28 avril 2008

[Le Nouvelliste] Ancienne messe libéralisée: premier bilan en France du motu proprio de Benoît XVI

SOURCE - le Nouvelliste - 28 avril 2008

Nous publions la Lettre 99 de Paix Liturgique sur les effets de la libéralisation de l’ancienne messe. On voit ici le cas français. En Suisse aussi des demandes sont faites pour l’ancien rite, mais certains évêques freinent des quatre fers…

“Il y a quelques semaines, nous écrivions dans note lettre de Paix Liturgique (lettre n°77 du 19 décembre 2007 en ligne sur notre site http://www.paixliturgique.com/) qu’il était encore trop tôt pour établir un bilan détaillé et précis des effets du Motu Proprio en France. Cette affirmation reste encore vraie aujourd’hui et il sera bien difficile de mesurer la portée réelle de ce texte avant longtemps… Le Saint Père Benoît XVI n’avait d’ailleurs-t-il pas prophétisé cela en déclarant qu’il faudrait attendre 3 années avant de faire un bilan des effets de ses décisions ? Toutefois, au vu des bouillonnements considérables qui agitent actuellement l’Église de France, il importe de relever dès maintenant, les premières tendances positives et négatives qui se dessinent et s’imposent à tous. Il existe tout d’abord de magnifiques résultats que tous peuvent admirer. La progressive reconnaissance de la forme extraordinaire du rite romain dans les diocèses de France : La messe traditionnelle, longtemps bannie des diocèses et « interdite » par l’ordinaire du lieu est désormais célébrée dans dix diocèses de France où elle n’avait pas encore droit de cité jusqu’à l’été 2007. L’accroissement considérable du nombre des célébrations dans la forme extraordinaire du rite romain : Depuis l’entrée en vigueur du Motu Proprio, on peut compter plus de 40 nouvelles célébrations. Il s’agit certes d’un petit nombre au regard des vrais besoins encore loin d’être satisfaits mais ce chiffre demeure considérable si on le compare aux 132 lieux où la messe traditionnelle était célébrée avant l’entrée en vigueur du Motu Proprio. Jusqu’à cette date et pendant les quinze dernières années, la progression moyenne du nombre de nouvelles célébrations de la messe traditionnelle était inférieure à 3 par an. De plus, certaines villes jusqu’alors particulièrement pauvres en terme de célébrations de messes traditionnelles eu égard au nombre de familles concernées, commencent à s’ouvrir aux mesures de paix du Saint Père. Ainsi, à Paris, ce ne sont pas moins de quatre nouvelles célébrations dominicales que l’on peut observer depuis quelques mois [Sainte-Jeanne de Chantal (16e), Saint-Pierre de Montrouge (14e), Saint-Germain l’Auxerrois (1er) et Saint-Georges (19e)]. Le nombre de messes traditionnelles à Paris a donc doublé en moins de six mois… C’est dire l’inexactitude des propos de ceux qui répétaient de manière incantatoire que la demande à Paris était largement satisfaite et que l’archevêché avait su anticiper la demande… La lente mais certaine intégration des prêtres issus des communautés « Ecclésia Dei » au sein des diocèses de France. Parmi quelques heureux exemples, on peut observer l’accueil de la Fraternité Saint Pierre dans le Val de Marne et bientôt à Chartes, la demande faite à l’Institut du Bon Pasteur de desservir une église du diocèse de Versailles et les missions pastorales confiées à l’Institut du Christ Roi à Reims et à Aurillac. Ces premiers résultats ne sont certes que peu de choses à côté de la montée en puissance des demandes qui aujourd’hui se comptent par centaines mais ils augurent de ce que sera le bilan du Motu Proprio d’ici un an ou deux. Hélas, quarante années d’apartheid liturgique ne disparaissent pas du jour au lendemain et il demeure des endroits où la paix liturgique n’est pas souhaitée. Que dire en effet de la dureté de cœur de certains évêques ? Que dire des réticences indignes de ces catholiques qui regardent avec méfiance leurs propres frères ? Si certains de nos pasteurs, si de nombreux prêtres ouvrent leur cœur aux mesures du Saint Père et à la différence dans l’unité… Que dire de ceux qui organisent une résistance indigne et mettent en place tout un faisceau d’objections, aussi systématiques qu’injustes, aussi archaïques que fausses, pour démoraliser les fidèles et refuser l’instauration d’une vraie paix liturgique ? C’est à la présentation de ces objections sournoises et aux réponses qu’il faut y apporter que nous consacrerons nos prochaines lettres afin d’aider les catholiques de bonne foi à ne pas tomber dans les pièges tendus par ceux qui veulent les désespérer alors que le moment de la réconciliation est arrivé.”

Sylvie Mimpontel

Présidente du mouvement pour la Paix Liturgique et la Réconciliation dans l’Église.

[Yves Chiron - Aletheia] Quatre anniversaires et un Non possumus - par Yves Chiron

SOURCE - Yves Chiron - Aletheia n°124 - 28 avril 2008

Il y a cinquante ans, en 1958, s’achevait le pontificat de Pie XII et commençait celui de Jean XXIII, pontificat de transition, de rupture (dans la méthode) et de continuité (dans le fond) ; Jean XXIII n’était pas un libéral.

Il y a quarante ans, en 1968, la France connaissait un psychodrame estudiantin puis social qui ouvrait la voie à une mutation radicale des esprits, des mentalités et des comportements tandis que, dans l’été suivant, Paul VI s’attachait, selon son expression, à « réaffirmer, confirmer les points capitaux de la foi de l’Eglise », en proclamant un Credo du peuple de Dieu de forme très traditionnelle et que, par l’encyclique Humanæ vitæ, il n’hésitait pas à « heurter de plein fouet ”la conscience collective de l’humanité” en son état actuel d’aveuglement et d’autosuffisance. » (selon l’expression de Jean Madiran).

Il y a trente ans, en 1978, s’achevait le pontificat de Paul VI, pape du dialogue, de l’achèvement du concile Vatican II et de sa mise en application, et commençait celui de Jean-Paul II, pape anti-moderne, qui emprunta, lui aussi, la voie du dialogue et commença l’œuvre de dépassement qui caractérise le pontificat de son successeur.

Il y a vingt ans, en 1988, Mgr Lefebvre consacrait, sans mandat pontifical, quatre évêques. Il le faisait, en arguant de « l’état de nécessité » : dans une Eglise battue par la tempête (l’image est de Paul VI, reprise par Benoît XVI), il jugeait nécessaire une « opération-survie » pour assurer la continuité de son œuvre, toute dédiée à préserver le sacerdoce et la messe traditionnelle.
Vingt ans après cette rupture du fondateur de la FSSPX, les circonstances ont changé. L’ « état de nécessité » est-il toujours le même ? Benoît XVI, dans un discours très important, a plaidé pour « une juste interprétation du concile » et a rejeté l’ « herméneutique de la discontinuité et de la rupture » qui s’est répandue jusque dans la théologie (Discours à la Curie, le 22.12.2005). Puis, il a restauré solennellement le droit d’existence de la messe traditionnelle (motu proprio du 7.7.2007).

Ces deux actes majeurs du pontificat de Benoît XVI ne paraissent pas suffisants au Supérieur général de la FSSPX pour permettre une réconciliation avec Rome. Le 14 avril dernier, Mgr Fellay a fait connaître les raisons pour lesquelles la FSSPX « ne peut pas “signer d’accord“ ». Il l’a dit, non dans un document officiel ou une déclaration solennelle, mais dans une « Lettre aux amis et bienfaiteurs » publiée régulièrement (c’est la 72e). Le Monde, dans un article d’Henri Tincq, et La Croix, dans un article de Jean-Marie Guénois, parus le même jour, qualifient en des termes identiques la position de Mgr Fellay : « une fin de non-recevoir ». Henri Tincq est plus violent, comme d’habitude, en parlant de « déclaration de guerre contre le pape et Rome ».

L’erreur d’interprétation est flagrante : il ne s’agit pas d’une « déclaration de guerre », ou d’une « nouvelle étape dans le contentieux », comme l’écrit Jean-Marie Guénois, mais d’une position d’attente. Sans ajouter d’autres commentaires à la position exprimée par Mgr Fellay, je crois utile de faire connaître l’analyse qu’en a faite l’abbé Guillaume de Tanoüarn, un des fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur.

L’analyse de M. l’abbé Guillaume de Tanoüarn :

J'ai écrit que la FSSPX ne devait pas se presser de signer. Signer pour signer n'a pas de sens. Signer quoi ? Pour aller où ? Il faut pouvoir être fier de ce que l'on signe avec le Père commun des fidèles (comme je l'ai été et le suis moi même), ou alors cette signature n'est qu'un chiffon de papier, qui vous met en danger. Signer un chiffon de papier qui engendrerait la division et l'auto-destruction de la FSSPX, cela ne constitue en rien une solution. Par ailleurs, pour être capable de signer un véritable accord, il faut savoir et faire savoir où l'on va. Et pas se référer à des événements qui ont quinze ans. Pas reprendre en boucle un discours que l'on n'a pas revu (ou retravaillé) depuis quinze ans. Comme si rien n'avait changé.

Lorsqu'on entend, venant de la FSSPX ou de ses amis (dont je fais partie) : le moment n'est pas encore venu de signer, cette expression peut être prise en deux sens.

Soit : il n'est pas temps de signer, parce que Rome n'est pas allé assez loin dans la Restauration. Et je pense que ce motif est lâche et qu'il conduit à reporter le souci de l'unité de l'Eglise après la parousie. il y aura forcément toujours une raison d'ici là pour dire que cela va mal et rester dehors.

Soit encore, en un sens tout différent : il n'est pas temps de signer parce que la FSSPX n'a ni l'unité interne ni la force nécessaire pour affronter immédiatement une telle mutation. En signant trop vite (quoi ? pour aller où ?) elle risque d'exploser en vol, pour le plus grand malheur de toute la chrétienté. Le combat est difficile. Les épiscopats ne souhaitent pas forcément pratiquer la vertu d'accueil. Un bon accord est un accord qui se signe en force. Il faut que la FSSPX résolve d'abord des difficultés internes. Elle doit le faire petit à petit, en soutenant résolument, au jour le jour, tout ce qui, dans l'action providentielle de Benoît XVI, demande à être soutenu.
[…]
la FSSPX doit s'engager pour l'Eglise et pas seulement en lançant des campagnes du Rosaire, mais en faisant tout ce qui est en elle, en s'exposant comme s'exposait Mgr Lefebvre, en soutenant le pape, dont certains textes sur l'œcuménisme aux Etats-Unis sont simplement magnifiques, dont certains textes sur la liberté religieuse sont très éclairants.

(Le Forum catholique, 25 avril 2008).

[Azerty - Le Forum Catholique] Qui se cache derrière Sénèze ?

SOURCE - Azerty - Le Forum Catholique - 28 avril 2008

Plus j'y pense, plus je me pose la question : Qui se cache derrière Sénèze ?

Certains ont exprimé ici ou là, sur ce forum, l'opinion selon laquelle le débat avec Nicolas Senèze était parfaitement inutile voire inconvenant (car ce serait déchoir que de discuter avec un vulgaire journaliste de "La Croix"). A quoi je réponds en demandant : n'y a t-il pas, derrière Sénèze, plus que Sénèze ?

Mon idée est qu'en écrivant son livre sur l'intégrisme, ce journaliste de "La Croix" était en réalité en service commandé. Il a dit lui-même que nous ne l'intéressions pas du tout, qu'il ne peut supporter notre messe hiératique, qu'il ne lirait pas la méchante prose de l'abbé Célier s'il n'y était obligé, etc. Mais en ce cas, pourquoi faire un livre sur nous ? Pourquoi, si ce n'est parce qu'il en a reçu la mission ?

De qui ? La réponse est simple : du noyau dirigeant de l'épiscopat français (dont "La Croix" est le porte-parole officieux, comme chacun sait).

Madiran a rapporté (dans "Itinéraires" nº 132, page 7) comment, en mai 1955, il fut subitement attaqué, sans raison visible, par le journal "La Croix". L'abbé Berto lui fit alors cette simple remarque : "C'est un article inspiré".

Madiran raconte :

« J'étais jeune, je ne compris pas la portée de cette remarque, qui me parut creuse et presque comique (et qui se fixa dans ma mémoire pour cette raison). Et qui me parut invraisemblable absolument. J'avais la candeur de croire que les évêques ne pouvaient pas (etc.) »

Du livre de Senèze, on peut dire la même chose : c'est un livre inspiré. Non par le Saint-Esprit, assurément, mais par Mgr Hippolyte Simon ou quelque autre de ses confrères. (Je pense à Mgr Simon pour diverses raisons, et notamment pour le renversement idéologique qui voudrait présenter Mgr Lefebvre – dont toute la vie fut centrée sur la défense du sacerdoce – comme un "anticlérical" !)

Comment expliquer, sans cela, que Senèze défende absolument l'idée qu'il n'y aurait plus, actuellement, d'abus liturgiques en France ? Qui peut prétendre sans rire une chose pareille, sinon un des membres ou un des représentants du noyau dirigeant de notre épiscopat ? (Et l'on sait que c'est un des messages principaux que ces évêques s'emploient actuellement à faire passer vers Rome : Ne croyez pas ces abominables tradis qui nous calomnient sans cesse : la liturgie est chez nous d'une solennité et d'une rigueur sans égales, et, s'il y a peut-être eu quelques abus ici ou là dans les années 70 (on n'en est pas bien sûr, mais les méchants tradis le répètent tellement qu'il y a peut-être, sous les exagérations exponentielles dont ils sont coutumiers, quelque fondement à leurs plaintes), une chose est sûre : on en est sorti depuis longtemps, et tout spécialement depuis que nous, qui vous parlons, sommes installés comme évêques.)

Comment expliquer cette insistance sur la bonté et la mansuétude dont les "tradis" auraient toujours été l'objet ? Ce refus d'admettre que l'épiscopat français ait pu avoir quelque responsabilité que ce soit dans ce que l'auteur appelle "la crise intégriste" ?

De la part d'un observateur vraiment indépendant, une vue aussi manichéenne des choses serait absolument inexplicable.

La seule solution, à mon avis, est la suivante : Nicolas Senèze écrit ce livre comme un avocat défend un client, et il suit les consignes (plus ou moins explicites) du "Parti".

Les grandes thèses qu'il défend peuvent donc être tenues pour celles de nos évêques (ou, plus exactement, du "noyau dirigeant de notre épiscopat" ; l'expression est un peu lourde, mais je la croix exacte, et elle évite de mettre tous nos évêques dans le même sac).

Ces thèses sont véritablement effarantes (et il fallait un journaliste jeune, et n'ayant pas connu les années 1970, pour pouvoir les défendre de bonne foi) :

1. — La "nouvelle messe" n'existe pas. C'est une invention des tradis. Paul VI a seulement un peu réaménagé le missel romain, comme ses prédécesseurs. Mais les méchants tradis qui étaient à l'affut d'une occasion de s'opposer au pape (car c'est leur but dans la vie, à ces tradis : s'opposer au pape) ont inventé qu'il s'agissait d'une "nouvelle messe". Malheureusement, Paul VI est tombé dans le panneau.

2. — Vatican II n'est absolument pour rien dans la crise. Il n'y a eu aucune désaffection de masse envers l'Église durant les années 70. Au contraire, cela a fait venir tous ces gens qu'on peut voir actuellement dans nos paroisses (et qui, notons-le, sont bien plus nombreux que les méchants tradis). S'il n'y avait pas eu Vatican II, aucune de ces personnes ne serait plus catholique et il ne resterait plus, dans l'Église, que les tradis. C'est dire le désastre auquel ce concile providentiel nous a fait échapper. Si quelques personnes sont peut-être parties à ce moment (on n'en est pas bien sûr, mais les méchants tradis le répètent tellement qu'il y a peut-être, sous les exagérations exponentielles dont ils sont coutumiers, quelque fondement à leurs plaintes), c'est à cause de ce qui se faisait avant le Concile.

Ajoutons à cela quelques arguments qui ne dépareraient pas dans le théâtre comique d'Aristophane, comme l'accusation portée aux méchants tradis d'influencer en leur faveur la moyenne d'âge, en ayant des familles de huit enfants ! (C'est de la triche !)

Mais voyons surtout le grand argument-massue de notre avocat : la crise avait commencé avant Vatican II !!! Comme si quelqu'un le niait ! Et comme s'il était absolument incompréhensible qu'un gouvernement sans Dieu, des lois sans Dieu, une école sans Dieu imposés pendant près d'un siècle à un peuple catholique finissent par entraîner une certaine déchristianisation ! Le contraire serait tout simplement miraculeux ! Mais le problème est qu'au lieu de lutter contre le mal, on s'est employé, à partir du Concile, à l'admettre et l'encourager. Au lieu de lutter contre l'influence déchristianisante, on s'est ouvert à elle !

Qui peut nier, d'ailleurs, que le mouvement de déchristianisation (qui avait, certes, commencé avant Vatican II) n'ait connu une formidable amplification à partir des années 1960 ? Oui, qui peut nier cela, sinon un journaliste suffisamment jeune choisi précisément pour défendre cette thèse par les principaux responsables du désastre (ou, du moins leurs successeurs immédiats) ?

Telle est, à mon avis, la portée du débat avec N. Senèze.

Il nous montre les convictions et les intentions du parti actuellement au pouvoir dans l’Église de France. Il nous montre leur haine résolue de la Tradition. L’attachement qu’ils vouent à leur idéologie (prêts à nier, pour la défendre, les évidences les plus aveuglantes).

Mais il nous montre aussi leur agressivité, et dissimule mal leur désarroi, face à une situation qui commence à leur échapper.

Le fait qu'ils aient senti le besoin de faire écrire un tel livre est à lui seul révélateur.

Et cela, c’est une bonne nouvelle.

[Aletheia n°124] Quatre anniversaires et un Non possumus - par Yves Chiron

Il y a cinquante ans, en 1958, s’achevait le pontificat de Pie XII et commençait celui de Jean XXIII, pontificat de transition, de rupture (dans la méthode) et de continuité (dans le fond) ; Jean XXIII n’était pas un libéral.

Il y a quarante ans, en 1968, la France connaissait un psychodrame estudiantin puis social qui ouvrait la voie à une mutation radicale des esprits, des mentalités et des comportements tandis que, dans l’été suivant, Paul VI s’attachait, selon son expression, à « réaffirmer, confirmer les points capitaux de la foi de l’Eglise », en proclamant un Credo du peuple de Dieu de forme très traditionnelle et que, par l’encyclique Humanæ vitæ, il n’hésitait pas à « heurter de plein fouet ”la conscience collective de l’humanité” en son état actuel d’aveuglement et d’autosuffisance. » (selon l’expression de Jean Madiran).

Il y a trente ans, en 1978, s’achevait le pontificat de Paul VI, pape du dialogue, de l’achèvement du concile Vatican II et de sa mise en application, et commençait celui de Jean-Paul II, pape anti-moderne, qui emprunta, lui aussi, la voie du dialogue et commença l’œuvre de dépassement qui caractérise le pontificat de son successeur.

Il y a vingt ans, en 1988, Mgr Lefebvre consacrait, sans mandat pontifical, quatre évêques. Il le faisait, en arguant de « l’état de nécessité » : dans une Eglise battue par la tempête (l’image est de Paul VI, reprise par Benoît XVI), il jugeait nécessaire une « opération-survie » pour assurer la continuité de son œuvre, toute dédiée à préserver le sacerdoce et la messe traditionnelle.

Vingt ans après cette rupture du fondateur de la FSSPX, les circonstances ont changé. L’ « état de nécessité » est-il toujours le même ? Benoît XVI, dans un discours très important, a plaidé pour « une juste interprétation du concile » et a rejeté l’ « herméneutique de la discontinuité et de la rupture » qui s’est répandue jusque dans la théologie (Discours à la Curie, le 22.12.2005). Puis, il a restauré solennellement le droit d’existence de la messe traditionnelle (motu proprio du 7.7.2007).

Ces deux actes majeurs du pontificat de Benoît XVI ne paraissent pas suffisants au Supérieur général de la FSSPX pour permettre une réconciliation avec Rome. Le 14 avril dernier, Mgr Fellay a fait connaître les raisons pour lesquelles la FSSPX « ne peut pas “signer d’accord“ ». Il l’a dit, non dans un document officiel ou une déclaration solennelle, mais dans une « Lettre aux amis et bienfaiteurs » publiée régulièrement (c’est la 72e). Le Monde, dans un article d’Henri Tincq, et La Croix, dans un article de Jean-Marie Guénois, parus le même jour, qualifient en des termes identiques la position de Mgr Fellay : « une fin de non-recevoir ». Henri Tincq est plus violent, comme d’habitude, en parlant de « déclaration de guerre contre le pape et Rome ».

L’erreur d’interprétation est flagrante : il ne s’agit pas d’une « déclaration de guerre », ou d’une « nouvelle étape dans le contentieux », comme l’écrit Jean-Marie Guénois, mais d’une position d’attente. Sans ajouter d’autres commentaires à la position exprimée par Mgr Fellay, je crois utile de faire connaître l’analyse qu’en a faite l’abbé Guillaume de Tanoüarn, un des fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur.


L’analyse de M. l’abbé Guillaume de Tanoüarn :


J'ai écrit que la FSSPX ne devait pas se presser de signer. Signer pour signer n'a pas de sens. Signer quoi ? Pour aller où ? Il faut pouvoir être fier de ce que l'on signe avec le Père commun des fidèles (comme je l'ai été et le suis moi même), ou alors cette signature n'est qu'un chiffon de papier, qui vous met en danger. Signer un chiffon de papier qui engendrerait la division et l'auto-destruction de la FSSPX, cela ne constitue en rien une solution. Par ailleurs, pour être capable de signer un véritable accord, il faut savoir et faire savoir où l'on va. Et pas se référer à des événements qui ont quinze ans. Pas reprendre en boucle un discours que l'on n'a pas revu (ou retravaillé) depuis quinze ans. Comme si rien n'avait changé.


Lorsqu'on entend, venant de la FSSPX ou de ses amis (dont je fais partie) : le moment n'est pas encore venu de signer, cette expression peut être prise en deux sens.


Soit : il n'est pas temps de signer, parce que Rome n'est pas allé assez loin dans la Restauration. Et je pense que ce motif est lâche et qu'il conduit à reporter le souci de l'unité de l'Eglise après la parousie. il y aura forcément toujours une raison d'ici là pour dire que cela va mal et rester dehors.


Soit encore, en un sens tout différent : il n'est pas temps de signer parce que la FSSPX n'a ni l'unité interne ni la force nécessaire pour affronter immédiatement une telle mutation. En signant trop vite (quoi ? pour aller où ?) elle risque d'exploser en vol, pour le plus grand malheur de toute la chrétienté. Le combat est difficile. Les épiscopats ne souhaitent pas forcément pratiquer la vertu d'accueil. Un bon accord est un accord qui se signe en force. Il faut que la FSSPX résolve d'abord des difficultés internes. Elle doit le faire petit à petit, en soutenant résolument, au jour le jour, tout ce qui, dans l'action providentielle de Benoît XVI, demande à être soutenu.


[…]


la FSSPX doit s'engager pour l'Eglise et pas seulement en lançant des campagnes du Rosaire, mais en faisant tout ce qui est en elle, en s'exposant comme s'exposait Mgr Lefebvre, en soutenant le pape, dont certains textes sur l'œcuménisme aux Etats-Unis sont simplement magnifiques, dont certains textes sur la liberté religieuse sont très éclairants.


(Le Forum catholique, 25 avril 2008).

25 avril 2008

[Abbé Paul Aulagnier - ITEM] Dom Gérard et la messe - quelques nuances et précisions, par l'abbé Paul Aulagnier

SOURCE - Abbé Paul Aulagnier - ITEM - 25 avril 2008

Dom Gérard et la messe
quelques nuances et précisions, par l'abbé Paul AULAGNIER

ITEM - Un regard sur le monde politique et religieux au 25 avril 2008, N° 167

Dans Présent du jeudi 17 avril 2008, Jean Madiran, dans un article intitulé « Dom Gérard et la messe », prend la « défense » de Dom Gérard quant à sa position sur la messe tridentine. Il refuse de voir quelques faiblesses de cet illustre père abbé en cette « affaire » liturgique. La « fermeté de Dom Gérard face à la nouvelle messe » est, dit-il évidente. Les fondations de Bedouin puis du Barroux en sont la preuve. Les constitutions « approuvées et confirmées », le 16 mars 1989 par le Saint Siège sont claires. On peut y lire : « Plus de vingt ans après l’ouverture du Concile, au milieu de tant d’incertitudes et d’angoisses qui troublent même les catholiques fidèles, les moines du Monastère Sainte Madeleine veulent joindre, à la fidélité à (leur) héritage monastique, la fidélité à la tradition liturgique de la sainte Eglise, notamment au Missel romain promulgué en 1570 par saint Pie V, sur l’ordre du concile de Trente(….)»

« Vie monastique, selon la Règle de saint Benoît et les coutumes léguées par nos anciens, office divin et liturgie de la messe célébrés, dans la langue latine : telles sont les deux sources qui ont donné naissance à la communauté du Barroux et constituent sa raison d’exister. »

Ces paroles sont citées dans « le Livre Blanc » du Barroux à la page 19. : Livre Blanc reconnaissance canonique du Monastère. 1970-1990

Jean Madiran site seulement le dernier paragraphe.
Voilà ce qu’a voulu dès le début et pour toujours Dom Gérard.
Honneur à Dom Gérard.

Jean Madiran site également dans cet article des passages d’une lettre que Dom Gérard a cru devoir écrire à ses moines quelques temps avant que le Bon Dieu le rappelle à Lui. Presque un an avant. On est content d’en connaître quelques extraits. Il n’en donne pas la date. Cette lettre est du 9 mars 2006.
Les raisons de cette lettre laissent supposer une situation « tendue » au monastère. Les quelques concélébrations dans le rite nouveau que Dom Gérard avaient du concéder à l’extérieur du monastère, sous la pression des événements, auraient, semble-t-il, occasionné quelques confusions parmi les moines, certains en prenant occasion pour désirer introduire le nouveau rite dans les célébrations conventuelles, en en réclamant même le « droit ».

Dom Gérard réagit avec vigueur. Jean Madiran en cite, vous dis-je, quelques passages: « Je regrette infiniment, écrivait Dom Gérard, que les deux concélébrations que j’ai consenties pour le bien de notre fondation d’Agen puissent créer un précédent dont on s’autoriserait à tort, non seulement pour en poursuivre et multiplier la pratique, mais aussi et surtout pour le reconnaître comme l’exercice d’un droit. »

C’est une belle protestation. Elle nous réjouit profondément.

Gravement, il ajoutait, à ce sujet, nous dit encore Jean Madiran : « Il me revient le droit d’interdire formellement que l’on s’autorise de moi pour faire le contraire de ce que j’ai enseigné et pour quoi j’ai milité contre vents et marées ».

Aussi suppliait-il le 4 mars 2006, je peux l’ajouter, « à deux genoux, pour l’unité de la communauté de tabler fermement sur notre droit propre. En 1997, il y a 9 ans, en réunion de prêtres, c’était la ligne définie par le Père Abbé pour la communauté. Merci mon cher Père Abbé de bien vouloir continuer ». Ce mot est souligné dans le texte. Il s’adressait au RP Louis Marie, son successeur à la tête du monastère.

Voici qui est clair. Voici ce qu’il faut retenir. Voici quel est, en quelque sorte, son testament. Ceci connu, ce que je souhaitais, fera l’unité du monastère. J’en suis convaincu.

Toutefois, il faut reconnaître, me semble-t-il, que Dom Gérard eut parfois quelques attitudes « équivoques » et très « politiques » dans ce « combat » pour la messe dite de saint Pie V.

Je lui reproche d’avoir signé le protocole entre la C.M.F (Centre Monastique de France) et l’abbaye du Barroux.

En voici le texte :

« En vue du vote d’admission de l’abbaye du Barroux comme membre de la conférence monastique de France, il a paru nécessaire aux membres du bureau de cette Conférence, réunis le 14 octobre 1998, d’inviter un représentant de ce monastère afin de préparer avec lui un protocole pouvant servir de base à ce vote. Le Père abbé du Barroux a délégué pour cela le P. Basile Valuet, préfet des études.
Il parait d’abord utile de prendre en compte l’histoire de ce monastère, son cheminement aussi bien avant qu’après sa réconciliation avec l’Eglise en 1988, le contexte familial de nombreux moines issus des milieux proches d’Ecône, et donc les ruptures avec leurs familles, leurs amis et même au sein de la communauté, souvent occasionnées par cette réconciliation.

Il convient d’ajouter que l’abbé et la communauté du Barroux n’ont jamais mis en doute la validité de la messe célébrée selon le rite de Paul VI, et que par ailleurs, suite à une étude approfondie du Concile Vatican II (notamment sur la liberté religieuse), ils adhèrent désormais unanimement à sa doctrine. Ceci permet d’augurer une évolution des moines de cette communauté, qu’il faut laisser se poursuivre à son rythme ( par exemple dans le domaine de la concélébration)
.

Ceci étant, le Père Abbé accepte :

- de concélébrer ou d’envoyer son représentant concélébrer avec l’évêque diocésain à la messe chrismale, partout où son monastère est ou sera implanté.
- que les moines prêtres de son monastère puissent, s’ils le désirent, concélébrer à la messe conventuelle dans les communautés où ils seront en visite.
Enfin, il faut noter que les prêtres en visite à l’abbaye du Barroux peuvent, s’ils le souhaitent, célébrer, voire concélébrer, la messe selon le rite de Paul VI
».

Au bas du document, vous trouvez la signature du Président du CMF, le RP Etienne Ricaud et le RP abbé Dom Gérard, OSB.

Dom Gérard n’aurait pas dû signer un tel document. Il acceptait ainsi le bi ritualisme pour ses moines, même dans son propre monastère. Il ne dressait plus une totale barrière face au nouveau rite, d’une « fabrication artificielle », comme le dit Benoît XVI, « pernicieuse par son caractère évolutif et œcuménique ».

Mais honneur à Dom Gérard qui, dans sa lettre du 9 mars 2006, à ses moines, écrit : « je le regrette maintenant puisque certains d’entre vous le considèrent comme un précédent, chose que je ne voulais absolument pas ».

Certes ! Mais quel précédent !
Fallait-il pour avoir une reconnaissance dans un diocèse aller jusque là… J’ai toujours préféré la mâle attitude de Mgr Lefebvre…que j’ai cherché à appliquer, dans la FSSPX, dès années durant et que je poursuis.

De plus, il me paraît fragile de s’appuyer sur son « droit propre », fut-il reconnu par Rome…On sait ce qu’il en a coûté aux autres communautés « Ecclesia Dei Adflicta ». Elles ont bien failli être « englouties » malgré le droit propre inhérent à leurs Constitutions. (cf Mon livre : l’enjeu de l’Eglise : la messe, Livre IV l’affaire de la Fraternité saint Pierre p. 393 et sv, aux éd Héligalande. BP 2 27290 Pont-Authou). Il vaut mieux s’appuyer sur la Bulle Quo Primum Tempore, non abolie, comme vient de le reconnaître enfin Benoît XVI qui donne un droit perpétuel à tout prêtre de célébrer cette messe tridentine. C’est un droit universel. C’est plus fort.

Je dois dire aussi que je regrette qu’il ait accepté de « recevoir » le « Motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988. Il est vrai que l’Eglise s’engageait, dans ce texte, à « respecter le désir spirituel de tous ceux qui se sent(ai)ent liés à la tradition liturgique latine en faisant une application large et généreuses des directives données en leur temps par le Siège Apostolique pour l’usage du missel romain selon l’édition typique de 1962 ». C’était très tentant !

Mais quelles étaient donc les directives romaines en cette affaire liturgique, à cette époque, sinon celles précisées par la lettre du 3 octobre 1984, la lettre Quattuor abhinc annos . La note 9 y renvoyait, du reste, expressément. Il aurait du le voir.

Or cette lettre oblige, pour bénéficier de l’usage de la liturgie de 1962, de reconnaître la « légitimité et la rectitude doctrinale du missel romain promulgué en 1970 par le Pontife romain Paul VI ». C’est le « a » de la lettre du 3 octobre 1984.

Or cela, Dom Gérard ne pouvait pas l’accepter. Que la nouvelle messe soit valide, nul ne l’a jamais nié ni contesté. Surtout pas le Père Calmel, l’abbé Dulac, Mgr Lefebvre, M. Salleron…mais tous ont contesté la rectitude doctrinale de cette réforme liturgique. Ce fut la raison même de leur résistance. C’était la conclusion de la lettre de présentation signée par le cardina Ottaviani, le Cardinal Bacci au Pape Paul VI. C’est l’objet du Bref Examen Critique. M l’abbé Dulac, Mgr Lefebvre contestaient même la « légitimité canonique » du Novus Ordo Missae en ce sens qu’ils constataient les irrégularités canoniques dans sa publication.

Et voilà pourquoi j’ai tant reproché à Dom Gérard – ce que me reproche gentiment Jean Madiran dans son article – d’avoir prononcé en 1998, le 24 octobre 1998, le mot « orthodoxie » devant le cardinal Ratzinger pour justifier sa concélébration avec le Pape Jean-Paul II. J’ai toujours compris ce mot dans le sens de « rectitude doctrinale ».
C’est en ce sens, du moins, que je l’interprétais et qu’il fallait, je crois, l’interpréter.

Le cardinal Ratzinger lui-même venait de parler, le premier, en ce 24 octobre 1998, « d’orthodoxie ». Il en donnait la définition. Il disait : « Il est bon de rappeler ici ce qu’a constaté le Cardinal Newman qui disait que l’Eglise, dans toute son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’Esprit de l’Eglise. Une liturgie orthodoxe, c’est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais la compilation faites selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies dont on pourrait disposer de manières positivistes et arbitraires – aujourd’hui comme ça et demain autrement … ».

Tout de suite après, Dom Gérard prenait la parole et disait : « Le scandale de la division doit cesser, pour être remplacé par la concorde, la concertation et l’unité. C’est dans cet esprit de paix et de concorde que le 27 avril 1995, j’ai accepté de concélébrer avec le saint Père, désirant montrer par là que nous tous qui militons pour le maintien de l’ancien missel, nous croyons à la validité et à l’orthodoxie du nouveau rite ».

Mais précisément cette nouvelle messe exprime-t-elle la vraie foi ? Est-elle conforme en tous points, comme je le dis dans mon livre l’enjeu de l’Eglise : la messe, à la doctrine catholique ? Ne s’éloigne-t-elle pas peu ou prou de la foi catholique ? Mais enfin tout de même, le cardinal Ottaviani a dit que cette nouvelle messe s’éloignait de la doctrine catholique telle que définie pour toujours par le concile de Trente en sa session 22 ?
Et voilà pourquoi j’ai trouvé légitime et je trouve encore légitime de protester contre cette affirmation de Dom Gérard.

J’ai, dans trois chapitres de ce livre, parlé de cette affaire, pour moi, importante, mais toujours en des termes respectueux. Je me permets de vous donner un de ces chapitres, le chapitre I du livre III intitulé : « JE REVIENS DE ROME »

« Informé par le tract de Dom Gérard, de la visite à Rome des communautés « Ecclesia Dei », les 24 et 26 octobre 1998, pour aller dire au Pape leur action de grâces et tout autant leurs inquiétudes, j’ai pensé utile de participer à ce voyage en tant qu’« auditeur libre ». Il y a des événements qu’il est bon de voir par soi-même. Celui-ci en était un, me semble-t-il. J’écris à Dom Gérard et lui demande de m’inviter. Je lui adresse, en plus, mon commentaire sur le livre de Christophe Geffroy, le numéro de septembre du Bulletin Saint-Jean-Eudes. Il connaîtra ainsi ma pensée. Il me répond, le 29 septembre 1998, favorablement, ne doutant pas de « mon esprit fraternel ». J’en informe la Maison Générale. Quelques jours passent. Je lui téléphone. Il me donne le programme des trois jours romains. Il me l’adresse par fax. Je fais retenir une place sur le vol Air France. Le vol est prévu pour le vendredi 23 octobre à 18h 55.

Le vendredi 23 octobre

J’arrive à Rome-Fumicino. Un confrère d’Albano m’attend, un « petit-suisse »… Il me conduit au prieuré.

Le 24 octobre à Rome

Les congressistes sont attendus par le Cardinal Ratzinger à 11h 30. Je prends le bus vers 9 heures, à Albano. Il m’amène jusqu’au métro. La ligne « A » traverse tout Rome jusqu’à son
terme: « Ottaviano San Petro ». Je vois le dôme de Saint-Pierre. J’arrive à Saint-Pierre. Je rencontre les premiers pèlerins français. Ils attendent ou recherchent Monsieur l’abbé Lourdelais, sont un peu perdus. Je leur donne les indications : via Aurélia, n° 619, au grand palace « Ergife ». Ils ont un fils prêtre à la Fraternité Saint-Pierre, aiment toujours, plus que jamais, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Je les quitte.
La via Aurélia n’en finit pas… Impossible de faire le chemin à pied. Je prends le bus, derrière Saint-Pierre. J’arrive vers 11h 20, rencontre quelques fidèles, heureux de voir, ici, l’abbé Aulagnier. Ils me parlent des divisions dans les familles. Terrible situation. J’approche du grand hôtel. Mon pas ralentit… Je tombe sur Monsieur l’abbé Denis Le Pivain, ne le reconnais pas immédiatement. Il est froid, pâle, distant… Je vois plusieurs moines du Barroux… Quelques frères s’approchent. On annonce que le Cardinal va commencer sa conférence. Je descends vite dans la salle, une grande salle. Elle est pleine. Je m’approche de l’estrade. Je salue Dom Gérard. Je les retrouve tous… Le Père de Blignières, Mgr Wach, son sympathique acolyte, Monsieur l’abbé Pozzetto, très digne, petit sourire, Mgr Wladimir. Monsieur l’abbé Bisig arrive un peu en retard. Il connaissait déjà le texte du Cardinal en allemand, très bel allemand, m’a-t-il dit, traduit en français par Mgr Perl. Quelques ténors du Barroux… le père Basile, je crois. Ils ont la mine un peu fermée, pâllote. La presse est là : Elie Maréchal du Figaro, Olivier Mirande de Présent et d’autres encore. Sur l’estrade, au centre, le Cardinal Ratzinger, à sa gauche, Mgr Perl, Dom Gérard, un professeur allemand, Professeur, nous dit-on, de philosophie… Je n’ai pas retenu son nom. À la droite du Cardinal, Michaël Davies, un prêtre anglais, un prêtre américain, en habit de prélat. (NB : il s’agissait de fait, d’un Évêque américain).
Le cardinal commence sa conférence. Il parle en français, d’une voix élégante et douce, son visage est beau, ses yeux pétillants, sa coiffure blanche. Il n’est pas très grand. Il est distingué.
Il parle peut-être quarante minutes. Son discours est surtout centré sur l’attitude incompréhensible des Évêques face à la messe de toujours. Deux raisons semblent expliquer leur attitude rigide, fermée à l’égard de l’ancienne messe : l’unité à maintenir dans leur diocèse, l’obéissance au Concile Vatican II. Il argumente, réfute, suggère même aux traditionalistes de montrer aux évêques que le rite de saint Pie V est parfaitement conforme à l’esprit de la Constitution liturgique de Vatican II. Il analyse brièvement les grands principes liturgiques de la Constitution, les retrouve dans le rite antique. Cela pourrait éviter d’effaroucher le corps épiscopal… À voir ! Il est gentiment applaudi, sans plus.


Dom Gérard prend la parole, remercie le Cardinal, dit son action de grâces. Son discours est mou, sa voix un peu chantante… Il accroche quelquefois sur certains mots, se plaint de l’attitude hostile des Évêques, les dit en contradiction avec le Motu Proprio « Ecclesia Dei ».
Il en arrive à la concélébration qu’il fit voilà quelque temps, avec le Souverain Pontife, dans sa chapelle privée et dans le rite conciliaire. Pour voir le Pape, il fallait nécessairement concélébrer… La fin, pense-t-il justifie les moyens… Mais, ici, ce jour, sur l’estrade, son explication est différente. J’ai voulu, par cette concélébration, montrer que la Nouvelle Messe est « valide et orthodoxe ». Ce sont ses deux mots. Je bous sur ma chaise, remue un peu, dis à mes voisins, le Père Argouac’h, Mgr Wach, le Père de Blignières, très concentré, ma stupéfaction. Le rite nouveau est valide – oui – si l’on respecte le rite avec l’intention de faire ce que veut faire l’Église : la célébration renouvelée du Sacrifice de la Croix, mais orthodoxe, certainement pas. Je repense au Cardinal Ottaviani, au Révérend Père Calmel, à l’abbé Dulac, au Révérend Père Guérard des Lauriers, à Mgr Lefebvre, à Dom Guillou. Je repense au « Bref Examen Critique ». Je pourrais lui citer, par cœur, les passages importants. Je ne dis rien. Je suis venu écouter de mes oreilles, voir de mes yeux. Je n’aime pas les rapports. Je n’aime pas les « on m’a dit que », je n’aime pas les seuls bruits de couloir. J’ai entendu de mes oreilles, ces deux mots « valide » et « orthodoxe », dans la bouche de Dom Gérard. Mon témoignage est véridique.

Il se perd ensuite en considérations canoniques, soufflées peut-être par d’autres. Dom Gérard est un mystique, en rien un canoniste. Il souhaite un renforcement des pouvoirs de la Commission « Ecclesia Dei Adflicta », suggère la création d’un délégué apostolique, la création d’églises personnelles. Il va même jusqu’à suggérer l’insertion du rite ancien, du rite romain, dans les livres de la liturgie réformée… Ainsi le prêtre pourrait choisir etc. etc. C’est beaucoup demander à la fois!

Tout en l’écoutant, je repense à une conversation téléphonique que j’ai eue avec lui, sur la messe. Nous avons des amis communs à Caen. Ils me veulent quelque bien… souffrent de nos divisions… De quoi bien disposer Dom Gérard. Il me téléphone. Nous abordons rapidement le problème de la messe. Il s’en fait l’avocat : « Monsieur l’abbé, me dit-il, la Nouvelle Messe a tout de même acquis un droit de prescription dans l’Église ». « Allons donc » ! Me souvenant de mes connaissances sur la prescription, ce n’est pas possible. « La légitime possession d’un bien par prescription suppose, lui dis-je, comme condition nécessaire, une possession paisible ». « Ce n’est tout de même pas le cas pour la Nouvelle Messe ». Nous étions en plein combat du Chamblac. « La Nouvelle Messe est peut-être célébrée partout… malheureusement, mais cette célébration est loin d’être paisible. Quelle guerre, au contraire ! Quel combat ! Quelle résistance héroïque ! Quelle agitation autour de cette réforme liturgique ! Quelle crise n’a-telle pas déclenchée dans l’Église ! Ce n’est pas sérieux ! ».
Notre échange téléphonique s’arrêta là.
Ainsi, validité… orthodoxie… légitime possession : tels sont les trois mots qui résument aujourd’hui la pensée de Dom Gérard. Un est juste, les deux autres… au moins discutables…
Et dire qu’il partageait, du vivant de Mgr Lefebvre, la pensée, les conclusions du « Bref Examen Critique », la pensée du Cardinal Ottaviani. Et dire qu’il demandait, en ce temps-là, et l’abrogation du nouveau rite, et le droit de continuer à recourir à l’intègre Missel Romain de saint Pie V. Et dire que Dom Gérard a diffusé, en France, La critique du Nouvel Ordo de Mgr Gamber qui parle, lui aussi, à ce sujet, de rupture avec la Tradition catholique. Et dire qu’il louangeait, un temps, la pensée du Révérend Père Calmel, sa prise de position, son « non possumus ». Comme il a évolué ! Comme il a changé, pensais-je, tout en l’écoutant… Il en fait trop en faveur de la Nouvelle Messe. Et le Cardinal l’écoutait peut-être avec satisfaction. Demander que soit inséré l’ancien rite dans les livres liturgiques modernes, c’est le comble ! L’ancien rite aurait ainsi un « droit de cité » dans l’Église par le véhicule des livres liturgiques réformés. Le rite romain ancestral, éternel, serait ainsi à la remorque de la réforme liturgique, instable, modulable, évolutive… Alors pourquoi ne pas dire la Nouvelle Messe ? Pourquoi donc agiter tant l’Église par le maintien du rite de saint Pie V? Je me fais toutes ces réflexions tout en l’écoutant. Et tous « ses pauvres », comme il les appelait au début de son propos, ceux qui l’écoutent… que deviendront leurs « clameurs » ?

Je remarquais l’absence des pères abbés des monastères de Fontgombault, de Randol, de Triors… Ni Dom Forgeot, ni Dom de Lesquen, ni Dom Courau n’étaient là. Ne partagent-ils pas, aujourd’hui, sa position sur la messe ? Dom de Lesquin ne nous demandait-il pas lui aussi « de reconnaître le caractère orthodoxe du Missel latin proposé, aujourd’hui, par le Saint-Siège » (p. 131, Enquête sur la messe traditionnelle). N’a-t-il pas, lui aussi, accepté le bi-ritualisme, ce bi-ritualisme là. « Depuis ce jour, le 22 février 1989, l’un et l’autre rites sont utilisés avec préférence habituelle donnée au rite immémorial » (p. 128, Enquête sur la messe traditionnelle). Dom Forgeot, lui-même, n’affirme-t-il pas, dans ce même livre, un trésor : « il faut souhaiter la coexistence pacifique des deux missels » (p. 125). Il a fait bien du chemin notre Dom Gérard, murmurais-je, même s’il chante joliment l’ancien rite, même s’il s’en fait toujours le beau défenseur, avec poésie… Il ne critique plus la réforme liturgique qui détruit l’Église parce qu’« équivoque », « hybride ». Il s’en fait même, à l’occasion, le défenseur : elle est « valide », « orthodoxe », « bien légitime » de l’Église. Alors, Rome peut lui manifester maintenant publiquement son attachement, son approbation. Un Cardinal, rien moins que le Cardinal Ratzinger, peut l’honorer, être présent à son chant d’action de grâces. Le Cardinal, lui aussi, a parlé en faveur de l’ancienne messe. Il a même reproché aux évêques leur dureté de cœur, leur absence d’ouverture. Il a même montré la fragilité de leurs arguments contre l’autorisation facile de l’ancienne messe… mais il n’a rien dit, pas un mot, pas une seule critique du Nouvel Ordo Missae, de ce nouveau rite qui est si dommageable à l’unité de l’Église, à sa sainteté, à son apostolicité. C’est vrai que l’on ne peut tout dire… Mais « quand même » !
Il faudra revenir sur ce voyage romain très important, sur les paroles prononcées, y réfléchir, y bien réfléchir. Peut-on se taire sur cette réforme liturgique pour plaire aux modernistes en place et « avoir pignon sur rue » ? Doctrinalement, jamais. Prudentiellement, peut-être, selon les circonstances… Nous vivons de la foi catholique, de son dogme, de sa liturgie. Nous ne passons pas notre temps, de fait, à critiquer ? Nous voulons toutefois garder ces trésors. Doctrinalement, nous avons raison, prudentiellement aussi.

Son discours se termine. Les applaudissements sont assez discrets. C’est le tour de Michaël Davies, puis du professeur allemand.
Le Cardinal, enfin, reprend la parole. Il parle cette fois sans papier, « ex abundantia cordis ». Son français reste correct. Il s’adresse à Dom Gérard, ne lui donne pas une totale approbation.
Il ne partage pas tout à fait ses considérations canoniques, non qu’elles ne soient pas dignes d’intérêt mais, pour le Cardinal, elles ne sont ni primordiales, ni essentielles. Elles resteront lettres mortes, croyez-moi. Ce n’est pas de cette façon, dit-il, qu’on améliorera la situation en faveur de l’ancienne messe. Notre effort doit s’appliquer ailleurs. Il faut changer les cœurs, les intelligences. C’est cela qui est urgent. Il affirme même: « Nous devons faire notre possible pour former une nouvelle génération de prélats ».
Mon attention est renouvelée par ces mots. C’est inouï, dans la bouche du Cardinal. J’applaudis le premier. Tous les congressistes suivent. Un applaudissement long, intense. Le Cardinal a touché juste… vraiment. Tous souffrent de l’ostracisme mal fondé des épiscopes. Le Cardinal peut le mesurer… au baromètre des applaudissements… Le Cardinal semble un peu surpris, il est un peu ébranlé… Les applaudissements se poursuivent. Ils s’arrêtent enfin. Le Cardinal se reprend comme s’il avait été trop loin… Enfin, dit-il, les évêques « ce ne sont pas des personnes de mauvaise volonté ». Ils manquent peut-être de formation… J’aimerais bien être à Lourdes. Nos évêques sont en Assemblée. Les commentaires doivent aller bon train… Je vous l’assure. Quoi qu’il en soit, j’attends de voir la suite. Les évêques vont-ils s’ouvrir à la « dialectique romaine » ? Notre tâche serait plus difficile… Je n’en suis pas sûr. S’ils s’en tiennent au discours du Cardinal, ils le devraient. Mais, s’ils s’attachent aux propos du Pape, du lundi 26 octobre, alors qu’il recevait tout son monde, en audience, au Vatican, je ne le pense pas. Ils risquent d’être toujours aussi fermés, hermétiques à l’ancienne messe comme des huîtres de Cancale. C’est leur désir. Ils sont sur le terrain, le Cardinal dans son bureau. Il est facile de parler d’unité… La Secrétairerie d’État qui contrôle tout, qui a préparé le discours du Pape, a remis, le lundi, les pendules à l’heure, a rééquilibré la pensée du Cardinal. Rien, à mon avis, ne changera. La conférence prend fin. Un Salve Regina est chanté. Sitôt fini, je monte sur l’estrade, passe devant Dom Gérard, me présente au Cardinal : « Monsieur l’abbé Aulagnier de la Fraternité Sacerdotale Saint- Pie X ». Il me sourit, prend mon pli : « Lettre ouverte au Cardinal Ratzinger : « Plaidoyer pour Mgr Lefebvre ». Il est affable, la met dans sa serviette. Nous échangeons deux mots, je me retire. J’étais venu aussi, surtout pour cela : lui remettre en main propre, ce plaidoyer. Mission accomplie »….


Voilà quelques précisions ou nuances sur l’article de Jean Madiran dans Présent du 17 avril 2008 au sujet de « Dom Gérard et la messe ». Ces précisions ou nuances ne sont pas rien. Toutefois, l’essentiel, c’est qu’au monastère du Barroux les moines gardent la messe tridentine. Ils le feront plus facilement grâce à ces lettres du 4 et 9 mars 2006 adressées à Dom Louis Marie et à tous ses moines. Et sous ce rapport, il est bon que Jean Madiran, son ami, les ait révélées, du moins en partie, aussi au grand public. Elles nous tranquillisent.

[Abbé Guillaume de Tanoüarn - Le Forum Catholique] Une mise au point

SOURCE - Abbé Guillaume de Tanoüarn - Le Forum Catholique - 25 avril 2008

Dans un texte que j'ai publié sur le Forum, j'exhortais la FSSPX à ne pas céder à la fièvre rallieuse. Certains, ici même et à plusieurs reprises (m'a-t-on signalé), en ont conclu que j'aurais des remords d'avoir signé un acte d'adhésion et d'avoir obtenu, avec l'abbé Laguérie et quelques autres prêtres la reconnaissance canonique de l'Institut du Bon Pasteur, et cela parce que je serais moins libre qu'auparavant. Des remords ? Moins libre ? Mais où vont-ils chercher tout ça ? Dans l'acte d'adhésion que nous avons signé, il est stipulé que nous gardons un droit de critique constructive du Concile. Je dirais même que parmi les communautés ED, c'est cette liberté critique qui fait notre spécificité, notre charisme. Rien à voir, entre parenthèses justement, avec ce que l'un d'entre vous appelle des accords pratiques. Nous portons fièrement la marque de fabrique de Benoît XVI : ce que nous avons signé ce sont (tant sur le Concile que sur la messe) des accords sur le fond. Nous avons pu le faire grâce aussi à notre petite taille : small is beautifull, parfois.
J'ai écrit que la FSSPX ne devait pas se presser de signer. Signer pour signer n'a pas de sens. Signer quoi ? Pour aller où ? Il faut pouvoir être fier de ce que l'on signe avec le Père commun des fidèles (comme je l'ai été et le suis moi même), ou alors cette signature n'est qu'un chiffon de papier, qui vous met en danger. Signer un chiffon de papier qui engendrerait la division et l'auto-destruction de la FSSPX, cela ne constitue en rien une solution. Par ailleurs, pour être capable de signer un véritable accord, il faut savoir et faire savoir où l'on va. Et pas se référer à des événements qui ont quinze ans. Pas reprendre en boucle un discours que l'on n'a pas revu (ou retravaillé) depuis quinze ans. Comme si rien n'avait changé.
Lorsqu'on entend, venant de la FSSPX ou de ses amis (dont je fais partie) : le moment n'est pas encore venu de signer, cette expression peut être prise en deux sens.
Soit : il n'est pas temps de signer, parce que Rome n'est pas allé assez loin dans la Restauration. Et je pense que ce motif est lâche et qu'il conduit à reporter le souci de l'unité de l'Eglise après la parousie. il y aura forcément toujours une raison d'ici là pour dire que cela va mal et rester dehors.
Soit encore, en un sens tout différent : il n'est pas temps de signer parce que la FSSPX n'a ni l'unité interne ni la force nécessaire pour affronter immédiatement une telle mutation. En signant trop vite (quoi ? Pour aller où ?) elle risque d'exploser en vol, pour le plus grand malheur de toute la chrétienté. Le combat est difficile. Les épiscopats ne souhaitent pas forcément pratiquer la vertu d'accueil. Un bon accord est un accord qui se signe en force. Il faut que la FSSPX résolvent d'abord des difficultés internes. Elle doit le faire petit à petit, en soutenant résolument, au jour le jour, tout ce qui, dans l'action providentielle de Benoît XVI, demande à être soutenu. Voilà ce que j'expliquais dans le post que vous citez.
Dans cet esprit, j'ai écrit aussi, dans le même post, que vous ne citez que tronqué : la FSSPX doit s'engager pour l'Eglise et pas seulement en lançant des campagnes du Rosaire, mais en faisant tout ce qui est en elle, en s'exposant comme s'exposait Mgr Lefebvre, en soutenant le pape, dont certains textes sur l'oecuménisme aux Etats Unis sont simplement magnifiques, dont certains textes sur la liberté religieuse sont très éclairants.
L'un d'entre vous se demande à quel titre j'interviens. J'interviens simplement parce que j'aime la Fraternité Saint Pie X, dans laquelle j'ai passé quelque quinze ans de vie sacerdotale, dans des conditions qui ont toujours été privilégiées, à Libreville ou à Paris. Je crois la connaître mieux que ceux qui la défendent. Je ne me résigne pas à la voir disparaître dans l'insignifiance de discours préfabriqués que l'on ressert à toutes occasions et (au mieux) de campagnes de prières à répétition, qui constituent un alibi pour ne pas faire ce que l'on pourrait faire, ou dire ce que l'on devrait dire. L'Eglise me semble-t-il, attend de l'oeuvre de Mgr Lefebvre autre chose que ce genre d'alibis.

24 avril 2008

[Touforek - Le Forum catholique] Catalogue de mythes à l'usage des liseurs: Nicolas Sénèze


SOURCE - Touforek - Le Forum catholique - 24 avril 2008

Ces mythes sont fournis gracieusement par Nicolas Sénèze ici. Il n'y a pas de copyright, les liseurs peuvent les réutiliser dans leurs messages sur le forum ou dans la vie de tous les jours. Et que la fête commence!

LE FC EST PEUPLE D'INTEGRISTES
"Il faut avoir une vision dynamique de l'intégrisme (rien de plus faut que d'y voir des vieux crispés sur de l'ancien, à preuve le débat sur internet de ce soir, le monde intégiste sait très bien utlisé les NTIC)".

"Chaque intégriste piochant dans de Magistère ancien pour se bricoler "sa" Tradition. C'est d'ailleurs très frappant dans les débats du FC".

LES INSTITUTS TRADIS ACCEPTENT N'IMPORTE QUI
"Les évêques de France opèrent un réel travail de discernement qui est tout à leur honneur dans le contexte actuel. Il est regrettable que des jeunes qu'ils n'ont pas retenu aillent ensuite voir dans des instituts souvent moins regardant sur la qualité des vocations".

LES PRETRES TRADIS NE SONT PAS FIDELES A LEUR VOCATION
"En effet, le « monde de la Tradition » ordonne à tour de bras. Mais j’aimerais voir dans 10 ou 20 ans, combien seront restés ? "

"Et oui, je maintiens que ces séminaires sont moins regardants. 50% d'ordonnés après l'entrée au séminaire ? Mais combien demeureront prêtres dans 10, 20 ou 30 ans. Beaucoup sans doute, étant donné le fonctionnement très fermé des communautés tradis (un petit monde qui fonctionne sur soi, fermé, sans « tentation » "tentation" extérieure).
Note de Touforek: La phrase en gras contredit la citation précédente.

TOUT TRADI A 8-10 ENFANTS
"Quant à la moyenne d'âge des communautés tradis. N'exagérons rien. Avec des familles de 8/10 enfants, on fait vite baisser la moyenne d'âge !"

LE TRADITIONALISME EST UNE RESERVE D'INDIENS
"Ce sont justement ces curés qui "montrent le plus de rigueur liturgique et doctrinal" tout en étant fidèles à Vatican II qui sont le bon exemple. Pas les petites communautés tradis qui, en fait, ne vivent que sur un petit reste (croissant à cause de leur dynamisme démographique)".

"Ensuite ceux qui font de l'agit-prop pour rameuter à tout bout de champ dans ces messes. Quite à ce que certains cumulent plusieurs messes le dimanche pour "faire nombre". Mais ça n'aura qu'un temps..."

SUR AMIENS : 300 FIDELES A LA RUE NE CONSTITUE PAS UNE ACTUALITE
"Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller couvrir toutes les manifestations d'agit-prop de la FSSPX... Il se passe aussi d'autres choses dans l'Eglise que ces petites questions".

LA FORME EXTRAORDINAIRE NIE LA RESURRECTION DU CHRIST
"J'y assiste pour des raisons professionnelles. Je m'y sens dans un monde totalement étranger dont le hiératisme et la sécheresse me stupéfait... Je me demande vraiment où est la rencontre avec le Christ ressuscité là-dedans !"

IL EST FACILE DE PORTER LA SOUTANE
"Déçu car, si pour vous être prêtre c'est "enfiler une soutane et reprendre la doctrine catholique", il est certain qu'on va vite en trouver. Mais est-cela être prêtre ? "

IL N’Y A PLUS D’ABUS LITURGIQUES
"Mais montrez-moi de réels actes de désobéissance ! C'est comme les abus liturgiques que l'on dénonce à tout bout de champ..."

"Oui, il existe un véritable flicage liturgique de la part de certains milieux de l'Eglise qui se plaisent à vouloir faire croire à Rome que la France vit une véritable catastrophe liturgique".

POUR DEMANDER LA FORME EXTRAORDINAIRE DANS UNE PAROISSE, IL FAUT L'AVOIR FREQUENTE DE FACON STABLE EN ASSISTANT A LA FORME ORDINAIRE
"Dans l’esprit de Benoît XVI, celui-ci ne doit concerner que peu de monde, les « groupes stables » en fait des comunautés ED ou FSSPX déjà existantes et qui seraient intégrées à la vie paroissiale). Il n’était pas du tout question de voir ce qu’on voit actuelement sur le FC : « Je crée un groupe stable à X, il y a-t-il d’autres personnes pour se joindre moi ? », ce n’est absolument pas « stable »…".

COMMENT REUTILISER CES MYTHES:
- si vous êtes progressiste, réutilisez les tels quels.
- si vous êtes intégriste, vous remplacerez intégriste par progressiste et vous pouvez réutilisez la majorité des arguments de l'écrivain.

Exemple:
Nicolas Sénèze dit: "Chaque intégriste piochant dans le Magistère ancien pour se bricoler "sa" Tradition. C'est d'ailleurs très frappant dans les débats du FC".

Passez l'affirmation par la moulinette, vous obtenez:
"Chaque progressiste piochant dans le Magistère nouveau pour se bricoler "sa" Tradition. C'est d'ailleurs très frappant dans les débats du FP (le Forum Progressiste dont le nom commence par un G)".

QUESTION SUBSIDIAIRE
Merci à ceux qui ont compris de m'expliquer ce qu'est un intégriste car je n'ai toujours pas saisi, bien qu'ayant lisu tous les messages du rendez-vous.
J'ai compris que selon Nicolas Sénèze, les fidèles de la FSSPX étaient intégristes. Mais qu'en est-il des fidèles des communautés Ecclesia Dei?

Touforek (qui va mal dormir ce soir car il ne sait pas s'il est intégriste...)

[Ennemond - Le Forum Catholique] Le but de Nicolas Senèze

SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - 24 avril 2008

Dans le récent entretien que N. Senèze a accordé à une revue, il affirmait que son ouvrage voulait oeuvrer à la réconciliation avec les traditionalistes en tâchant de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce qu'il appelle la "crise intégriste". Au-delà du courage qu'il a eu à affronter, seul de son bord, le Forum catholique, il m'a cependant paru s'éloigner, lors de ce rendez-vous, du but qu'il s'était fixé. C'est du moins le sentiment que j'ai ressenti.
D'abord sur les termes qu'il a employés, Nicolas Senèze a, avec une certaine froideur, maintenu le vocabulaire de circonstance des journalistes des années 70. En cela, il était loin de désamorcer le terrain. Bien au contraire, il me semble qu'il soit désormais l'un des rares journalistes à maintenir des anathèmes aussi désobligeants.
A l'appui de citations (toutes ont plus de 30 ans), il a indiqué que les intégristes étaient des gens ne se corrigeant pas, appliquant des étiquettes aux autres, usant de l'amalgame. Il a même parlé d'anticléricaux.
Les explications sociologiques, nostalgiques et psychologiques demeurent, en particulier pour Mgr Lefebvre dont la "psychorigidité" est mise en valeur. On est loin de l'invitation du cardinal Ratzinger à dépasser ce genre de considérations.
La vision de l'Eglise qu'il donne est très politique, faisant trop souvent abstraction de la sagesse ecclésiale et de la recherche de la vérité. Se plaçant dans une situation centrale, il présente la FSSPX comme le contre-poids de Hans Kung. Dans cette logique, une réconciliation avec la Fraternité engendrerait, de manière fort simpliste, un jeu de chaises musicales. N. Senèze me paraît plutôt rangé derrière les arguments de l'épiscopat le plus anti-traditionaliste qui brandit cet argument comme une menace face à Rome.
Dans une démonstration peu objective où Rome aurait fait tout son possible (quid de l'interdiction de la messe ?), il minimise jusqu'aux abus liturgiques que l'on "dénoncerait à tout bout de champ" et finit par douter du dynamisme du monde traditionnel. Dès lors, il y a bien peu de lueur d'espoir selon lui. C'est bien plus la radicalisation et l'irrévocable séparatisme qu'il pointe systématiquement du doigt comme une menace, qui prévaut.
C'est pourquoi, contrairement à ce but qu'il s'était donné, je trouve que son entreprise est plutôt porteuse de désespoir. Il me semble qu'il y a - parmi ceux qu'on peut appeler les héritiers du Concile - des personnes plus douées pour parler de manière posée et sans agressivité.

23 avril 2008

[Vincent Pellegrini - Le Nouvelliste] Ecône s'éloigne de Rome

SOURCE - Vincent Pellegrini - Le Nouvelliste - 23 avril 2008

Pour le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, «le temps d'un accord n'est pas encore venu».
La possibilité d'une régularisation des relations entre Rome et Ecône s'éloigne à nouveau. L'on pensait pourtant que la publication par Benoît XVI du Motu Proprio qui libéralise l'ancienne messe pourrait débloquer les relations entre Rome et les fils spirituels de Mgr Marcel Lefebvre. D'autant plus que le dialogue avait été renoué en été 2005. Le supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, le Valaisan Bernard Fellay, avait alors rencontré le pape dans un climat que les deux parties avaient qualifié de nouveau. Décision avait ainsi été prise de poser les jalons pour résoudre progressivement les problèmes de fond. Mais dix mois après le geste du pape envers les tenants de l'ancienne liturgie, la réponse d'Ecône, qui dit ne pas pouvoir signer d'accord, montre que la réconciliation n'est pas pour demain, ni sans doute pour après-demain.
Ecône sur ses positions
Un accord entre traditionalistes et Rome n'est plus à l'ordre du jour. Dans sa Lettre aux amis et bienfaiteurs du 14 avril, qu'a d'ailleurs citée lundi Rhône FM, Mgr Bernard Fellay, le No 1 au sein du mouvement d'Ecône, a en effet écrit sans ambiguïté: «La Fraternité Saint-Pie X se réjouit franchement de la volonté papale de réintroduire le rite ancien et vénérable de la sainte Messe, mais découvre aussi la résistance parfois farouche d'épiscopats entiers. Sans désespérer, sans impatience, nous constatons que le temps d'un accord n'est pas encore venu. Cela ne nous empêche pas de continuer d'espérer, de continuer le chemin défini dès l'an 2000. Mais il serait très imprudent et précipité de se lancer inconsidérément dans la poursuite d'un accord pratique qui ne serait pas fondé sur les principes fondamentaux de l'Eglise, tout spécialement sur la foi.»
En fait, Ecône ne veut pas laisser du temps au temps, mais attend carrément de Rome un changement d'orientation, ce qui apparaît peu indiqué en l'état pour trouver un terrain d'entente... Mgr Bernard Fellay s'explique ainsi: «Le Motu Proprio qui introduit une espérance de changement vers le mieux au niveau liturgique n'est pas accompagné par des mesures logiquement corrélatives dans les autres domaines de la vie de l'Eglise. Tous les changements introduits au Concile et dans les réformes post-conciliaires que nous dénonçons, parce que l'Eglise les a précisément déjà condamnés, sont confirmés. Il faut conclure que rien n'a changé dans la volonté de Rome de poursuivre les orientations conciliaires, malgré quarante années de crise, malgré les couvents dépeuplés, les presbytères abandonnés, les églises vides. Les universités catholiques persistent dans leurs divagations, l'enseignement du catéchisme reste une inconnue alors que l'école catholique n'existe plus comme spécifiquement catholique: c'est devenu une espèce éteinte... Voici pourquoi la Fraternité Saint-Pie X ne peut pas signer d'accord.»
Une chance perdue
Pourtant, avec Benoît XVI, se présente pour Ecône une chance historique de tourner la page de la confrontation. Le pape actuel connaît et comprend en effet fort bien les mouvements traditionalistes. Alors qu'il était encore cardinal, Joseph Ratzinger avait en effet déjà trouvé un accord avec Mgr Lefebvre pour réconcilier la Fraternité Saint Pie X avec Rome. Le cardinal avait rencontré plusieurs fois Mgr Lefebvre et un protocole d'accord sous la forme d'une déclaration en cinq points avait même été signé par les deux parties le 5 mai 1988. A quelles conditions? Mgr Lefebvre nous avait alors déclaré lors d'une interview: «Nous reconnaissons le Concile (réd.: Vatican II) interprété à la lumière de la tradition, mais Rome accepte le principe de la discussion sur certains points qui nous semblent difficilement conciliables avec la tradition.» Mais finalement tout avait capoté à cause de l'absence de date donnée par Rome pour l'ordination d'un évêque membre de la Fraternité traditionaliste. Un accord sur le plan doctrinal et disciplinaire avait pourtant été trouvé. Rome laissait Ecône faire l'expérience de la tradition, pour reprendre une expression chère à Mgr Lefebvre.
Aujourd'hui, Ecône semble fermer une nouvelle fois la porte à un rapprochement. Sans réaliser qu'un autre Joseph Ratzinger ne se présentera sans doute pas...

[ Patrice de Plunkett] « Traditionalistes » ? Le vrai problème est insoluble (à vue humaine)

SOURCE - Patrice de Plunkett - 23 avril 2008

« Traditionalistes » ? Le vrai problème est insoluble (à vue humaine)
…et il n’est pas où les médias croient le voir :
Dans une nième lettre à ses partisans, le supérieur d’Ecône  – il se nomme Bernard Fellay –  redit qu’il n’est pas question de réintégrer l’Eglise catholique romaine ; il couvre celle-ci de griefs virulents, selon l’habitude lefebvriste. La presse croit pouvoir en déduire que cette lettre donnera du « déplaisir » à Rome. Cette affirmation est au moins équivoque.  
En effet, la fable d’une papauté ratzingérienne « habitée du désir de renouer avec Ecône » ne repose sur rien. Le pape sait de longue date ce qu’est le micro-climat écônesque. Si Rome ressent un « déplaisir », ce n’est pas d’échouer à rallier Ecône, c’est de voir que des catholiques ont pu se rétracter hors du monde réel, hors des tâches du chrétien d’aujourd’hui : dans l’enclos mental d’une idéologie passéiste à vocabulaire religieux qui n’est pas compatible avec l’évangélisation du XXIe siècle. (Pour mesurer cette incompatibilité, il suffit de relire les directives du pape aux Etats-Unis).
Contrairement à ce que veut croire la presse, le « conservatisme » (?) de Benoît XVI n’établit aucune « parenté » entre lui et Ecône. D’abord, parce que Benoît XVI n’est pas un « conservateur »*. Ensuite, parce que les hantises de la « petite Eglise » lefebvriste sont d’une autre nature que les perspectives de la grande Eglise. Les commentateurs aimeraient que Benoît XVI ait des faiblesses envers Ecône, parce que cette attitude signerait une incompatibilité entre Rome et le monde réel ; mais les commentateurs se fourvoient. Comme d’habitude.
Quant aux  « traditionalistes » de Mgr Fellay, ils ont un problème qui tient à leurs mobiles profonds  – et qui paraît insoluble à vue humaine.
(*)  Terme qui n’a aucun sens dans le contexte catholique.

[Côme Prévigny - Christus Imperat] Mgr Fellay lance un appel à Rome

SOURCE - Côme Prévigny - Christus Imperat - 23 avril 2008

Mgr Fellay lance un appel à Rome

La récente lettre que Mgr Fellay a adressée aux fidèles attachés au mouvement de Mgr Lefebvre a suscité diverses réactions dans la presse et sur internet. Entre émotion et déception, il semble opportun de mesurer la portée des mots du supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X et, à partir de ses écrits, d'étudier ses motivations. Un certain nombre de commentateurs, inquiets depuis quelques temps du réchauffement des relations entre le Saint-Siège et le monde traditionaliste, s'est particulièrement hâté de sortir de leur contexte, en les coupant, les propos de l'évêque pour conclure intemporellement : "la Fraternité Saint-Pie X ne peut pas « signer d’accord »". Cette manipulation grossière est plutôt un bon signe, dans la mesure où elle transcrit les inquiétudes des journalistes.

Dans les faits, les autorités de la Fraternité n'ont aucunement changé de ligne de conduite. Il n'y a pas, dans cette lettre, l'ombre d'un refus par rapport à une situation antérieure. Mgr Fellay a indiqué clairement que le carnet de route établi en 2000 entre le Saint-Siège et la FSSPX était maintenu et, à plusieurs reprises, il a invité les fidèles à l'espérance. Que la Fraternité ne puisse signer d'accord est une réalité relative au temps présent. Par là, son supérieur général rappelle simplement aux fidèles que le mouvement créé par Mgr Lefebvre ne transgressera pas les règles qu'il s'est fixé depuis sept ans, à savoir qu'un accord ne serait signé qu'une fois le décret d'excommunication retiré et les discussions doctrinales officiellement entamées. De manière cohérente, c'est donc là une invitation à ne pas se nourrir d'illusion et de précipitation et à vivre dans l'espérance et la confiance.

Les récents propos de Mgr Fellay s'inscrivent également dans un contexte diplomatique entre le Saint-Siège et la Fraternité. Dans sa dernière lettre aux Amis et Bienfaiteurs, le supérieur général de ladite société avait salué bien ouvertement et sans nuance la publication du Motu Proprio. Par la suite, le cardinal Castrillon Hoyos avait, dans un entretien en mars dernier, minimisé les différends entre Rome et la Fraternité : "S’agissant du Concile Vatican II, la critique qu’en fait la Fraternité Saint-Pie X porte sur le manque de clarté de certains textes, ce qui ouvre la voie à une interprétation divergente au regard de la doctrine traditionnelle. Les difficultés ne sont qu’interprétatives, ou elles ne portent que sur quelques gestes œcuméniques, mais pas sur l’enseignement de Vatican II lui-même", avait rapporté l'Osservatore Romano.

La présente lettre de Mgr Fellay vient rappeler que le combat de Mgr Lefebvre et des prêtres qui l'ont suivi ne se résume pas à une mésinterprétation de quelques points du Concile mais vraiment à un problème de fond à propos de la liberté religieuse, de la collégialité et de l'oecuménisme, problème qui nécessite une discussion doctrinale. En quelque sorte, Mgr Fellay légitime ici la résistance de la Fraternité. La dissidence et l'acte grave que constitue le sacre de 1988 n'auraient pas eu lieu si la crise que nous vivons n'avait reposé que sur un malentendu.

Cette lettre s'inscrit également dans un climat d'interrogation sur les motivations romaines. Dernièrement, la modification de la prière pour les Juifs du Vendredi Saint a suscité une certaine émotion puisque cette première altération de l'ancien missel - celui-là même que la Fraternité avait vaillamment défendu contre les autorités ecclésiales pendant des décennies -  n'a été officiellement suivie que par les étonnants commentaires des cardinaux Bertone, Kasper et Schönborn qui - au mieux - mettaient en doute la nécessité d'annoncer l'Evangile aux Juifs.

Seuls ceux qui redoutent plus que tout qu'un arrangement intervienne à terme ont voulu voir dans cette lettre une fin de non-recevoir. Il n'y a aucun retour en arrière, aucune fermeture. Il y a une invitation des fidèles à la patience tandis que la Fraternité, avec espérance, "continue le chemin défini dès l’an 2000". Mgr Fellay ne tourne pas le dos à Rome, il s'avance vers elle pour lui lancer un appel, l’appel au pape pour qu’il lance enfin le chantier colossal de la restauration doctrinale de l’Eglise dans laquelle la FSSPX veut participer de façon authentique et avec toutes ses forces. C’est un appel de fidélité, un appel de foi, un appel à l’offensive dans la reconquête !

Côme Prévigny

22 avril 2008

[FSSPX] Interview de Monseigneur Fellay - par le Père Benoît - à Libreville

SOURCE - extrait du courrier "Saint Pie" de mai 2008 - mise en en ligne par La Porte Latine - 22 avril 2008

Le Saint Pie : Monseigneur, c’est un honneur et une joie de vous avoir parmi nous à bord de la Mission Saint Pie X ! Et à plus d’un titre puisque vous êtes venu non seulement comme évêque pour donner le sacrement de confirmation à 63 fidèles du GABON, mais aussi comme supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, pour visiter notre belle communauté et nous parler de l’Église. En quelques questions, Monseigneur, nous voudrions survoler pour nos lecteurs du Saint Pie votre séjour à Libreville, pour leur faire part d’un peu de ce suc d’édification spirituelle que vous nous avez apporté.
Mais tout d’abord, Monseigneur, pourriez-vous nous dire ce que représente la Mission du Gabon dans l’histoire de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ?
Mgr Fellay : La Mission Saint Pie X rappelle à la Fraternité qui défend la Tradition de l’Église, fondée par Mgr Lefebvre bien connu ici au Gabon où il fut missionnaire pendant 13 ans sous le nom du Père Marcel, eh bien précisément que la Tradition de l’Église, ou ce qui revient à dire l’Église tout court, parce que l’Église ne peut pas être sinon une tradition, nous rappelle tout simplement que l’Église est missionnaire. Et pour nous, Fraternité qui sommes plongés dans un combat assez difficile qui est celui de défendre les valeurs de l’Église, la réalisation concrète d’une mission en Afrique à la suite de Monseigneur Marcel Lefebvre nous rappelle avec beaucoup d’efficacité et très vivement cette nécessité pour tout catholique, et bien sûr évidemment pour un catholique traditionnel, d’être missionnaire, de continuer cet esprit de conquête des âmes pour Notre Seigneur jésus Christ.
Le Saint Pie : Après avoir visité la communauté des Pères, des frères et des soeurs, non seulement à la Mission mais aussi au Juvénat du Sacré Coeur, puis en brousse équatoriale au domaine Saint Joseph d’Andeme et au prieuré Saint Jacques de Four Place, pourriez-vous dire à nos lecteurs du Saint Pie votre sentiment sur cette oeuvre de la Fraternité, oeuvre d’Église, après plus de vingt années de présence au Gabon ?
Mgr Fellay : Mon premier sentiment est un sentiment d’émerveillement, c’est quelque chose comme quand on voit un beau coucher de soleil, on dit : « magnifique » ! Quand on voit de si belles oeuvres, on peut dire en plein milieu de la brousse… enfin, de la brousse de la crise de l’Église, on s’émerveille, on bénit le Bon Dieu.
Et puis on se rend compte que le Bon Dieu veut réellement sauver tous les hommes et que pour cela les hommes n’ont qu’à apporter leur bonne volonté et alors, comme la pluie qui pleut sur cette terre, la grâce tombe sur les coeurs de bonne volonté, et fait pousser le salut. On voit très très bien que cette oeuvre de la Fraternité est une oeuvre de salut. Voilà mon sentiment à voir cette magnifique oeuvre.
Le Saint Pie : La Fraternité s’est implantée maintenant dans quatre pays de notre grand continent Africain : au Gabon, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et au Kenya. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre vision d’avenir pour les fidèles africains de la Tradition ?
Mgr Fellay : Pour l’instant, quand on regarde la carte de l’Afrique, on voit que la Fraternité est établie un peu en forme de triangle, tout à la pointe en bas et puis des deux côtés vers le milieu, les fidèles savent aussi que nous avons d’autres pays en attente, qui sont visités avec plus ou moins de fréquence : autour du Gabon, il y a le Cameroun et le Nigeria, au côté du Kenya c’est l’Ouganda, la Tanzanie, du côté de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe ce sont les pays alentours, c’est un petit peu le Mozambique, un petit peu le Malawi, un peu plus la Zambie où l’on commence à avoir de l’apostolat. Et donc on voit trois centres d’intérêt, et de temps en temps on se pose la question s’il ne faudrait pas resserrer les liens entre ces trois points pour donner plus de force encore à cet apostolat. Je suis persuadé qu’il y a de l’avenir en Afrique, mais il manque des prêtres, il manque cruellement de prêtres et il faudrait pouvoir envoyer une escouade pour pouvoir répondre aux besoins, aux demandes déjà actuelles. Oui je vois un bel avenir pour la Fraternité, pour la Tradition en Afrique.
Le Saint Pie : L’année 2008 est l’année d’un anniversaire, celui des 20 ans de votre sacre épiscopal par Monseigneur Lefebvre ! Grâce à l’épiscopat qu’il vous a transmis, nous avons encore des Pères ici au Gabon, et nos enfants reçoivent de vos mains les dons du Saint Esprit et le caractère de confirmé. Dans vos sermons de confirmation vous nous avez expliqué le rôle du Saint Esprit dans une âme et la signification de ce caractère de soldat. Pourriez-vous nous dire un mot du rôle de ce beau sacrement, finalement peu connu, pour nous fidèles catholiques dans le combat qui est le nôtre dans cette période troublée de l’histoire de l’Église.
Mgr Fellay : La confirmation, elle est promise si l’on peut dire. Elle nous parle du Saint Esprit et de l’aide, du rôle du St Esprit dans la vie du chrétien. Ce qui est très intéressant c’est de voir que Notre Seigneur va parler du Saint Esprit aux apôtres au moment où il leur demande d’aller en mission, au moment où il dit qu’il seront des témoins, que ces témoins pourront aller jusqu’au martyr, donc c’est lorsqu’il parle de la prédication. Annoncer la bonne nouvelle c’est annoncer qu’il n’y a qu’un seul sauveur, que c’est Notre Seigneur, et c’est aussi annoncer que, dire cela, ça va coûter à ceux qui seront les témoins, cela va coûter peut-être jusqu’à la vie, mais ce sera glorieux, non pas parce que c’est beau de mourir pour une belle cause, mais parce que Dieu sera avec les apôtres, Dieu Saint-Esprit.
Aujourd’hui ce combat prend une nouvelle forme parce qu’il y a une partie de l’Église catholique qui est devenue infidèle à ce combat, infidèle à cette profession de foi, infidèle à cette annonce qu’il n’y a qu’un seul Sauveur Notre Seigneur Jésus Christ, qu’il n’y a pas d’autre nom qui est donné sous le Ciel par lequel on puisse être sauvés. On pourrait dire que la Tradition entend bien continuer ce message qui a été le message de l’Église pendant tous les siècles et qui ne peut pas être autre chose pour l’Église toute entière encore aujourd’hui. Cependant vu ce malheur dans l’Église, cette mission est rendue encore plus dure parce que cette fois-ci nous n’avons pas que des ennemis du dehors, nous avons même dans l’Église un certain nombre qui nous considèrent comme des ennemis et qui s’en donnent à coeur joie. D’où l’importance de ce soutien, de se sentir soutenu dans ce combat pour la foi par le Bon Dieu par le Saint Esprit promis par Notre Seigneur et que l’on voit tous les jours à l’oeuvre dans notre apostolat.
Le Saint Pie : Monseigneur, au cours de la conférence donnée aux instituteurs et professeurs de notre école, vous nous avez parlé de l’importance de l’éducation chrétienne. Pourriezvous donner un conseil aux premiers éducateurs d’enfants que sont leurs parents ?
Mgr Fellay : Le premier conseil que je donne aux parents c’est d’aimer leurs enfants. Qui n’aime pas ses enfants ? Alors qu’est-ce que cela veut dire aimer ses enfants. Aimer cela veut dire vouloir le bien. Vouloir le vrai bien, c’est vouloir le plus grand des biens, mais c’est aussi vouloir tout le reste. Les enfants ont besoin d’une relation privilégiée avec leurs parents et les parents aujourd’hui où la famille est disloquée doivent exprimer à leur enfants cet amour. Amour ça ne veut pas dire leur donner des sucettes, ça veut dire les conduire vers les biens qui sont la perfection de l’être humain, qui sont la connaissance de la vérité et l’amour du bien, alors même que cela coûte. Cette éducation comporte un certain sacrifice, un certain renoncement et là les parents ne doivent pas hésiter à faire leur devoir pour cela. Voilà mon conseil.
Le Saint Pie : Vous nous avez parlé aussi des relations avec Rome, de l’impact de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X sur de grands pas effectués comme celui du MOTU PROPRIO. Finalement, même avec le MOTU PROPRIO, le combat continue !
Mgr Fellay : C’est très important de bien comprendre que le combat continue ! Le MOTU PROPRIO parce qu’il est beau, parce qu’il ouvre de nouveau les portes de l’Église à l’ancienne Messe qui a vraiment droit de cité dans l’Église, pourrait faire penser que donc maintenant c’est gagné, que c’est affaire conclue, eh bien non ! C’est un pas, c’est un grand pas, un pas que nous espérons décisif, mais pour cela il faut que ce Motu proprio devienne concret, il faut qu’il devienne effectif. Et de plus, la Messe et donc le Motu Proprio, ce n’est que la pointe d’un iceberg, notre combat lui, il se trouve en fait beaucoup plus sous l’eau qu’au dessus, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de choses qui n’apparaissent pas et qui appartiennent à ce combat. Combat pour Notre Seigneur, ce combat pour la vérité, ce combat contre les erreurs modernes, contre les tentations du monde qui veut toujours se passer du Bon Dieu, qui veut toujours rassasier les désirs des hommes en oubliant les commandements du Bon Dieu.
Le Saint Pie : Pouvez-vous dire un mot sur les autres sociétés qui bénéficient aussi de ce pas pour la Messe ?
Mgr Fellay : Ce qu’il faut espérer de ces sociétés c’est qu’elles fassent tout simplement leur devoir devant Dieu, devant l’Église. Et faire ce devoir cela devrait être quelque part le même que le nôtre et alors, dans ce cas là, nous ne verrions pas en eux des rivaux mais beaucoup plus, si l’on peut dire, des collaborateurs. Nous prions et espérons qu’ils fassent cela.
Le Saint Pie : Monseigneur Lefebvre aimait à dire qu’il voyait ici en Afrique des villages, comme ceux qu’il a pu connaître près de Lambaréné, se transformer petit à petit par la Messe. Il a expérimenté autrefois l’efficacité de la Messe pour transformer les âmes, et on peut dire, n’est-ce pas, que c’est toujours dans la Messe qu’est notre force et notre victoire pour l’Église toute entière ?
Mgr Fellay : Oui, je le pense aussi. Il ne faudrait pas dire que dans la Messe, mais dans les effets de la Messe. La Messe apporte beaucoup plus que la Messe. C’est comme un camion chargé, il n’y a pas que le camion qui arrive, il y a aussi le chargement qui arrive avec le camion. Et c’est un chargement de grâce, un chargement de doctrine qui nourrit la foi et c’est en même temps toute une force de grâces de sanctification. La société est sanctifiée par la Messe. La Messe c’est comme un soleil qui irradie la grâce et qui rentre, qui pénètre dans la société et qui la rend chrétienne. Si on laisse faire la Messe, il y a tout un enchaînement cohérent qui se produit et c’est ce que décrivait Monseigneur. Et il n’y a aucune raison de penser que cette efficacité aurait diminué ou disparu de la Messe. Bien dire la Messe bien recevoir la Messe, bien y assister va produire les mêmes effets. C’est une question de temps, une question bien sûr de circonstances humaines, à nous d’y travailler !
Le Saint Pie : Alors si l’on met la Messe de toujours avec tout ce qu’elle apporte, en concurrence avec la nouvelle, c’est ce qui va se passer avec le MOTU PROPRIO, on risque fort de démontrer quelle est la bonne !
Mgr Fellay : Aucun problème, parfaitement ! C’est déjà un cardinal, le cardinal Médina, qui me disait en 1998 : « qu’on donne aux deux messes les mêmes chances et que la meilleure gagne ! » Il n’est pas difficile de savoir laquelle ce sera ! Et on pourrait parler d’une Vox Populi, d’une voix du peuple, même si aujourd’hui les choses semblent complètement renversées, laissez, laissez cette liberté de la Messe ! elle parle aux âmes ! On le voit chez les enfants, chez les servants de Messe qui ont jusque-là assisté à la nouvelle Messe, qui ont servi la nouvelle messe : Ils découvrent une fois l’ancienne messe, ils n’hésitent pas une seconde pour savoir laquelle ils préfèrent… parce que c’est la meilleure, seulement parce que c’est la bonne Messe !
Le Saint Pie : Et même pour des prêtres qui n’auraient pas connu la Messe de toujours et qui la découvriraient maintenant, ils en percevraient les bienfaits ?
Mgr Fellay : Même chose. Nous avons beaucoup, beaucoup d’exemples très émouvants de prêtres qui nous disent qu’en célébrant l’ancienne Messe, ils découvrent ce qu’est le sacerdoce. Phrase évidemment impressionnante, phrase qui pèse lourd et qui en dit long sur la formation qu’ils ont reçue dans les séminaires aujourd’hui.
Le Saint Pie : Ainsi, il n’y a pas que le problème de la Messe dans la crise de l’Église, il y a aussi cette partie cachée de l’iceberg, ce nouvel esprit qui est lié à cette nouvelle conception de la Messe, qui règne et s’infiltre dans les âmes. Et cela rejoint ce que vous nous disiez tout à l’heure sur l’infidélité de l’Église à son bon combat de la foi. Finalement, avec le faux oecuménisme qui est une altération même de la vertu de charité, peut-on dire que l’Église conciliaire est encore missionnaire de nos jours ?
Mgr Fellay : Si les mots ont encore un sens, alors il faut dire que l’Église Conciliaire aujourd’hui n’est pas missionnaire, qu’elle a renoncé à la mission. Même si quelque part il y a un texte tout récent qui parle encore de la mission chez la païens, il n’y a qu’à voir comment, de manière très concrète depuis des décennies les missionnaires travaillent, pour constater Le Père Marcel que ce n’est plus un travail missionnaire, que c’est un travail humain, un travail qui a une certaine valeur auprès des hommes, une valeur anthropologique, mais qui n’a plus de valeur pour le salut. Ils ne cherchent plus à sauver.
Le Saint Pie : Mais pourquoi l’Église ne cherchet- elle plus à sauver, pourquoi n’est-elle plus vraiment missionnaire ?
Mgr Fellay : Parce qu’elle estime que chacun peut se sauver facilement et que ça ne vaut pas la peine de se sacrifier, d’assumer toutes sortes de peines pour un travail inutile puisque tout le monde est sauvé. L’enfer est vide donc tout le monde est sauvé. Et s’il en est ainsi, ça ne vaut pas la peine d’être missionnaire.
Le Saint Pie : Serait-ce un peu le sens de la nouvelle encyclique du pape Benoît XVI « Spe Salvi » à propos du salut dans l’espérance ?
Mgr Fellay : Il y a quelques rappels dans cette encyclique qu’on n’avait plus entendu depuis longtemps comme l’existence de l’enfer, du jugement, du purgatoire. Mais quand on lit de près ce qui est dit, on a vraiment l’impression que même si ces choses existent, elles ne sont là que comme des tigres en papier, pas bien dangereux, de toute façon, la grande majorité, grâce à Notre Seigneur qui est mort pour nous, est sauvée.
Le Saint Pie : Pour terminer cette interview Monseigneur, je sais que vous prenez dans quelques minutes votre avion pour rejoindre le froid de la Suisse, juste une dernière question. Avec les milliers de chapelets récités et maintenant la croisade du Rosaire, vous mettez toute l’histoire du salut dans les mains de Notre Dame n’est-ce pas ?
Mgr Fellay : Mais ce n’est pas moi qui mets dans les mains de Notre Dame, c’est le Bon Dieu ! C’est manifeste, depuis ces apparitions du XIXème siècle et du début du XXème siècle, que Notre Dame joue un rôle prépondérant dans l’histoire du salut et de manière particulière aujourd’hui. Je crois que c’est à Fatima que la Saint Vierge elle-même disait que Dieu avait mis dans ses mains la paix du monde, la paix des nations. Bien sûr, cela n’est pas encore le salut, mais c’est assez remarquable de voir cette phrase qui quelque part sanctionne la royauté de Notre Dame même sur la terre et on sait que chez le Bon Dieu, s’il y a une telle royauté comme la royauté de Notre Seigneur Jésus Christ, c’est en vue du salut. Il n’est pas difficile de voir et de comprendre que la Sainte Vierge joue un rôle dans l’histoire des hommes aujourd’hui, un rôle très particulier, et que cela est lié au rôle que Dieu lui a donné au niveau du salut. C’est Elle qui vient, c’est Elle qui vient recommander en cette période de trouble la prière du chapelet, la consécration de la Russie, la dévotion au Coeur Immaculé de Marie, comme moyens du salut. Les cinq premiers samedis du mois avec la promesse de la grâce finale, la grâce du salut, c’est assez extraordinaire ! Et il ne faut pas être insensible à cette histoire qui se déroule sous nos yeux. Pour moi je suis intimement persuadé que nous sommes dans le temps qu’un jour on appellera le temps de Marie !
Le Saint Pie : Merci beaucoup Monseigneur, les fidèles Gabonais seront au pèlerinage de Lourdes pour marquer l’histoire de ce temps de Marie ! Magnifique !

Propos de Monseigneur Fellay, recueillis par le Père Benoît, à Libreville, le 22 avril 2008.
Extrait du Saint Pie n° 162 de mai 2008