Dans le récent entretien que N. Senèze a accordé à une revue, il affirmait que son ouvrage voulait oeuvrer à la réconciliation avec les traditionalistes en tâchant de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce qu'il appelle la "crise intégriste". Au-delà du courage qu'il a eu à affronter, seul de son bord, le Forum catholique, il m'a cependant paru s'éloigner, lors de ce rendez-vous, du but qu'il s'était fixé. C'est du moins le sentiment que j'ai ressenti.
D'abord sur les termes qu'il a employés, Nicolas Senèze a, avec une certaine froideur, maintenu le vocabulaire de circonstance des journalistes des années 70. En cela, il était loin de désamorcer le terrain. Bien au contraire, il me semble qu'il soit désormais l'un des rares journalistes à maintenir des anathèmes aussi désobligeants.
A l'appui de citations (toutes ont plus de 30 ans), il a indiqué que les intégristes étaient des gens ne se corrigeant pas, appliquant des étiquettes aux autres, usant de l'amalgame. Il a même parlé d'anticléricaux.
Les explications sociologiques, nostalgiques et psychologiques demeurent, en particulier pour Mgr Lefebvre dont la "psychorigidité" est mise en valeur. On est loin de l'invitation du cardinal Ratzinger à dépasser ce genre de considérations.
La vision de l'Eglise qu'il donne est très politique, faisant trop souvent abstraction de la sagesse ecclésiale et de la recherche de la vérité. Se plaçant dans une situation centrale, il présente la FSSPX comme le contre-poids de Hans Kung. Dans cette logique, une réconciliation avec la Fraternité engendrerait, de manière fort simpliste, un jeu de chaises musicales. N. Senèze me paraît plutôt rangé derrière les arguments de l'épiscopat le plus anti-traditionaliste qui brandit cet argument comme une menace face à Rome.
Dans une démonstration peu objective où Rome aurait fait tout son possible (quid de l'interdiction de la messe ?), il minimise jusqu'aux abus liturgiques que l'on "dénoncerait à tout bout de champ" et finit par douter du dynamisme du monde traditionnel. Dès lors, il y a bien peu de lueur d'espoir selon lui. C'est bien plus la radicalisation et l'irrévocable séparatisme qu'il pointe systématiquement du doigt comme une menace, qui prévaut.
C'est pourquoi, contrairement à ce but qu'il s'était donné, je trouve que son entreprise est plutôt porteuse de désespoir. Il me semble qu'il y a - parmi ceux qu'on peut appeler les héritiers du Concile - des personnes plus douées pour parler de manière posée et sans agressivité.