harmonisées au sein d’une politique commune. Je continuerai à faire tout mon possible pour protéger l’identité et le caractère propre du travail que la Fraternité accomplit dans l’intérêt de toute l’Eglise. Je sollicite vos prières pour moi-même, pour nos membres, et pour ceux qui, dans l’Eglise, ont des responsabilités envers la Fraternité. Avec confiance, je dépose nos besoins et nos souhaits aux pieds de la Vierge Mère, de notre saint patron l’Apôtre Pierre, et du Saint Père.

Notre défense de l’identité et de la mission de la Fraternité trouve son origine dans notre désir d’être fidèles à l’Eglise, à nos membres, et à ceux qui nous ont confiés leur vocation ou qui ont mis en nous leur espoir. Pourtant, la défense ferme de nos convictions ne peut pas nous dispenser d’une humble soumission à la Providence et au Magistère de l’Eglise. Les épreuves vécues avec le désir d’obéir à la volonté divine sont une formidable occasion de purification et de progrès. C’est à cette lumière que nous envisageons nos présentes difficultés. Puisent-elles nous permettre de renouveler notre engagement d’étude et de dialogue concernant les questions auxquelles notre mission propre nous lie. Puisent-elles être une occasion d’approfondir la connaissance et l’amour de la liturgie romaine, et d’enrichir les autres en gardant fidèlement notre vocation et nos lois particulières. Puisent-elles aussi renforcer l’unité qui ne peut venir que de la fidélité à notre mission et de la sainteté de nos vies. Finalement, puisent-elles nous permettre d’approfondir notre expérience et notre amour du mystère de l’Eglise, Epouse immaculée de notre glorieux Seigneur Jésus-Christ.

Cordialement dans le Christ,

Abbé Joseph Bisig, FSSP
Supérieur Général

15 juillet 1999

[Fr. Louis-Marie de Blignières - Sedes Sapientiae] Actes fondateurs et gestes de Communion

SOURCE - Fr. Louis-Marie de Blignières, Fraternité Saint-Vincent Ferrier - Sedes Sapientiae n°68 - Juillet 1999

Le pèlerinage à Rome pour le dixième anniversaire du Motu proprio Ecclesia Dei a confirmé la vitalité du courant traditionnel dans l’Eglise. La presse a parlé à cette occasion, de façon un peu provocante, du « soutien de Rome aux tradis ». Le discours du Saint-Père lors de l’Audience du 26 octobre 1998, avec son invitation fraternelle aux évêques « à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée aux fidèles attachés à l’ancien rite » , a surpris ceux qui pensaient que les dispositions du Motu proprio avaient un caractère exceptionnel et provisoire.

Nous nous proposons de tenter de mieux faire comprendre l’une des caractéristiques des instituts de la mouvance d’Ecclesia Dei : vivre la pleine communion ecclésiale dans la fidélité aux rites traditionnels et manifester cette communion par des signes cohérents avec ce choix fondamental. Pour cela, nous devons rappeler la nature de leurs actes fondateurs : après les avoir replacés dans leur contexte historique, et avoir indiqué les intentions spécifiques qui les ont animés, nous soulignerons leur caractère de jugements prudentiels. Puis, dans la ligne du charisme propre de ces instituts, nous réfléchirons sur les gestes d’unité demandés par le Saint-Père « à tous les catholiques », pour que « la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres » .
1. Contexte historique
a. La crise de l’Église

La réalité d’une « crise de l’Eglise », imbriquée dans la crise de la modernité qui affecte le monde de la pensée et la société civile, est aujourd’hui de plus en plus reconnue : crise d’identité dans le rapport au monde, dans la transmission catéchétique de la foi, dans l’élan missionnaire, dans la spécificité sacerdotale, dans la vie religieuse, crise enfin des vocations et crise de la liturgie. Paul VI et Jean-Paul II, ainsi que le Cardinal Ratzinger et d’autres hauts responsables, ont indiqué, à la suite de nombreux analystes du dedans et du dehors, la présence de ces diverses composantes, mêlées à d’indéniables éléments positifs et à de nombreux signes d’espérance, dans la vie ecclésiale depuis une trentaine d’années.

La naissance des instituts Ecclesia Dei ne saurait être comprise sans la référence à ce contexte de crise postconciliaire. Vatican II se proposait de réaffirmer et développer le trésor de la doctrine catholique, en indiquant les voies pastorales qui semblaient les plus opportunes pour qu’elle atteigne les hommes contemporains : « Il importe que cette doctrine certaine et immuable, à laquelle on doit se soumettre fidèlement, soit étudiée et exposée d’une manière conforme aux exigences de notre temps» . Il n’est pas dans notre propos d’étudier toutes les solutions pastorales dont le Concile, dans l’optimisme des années soixante, ouvrait les voies. Nous ne chercherons pas non plus si les réformes postconciliaires n’ont pas largement dépassé ce que demandaient les Pères conciliaires.

Avec le recul du temps, il apparaît que plusieurs de ces réformes, en elles-mêmes et plus encore dans leur application, furent marquées de notables déficiences, qui compromirent la mise en œuvre des justes intuitions des Pères conciliaires. Trois de ces carences jouèrent, nous semble-t-il, un rôle important. D’abord l’aspect pastoral a pris le pas sur le fondement doctrinal rappelé et développé par le Concile. Ensuite le souci de la continuité et de l’homogénéité consubstantielle à la croissance du dogme et à l’évolution de la liturgie a été insuffisant. Enfin la rapidité et l’universalité des réformes, jointes à la brutalité de leur mise en application, ont fait contraste avec les déclarations sur la suppression de l’arbitraire.

Cette période a été celle d’une crise profonde de la notion même de Tradition. En dépit des rappels doctrinaux de Paul VI , la continuité de la Tradition a paru ébranlée au point que l’aile progressiste parla, pour s’en réjouir, de rupture, arrivant en certains cas à la dissidence ouverte quant au contenu de la foi. D’un autre côté, le lien du magistère vivant avec la Tradition a semblé obscurci par l’insistance sur la nouveauté et l’urgence des réformes. De nombreux fidèles se sont sentis abandonnés aux mains de novateurs, et ont déserté la pratique ou se sont installés aux marges, jusqu’à rompre en certains cas les liens de la communion hiérarchique.

Les points les plus sensibles de ce processus furent l’enseignement de la théologie, la question des catéchismes et celle de la liturgie. « Je suis convaincu, écrit le Cardinal Ratzinger, que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. » En ces trois domaines, de réels progrès pouvaient être réalisés, en prenant en compte les directives du Concile en leur ligne essentielle. Mais la clef d’un progrès authentique est le respect de l’acquis légué par les prédécesseurs, et dans le cas de l’Eglise animée par le Saint-Esprit, la piété filiale vis-à-vis de « la Tradition qui nous vient du Seigneur par les Apôtres, telle qu’elle s’est constituée tout au long de l’Histoire » .

On retrouve sur ces trois points-clés les carences signalées plus haut. L’obnubilation sur une perspective d’adaptation pastorale finit par évacuer, jusqu’à la faire juger incongrue, la question du contenu doctrinal qui norme toute action juste dans l’Eglise. Ceci a été particulièrement spectaculaire dans la nouvelle pédagogie catéchétique, dont l’échec est aujourd’hui patent. L’absence du souci de la continuité et de l’homogénéité finit par couper la théologie de ses sources normatives et par compromettre le cœur de la formation sacerdotale. Il aurait fallu au contraire intégrer un enrichissement scripturaire et patristique à la structuration spéculative apportée par la sagesse thomiste recommandée par le Concile . Enfin les réformes liturgiques ont, dans l’espace de quelques courtes années, profondément modifié tous les rites, et ont imposé les changements sans guère demander son avis au peuple chrétien, et sans laisser subsister les formes anciennes. Ceci est frappant dans le cas de la Messe, dont la forme tridentine du Missel latin classique a été, sinon formellement abrogée, du moins pratiquement obrogée par l’imposition quasi-universelle du nouvel Ordo Missæ .
b. L’évolution en cours
Cette situation a cependant évolué depuis une quinzaine d’années. La carence des catéchismes, signalée dès 1983 par le Cardinal Ratzinger, a trouvé un commencement de solution par la parution du Catéchisme de l’Église Catholique en 1992. Les grands documents pontificaux des dernières années, Veritatis splendor, Ordinatio sacerdotalis, Evangelium vitæ, Ad tuendam fidem, Fides et ratio, soulignent le caractère normatif du contenu de la foi, son harmonie avec les vérités naturelles, et l’importance de la continuité de la Tradition. Enfin, la crise de la liturgie est aujourd’hui reconnue au-delà des cercles traditionalistes , les abus font l’objet de certaines mises en garde, et la Messe tridentine, avec l’Indult de 1984 et le Motu proprio de 1988, commence à sortir de l’interdit de fait qui pesait sur elle.

Le 2 juillet 1988 paraît en effet le Motu proprio Ecclesia Dei . Si l’occasion qui lui a donné naissance est la consécration, contre la volonté formelle du Pape, de quatre évêques par Mgr Marcel Lefebvre, cet acte pontifical dépasse largement ce seul problème. D’abord par son contenu : une méditation de grande ampleur sur la Tradition, dont il souligne le développement homogène et continu et le lien intérieur avec le magistère vivant (n. 4), et aussi une claire affirmation de « la légitimité (...) de la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat » (n. 5a). Ensuite par ses destinataires, qui sont non seulement « ceux qui ont été liés au mouvement issu de Mgr Lefebvre » (n. 5c), mais aussi « tous les fidèles catholiques, (...) les évêques » (n. 5a) (...) « les théologiens et experts » (n. 5b). Le Pape les invite tous à « réfléchir sincèrement sur la fidélité à la Tradition » et à « refuser toutes les interprétations erronées et les applications abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire » (n. 5a).

Cet acte du magistère, loin d’être purement de circonstance, s’inscrit dans le souci de réaffirmer la continuité qui marque particulièrement ces dernières années du Pontificat. L’espoir qui anime le Saint-Père, c’est de faire cesser la mentalité d’opposition dialectique qui rend impossible une lecture vraiment catholique de Vatican II, comme élément de « la doctrine de l’Eglise, héritière fidèle de la Tradition existant déjà depuis près de vingt siècles comme réalité vivante qui progresse » . C’est aussi de montrer qu’une réforme qui ne craint pas de laisser une certaine place dans l’Eglise aux « formes liturgiques et disciplinaires antérieures » est digne de créance quand elle affirme sa continuité.

A l’appui de cette lecture d’Ecclesia Dei comme document dépassant les circonstances qui ont été à son origine, on peut remarquer que dans l’Audience du 26 octobre 1998, le Pape ne fait aucune référence à « l’acte schismatique » des sacres du 30 juin 1988, pour expliquer comment « l’on doit lire et appliquer le Motu proprio Ecclesia Dei » .
2. Intentions spécifiques
a. Le texte de référence
C’est sur cette toile de fond que se détachent les actes fondateurs des instituts Ecclesia Dei . Existant depuis plusieurs années avant le Motu proprio, ou fondés dans sa prolongation, ils ont reçu leur statut canonique grâce (ou en référence) à lui. Les uns étaient érigés par la Commission Pontificale Ecclesia Dei en vertu des pouvoirs spéciaux reçus du Souverain Pontife , les autres recevaient d’elle des facultés liturgiques .

Dans tous les cas, le texte de référence qui éclaire les actes fondateurs est un passage d’Ecclesia Dei auquel renvoie le Rescrit du 18 octobre (n. 6a). Il concerne ceux qui « ayant eu des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre, désirent rester unis au successeur de Pierre dans l’Église catholique, en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques selon (iuxta) le Protocole signé le 5 mai précédent par le Cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre » . Deux éléments intègrent donc l’acte par lequel les fondateurs des instituts Ecclesia Dei ont demandé à l’Autorité ecclésiastique la reconnaissance canonique de leurs fondations :

- Vivre dans l’union au pape et donc dans la pleine communion hiérarchique de l’Eglise, avec toutes ses exigences et tous ses bienfaits ;

- Conserver le patrimoine de leurs traditions propres, et ceci selon les normes précises données par un texte désigné nommément.

Ces éléments, constitutifs du charisme fondateur de chacun des instituts, ont été reçus ou approuvés par l’Autorité : pour Le Barroux dans la Notification officielle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 25 juillet 1988 (qui fait référence explicitement à ce passage), pour les autres instituts dans les décrets d’érection, qui y renvoient implicitement en mentionnant que la Commission agit « en vertu des facultés spéciales qui lui ont été conférés par le Souverain Pontife Jean-Paul II » .

Dans la fondation d’un institut, il faut en effet prendre en compte les deux actuations qui interviennent.

D’une part, celle des fondateurs selon leur charisme. L’expression, employée par Paul VI , est reprise par Jean-Paul II : « Il est avant tout demandé d’être fidèle au charisme fondateur et au patrimoine spirituel constitué dans chaque institut » , et elle est utilisée par lui, tant dans le texte du Motu proprio qu’à l’Audience accordée pour le dixième anniversaire d’ Ecclesia Dei.

D’autre part, l’action de la hiérarchie, qui conformément au principe de subsidiarité, ne se substitue pas à la première, mais donne ou refuse la garantie d’authenticité : « D’une part [l’Esprit de Dieu] suscite directement l’activité des croyants en ouvrant des voies nouvelles et inédites à l’annonce de l’Evangile, de l’autre il rend leur œuvre authentique à travers l’intervention officielle de l’Eglise. » Pour indiquer qu’il existe bien deux sujets d’action, Vatican II décrit « la fonction de la hiérarchie dans l’Eglise » par rapport aux règles « proposées » par les fondateurs par le verbe « recevoir (recipit) » .

Pour comprendre la portée des actes qui ont donné naissance aux instituts Ecclesia Dei, il est donc nécessaire de les référer à ces deux actions et aux intentions spécifiques qu’elles manifestent. D’abord celle de l’autorité. Aux supérieurs des instituts Ecclesia Dei, les Cardinaux Ratzinger et Mayer, chargés par le Pape de ce dossier, ont durant l’été 1988 « proposé de la part du Saint-Père le Protocole signé le 5 mai et dénoncé dans la nuit du 5 au 6 mai » . Ensuite celle des fondateurs qui ont accepté cette proposition et soumis, selon cette norme précise, leurs projets de vie à l’approbation canonique.
b. L’intention de la hiérarchie

Quelle est donc cette norme selon laquelle les deux parties, chacune à son rang, se sont loyalement engagées ? Elle comporte une Déclaration doctrinale et des dispositions juridiques. La Déclaration est composée de cinq points :

- 1. Une profession de fidélité à l’Eglise catholique et au Pontife Romain.

- 2. L’acceptation de la doctrine de Lumen gentium n. 25 sur le magistère et l’adhésion qui lui est due.

- 3. L’engagement à une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, « à propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec la Tradition ».

- 4. La reconnaissance de la validité de la Messe et des Sacrements célébrés, avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise, selon les éditions typiques promulguées par Paul VI et Jean-Paul II.

- 5. La promesse du respect des lois disciplinaires de l’Eglise, spécialement celles du Code de droit canonique de 1983, « étant sauve la discipline concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière».

Ce qui frappe dans ces conditions, c’est d’abord leur concision et leur adéquation à la théologie la plus classique. L’autorité considère comme catholique le baptisé qui, soumis à la Hiérarchie (n. 1), adhère à la doctrine catholique selon l’assentiment dû au magistère (n. 2), reconnait la validité des sacrements célébrés selon les rites approuvés (n. 4), et obéit aux lois de l’Eglise (n. 5). On retrouve en substance le canon 205 du Code de droit canonique : « Sont pleinement dans la communion de l’Eglise catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Eglise, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique. »

On peut aussi noter que plusieurs de ces éléments se retrouvent dans la Profession de foi et le Serment de fidélité que doivent prononcer ceux qui reçoivent une charge à exercer au nom de l’Eglise. L’incise finale du n. 5, « étant sauve la discipline particulière concédée à la Fraternité », répond assez exactement au « étant sauves la nature et la fin de mon institut » du Serment de fidélité, et à l’exigence de « fidélité à la discipline de l’institut » du droit qui règle l’apostolat des membres des instituts de vie consacrée .

Dans cette déclaration doctrinale, on relève aussi une largeur d’esprit, qui, par rapport à l’attitude des autorités ecclésiastiques vis-à-vis des traditionalistes durant les vingt années précédentes, constitue une nouveauté. Que l’on considère par exemple les conditions imposées par Paul VI à Mgr Lefebvre comme préalables à toute réconciliation : acceptation sans aucune nuance du Concile « et de tous ses documents », acceptation de « la totalité de l’enseignement » de Paul VI, et engagement « à adopter et à faire adopter, dans les maisons qui dépendent de [Mgr Lefebvre], le Missel que [Paul VI] a lui-même promulgué » . Dans un esprit tout différent, la Déclaration doctrinale, conformément aux recommandations de Vatican II, applique « au sein même de l’Eglise », l’adage « unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité » , qui est l’un des principes directeurs de l’œcuménisme catholique .

Une difficulté, dont le principe même semblait écarté jusqu’ici, se trouve prise en compte, pour la première fois, dans toute son ampleur : celle de concilier certains points du Concile et des réformes postérieures avec la Tradition (n. 3). Dans le Motu proprio, Jean-Paul II indiquera un fondement objectif de cette difficulté, en évoquant « ces points de doctrine, qui peut-être à cause de leur nouveauté (cum fortasse novæ sint), n’ont pas été bien compris par certaines parties de l’Eglise » (n. 5b). Sur ces points, étant évidemment sauvegardée l’attitude due à un texte du magistère (cf. n. 2), il est demandé, non une réception sans nuances qui traiterait par prétérition les déficiences qui peuvent se rencontrer même dans un texte magistériel , mais « une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège Apostolique, en évitant toute polémique ». On trouve ici l’ouverture qui est manifestée par le magistère dans le dialogue avec le théologien : « Si, en dépit d’effort loyaux, les difficultés persistent, c’est un devoir pour le théologien de faire connaître aux autorités magistérielles les problèmes que soulève un enseignement en lui-même, dans les justifications qui en sont proposées ou encore dans la manière selon lequel il est présenté ». En demandant d’éviter toute polémique, on entend donc écarter seulement « cette attitude publique d’opposition au magistère de l’Eglise, appelée encore “dissentiment” » .

Un point a été décisif dans la conclusion de l’accord. Il concerne les nouveaux rituels de la Messe et des sacrements. La Déclaration doctrinale n’exige plus leur utilisation habituelle ou ponctuelle, mais la reconnaissance de leur validité lorsqu’ils sont « célébrés (...) selon les rites indiqués dans les éditions typiques » (n. 4). Il était de notoriété publique que, pour Mgr Lefebvre, la réforme liturgique comportait des aspects qui lui paraissaient « difficilement conciliables avec la Tradition ». Eviter la polémique, reconnaître la validité du Novus Ordo dans les textes officiels latins, communiquer avec le Saint-Siège sur les difficultés, voilà ce qui lui était demandé, en conformité avec la théologie classique de l’assistance du Saint-Esprit aux lois universelles de l’Église, qui garantit au moins la validité et la non-hétérodoxie, mais ne préserve pas nécessairement de toute déficience .

La « discipline spéciale concédée à la Fraternité [Saint-Pie-X] par une loi particulière » (n. 5) garantissait par ailleurs l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962. Il est absolument capital de mesurer que c’est cette disposition qui a rendu possible l’accord sur le Protocole, puis l’érection des instituts Ecclesia Dei. Supposer qu’il s’agisse là d’une manœuvre habile, que le Saint-Siège envisageait de contraindre par la suite le signataire, et ceux qui accepteraient après lui ce Protocole, à la célébration au moins occasionnelle des rites qui leur faisaient justement difficulté, c’est lui imputer de manquer à la transparence des intentions et à la sincérité qui caractérisent tout dialogue dans l’esprit de l’Eglise. « Les caractéristiques du dialogue sont : la clarté avant tout, (...) la douceur, (...) la confiance (...) la prudence ; (...) le climat du dialogue, c’est l’amitié » . Imaginer en outre qu’une telle déloyauté serait reprise par le Motu proprio (qui est un acte solennel du magistère) lorsqu’il se réfère au Protocole, est encore plus invraisemblable.

L’intention spécifique de l’Autorité qui a érigé les instituts Ecclesia Dei, telle qu’elle est objectivement manifestée par les textes et les actes de l’été 1988, est donc, en imposant ce qui est strictement « nécessaire à l’unité, de respecter la juste liberté tant dans les formes variées de vie spirituelle et de discipline, que dans la variété des rites liturgiques » . Le Saint-Père a fait lui-même l’application à ce cas singulier du passage de Vatican II qui affirme que « l’Eglise, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique » .
c. L’intention des fondateurs
L’intention spécifique des fondateurs des instituts Ecclesia Dei n’est pas moins incontestable. Tous souhaitaient vivre dans la pleine communion ecclésiale leur projet de vie religieuse ou apostolique, en conservant ces disciplines, ces pédagogies, ces rituels traditionnels auxquels toute leur respiration spirituelle se trouve attachée, et en s’abstenant de ceux qui précisément leur faisaient difficulté depuis presque vingt ans. Ils auraient refusé une concession explicitement temporaire ou une formule biritualiste, conscients en outre de l’échec de toutes les tentatives antérieures de ce type (Séminaires du Leonianum, et de Mater Ecclesiæ à Rome). Les fondateurs des Fraternités Saint-Pierre et Saint-Vincent-Ferrier, début juillet à Rome, s’en expliquaient d’ailleurs loyalement avec les Cardinaux Ratzinger et Mayer qui régularisèrent leur situation canonique et leur délivrèrent des autorisations de célébrer (celebrets) selon le rite traditionnel. Dans un texte signé par eux et les fondateurs de l’Opus Mariæ, et remis à Mgr Perl, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, ils incluaient cette condition du monoritualisme traditionnel .

Les Constitutions de ces deux Fraternités comportent d’ailleurs une disposition en ce sens. « La fin particulière de la Fraternité Saint-Pierre est de réaliser ce but [la sanctification des prêtres] par l’observance fidèle des “traditions liturgiques et spirituelles” conformément aux dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, qui est à l’origine de sa fondation » . « Dans la célébration de la Sainte Messe et de l’office divin, les membres de la Fraternité [Saint-Vincent-Ferrier] sont tenus d’utiliser leurs livres liturgiques propres et approuvés, selon la norme du Décret d’érection de la Fraternité» .

Dom Gérard, fondateur de l’Abbaye du Barroux, déclarait de son côté: « Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme, sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de l’Église) nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement » . Les « Déclarations » de l’Abbaye précisent que « la liturgie de la Messe [et de l’Office divin], célébrée selon les rites plus que millénaires de la Sainte Eglise Romaine, dans la langue latine » est l’une des « deux sources qui ont donné naissance à la communauté du Barroux et qui constituent sa raison d’exister (rationem eius existentiæ constituunt) » .

Le monoritualisme traditionnel est bien l’un des éléments de cet « esprit des fondateurs et de leurs intentions spécifiques (propriaque proposita) » que Vatican II demande de « mettre en pleine lumière et de maintenir fidèlement » . L’autorité dans l’Eglise considère comme l’un de ses devoirs de « veiller, pour sa part, à ce que les instituts croissent et fleurissent selon l’esprit des fondateurs et leurs saines traditions » . Le projet de vie des fondateurs ne se réduit évidemment pas à cet aspect. Il inclut surtout le patrimoine de spiritualité propre à chacun des instituts. Il comporte la détermination à tirer toutes les conséquences de la pleine communion ecclésiale, selon les indications des cinq points de la Déclaration doctrinale du Protocole, à refuser toute tricherie disciplinaire, à cultiver la transparence vis-à-vis des autorités, la vigilance contre l’esprit d’amertume ou le séparatisme, les échanges effectifs avec les autres secteurs de l’Eglise.

Mais l’érection canonique d’instituts comportant cette intention fondatrice traduit dans les faits, de façon convaincante, la promesse du Saint-Siège dans sa Note d’information du 16 juin 1988 . On pouvait y lire en conclusion « un pressant appel aux membres de la Fraternité [Saint-Pie-X] et aux fidèles qui lui sont liés, pour qu’ils reconsidèrent leur position et veuillent rester unis au Vicaire du Christ, en les assurant que toutes les mesures seront prises pour garantir le respect de leur identité dans la pleine communion de l’Eglise catholique».
3. Jugements prudentiels
a. Un acte prudentiel normatif
Il faut maintenant préciser la nature exacte d’un acte fondateur. Comme son nom l’indique, il relève de l’agir moral, et il engage l’avenir. C’est donc un acte prudentiel au sens thomiste du mot , qui est normatif d’autres actes ultérieurement posés dans sa prolongation.

Comme acte prudentiel, il intègre un ensemble varié de données complexes, qui entrent dans la délibération de l’intelligence pratique et guident le jugement moral qui la clôt. Ce n’est pas un discours spéculatif qui analyse dans l’abstrait, une démonstration où tous les éléments prétendraient à la nécessité apodictique et à l’universalité.

La fondation d’instituts attachés au service des formes disciplinaires, liturgiques, apostoliques et spirituelles de la tradition latine dans le contexte de la crise ecclésiale, à la suite de la rupture des sacres du 30 juin 1988, est un acte prudentiel. Faire cela dans une intention fondatrice comportant le monoritualisme traditionnel, adhérer à ces instituts par la profession ou l’engagement : tous ces actes sont des jugements prudentiels.
b. Les considérants du jugement
Ces jugements sont éclairés par les principes nécessaires de la théologie de l’Eglise et des sacrements. Ils mettent en œuvre ces principes au sein d’une matière mouvante où il s’agit souvent plus de convenances, d’inconvénients et de dangers probables que de nécessités absolues. Des analyses marquées d’une part de contingence seront faites sur les divers aspects de la crise de l’Eglise, notamment les trois signalés plus haut (théologie, catéchèse, liturgie). Des considérations de justice naturelle et de loyauté humaine interviendront vis-à-vis des prêtres, religieux, séminaristes, fidèles, qui ont fait confiance aux fondateurs et les ont suivis dans cette voie, souvent au prix de grands sacrifices. Des appréciations d’efficacité apostolique entreront en ligne de compte : un enracinement profond dans une identité nette est nécessaire pour mener une action hardie et novatrice dans le cadre de la nouvelle évangélisation. Le souci de la stabilité des formes de la vie quotidienne jouera . La paix et l’unité qu’assurent les formes traditionnelles, comparées au caractère évolutif et à la variété des pratiques issues de la réforme, seront prises en compte. Des préoccupations « œcuméniques » légitimes seront présentes, à l’égard de ceux de nos frères qui ont été entraînés dans une dissidence qui se prolonge, mais qui souffrent parfois profondément de cette séparation.

L’un des éléments fondamentaux qui intervient dans la délibération du jugement prudentiel concerne les difficultés que présente pour nous la réforme liturgique, et qui sont prises en compte par le Protocole d’accord du 5 mai . Dans le cadre de cet article, nous ne pouvons que renvoyer à certaines études sérieuses, même si plusieurs de leurs analyses ou conclusions demanderaient à être complétées, ou parfois corrigées . Les difficultés présentées dans ces travaux touchent à l’expression de la théologie de la messe , notamment sur sa réalité de sacrifice propitiatoire, sur le rôle joué par la présence réelle dans l’économie du sacrifice, sur la place respective du prêtre et de l’assemblée.

D’autres études analysent les graves déficiences de certaines traductions en langue vernaculaire, comme celle du Père Renié . D’autres enfin soulignent le caractère polymorphe et évolutif de la réforme, qui, de l’aveu de son principal maître d’œuvre, Mgr Annibal Bugnini, comprend aussi les étapes « de l’adaptation (ou incarnation) de la forme romaine de la liturgie dans les usages et dans les mentalités de chaque Eglise (...) et de chacune des assemblées en prière » . Selon l’« attitude positive d’étude et de communication » que demande le Protocole, un véritable dialogue avec le Saint-Siège et les évêques sur ces divers problèmes serait hautement souhaitable.

Le choix normatif du monoritualisme pour les actes fondateurs est un choix pratique qui doit intégrer tous les éléments. Il ne s’agit pas de faire une étude académique sur tel ou tel aspect de la réforme. Il s’agit de constater que dans l’esprit de ses initiateurs et dans la réalité ecclésiale quotidienne, elle forme un tout, d’ailleurs encore évolutif. Il est extrêment difficile (sauf pour quelques abbayes ou quelques prêtres isolés) de dissocier une partie de ce tout. Par exemple d’utiliser seulement la Prex Eucharistica Ia (la plus proche de l’ancien canon romain). Il est aussi presqu’impossible de refuser la dynamique interne du mouvement, sans entraîner de graves tensions avec les confrères, voire des rappels à l’ordre des évêques .

Dans le cadre du droit liturgique issu de la réforme, un institut pourrait-il statutairement imposer à ses membres la forme la plus traditionnelle de la réforme liturgique et leur refuser les nombreuses possibilités ad libitum qu’elle offre ? La réponse semble plutôt négative. En tous cas, l’exemple des membres de certaines communautés canoniales ou apostoliques qui célèbrent selon l’Ordo de Paul VI, est parlant. Malgré leur nette préférence pour le rit latin orienté et la communion sous sa forme traditionnelle, ils se voient amenés à célébrer à peu près comme le reste du presbyterium des diocèses où ils sont accueillis, c’est-à-dire en vernaculaire, face au peuple et avec la communion donnée dans la main.
c. Un acte normatif pour nos seuls instituts
Le choix du monoritualisme traditionnel comme normatif pour les instituts Ecclesia Dei, est un acte qui engage, il importe de le souligner, ces seuls instituts et ceux qui y entrent. Ce n’est nullement une condamnation des autres choix possibles dans la communion ecclésiale, ou une réprobation de ceux qui s’engagent sur d’autres voies. Certains, dans le clergé ou les fidèles, se méprennent malheureusement sur ce point. Une meilleure communication doit être mise en œuvre pour les éclairer. Des membres des instituts Ecclesia Dei ont pu par leur paroles ou leurs attitudes accréditer l’idée contraire. Cette façon de faire, blessant la charité, ne peut qu’être désavouée par les Supérieurs et demande instamment à être redressée. Enfin un esprit séparatiste a pu être exprimé par certains des fidèles qui font confiance à nos instituts mais sont blessés par un passé douloureux, ou lassés de voir leurs demandes légitimes laissées sans réponse. Nous avons à faire tout notre possible pour les rappeler au sens de l’Eglise (sentire cum Ecclesia) , tout en suppliant respectueusement les Pasteurs de les considérer, eux aussi, comme des brebis du troupeau que le Christ leur a confié.

Les actes fondateurs par ailleurs engagent l’avenir, autant qu’il est possible évidemment dans les choses humaines. Un décret d’érection peut être annulé par l’autorité à cause de la disparition de l’objet de l’institut, du manque de sujets, ou pour une faute grave contre la foi ou la discipline. Mais il est de soi permanent. Des Constitutions peuvent être modifiées (avec l’approbation du Saint-Siège) par un Chapitre général, mais l’expérience montre que toucher à ce qui constitue ou protège directement le patrimoine de l’institut est le prélude habituel des catastrophes, comme on l’a constaté dans plusieurs des Chapitres « de rénovation » de 1968. Car selon l’adage philosophique, « les choses se conservent dans l’être par les mêmes causes qui leur ont donné naissance » .

Enfin, chacun adhère librement aux divers éléments du patrimoine de l’institut. Le devoir des formateurs est de les exposer loyalement. Le devoir des candidats est de discerner si leur propre vocation y correspond, et de se déterminer dans la clarté avant l’engagement définitif. Sur un point de cette importance, un engagement loyal à respecter les intentions fondatrices et à obéir selon la spécification des Constitutions est indispensable . Mais cette « obéissance de jugement » qui demanderait une d’adhésion interne au bien-fondé de toutes les orientations, n’est nullement requise. En revanche, sont nécessaires le respect des exigences d’unité et de charité fraternelles de l’institut, la docilité envers les Supérieurs et la sagesse qui prend en compte la grande difficultés de temps de fondation, accrue par l’instabilité de l’époque moderne.
4. Charisme propre et “ gestes d’unité ”
a. L’invitation du Pape
« Selon l’esprit de conversion de la lettre apostolique Tertio millenio adveniente , j’exhorte tous les catholiques à faire des gestes d’unité et à renouveler leur adhésion à l’Eglise, pour que la légitime diversité et les différentes sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres, mais les poussent à annoncer ensemble l’Evangile ; ainsi, stimulés par l’Esprit qui fait concourir tous les charismes à l’unité, tous pourront glorifier le Seigneur et le salut sera proclamé à toutes les nations. »

En recevant les pèlerins venus à Rome pour le dixième anniversaire d’Ecclesia Dei, le Saint-Père est revenu sur un thème qui lui est cher. Plusieurs idées s’articulent ici :

- la diversité des charismes et même des sensibilités est légitime ;

- tous sont invités à poser des gestes d’unité, afin que la diversité ne nuise pas à l’unité,

- mais contribue à l’efficacité du témoignage apostolique.

On retrouve ici une idée très traditionnelle, peut-être un peu perdue de vue au XIXe et XXe siècles sous la pression de l’hostilité du monde à l’Eglise, qui a dû réagir par une centralisation légitime en soi mais non indemne du péril d’uniformisation. Cette idée, c’est qu’une saine diversité « représente une richesse » .
b. Le caractère propre

En ce qui concerne la vie religieuse et apostolique, cela se traduit par le principe que les divers instituts, comme les diocèses d’ailleurs, ne sont pas simplement des départements administrés d’en-haut, tirant toute leur substance de l’action hiérarchique. Ce sont « des familles diverses dont le capital profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de tout le Corps du Christ ». C’est pourquoi « l’Eglise défend et soutient le caractère propre de chaque institut » .

Le magistère récent est conscient de l’importance de ce caractère propre dans le contexte actuel. « En cette période d’évolution culturelle et de rénovation ecclésiale, il est nécessaire que soit sauvegardée l’identité de chaque institut avec une assurance telle que soit évité le péril d’une situation insuffisamment définie, dans laquelle les religieux s’inséreraient dans la vie de l’Eglise d’une manière vague et ambiguë, s’ils ne se référaient pas de la façon requise au mode spécifique découlant de leur caractère propre (indolis proprii) » .

Dans cette ligne, le Code de droit canonique, à la suite de Vatican II, insiste sur la « juste autonomie » dont doit jouir chaque institut, et que les Ordinaires des lieux ont le devoir « de sauvegarder et de protéger (servare ac tueri) » . Il est donc juste que les manifestations concrètes de l’unité ecclésiale soient en conformité avec ce que le Code appelle « le droit propre » des instituts. Depuis une trentaine d’années, l’importance de ce droit est mieux mise en lumière. C’est ainsi que le P. Beyer, s.j., spécialiste reconnu de la vie consacrée, écrit à son sujet : « Les autorités ecclésiales n’ont pas à le modifier, le limiter ou l’enfermer dans une autonomie “interne” qui empêcherait son témoignage et son plein rayonnement.»
c. Le sens du bien commun
D’un autre côté, cette diversité doit concourir à l’unité, et cela doit se traduire concrètement. On rencontre ici une difficulté : comment concilier légitime diversité et unité ecclésiale ? Il faut reconnaître que la perte profonde du sens du bien commun qui marque la crise de la modernité, avec l’affirmation toujours plus impérieuse des droits de l’individu et l’absence grandissante de valeurs communément partagées, constitue un sérieux obstacle. Dans le cas de l’Eglise, cette situation s’est traduite (et a été favorisée) par l’abandon pratique des grands signes et des grands véhicules de l’universalité : la langue sacrée dans le patriarcat latin, la formation des clercs selon des pédagogies communes (avec les renouveaux biblique et thomiste), le respect des normes liturgiques et canoniques, qui avaient caractérisé les pontificats modernes héritiers de l’esprit classique, de Léon XIII à Pie XII.

La manifestation de l’unité doit intégrer cette réalité actuelle de l’effacement de références communes capables d’incarner la catholicité de l’Eglise et de soutenir le sens du primat du bien commun. Plaquer artificiellement les exigences correspondant à des temps de grande unité culturelle, liturgique et théologique sur une situation qui est à l’opposé, ce serait retomber dans un formalisme dont précisément les promoteurs des réformes voulaient nous délivrer. Ce serait entrer en contradiction interne avec l’inculturation souhaitée par beaucoup de théologiens, et dans une certaine mesure par le magistère lui-même. On peut aussi affirmer que ce serait sortir de la ligne générale des réformes postconciliaires. Ces dernières sont marquées par une polymorphie liturgique, une souplesse juridique, un certain pluralisme théologique qui rendent incongrue l’imposition autoritaire de signes uniformes de la communion.

La diminution des référents communs a favorisé ces dernières années le développement d’un langage particulier, une sorte de « langue de bois ecclésiastique », qui semble avoir pour origine le désir d’éviter toute affirmation trop nette, dans le but de ne pas heurter. Dans ce contexte, le langage direct et explicite du Pape lorsqu’il s’adresse au monde et à la jeunesse est ressenti comme une véritable libération. « N’ayons pas peur de dire clairement la vérité », nous dit-il en quelque sorte. Le premier effort pour retisser l’unité nous semble bien être celui de la clarté, et notamment sur les conditions de l’appartenance ecclésiale et sur la notion de communion. « On ne peut pas soutenir un concept de communion selon lequel la valeur pastorale suprême consiste à éviter les conflits » .
d. Notre contribution
Sur ce point, les instituts Ecclesia Dei peuvent apporter aussi leur contribution. S’ils savent rester à leur place, faisant mentir, par leur attitude respectueuse et ouverte, l’accusation de constituer une « Eglise de fait », ils peuvent être les témoins de certaines formes traditionnelles, qui faisaient autrefois le tissu commun de la culture ecclésiale et qui, actualisées selon les besoins présents, peuvent fournir (avec d’autres) des points de repère utiles.

Dans le domaine de la théologie, l’existence de leurs centres d’études thomistes peut être d’un grand prix à l’heure où le magistère invite à redécouvrir une « philosophie de l’être » . Leur participation à des revues philosophiques et théologiques, à des rencontres avec d’autres écoles, à des échanges d’intervenants avec les centres de formation des diocèses et les instituts d’autres traditions, à des congrès, leur insertion dans des centres d’enseignement civils et ecclésiastiques, notamment les Facultés canoniques, ne seraient-elles pas des « signes d’unité » possibles ? Il y faudra sans doute « un esprit de conversion » : de leur côté par un intérêt accru pour la recherche et les débats contradictoires, de l’autre par une meilleure ouverture à leur école de pensée, que d’ailleurs commencent à redécouvrir certains secteurs profanes .

Dans le domaine de la catéchèse, sur la base du Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’un des « signes d’unité » ne pourrait-il être, comme cela se fait déjà dans quelques diocèses, de confier à des membres de ces instituts et à des fidèles proches, moyennant les échanges nécessaires pour s’assurer qu’ils ont les qualités morales et doctrinales requises, une part dans la catéchèse des adultes, la formation permanente, la préparation au mariage, l’accompagnement des foyers chrétiens ?

Enfin, dans le domaine de la liturgie, qui est le plus sensible, il serait souhaitable que l’on se mette d’accord calmement sur des signes de communion qui soient suffisamment explicites, sans couvrir les réels problèmes qui demeurent ni violenter les consciences. On n’obtient rien de durable en feignant d’ignorer les difficultés ou en forçant les personnes. Dans une saine anthropologie, le geste doit d’abord être vrai pour être signifiant. Sinon, il contribue à la confusion, favorise l’hypocrisie, et risque d’engendrer ce que les psychologues appellent des « retours du refoulé ».
e. Les signes de communion
Les instituts Ecclesia Dei ont en partage « des formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine » . Les signes de communion doivent pour eux s’inscrire dans cette tradition. Or, traditionnellement, le signe indubitable que l’on reconnaît la validité d’un rit de la Messe, et que l’on est en communion catholique avec celui qui le célèbre, c’est l’assistance à cette Messe et la réception de la communion dans sa célébration. Nous proposons donc ce geste d’unité, qui suffit au regard de la théologie de l’Eglise et de la nature des signes sacramentels. Affirmer qu’un prêtre qui assiste à une messe et y communie revêtu de la tenue de chœur et de l’étole n’y « participe » pas (ou du moins pas assez pour en reconnaître la validité et la non-hétérodoxie), c’est vraiment faire peu de cas de l’Histoire de la liturgie et manifester une conception bien cléricale de la participation au sacrifice de la messe ! Si la communion sacramentelle, avec les insignes de son ordre, ne manifeste pas que le prêtre est en communion ecclésiale, il y a vraiment un problème .

Faut-il ici davantage, à tout prix ? Faut-il imposer, comme le souhaitent certains évêques, la concélébration sacramentelle selon le rit réformé aux prêtres ou au moins aux Supérieurs des instituts Ecclesia Dei, à la Messe chrismale et aux grands rassemblements diocésains ? Une telle formule ne pourrait se réclamer que d’une conception sans fondement théologique : celle qui fait de la concélébration sacramentelle, non seulement une « manifestation opportune de l’unité du sacerdoce » , mais l’unique signe de la communion ecclésiale. Elle s’opposerait explicitement au droit universel , qui laisse aux prêtres la liberté en ce domaine. En outre, elle constituerait une dénégation, sur un point crucial, des engagements pris par la hiérarchie à l’été 1988 vis-à-vis des prêtres qui ont refusé le schisme. Cette solution paraît donc impensable.

On peut envisager cependant que, dans l’espoir de débloquer une situation tendue, on exige des Supérieurs qu’ils laissent aux membres prêtres de leurs instituts toute liberté sur ce point. Cette formule soulèverait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Nous ne pensons pas qu’elle soit raisonnable, ni conforme au principe de subsidiarité. Il faudrait pour cela oublier l’une des caractéristiques fondatrices des instituts Ecclesia Dei, le monoritualisme traditionnel. Il faudrait ne tenir aucun compte des difficultés par rapport à la réforme liturgique qui sont l’élément décisif de ce choix fondateur. Cette solution s’opposerait par ailleurs au droit propre des instituts qui ont légiféré sur l’usage exclusif des livres liturgiques de 1962 . Elle réduirait indûment la responsabilité et l’autorité des Supérieurs , mettrait en péril le gouvernement, l’unité et même la pérennité des instituts Ecclesia Dei. Elle introduirait, contrairement à « l’utilité des fidèles » mentionnée par le canon 902, de graves germes de division parmi les fidèles qui ont fait confiance à ces instituts. Enfin elle réduirait à rien la crédibilité d’Ecclesia Dei comme alternative à la dissidence lefebvriste.

Pour les instituts à vocation apostolique, s’engager dans une telle voie signifierait accepter en pratique et en droit le biritualisme. Il est frappant de constater que les demandes qui sont faites en faveur de la concélébration s’accompagnent ici ou là de suggestions en ce sens, voire même de l’affirmation surprenante que les prêtres des instituts Ecclesia Dei ne sont pas plus liés à l’une des « formes du missel romain » (celle de 1962 ou celle de 1969) qu’à une autre. Quant à ceux qui veulent effacer les « survivances » du rit traditionnel, ils ne se satisferont pas de gestes symboliques occasionnels. D’ailleurs, au nom de quoi les instituts voués à l’apostolat déclineraient-ils la proposition de ministères comportant la célébration du nouveau rit, dès lors que elle est acceptée dans son principe par le biais de la concélébration ? Cela conduirait à une division interne et externe des instituts Ecclesia Dei, d’une diminution de leur recrutement, du découragement et de la dispersion de fidèles qui ont fait confiance au Saint-Siège en 1988. Cela serait payer de beaucoup de désordres et de divisions ce qui doit être un geste de paix et d’union !

La solution que nous proposons, en harmonie avec le droit ancien et actuel de l’Eglise, nous paraît plus sage parce que plus vraie. Il serait peu honnête vis-à-vis des autres et de nous-mêmes de poser publiquement un acte accréditant l’idée que la réforme liturgique ne nous pose plus de problèmes. Notre attitude doit intégrer cette dimension d’un témoignage, dans le respect de la hiérarchie et de toutes les personnes qui ne partagent pas notre jugement.

Sans doute un tel témoignage est-il crucifiant, source d’incompréhensions, de difficultés et même de certains retards apportés à notre mission évangélisatrice. Mais nous pensons que ce témoignage est nécessaire et constitue une interpellation utile pour inciter à examiner et dépasser des problèmes qui ne se résoudront pas en les ignorant. Le service que nous pouvons rendre à l’unité ecclésiale ne peut que se situer dans la vérité. « Un projet d’unité ecclésiale dans lequel le durcissement des conflits serait d’emblée évité au nom d’une paix artificielle, en renonçant à la totalité du témoignage, se révélerait bien vite illusoire » .

Ce n’est d’ailleurs pas la première ni la dernière fois dans l’histoire de l’Eglise que des crises internes, où les deux parties peuvent être également de bonne foi et animées par la charité, suscitent des épreuves qui les purifient et les authentifient, selon « la constante historique de la liaison entre le charisme et la Croix » . Qui sait dans quelle mesure le sacrifice du support de ces tensions actuelles dans la coexistence des deux rites, ne prépare pas pour l’avenir la paix liturgique que désirent tant de prêtres et de fidèles ?

C’est donc dans un authentique « esprit de conversion » que nous proposons cette solution d’assistance et de communion sacramentelle à un rit qui nous pose de réels problèmes. Ce « geste d’unité » peut être vécu dans le même esprit par l’évêque du lieu et le presbyterium diocésain, qui pourront avoir à cœur de respecter attentivement les normes de la célébration, et d’éviter ce jour-là les formules ad libitum les plus éloignées de l’usage traditionnel.

N’oublions pas que le but de ces signes d’unité est de permettre à l’Eglise d’affronter dans de meilleures conditions la tâche plus urgente que jamais de l’évangélisation. En face d’un monde culturellement éclaté, la largeur d’esprit de l’Eglise, « la variété des rites liturgiques et même de l’élaboration théologique de la vérité révélée », au sein de la même foi et de la même charité, n’est pas un handicap ou un scandale. Au contraire, elle « manifeste plus pleinement la véritable catholicité et apostolicité de l’Eglise » . N’est-ce pas le sens même de l’invitation du Saint-Père le 26 octobre dernier aux pèlerins d’Ecclesia Dei et «à tous les catholiques»?
Fr. Louis-Marie de Blignières

13 juillet 1999

[Commission Pontificale Ecclesia Dei] "Vous n'ignorez certainement pas la démarche entreprise par un groupe de prêtres..."

SOURCE - Commission Pontificale Ecclesia Dei - 13 juillet 1999

Commission Pontificale «Ecclesia Dei»
N 512/99 Rome, le 13 juillet 1999

Monsieur l'abbé Joseph BISIG
Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pierre

Monsieur l'abbé.

Vous n'ignorez certainement pas la démarche entreprise par un groupe de prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, qui ont présenté un Recours formel au Saint-Siège en date du 29 juin dernier. Dans ce Recours ils déclarent leur opposition aux points suivants:

- à la ligne actuelle de la Fraternité Saint-Pierre en matière de liturgie et de la mise en œuvre des grandes lignes indiquées par le Concile Vatican II;

- à la convocation du Chapitre Général prévu pour cette année ainsi qu'à la manière de préparer les élections des participants à ce Chapitre, lequel - selon les opposants - est destiné à perpétuer cette ligne en l'insérant définitivement dans les Constitutions;

- à la manière de gouverner la Fraternité, qui tend à faire taire toute voix opposée à la ligne actuelle, et qui ne favorise pas une entente fraternelle entre les membres, mais comporte le danger que la Fraternité se retrouve dans un isolement total dans l'Eglise.

Etant donné le nombre assez important des signataires de ce Recours, équivalent à environ un tiers des membres incardinés à l’Institut, et étant donné la gravité des problèmes soulevés, cette Commission Pontificale ne peut ne pas prendre en considération cette démarche. Les faits énumérés dans la lettre de Recours s'ajoutent à d'autres faits qui, ces derniers temps, sont déjà venus à la connaissance de cette Commission Pontificale.

Pour ces motifs, cette Commission Pontificale a décidé d'agir sans tarder afin d'éviter des conséquences négatives et dommageables à la Fraternité elle-même et à l’œuvre de l'insertion des fidèles traditionalistes dans la réalité de l'Eglise. La cause profonde des difficultés actuelles semble être un manque de confiance vis-à-vis de la hiérarchie de l'Eglise à tous les niveaux, tant le Saint-Siège que les Evêques. Il y a peut-être au fond de cette attitude une certaine méfiance à l'égard de l’œuvre du Concile Vatican II, qui implique avant tout la liturgie réformée par le pape Paul VI à la suite de ce Concile. Le refus de toute concélébration dans une Messe célébrée selon le rite en vigueur en est malheureusement la manifestation. Comme on le sait, un tel manque de confiance était déjà à l'origine du schisme de Mgr. M. Lefebvre et y persiste encore. Il est de notre devoir de prendre des mesures préventives pour éviter une évolution analogue dans votre Institut.

Après avoir consulté la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et avec son consentement, cette Commission Pontificale, exerçant l'autorité du Saint-Siège sur la Fraternité Saint-Pierre en vertu des facultés qui lui ont été attribuées par le Souverain-Pontife Jean--Paul II, a décidé ce qui suit:

l) L'autorisation donnée le 3 mars 1999 ( Prot. 443/99 ) de pouvoir anticiper le Chapitre Général de la Fraternité Saint-Pierre d'un an et de le tenir au cours de l’été de l'année en cours, est retirée.

2) Une assemblée de tous les membres incardinés dans la Fraternité est à convoquer au cours de l'automne 1999, soit à Wigratzbad soit à Rome ou encore ailleurs. Cette assemblée aura le but de discuter, sous la présidence du Cardinal-Président de cette Commission ou de son Délégué, les thèmes ecclésiologiques et liturgiques en question, dans une libre confrontation des idées. Le Cardinal-Président donnera à la fin des dispositions pour l'avenir tant pour le gouvernement futur de la Fraternité, que pour la pratique liturgique future, qui conservera certainement l'identité liturgique garantie par l'indult accordé à la Fraternité au moment de sa fondation.

3) En attendant cette assemblée - qui n'aura pas besoin de publicité ni de discussions préalables parmi les prêtres et encore moins parmi les séminaristes - vous êtes prié de gérer seulement les affaires courantes de l'Institut et de vous abstenir de faire des mutations qui ne sont pas strictement nécessaires.

Cette Commission pontificale espère que vous, Monsieur l'abbé, en tant que Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pierre collaborerez avec elle pour rétablir la paix interne à la Fraternité et pour en garantir un développement ultérieur sain qui, tout en gardant sa spécificité, lui donne la possibilité de trouver sa place parmi les autres Instituts de Vie consacrée et de Vie apostolique.

Veuillez agréer, Monsieur le Supérieur Général, l'expression de ma haute considération.

(Angelo Card. Felici)
Président
(Camillo Perl)
Secrétaire

3 juillet 1999

[Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements] "Protocole 1411/99"

SOURCE - diffusé par le site A.R.T. (Avenir du Rite Tridentin) - 3 juillet 1999

Note : la traduction suivante a été faite par un prêtre ayant sous les yeux les textes latin et italien du protocole. Il a généralement traduit l’original italien, en signalant le cas échéant les différences présentes dans le texte officiel latin.

Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum
Prot. 1411/99
Réponses Officielles.
Après le renouvellement (lat. : restauration) liturgique demandé par le Concile Vatican II, se sont manifestés certains groupes de fidèles catholiques qui se sentent fortement attachés à certaines (lat. : -) formes de la tradition liturgique romaine antérieure. Ces groupes - nous parlons de ceux qui sont dans la pleine communion avec l’Eglise catholique et son magistère- ont manifesté le désir de pouvoir continuer à utiliser le Missel Romain dit de Saint Pie V. Le Souverain Pontife Jean-Paul II, mû par le désir paternel (lat. : la charité paternelle) de venir au devant (lat. : de pourvoir à) la sensibilité (lat. : le sens) liturgique et religieuse de ces groupes, leur a concédé de pouvoir utiliser, avec l’autorisation de l’Evêque du lieu, le "  Missel Romain " édité en 1962. Ce même Souverain Pontife a également demandé aux évêques de recevoir avec bienveillance et générosité ces personnes qui se sentent profondément attachés (lat. : les fidèles profondément attachés) au rite pré-conciliaire et, en même temps, professent une adhésion sincère au Magistère de l’Eglise et l’obéissance aux Pasteurs légitimes. Le désir du Pape (lat. : Pontife Romain) a été exprimé par le Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta (2 juillet 1988, AAS 80 [1988] 1495-1498).

A la suite de problèmes (lat. : questions) parvenues à ce Dicastère, concernant la possibilité et les empêchements connexes à l’indult concédé par l’autorité légitime d’utiliser le Missel édité en 1962, après consultation et approbation du Conseil Pontifical pour l’interprétation des Textes Législatifs et de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, nous communiquons ce qui suit, en forme de réponses à des questions (lat. : aux questions posées).
1. Un prêtre membre d’un Institut qui jouit de la faculté de célébrer selon le rite en vigueur avant le renouvellement (lat. : restauration) liturgique demandé (lat. : -) par Vatican II, peut-il utiliser librement le Missel Romain promulgué par le Souverain Pontife Paul VI, quand il célèbre la Sainte Eucharistique au service (lat. : pour le bien) d’une communauté dans laquelle la Messe est célébrée selon ce dernier Missel, et ceci même occasionnellement. 
Réponse : Affirmative et " ad mentem " [selon l’esprit (mens) des sources juridiques qui motivent la réponse]. La Mens est que l’usage du Missel pré-conciliaire étant une concession accordée ex indulto (par indult), elle ne supprime pas (lat. : elle consiste en quelque chose qui n’enlève pas) le droit liturgique commun pour le Rite romain, selon lequel le Missel Romain (lat. : -) en vigueur est celui qui a été promulgué après le (lat. : par ordre du) Concile Vatican II. Bien plus le prêtre mentionné ci-dessus doit (italiques dans l’italien, souligné dans le latin) célébrer avec le Missel post-conciliaire si, (lat. : +éventuellement), la célébration a lieu dans une communauté qui suit le rite Romain actuel, aussi (lat. : -) pour éviter aux fidèles étonnement ou malaise, et afin d’être une aide efficace pour les frères (lat. : confrères) prêtres qui lui auraient demandé ce service de charité pastorale. Dans les communautés habituées au Missel actuel, l’utilisation de l’ancien Missel entraîne plusieurs difficultés, par exemple : les différences dans le Calendrier liturgique, la diversité (lat. : -) des textes bibliques pour la liturgie de la Parole, la diversité (lat. : les variantes) dans les gestes liturgiques, dans la façon de recevoir la Sainte Communion, dans le rôle (lat. : les offices) des ministres, etc.
2. Les Supérieurs, de quelque rang (lat. : dignité) soient-ils, des Instituts qui jouissent de l’indult permettant l’usage du Missel Romain édité en 1962 pour la célébration du Saint Sacrifice de la Messe (lat. : du Sacrifice Eucharistique), peuvent-ils interdire aux prêtres appartenant à de tels Instituts, l’usage du Missel Romain post-conciliaire quand ces prêtres célèbrent, même occasionnellement, au service (lat. : pour le bien) d’une communauté dans laquelle est utilisé le Missel Romain actuel.
Réponse : Négative, parce que l’usage du Missel Romain de 1962 est un indult concédé en faveur des personnes qui se sentent (lat. : pour l’utilité de fidèles qui sont spécialement) lié(e)s au rite romain pré-conciliaire, et son utilisation ne peut pas être imposée à des communautés qui célèbrent la Sainte Eucharistie suivant le Missel rénové sur l’ordre du Concile Vatican II, [communautés] sur lesquelles les Supérieurs de tels Instituts n’ont d’ailleurs aucune autorité.
3. Un prêtre membre d’un Institut qui jouit de l’indult susdit peut-il librement (lat. : sans aucun empêchement) concélébrer la Sainte Messe selon les règles actuelles (lat. : selon l’Ordo actuel) du Rite romain?
Réponse : Affirmative, car l’indult ne retire pas aux prêtres le droit commun du rit romain de célébrer selon le Missel Romain actuellement en vigueur, c’est pourquoi son Supérieur ou l’Ordinaire du lieu ne peut pas et ne doit pas lui interdire la concélébration. En effet il est louable que les prêtres mentionnés ci-dessus concélèbrent librement, spécialement la Messe du Jeudi Saint présidée par l’Evêque diocésain. Bien que " chaque prêtre ait le droit de célébrer la Messe de individuellement, mais non pas au même moment dans la même église, ni le Jeudi Saint ".(cf Vatican II Sacrosanctum Concilium, 57, § 2, 2), la signification de communion manifestée par la concélébration (lat. : le signe de communion inhérent à la concélébration) est si important qu’il ne doit pas être omis à la Messe chrismale, sauf pour de graves raisons. (Sacrosanctum Concilium 57, § 1, 1a).

Au siège de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, le 3 Juillet 1999,
Cardinal George Medina Estevez Préfet, Francisco Pio Tamburino, Archevêque-Secrétaire.