15 mai 2001

[La Lettre de Tonton Jean] «Henri VIII et Luther semblent avoir pris leur revanche!»

SOURCE - La Lettre de Tonton Jean - mai 2001

Bien chers Tous,

En quelques mois cette lettre a pris de l'ampleur. Commencée timidement pour le courrier électronique et étendue plus largement par le courrier postal, elle a suscité quelques remarques, judicieuses pour la plupart. C'est pourquoi, pour simplifier les choses, je reprends le titre premier, "Le lettre de Tonton Jean".

Pour ce mois de mai, il y a beaucoup d'évènements intéressants. Il m'a fallu choisir.


Les Martyrs catholiques anglais:


Dans le livre de François d'Algoud "1600 Jeunes saints, Jeunes témoins", à ce jour, 4 mai, nous trouvons les noms de 24 prêtres anglais, âgés de moins de 35 ans, morts martyrisés par les protestants anglicans au 16e siècle pendant et après le règne d'Henri VIII (1491-1547). Ils ont été béatifiés par Jean-Paul II, le 22 novembre 1987, le jour de la solennité du Christ-Roi. Auparavant, en 1929, Pie XI avait béatifié 135 martyrs, exécutés durant la même période. Paul VI, en 1970, en avait canonisé 40 autres. A cette occasion, le cardinal Heenan, archevêque de Westminster, a déclaré, que "Tout ces martyrs ont préféré mourir que de remplacer le Sacrifice de la messe par un service de communion". En écrivant ces phrases, je ne puis m'empêcher de penser à un écrivain et académicien français, Julien Green. Cet écrivain, né à Paris en 1900 dans une famille protestante anglicane, a abjuré sa foi protestante à l'âge de 16 ans pour entrer dans l'unique Eglise du Christ, l'Eglise catholique. Voyons ce que Julien Green écrit en 1978 dans son livre Ce qu'il faut d'amour à l'homme, et concernant la messe d'aujourd'hui:

"Arrive le Concile: premières inquiétudes, puis l'abandon de la messe latine: …Un jour que j'étais à la campagne avec ma sœur Anne, nous assistâmes à une messe télévisée… J'essayais de reconnaître sur l'écran quelque chose qui ressemblât à une messe. En vain. Ce que je reconnus était une imitation assez grossière du service anglican qui nous était familier dans notre enfance. Le vieux protestant qui sommeille en moi dans sa foi catholique se réveilla tout à coup devant l'évidente et absurde imposture que nous offrait l'écran… je demandai simplement à ma sœur: Pourquoi nous sommes-nous convertis?".

Henri VIII et Luther semblent avoir pris leur revanche! Vous comprenez, bien chers qui me lisez, pourquoi Tonton Jean tient à assister et défendre la Messe de toujours, à l'exemple de ces prêtres anglais qui ont préféré mourir plutôt que de devenir des protestants.


Jeanne d'Arc, patronne seconde de notre pays:


En ce mois de mai, il est de notre devoir de catholique et de français d'honorer sainte Jeanne d'Arc, patronne seconde de notre pays avec sainte Thérèse de Lisieux. La patronne principale est la très sainte Vierge Marie, que notre pays devrait honorer le 15 août. Vous me direz: "mais tonton, Jeanne d'Arc, on connaît!". Pas tout le monde, le plus de 40 ans assurément; mais posez la question au moins de vingt ans, c'est-à-dire à vos enfants, vous risquez d'être surpris. Cette question je l'ai posée, il y a quelques mois. Voici la réponse, "Ce doit être une femme qui a fait la guerre aux anglais et qu'on a brûlée à Rouen". A quelle période? Là, c'était trop demander. "C'est un peu court" aurait dit Cyrano de Bergerac… mais c'est tout ce que l'école laïque et obligatoire apprend aujourd'hui à ses élèves. Il est loin le temps où étant étudiant à Paris, toute mon école se rendait au défilé de Jeanne d'Arc le deuxième dimanche de mai. C'était dans les années 1947-1952. Voici ce qu'écrit François Algoud dans le livre cité plus haut:

"Jeanne d'Arc, née le 6 janvier 1412 et morte le 30 mai 1431, à l'âge de 19 ans. Elle naît à Domrémy, petit village de Lorraine. Son père, laboureur, s'appelait Jacques d'Arc et sa mère Isabelle Romée. Vers l'âge de 13 ans, des voix célestes accompagnées de lumière divine, viennent l'introduire à l'union à dieu et la préparer à sa mission extraordinaire. L'archange saint Michel, les saintes Catherine d'Alexandrie et Marguerite d'Antioche la préparent à délivrer le France de l'envahisseur anglais. Elle rapporte lors de son procès: "Avant toute chose, saint Michel me disait d'être une bonne enfant et que Dieu m'aiderait. Et, entre autres choses, il m'a dit de venir au secours du roi de France… Et l'ange me disait la pitié qui était au royaume de France". Ainsi envoyée par Dieu: "Va… Va, fille de Dieu!", la bergère quitte sa famille à 17 ans. Elle va trouver le capitaine de Vaucouleurs. Alors commence l'extraordinaire chevauchée de cette sainte à l'âme candide et forte pour rencontrer le dauphin à Chinon. Le 7 mars 1429, elle le rencontre et lui révèle sa prière secrète. Envoyée à Poitiers pour comparaître devant les autorités ecclésiastiques de l'Université, elle finit par marcher à la tête de l'armée royale, vers la fin avril 1429. Le 8 mai, c'est la délivrance d'Orléans. Puis ce sont les victoires de Meung, Beaugency, Patay, les prises de Troyes et de Châlons-sur-Marne, couronnées par le sacre du roi à Reims, le 17 juillet de cette même année 1429.

Dans un pacte enregistré par les avocats royaux, elle rappelle au roi Charles VII qu'il est le "lieutenant" sur la terre du Roi des cieux, le "Christ, roi des Francs"! Elle repart vers La Charité-sur-Loire, Melun, Soissons, Compiègne, où elle est faite prisonnière le 23 mai. Vendue aux Anglais, elle subira les plus dures brimades de la part d'un tribunal inique qui cherche à la perdre devant l'Eglise. Elle suit ainsi son Sauveur jusqu'à l'offrande totale d'elle-même, le 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché de Rouen où elle est brûlée vive. Ses dernières paroles témoigne de sa vie: "J'en appelle à Dieu et à notre seigneur le pape. Non, non, je ne suis pas hérétique, ni schismatique, mais une bonne chrétienne. Saint Michel! Sainte Catherine! Sainte marguerite! Ma mission était de Dieu! Jésus! Jésus! Jésus!". Jeanne n'avait que 19 ans! "Nous sommes perdus, nous avons brûlés une sainte", gémit un homme d'armes anglais. Le 7 juillet 1456, soit 25 années plus tard, Jeanne d'arc est réhabilitée par l'Eglise. Le 18 avril 1909, le pape saint Pie X la proclame "bienheureuse" en rappelant: "Vous direz à vos compatriotes que s'ils aiment la France, ils doivent aimer Dieu, aimer la foi, aimer l'Eglise qui est pour eux tous une mère très tendre comme elle l'a été de vos pères. Vive le Christ qui est Roi des Francs". (Fin de l'article extrait du livre cité plus haut).

Ste Jeanne d'Arc a été canonisée en 1920 et est fêtée au calendrier liturgique le 30 mai, jour anniversaire de sa mort, mais par une autorisation spéciale, le pape Benoît XV permit une solennité transférée au deuxième dimanche de mai, "afin d'assurer la coïncidence de la solennité religieuse avec la fête civique". Car une loi de la République, toujours en vigueur, avait institué, en la fixant au deuxième dimanche de mai, "la fête de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme". La République laïque n'a pas aboli cette loi de 1920. Les préfets, chaque deuxième dimanche de mai, font fleurir les statues de Jeanne d'Arc. Ce sont les évêques de France qui ont, en l'escamotant, supprimé la solennité que le Saint-Siège avait accordée en 1920: il y a des saints qu'il faut faire disparaître, car ils ne sont pas politiquement corrects!


A Damas: Le pape, l'Islam et Saint Jean Baptiste, mon saint patron:


Pour terminer, juste un petit mot sur le voyage de Jean-Paul II à Damas. Le pape dans une mosquée? Oui, en tant que touriste comme tout un chacun peut le faire, mais pas en tant que Vicaire du Christ et chef visible de l'Eglise, fondée sur saint Pierre, également par le Christ lui-même. Embrasser le Coran, tel que Jean-Paul II l'a fait il y a quelques mois, est un sacrilège. Réciter une prière coranique à Damas est un scandale. Toute la Révélation, faite par Yahweh (Je suis Celui qui suis), a commencé avec Abraham et s'est achevée, absolument complète, avec Jésus-Christ, fils de Dieu et Dieu lui-même. "Avant qu'Abraham fut, Je Suis" a dit le Christ aux pharisiens qui le titillaient. Notre Seigneur est mort et ressuscité pour nous ouvrir les portes du Ciel et nous faire connaître son Père "Qui me voit, voit le Père", ce Père, ce Dieu d'Amour, ce Dieu qui est l'Amour. Nous faire avaler que ce Dieu d'Amour aurait oublier de dire ou de confier un complément de Révélation à son Fils et qu'Il aurait envoyé de nouveau l'archange Gabriel pour réparer cet oubli, c'est nous prendre pour des ignares, ou alors Dieu n'est pas Dieu! Si le livre qu'on appelle faussement le Coran (le seul Coran qui existe, c'est la Bible!) était passé au peigne fin et étudié scientifiquement comme ont été étudiées les Evangiles, il ne resterait rien de ce Livre arabe de l'islam. Le père Joseph Bertuel a fait paraître son étude "l'Islam, ses véritables origines" en 3 volumes: 1/ un prédicateur à la Mecque (1981), 2/ De la Mecque à Médine (1983), 3/ Vers un islam arabe autonome (1984). Si vous le souhaitez je pourrais en reparler dans la prochaine lettre.

Pourquoi le saint Père n'a-t-il pas lu un passage des Evangiles? N'est-ce pas le Christ que nous devons annoncer? Pourquoi les muftis et autres rabbins ne gravissent-ils pas l'escalier qui conduit au Golgotha, lieu où Notre Seigneur a été crucifié, en remerciement aux visites que le Saint Père a faites dans leurs lieux de prières: synagogues (1986)? et mosquées (2001)?

Autre chose: Le tombeau de Saint Jean Baptiste, mon saint patron, n'est pas à Damas (Il y a peut-être une relique seulement), mais à Sébaste en Palestine. Nous voyons dans cette ville le tombeau de saint Jean Baptiste. Il est dans ce qui reste d'une église qui devait être très imposante durant l'époque où la Palestine était chrétienne. Pour cela j'ai sous les yeux le livre fait sur Saint Jean Baptiste, par les pères Baldi et Bagatti, franciscains et archéologues réputés en Terre Sainte. Ce livre est édité par l'imprimerie franciscaine de Jérusalem.

Il me reste juste une ligne pour vous embrasser tous et vous dire "au mois prochain".

Tonton Jean

[Abbé Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet] «Révélations et illusions…» (éditorial)

SOURCE - Abbé Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet - mai 2001

Un jour, une personne arriva dans mon bureau le teint pâle, les traits tirés et la mine défaite. Impressionné par tant d’inquiétude, je lui demandais de m’expliquer la cause de son tourment. « Ah, Monsieur l’abbé, s’exclama-t-elle, je sors de chez Mademoiselle X, démoralisée. Je viens d’apprendre que le châtiment est imminent et que les persécutions approchent… » Il me fallut un certain temps pour la rassurer et elle repartit ragaillardie.

Ce genre de fait n’est pas isolé et il est fréquent de voir circuler sous le manteau certaines révélations privées sur la crise, sur l’importance de telle dévotion qu’il faut surtout cacher au clergé de la paroisse qui ne les comprendrait pas. Il convient de remettre quelques pendules à l’heure ! Comme nous l’avons appris, Dieu nous a parlé par le Verbe, deuxième Personne de la Sainte Trinité, qui s’est incarné et est mort pour nous. Notre Seigneur a prouvé la divinité de sa mission et de son enseignement par les nombreux miracles qu’Il effectue ici-bas.

Comme vous le savez, la foi est une vertu surnaturelle qui nous fait croire fermement, à cause de la véracité divine, toutes les vérités que Dieu nous a révélées et qu’Il nous enseigne par son Eglise. Ainsi on péchera contre la foi en niant ou en refusant certaines vérités parce qu’elle nous dépassent ou, au contraire, en croyant tout et n’importe quoi, en recherchant des signes sensibles, des consolations, des révélations en tout genre pour s’assurer que l’on se trouve sur la bonne voie. Je voudrais m’arrêter sur ce deuxième cas. L’attrait inconsidéré du merveilleux est un manque de foi. Nous devons croire sans voir, parce que Dieu nous l’a dit. Seulement dans l’autre monde nous verrons. La Sainte Ecriture, la Tradition, l’enseignement constant de l’Eglise, le conseil de prêtres éclairés doivent nous suffire pour guider nos âmes ; nous n’avons pas besoin d’autres choses. La course au sensationnel ramène la foi à un sentimentalisme religieux débridé.

Dieu a accordé à de saintes âmes le don des miracles pais seulement après les avoir éprouvées et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. A un religieux qui enviait saint Jean Bosco de pouvoir faire des miracles, le saint répondit vertement : « Tu ne sais pas ce qu’il m’en coûte ! » L’attrait désordonné du merveilleux touche à la superstition. Le dernier concile a désacralisé la liturgie, le sacerdoce, la doctrine, et beaucoup de fidèles désorientés ont perdu la foi mais ils ont gardé en eux un sentiment naturel religieux frustré. Les sectes ont alors pullulées et rencontré un succès incontestable. La charismatique au sein même de l’Eglise connaît un essor considérable. Les communautés de l’Emmanuel, du Lion de Judas, des béatitudes, du Chemin Neuf, se développent de façon tout à fait étonnante, et l’on notera d’ailleurs que les sanctuaires français sont repris les uns après les autres par ces communautés charismatiques qui entretiennent chez leurs adeptes une foi sensible dangereuse. Ainsi, leur liturgie sera très gestuelle, les séances de guérison se multiplieront, et draineront des foules assoiffées qui ne trouvent plus dans la liturgie conciliaire la nourriture nécessaire pour leurs âmes. Ils ont besoin de sentir, ils ont besoin de merveilleux, et ne supportent pas l’aridité de la foi qui la rend si méritoire. Ils veulent sentir pour croire, et voir pour être rassuré.

La course aux pèlerinages non reconnus ou condamnés par l’Eglise est tout à fait malsaine et touche aussi nos milieux : Dozulé, Medjugorje, Garabandal, etc. pourquoi courir vers ces lieux alors que nous avons : La Salette, la Rue du Bac à Paris, Lourdes, Fatima, l’Île Bouchard… qui ont reçu l’approbation de l’Eglise et sont source de tant de grâces ? Ayons présente à l’esprit la mise en garde du Christ contre les faux prophètes : « Ils feront de grands signes et des prodiges capable de séduire, si c’était possible, même les élus. » (Mat. XXIV, 24).

Les ouvrages écrits par des âmes dites « privilégiées » peuvent être aussi dangereux pour notre foi car ils sont empreints d’un sentimentalisme malsain et de nombreuses erreurs théologiques y fourmillent. Que dire de ceux qui, refermant les Evangiles trop arides à leur goût, lisent les œuvres de Maria Valtorta qui relatent une vie totalement romancée du Christ. Il faut également condamner ceux qui veulent connaître le sort des âmes dans l’au-delà en allant consulter Maria Simma et ses œuvres et négligent de faire célébrer des messes pour leurs défunts. Ces « saintes femmes » ont pris le pas sur les apôtres et l’Eglise elle-même. Plus besoin de prêtres pour être éclairé et guidé, les voyantes sont là ! leurs écrits sont aussi crédibles que la presse à sensation que l’on peut lire dans les salles d’attente des dentistes avant de se faire arracher une dent !..

De grâce, gardons une foi éclairée, ferme et simple. Conservons le bon sens et sachons demander conseil au prêtre avant de nous lancer dans de telles illusions. Il nous fait étudier notre religion et lire la Sainte Ecriture qui est, selon saint Jean Chrysostome : « le livre des savants et des ignorants, le livre du prêtre, du prédicateur, du religieux, de l’homme du monde et du petit enfant ; chaque syllabe enferme un trésor. Quand nous le lisons, ce n’est pas avec un sage que nous avons commerce, c’est avec l’Esprit de Dieu Lui-même […] c’est le Verbe de Dieu s’introduisant en nous. »

Abbé Christian BOUCHACOURT
Les négociations avec Rome : les conciliaires refusent de libérer la Messe de la Tradition.
Abbé Dominique De Vriendt, Éditorial de "Communicantes" (FSSPX, Canada), mai 2001
Depuis les Sacres épiscopaux de 1988, cette historique « opération survie » qui donna à la Fraternité Saint-Pie X et à l’Église quatre évêques qui ne compromettraient pas avec le modernisme, la politique de Rome avait été celle du silence et de l’ostracisme : reléguer les oeuvres de la Tradition dans l’oubli derrière la muraille d’une soi-disant « excommunication ». Or, depuis le mois de décembre dernier, la Fraternité s’est trouvée soudainement à l’avant plan de l’actualité : même les médias officiels de l’Église conciliaire comme La Croix de Paris, ont été obligés d’en parler : Rome et la Fraternité seraient sur le point de signer un accord! Espoir fou chez les uns, scepticisme presque cynique chez d’autres. Trois mois plus tard, la veille du jour de Pâques, la Fraternité, qui avait posé deux préalables essentiels à toute négociation (voir ci-dessous l’article de l’abbé Laguérie), reçoit enfin une réponse écrite de Rome qui met fin, sine die, au processus entamé. Rome, qui en la personne du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la commission Ecclesia Dei et de la congrégation du Clergé, s’était d’abord montrée favorable à l’idée, fait maintenant marche arrière et refuse de libérer la messe de la Tradition, c.a.d. refuse de déclarer publiquement le droit de tout prêtre de célébrer selon la messe de la Tradition.
L’article de l’abbé Laguérie, dont nous reproduisons ci-dessous de larges extraits, vous donne une bonne synthèse des événements.
Certains se diront : pourquoi parler de cela, pourquoi perdre notre temps à commenter l’éphémère, le jeu vain et trompeur des tractations de la politique vaticane ? Nous répondons : parce que le rayonnement, et même la survie de la Fraternité sont en jeu. Parce que le bien de l’Église entière est en jeu. Pour le comprendre, nous devons laisser de côté les rumeurs, les interprétations biaisées, tous les racontars que l’on trouve sur l’Internet; nous devons nous élever au-dessus des passions. Ce qui importe, ce sont les principes, les lignes directrices, les intentions profondes. Du côté de la Fraternité, ceux-ci sont absolument clairs et n’ont pas changé. Mgr Bernard Fellay, notre Supérieur général, les expose très clairement dans le numéro 68 de Cor Unum, qu’il nous autorise à reproduire partiellement ci-dessus :
            1- D’une part, il n’est pas question pour la Fraternité de céder sur l’essentiel : c’est le trésor de l’Église, le fondement de la vie de la Foi
            2- D’autre part, nous ne devons pas rejeter a priori la possibilité d’une grâce de conversion à Rome. Car, même occupée par la secte moderniste, Rome reste la tête visible de l’Église : il n’y aura pas de fin à cette crise terrible de l’Église sans le retour de Rome à la Tradition.
Certains parmi nous se sont demandés si la Fraternité n’avait pas été trop exigeante. Devant de si généreuses propositions de Rome (voir article de l’abbé Laguérie), n’était-il pas inconvenant voire arrogant d’oser même présenter des conditions ?
Non, les demandes de la Fraternité ne sont nullement excessives. Elles sont sages et nécessaires, géniales même, comme certains l’ont dit. Mgr Fellay l’explique très bien : « Vu les contradictions romaines, il était nécessaire de demander à Rome un acte concret par lequel elle montrerait à tous qu’elle fait un geste vrai en faveur de la Tradition. De plus, si nous avions des accords avec Rome, il serait absolument nécessaire d’avoir l’assurance de la pérennité du rite que nous célébrons. Or la proclamation officielle de la non abrogation du rite tridentin empêcherait Rome de ‘supprimer’ la messe de St. Pie V pendant au moins des années sinon définitivement. Les bienfaits d’une telle mesure seraient immenses pour toute l’Église. Justice serait enfin faite. Cela permettrait aussi de tester la bonne volonté de Rome envers nous : car s’ils sont prêts à endosser les problèmes qui surgiront nécessairement au niveau des évêques avec la réintroduction de l’ancienne messe, alors nous pouvons penser qu’ils sont peut-être prêts à assumer aussi les contradictions et les objections qui s’élèveront lors de notre arrivée. Il est inutile de mentionner la facilité accrue avec laquelle les prêtres qui le désirent, mais qui n’osent pas, pourront célébrer à nouveau l’ancienne messe » (Cor Unum No. 68).
Et comme le dit l’abbé Laurençon dans la Lettre à nos Frères Prêtres, no.9 – mars 2001 : «... à l’heure où, de manière quasi officielle, on reconnaît combien fut abusive et délétère l’interdiction du missel tridentin (Cardinal Ratzinger, Ma Vie, p. 132); à l’heure où l’on estime de plus en plus ouvertement que ‘la crise de l’Église actuelle repose largement sur la désintégration de la liturgie’ (id), (...) il n’est pas incongru de lever l’interdiction abusive et infamante qui pèse sur un missel millénaire dont la sûreté doctrinale et l’efficacité salutaire ne sont plus à redire ».
La présentation par la Fraternité, le 19 février dernier, du livre Le problème de la réforme liturgique au cardinal Castrillon Hoyos, précédé d’une ‘Adresse au Saint-Père’ signée par Mgr Fellay, a montré, par les réactions hostiles de plusieurs cardinaux, dont Mgr Eyt, archevêque de Bordeaux, et même le cardinal Ratzinger, que nos interlocuteurs ne comprennent pas, ou font semblant de ne pas comprendre que le problème est d’abord doctrinal, et non pas simplement disciplinaire, ou ‘de sensibilité’, comme le prétend le cardinal Medina (Présent, 10 mars 2001, Paris).
Cette étude reprend les conclusions du ‘Bref Examen Critique’ présenté en 1970 au pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, et les complète par une analyse de la théologie nouvelle du mystère pascal sous-jacente à la nouvelle messe.
Dans le journal parisien La Croix du 27 mars 2001, le cardinal Eyt réduit cette étude à une « attristante caricature de la théologie catholique de l’Eucharistie ». Or il s’agit, écrit l’abbé de la Rocque, dans une lettre publiée par La Croix du 11 avril, « d’un document profondément enraciné dans l’enseignement du Concile de Trente, qui analyse patiemment le Concile Vatican II, le Catéchisme de Église catholique, et les plus grandes encycliques de Jean-Paul II ». D’ailleurs, le cardinal se contredit un peu plus loin lorsqu’il reconnaît qu’il s’agit bien de la « doctrine énoncée sur l’Eucharistie par Paul VI et Jean-Paul II ».
« La question soulevée par ce document est de taille, continue l’abbé de La Rocque, parce qu’elle touche au cœur de la vie ecclésiale, parce qu’elle met en jeu la Rédemption opérée par le Christ. Parce que, peut-être aussi, elle est une clef explicative de la situation difficile que l’Église traverse aujourd’hui ».
Le communiqué de Mgr Eyt montre que les forces occultes qui, depuis un demi-siècle, se sont acharnées à jeter bas la forteresse de l’Église et à l’ouvrir aux erreurs modernes, ne vont pas sans réagir laisser se reconstituer ce rempart de la foi traditionnelle qu’est la messe tridentine. Avec une mauvaise foi sans vergogne, les autorités, comme Mgr Eyt, et même le cardinal Ratzinger, font retomber sur la Fraternité la faute de l’impasse actuelle. « La Fraternité est trop repliée sur elle-même » affirme le cardinal allemand, dans le journal italien Il Giornale, 3 avril 2001. Alors que les récents événements ont justement montré le contraire : c’est parce qu’elle a le souci du bien de l’Église, et de la conversion de ses chefs, que la Fraternité a discuté avec Rome. Cela confirme le jugement que Mgr Lefebvre portait en 1988 : « on n’a pas affaire à des gens honnêtes » ! C’est pourquoi la Fraternité a raison d’une part de tenir à ce préalable absolu de la pleine liberté pour la messe traditionnelle, et d’autre part de lancer le débat doctrinal sur le fond. Sur ce point, la publicité et la diffusion de l’étude Le problème de la réforme liturgique, fait marquer des points pour le retour de Rome à la Tradition. Plus que jamais, nous devons prier pour cela.
Nous présenterons dans notre prochain numéro cette étude capitale pour comprendre la nocivité doctrinale de la nouvelle messe. Pour l’instant, nous vous invitons à lire les commentaires suivants qui éclairent les récents événements :
- Le mot du Supérieur Général, extraits du Cor Unum No. 68 – février 2001
- Le pape, la messe, la paix, par M. l’abbé Philippe Laguérie
- Dans la crise de l’Église.... par M. l’abbé Michel Simoulin
- Entretien avec Mgr Bernard Fellay, extraits, Fideliter No. 140 – mars-avril 20

13 mai 2001

[Aletheia n°14] Revue de presse - Nouvelles

Yves Chiron - Aletheia n°14 - 13 mai 2001
Revue de presse
Sedes Sapientiae, n° 75, printemps 2001, 86 pages, 50 F (Société Saint-Thomas d’Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi).
La revue des Dominicains de Chémeré publie la traduction d’une longue et importante intervention du cardinal Biffi consacrée à l’immigration. Face aux vagues d’immigrants qui arrivent, généralement de façon irrégulière, en Italie, l’archevêque de Bologne expose “ la complexité du problème ”. L’Eglise, explique le cardinal Biffi, a déjà réagi en publiant deux longs documents, l’un émanant de la Commission Justice et paix, l’autre de la Commission ecclésiale pour les migrations. Ces deux documents étaient “ de nature à construire et à diffuser dans la chrétienté une “culture de l’accueil”.” Le cardinal ajoute : “ Il manque cependant un peu de réalisme dans l’examen des difficultés et des problèmes. Surtout l’importance de la mission évangélisatrice de l’Eglise à l’égard de tous les hommes, et donc aussi à l’égard de ceux qui viennent demeurer chez nous, ne semble pas avoir été mise suffisamment en relief. ”
L’intervention du cardinal Biffi est axée donc autour de trois nécessités : une politique d’accueil réaliste, la sauvegarde de l’identité nationale et la nécessité de l’évangélisation des personnes accueillies.
On trouvera dans Sedes Sapientiae trois autres études intéressantes : “ L’éducation des hommes dans l’histoire du salut ” par L.-J. Elders, “ Les débuts de dom Guéranger dans la prédication ” par Dom Matthieu Wallut et la première partie d’un article sur la tradition politique gallicane par Nicolas Warembourg.
Le Sel de la terre, n° 36, printemps 2001, 256 pages, 90 F (Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé).
Une partie du numéro est consacrée à Mgr Lefebvre, à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort. Un long article, non signé, montre en Mgr Lefebvre “ un confesseur de la foi ”. Sont évoquées, en neuf dates, “ les grandes étapes qui ont marqué la croisade entreprise par Mgr Lefebvre contre les erreurs actuelles ”. Puis, Mgr Tissier de Mallerais évoque “ Mgr Lefebvre face à la réforme de la messe ”. Ces pages sont extraites d’une biographie de Mgr Lefebvre que Mgr Tissier prépare. Les pages publiées en avant-première laissent présager un travail historique sérieux, abondamment documenté et référencé.
Outre trois textes de Mgr Lefebvre (un éloge de saint Thomas d’Aquin, un extrait de son Itinéraire spirituel, déjà édité, et un sermon sur l’état religieux), on trouve dans la revue des Dominicains d’Avrillé, reproduits en fac-similé, les extraits de deux lettres adressées par Mgr Lefebvre, en 1989 et 1990, à un des religieux du couvent. Un des deux extraits reproduits, relatif à la naissance du Sel de la terre, semble n’avoir pour but que de désigner les ennemis qui étaient et qui sont toujours ceux de la revue dominicaine. Il y aurait bien d’autres choses à dire sur les origines de la revue et son évolution.
Ce numéro contient de nombreux autres articles, notamment la traduction d’une étude critique de l’abbé Simoulin parue en italien il y a près d’un an (et déjà recensée ici) et un “ Petit catéchisme du sédévacantisme ”, signé Dominicus.
Nouvelle Ecole, n° 52, année 2001, 160 pages grand format, 130 F (Labyrinthe, 18-24 quai de la Marne, 75164 Paris Cedex 19).
Une grande partie de la revue dirigée par Alain de Benoist est consacrée au christianisme. On y trouve quatre études, une de Pierre Le Vigan, deux d’Alain de Benoist et une d’Alexandre Gryf. Cette dernière est consacrée, significativement, aux “ persécutions contre les païens, de la conversion de Constantin (312) à la mort de Justinien (565) ”.
Une des études d’Alain de Benoist retient l’attention parce qu’elle est consacrée à “ Jésus et ses frères ”. Elle était annoncée depuis un certain temps (cf. Dernière année, L’Age d’Homme, 2001, p. 23 et 77, déjà recensé dans Alètheia). Bien que dédiée “ A Guillaume de Tanoüarn ”, elle est décevante. Elle peut impressionner de prime abord : 153 notes et références pour un texte de près de trente pages, d’innombrables auteurs cités (de Renan jusqu’aux plus récents travaux d’exégèse en français, en anglais et en allemand). On s’étonne, néanmoins, de voir non seulement mentionner mais utiliser les travaux et hypothèses émises par des auteurs peu sérieux comme Gérald Messadié et Robert Ambelain.
Alain de Benoist s’attache à montrer, après bien d’autres, que les “ frères ” et “ soeurs ” de Jésus mentionnés dans les Saintes Écritures ne sont point des cousins du Christ ou des enfants que Joseph aurait eus d’un premier mariage mais bel et bien des enfants selon la chair de Marie et de Joseph. De là, forcément, s’écroulent le dogme de la virginitas in partu (Ephèse, 431) et la croyance en la virginitas post partum.
L’exégèse récente, en nombre de ses voix, conclut, elle aussi, à l’existence de frères et soeurs de sang du Christ. Dernier exemple en date, postérieur à l’article d’Alain de Benoist, l’Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien (30-135) de François Blanchetière, Editions du Cerf, 2001, 587 pages. L’auteur y consacre près de vingt pages, p. 188 à 204, à l’existence historique de frères et soeurs de Jésus.
Tout ceci, pourtant, ne doit pas impressionner le catholique fidèle. Le grand exégète américain Raymond E. Brown, décédé en 1997, avait résumé très clairement la position catholique sur le sujet : “ comme ces frères sont associés à Marie (Mc 3, 31-32 ; Jn 2, 12), si l’on ne disposait que du NT on pourrait supposer qu’ils étaient les enfants de Marie et Joseph, nés après Jésus - opinion tenue dans l’antiquité par Tertullien et aujourd’hui par la plupart des protestants. Mais dès le début du IIe siècle, on voyait en eux les enfants d’un précédent mariage de Joseph (Protévangile de Jacques 9, 2). Cette interprétation est conservée dans la plus grande partie du christianisme d’Orient, et Bauckham (Jude Relatives 31) déclare qu’elle “mérite plus de considération qu’on ne lui en accorde aujourd’hui”. L’idée qu’il s’agit d’un cousin de Jésus sera introduite au IVe siècle par Jérôme et elle est devenue courant dans l’Eglise occidentale. Dans le catholicisme romain la thèse selon laquelle Marie resta vierge après la naissance de Jésus est généralement considérée comme enseignée de manière infaillible par le magistère ordinaire. ” (Que sait-on du Nouveau Testament ?, Paris, Bayard, 2000, p. 780).
• Roma felix, a. III, n° 4, avril 2001 (Fraternita S. Pio X, Via Trilussa 45, 00041 Albano, Italia).
La lettre mensuelle d’informations de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X en Italie, dirigée par l’abbé Michel Simoulin, et rédigée en italien, apporte sur les discussions en cours avec le Saint-Siège, un éclairage qui n’a guère transparu dans les communiqués officiels. L’abbé Simoulin, évoquant les propositions faites par le cardinal Castrillon Hoyos en janvier dernier (au cours d’une rencontre avec Mgr Fellay, à laquelle il a participé semble-t-il), écrit : “ tout semblait tellement beau et inespéré que nous avions peine à le croire ”.
Depuis, reconnaît l’abbé Simoulin, les enthousiasmes se sont rafraîchis, parce que, écrit-il, la Fraternité a demandé “ que le Vatican fasse quelque chose en faveur de la Messe tridentine ” et, pour l’heure, “ rien n’a été fait et peut-être faudra-t-il beaucoup de temps encore pour que quelque chose soit fait ”.
Bulletin saint Jean Eudes, n° 64, avril 2001, 24 pages, 10 F (Prieuré saint Jean Eudes, 1 rue des Prébendes, 14210 Gavrus).
Dans le dernier numéro de son bulletin mensuel, l’abbé Aulagnier raconte longuement, avec de nombreuses photographies à l’appui, le séjour de huit jours qu’il a fait au Gabon en mars dernier. Un récit chaleureux, personnel, pittoresque. Mgr Lefebvre fut treize ans missionnaire dans ce pays. La Fraternité Saint-Pie X y est implantée depuis quinze ans. L’église Saint-Pie comprend plus de 2.500 fidèles, note l’abbé Aulagnier qui ajoute : “ L’évêché vient de le confesser tout récemment : “Saint Pie X est la plus grosse paroisse de Libreville””. Depuis 1986, plus de 4.600 baptêmes y ont été dispensés.
M. l’abbé Aulagnier se demande à un moment (p. 14), avant une conférence sur la messe, si les Gabonais connaissent la Fraternité Saint-Pierre et Dom Gérard ? Oui, ils les connaissent, au moins indirectement, puisque l’Institut du Christ-Roi a, lui aussi, deux missions au Gabon. L’une à Mayumba, l’autre à Mouila, avec chacune un prêtre et une communauté de laïques consacrées. Une association, en France, s’attache à les soutenir et à les aider : Jeunes missionnaires en Afrique, 334 rue Pioch de Boutonnet, 34090 Montpellier.
Au Gabon, aussi, la Tradition est polyphonique.
La Nef, n° 117, juin 2001, 40 pages, 40 F (B.P. 73, 78490 Montfort l’Amaury).
Dans ce numéro, qui paraîtra dans une quinzaine de jours, plusieurs articles de théologiens et de liturgistes répondent à l’ouvrage de la FSSPX sur la nouvelle messe. L’un d’eux met en lumière, notamment, l’ancienneté de la notion de “ mystère pascal ” chez les Pères.

Nouvelles
• Selon des informations romaines, les discussions entre la FSSPX et le Vatican sont suspendues mais point définitivement interrompues. L’exigence posée en préalable par la FSSPX - que la messe traditionnelle soit autorisée sans restriction - n’a pas été acceptée. Du moins, pas encore. Le 22 avril dernier, au cours d’une réunion inter-dicastères réunies autour du Pape, une forte majorité des cardinaux présents s’est opposée à une reconnaissance de la liberté de la messe traditionnelle pour tous les prêtres et fidèles du monde entier, sans condition restrictive.
En revanche, la possibilité d’accorder un statut juridique à la FSSPX est plus largement acceptée. Elle avait été évoquée dès la rencontre de janvier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos.
• Les milieux sédévacantistes sont à l’origine de deux ouvrages, tous deux collectifs, qui connaissent une certaine diffusion ces derniers mois.
Mystère d’iniquité se présente comme une “ Enquête théologique, historique et canonique ” sur la vacance du Siège apostolique (Carmel Sancta Maria, 4790 Reuland 143, Belgique, 332 pages). Les auteurs s’efforcent de démontrer que “ depuis la mort de Pie XII, il n’y a plus de pape ” (p. 249). Chaque chapitre de l’ouvrage se termine par un bref résumé encadré. Pour donner le ton de l’ouvrage, il suffira de citer le résumé du dernier chapitre : “ L’Eglise dite “conciliaire”, ne possédant point les quatre notes caractéristiques de la véritable Eglise, est une secte, une “contrefaçon d’Eglise”. Roncalli, Montini, Luciani et Wojtyla président une secte hérétique ; ils ne sont pas papes de l’Eglise catholique. ” L’ouvrage est préfacé par Mgr Daniel L. Dolan, un prêtre américain qui a été sacré irrégulièrement évêque par Mgr Guérard des Lauriers, un dominicain qui, lui-même, avait été sacré irrégulièrement évêque par Mgr Ngo Dinh Thuc.
L’Eglise éclipsée ? est publié par les Amis du Christ Roi (éditions Delacroix, B.P. 18, 35430 Chateauneuf, 298 pages). L’ouvrage en est à sa troisième édition. Il se veut une démonstration, essentiellement historique, du “ complot maçonnique contre l’Eglise ”.
L’ouvrage s’ouvre sur des entretiens avec Malachi Martin qui eurent lieu, à New-York, en 1996. Malachi Martin est le pseudonyme d’un jésuite, aujourd’hui décédé, qui s’est fait connaître par des ouvrages, habiles, mi-romanesques mi-historiques, sur la papauté et le Vatican et dans lesquels il prétendait révéler des secrets, plus ou moins compromettants. Dans les entretiens retranscrits dans le volume (p. 17-27), Malachi Martin est affirmatif : Jean XXIII était franc-maçon ; à deux reprises, au cours des conclaves de 1963 et 1978, le cardinal Siri a été élu pape mais a dû renoncer immédiatement à la charge suite à des menaces.
Les auteurs veulent établir que “ les ennemis de l’Eglise ont choisi Karol Wojtyla parce qu’il était “le pape dont ils avaient besoin” ” (p. 138), “ Karol Wojtyla a été pressenti depuis de nombreuses années pour devenir le Pontife de la Gnosis et de la science ésotérique” dont parlait Roca ” (p. 139). Tout le projet de Jean-Paul II serait d’établir une “ religion mondiale, maçonnique : le noachisme ”.
Le livre se veut aussi une arme de combat contre la FSSPX qui reconnaît la légitimité de Jean-Paul II et a exclu de ses rangs, à partir de 1979, les prêtres sédévacantistes et ceux qui refusaient, à la messe, de prier una cum.
Ces deux ouvrages témoignent de l’influence accrue des théories conspirationnistes dans certains milieux traditionalistes et des dérives qu’entraînent certaines positions ecclésiologiques.
Pour rétablir la vérité sur les conclaves de 1963 et 1978, on pourra se reporter plutôt à ce qu’en ont écrit deux des biographes du cardinal Siri, bien documentés et qui ont chacun bénéficié d’entretiens avec lui, avant sa mort : Raimondo Spiazzi, Il cardinale Giuseppe Siri, Bologne, Edizioni Studio Domenicano, 1990, p. 95-101 et Benny Lai, Il Papa non eletto. Giuseppe Siri, cardinale di Santa Romana Chiesa, Bari, Laterza, 1993, p. 199-206 et p. 262-281.
• L’abbé Aulagnier, responsable de la communication et de l’information dans la FSSPX, a lancé une nouvelle publication : les Documentations Informations Catholiques Internationales (D.I.C.I.). L’abonnement à cette publication, hebdomadaire, est de 390 francs (Les Amis du Prieuré Saint Jean Eudes, 1 rue des Prébendes, 14210 Gavrus).

11 mai 2001

[La Liberté] Ecône veut l'unité sans rien céder

SOURCE - La Liberté - 11 mai 2001

Discussions de couloir ou véritables négociations? Depuis la fin de l’année dernière, le Vatican et les traditionalistes d’Ecône se reparlent. Point de départ de cette ébauche de rapprochement: le pèlerinage de la Fraternité Saint-Pie X à Rome à l’occasion de l’Année sainte. Depuis, plusieurs rencontres ont eu lieu; la dernière daterait de la semaine dernière glisse-t-on du côté d’Ecône. De quoi les parties parlent-elles? Quels sont les enjeux de ce dialogue, si dialogue il y a toujours? Le Vatican se tait: le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la commission Ecclesia Dei (en charge des mouvements traditionalistes) ne s’exprimera que quand il aura des résultats à présenter, fait-on savoir à la salle de presse. Du côté d’Ecône, on se montre plus bavard. Successeur de Mgr Marcel Lefebvre à la tête de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay, un des quatre évêques dont la consécration provoqua le schisme de 1988, s’explique dans un entretien accordé à «La Liberté», au «St. Galler Tagblatt» et à la «Basler Zeitung». 
La Liberté: Vous attendiez-vous à ce que Rome saisisse l’occasion de votre pèlerinage pour renouer le dialogue?
Bernard Fellay: – Il y avait des signes avant-coureurs. Il y a une année, Mgr Perl, secrétaire de la commission Ecclesia Dei avait déclaré que le moment était venu de s’occuper de la Fraternité. Notre surprise est venue de l’ampleur et de la rapidité avec lesquelles Rome a dépassé une position presque radicalement contraire. 
Pourquoi cette urgence du côté de Rome?
– Le pape arrive à la fin de son pontificat. Lui qui s’est voulu le champion de l’unité essaie de supprimer cette tache sur son pontificat. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de rapprochement avant? Je pense que Rome avait besoin de constater que nous ne sommes pas aussi carrés que ce qui se dit.
Pour qui la discussion est-elle la plus compliquée, pour vous ou pour Rome?
– Pour nous, il y a un problème de confiance. Rome s’est conduite de manière destructrice pendant des années à notre égard. Cette attitude est inadmissible et doit disparaître. Le mouvement actuel de Rome envers nous est totalement différent. On est certainement en droit de se demander pourquoi. Sur ce point, nous attendons des réponses tangibles.
Et quels sont les points sensibles du côté du Vatican?
– Difficile de répondre alors que ces éléments sont encore sur la table. Je dirais simplement que Rome cherche une solution extrêmement pratique sans aborder les questions de fond.
Qu’attendez-vous concrètement de ces discussions?
– Que Rome dise que les prêtres peuvent toujours célébrer l’ancienne messe. L’autre élément, c’est le retrait de la déclaration des sanctions (excommunication des évêques consacrés en 1988 par Mgr Lefebvre, ndlr.)
Quelles sont les concessions que la Fraternité est prête à faire pour permettre ce rapprochement?
– Nous sommes prêts à discuter, nous demandons même la discussion. Nous disons à Rome: voyez vous-mêmes, notre mouvement est une réponse valable à la situation dans laquelle se trouve l’Eglise. On demande que Rome veuille bien considérer les raisons qui sont derrière notre attitude, ce qui jusqu’à aujourd’hui ne s’est jamais fait.
Plus concrètement?
– Nous sommes prêts à vivre avec ce monde qui s’est davantage séparé de nous que nous de lui. Cela veut dire reconnaissance de l’autorité de l’évêque, déjà effective en principe. Nous nous sentons catholiques, en effet. Notre problème est de savoir quelle est la référence.
Certains au sein de l’Eglise posent comme condition préalable la reconnaissance de tous les conciles.
– Accepter le concile ne nous fait pas problème. Il y a un critère de discernement quand même. Et ce critère, c’est ce qui a toujours été enseigné et cru: la Tradition. D’où un besoin de clarifications.
Vous en parlez déjà concrètement avec Rome?
– Non, et c’est pourquoi les discussions sont au point mort. Rome nous dit que cela prendrait trop de temps de discuter dans le détail des divergences, mais si nous n’en discutons pas, elles resteront entières.
Y a-t-il pour vous urgence?
– Pas autant que pour Rome.
Mais ne craignez-vous pas que le temps ne vous éloigne l’un de l’autre?
– Au contraire.
La Fraternité Saint-Pie X parle-t-elle d’une seule voix?
– Fondamentalement, oui, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.
Qui décide d’avoir des contacts avec Rome, qui en jauge les résultats?
– Dès le moment où Mgr Lefebvre a décidé la consécration des évêques, il était clair que les relations avec Rome étaient du ressort du supérieur de la Fraternité. Donc du mien.
Rome propose-t-elle à la Fraternité une prélature personnelle du style de celle de l’Opus Dei?
– Disons que cela va dans cette direction. L’idée serait d’accorder aux évêques une véritable juridiction sur les fidèles.
Et la Fraternité Saint-Pie X, à quel statut aspire-t-elle?
– Il nous faut une liberté d’action. Il faut que les fidèles qui désirent suivre l’ancienne messe puissent le faire sans brimade. La solution qui a été accordée à la Fraternité Saint-Pierre (mouvement traditionaliste resté fidèle au Vatican, n.d.l.r.) est invivable: on laisse les évêques locaux tout décider, eux qui sont pour la plupart radicalement opposés à la tradition. La raison qui est invoquée le plus souvent, fausse à mon avis, est que le biritualisme serait ingérable. Mais des évêques perçoivent très justement dans la liberté accordée à l’ancienne messe une remise en question des réformes post-conciliaires.
Remise en question que vous continuez de souhaiter?
– Cela donne l’impression que nous rejetons tout de Vatican II. Or, nous en gardons 95%. C’est plus à un esprit que nous nous opposons, à une attitude devant le changement porté comme postulat: tout change dans le monde, donc l’Eglise doit changer. Il y a là un sujet de discussion, car il est indéniable que l’Eglise a perdu ce dernier demi-siècle une influence formidable. Elle a encore une influence, mais en tant qu’institution; l’influence réelle, celle des évêques par exemple, est très faible. L’Eglise en prend conscience, mais elle fait comme si elle n’avait plus la solution. Sa parole n’est plus claire. Regardez la réaction au moment de Dominus Jesus!
C’était une «parole claire», pourtant, non?
– Non. Il y a dans le texte des choses claires, et c’est contre elles que les «progressistes» ont réagi. Mais les formulations extrêmement fortes, auxquelles on n’était plus habitué et qui m’ont fait plaisir, sont modérées presque à chaque phrase par des apports du concile.
Ces formulations sont-elles pour vous un signe que Rome se rapproche progressivement de vos positions?
– Je n’en suis pas sûr, précisément à cause du mélange. On a vraiment l’impression que Rome, pour maintenir l’unité dans l’Eglise, est obligée de ménager la chèvre et le chou.
En vous mettant dans la peau de Jean-Paul II, comment géreriez-vous la diversité, bien réelle, de l’Eglise?
– Je pense qu’il faut revenir aux principes. A la nature de l’Eglise, sa mission, son être. Les solutions apportées à un problème réel sont trop humaines, même s’il y a certainement un côté humain dans l’Eglise. On cherche actuellement à tout prix l’unité, qui est certes un grand bien, mais pas une fin. C’est la foi qui cause l’unité. Si pour le bien de l’unité on met de côté une partie de la Révélation dont l’Eglise est dépositaire, on touche l’unité. Au contraire, si on affirme fortement ces vérités, forcément il va y avoir des divisions. Elles existent déjà. C’est d’ailleurs pourquoi nous demandons à Rome de réfléchir à deux fois avant de nous reprendre.
Que changerait pour vous une réconciliation avec Rome?
– Rome reconnaîtrait cette position au moins fondamentalement comme valable.
Une valable parmi d’autres ou «la» valable?
– La position de Rome, diplomatiquement et politiquement parlant, sera certainement celle du pluralisme – même si elle pensait le contraire. Nous sommes nous-mêmes très prudents: pour nous, dans l’Eglise, il y a d’autres options valables et d’autres qui ne le sont pas.
Souffrez-vous des divisions à l’intérieur de l’Eglise?
– Quand dans sa famille ça va mal, ça fait mal. Je ne souffre pas directement de l’excommunication. Mais l’état de l’Eglise me touche, ça oui.
Des fidèles d’Ecône ont récemment fait parler: affiches antiavortement, page publicitaire contre la Gay Pride à Sion. Que pensez-vous de leur action?
– Je remarque qu’ils ne sont pas les seuls à ne pas être d’accord avec la tenue de la Gay Pride à Sion. L’évêque lui-même a dit clairement ce qu’il en pensait. Quant à la manière, il est tout à fait normal que ceux qui sont contre puissent le faire savoir, et que la liberté d’expression ne soit pas unilatérale.
Mais sur la manière?
– Je n’ai pas vu grand-chose d’offensant sur cette page.
Même pas «Tantes à Sion, tentation diabolique»?
– «Diabolique», c’est l’évêque qui le dit. Quand on essaie de faire passer une pensée, on essaie de trouver quelque chose qui accroche, même si ça choque. De ce côté-là, je pense que c’était réussi (rires). Je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie derrière les réactions à cette publicité. Faire une Gay Pride à Sion, ça, c’est de la provocation, et c’est tout à fait normal qu’on réagisse. Ce n’est pas juste que l’on donne toujours raison à ceux qui démolissent les valeurs chrétiennes.
A Fribourg, ville catholique, il n’y a pas eu de réaction semblable à la Gay Pride de 1999...
– Quand on est à moitié mort, on ne réagit plus. 
C’est dans sa rédidence de Menzingen (ZG), entre un voyage en Asie/Océanie et un autre au Mexique, que Mgr Bernard Fellay nous a reçus. Ce Valaisan de 43 ans ordonné prêtre en 1982 par Mgr Lefebvre après des études au séminaire d’Ecône, est supérieur de la Fraternité Saint-Pie X depuis 1994. A ce titre, il dit être à la tête de 400 prêtres officiant pour environ 150 000 pratiquants réguliers (dont 5000 en Suisse) et de beaucoup plus de sympathisants. «Aux Etats-Unis, selon des chiffres officiels, 150 000 personnes suivent l’ancienne messe dans les diocèses qui l’autorisent», illustre ainsi Mgr Fellay, dont le regard doux et timide se raffermit parfois à l’énoncé de convictions visiblement inébranlables. Se déclarant homme de ce monde, il en fustige ce qu’il considère comme des dérives suicidaires (légalisation de l’euthanasie, avortement). Au point que l’évêque lefebvriste voit revenir pour l’Eglise catholique le temps du «martyre de sang», sans «fanatisme ni fatalisme».