SOURCE - Jean Madiran - Présent - 11 avril 2008
La question spectaculairement esquivée par le Fr. Roger en 1970 n’a pas seulement une portée historique. Elle est toujours d’actualité.
Aujourd’hui, trente-huit ans après, les incertitudes et objections exprimées concernant la messe de Paul VI n’ont toujours pas été décisivement dissipées.
Le Fr. Max Thurian, pasteur protestant et sous-prieur de Taizé, avait dès 1969 salué la promulgation de la messe nouvelle en déclarant au journal La Croix :
— Peut-être des communautés non catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Eglise catholique. Théologiquement c’est possible.
Cette déclaration fut bientôt suivie par des affirmations identiques ou analogues d’autres pasteurs protestants, provoquant chez beaucoup de catholiques une intense émotion.
Cette émotion s’exprima notamment, à l’automne 1969, dans une lettre au Saint-Siège signée par 6 000 prêtres espagnols :
— Si cette célébration par un protestant est théologiquement possible, c’est que le nouvel Ordo n’exprime plus aucun dogme avec lequel les protestants sont en désaccord.
Dans le Courrier de Rome, l’abbé Raymond Dulac y apercevait l’apparition d’une nouvelle forme d‘œcuménisme :
— Le nouvel Ordo Missae introduit ou favorise un nouveau concept de l’unité religieuse. Il permet d’exprimer avec des mots identiques des idées différentes. Ce qui n’est devenu possible que parce que les mots sont équivoques ou les idées indécises.
Sur ce sujet, le Fr. Roger, écartant toute « argumentation », n’a jamais répondu que par la déclaration d’une conviction personnelle :
— Pour ma part, j’ai la certitude que, dans le nouvel Ordo Missae, la substance de la messe est la même que celle qui a toujours été vécue et priée auparavant.
Mais simultanément, et au moins jusqu’en 1992, Max Thurian professait que « tout l’apport positif de la Réforme avait été assumé dans la foi catholique par le concile Vatican II ».
A défaut d’argumentation explicative, les convictions personnelles de Max Thurian et de Roger Schutz furent commodément appuyées du côté de l’Eglise par une interdiction, autoritaire et absolue, de célébrer la messe traditionnelle. Cette interdiction, on le sait, est restée en vigueur jusqu’aux premières années du XXIe siècle.
Louis Salleron, l’auteur du livre fondamental, et le plus solide, sur La Nouvelle Messe, posait la question :
— Pourquoi les frères de Taizé qui n’acceptent pas la messe traditionnelle acceptent-ils la nouvelle messe ? Quelle est, à leurs yeux, la différence substantielle entre les deux messes qui leur permet d’accepter la nouvelle alors qu’ils refusent l’ancienne ? Comment se fait-il, si les changements de la nouvelle messe sont secondaires pour les catholiques, qu’ils soient essentiels pour les protestants ?
Et l’abbé Raymond Dulac :
« Les nouveaux rites, valables en eux-mêmes pour le sens qu’on peut leur donner, sont équivoques au point d‘être acceptés par les protestants qui les reçoivent dans un autre sens. »
Cette observation, comme la question de Louis Salleron, n’a rien perdu de sa valeur.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6567 "de Présent"
du Vendredi 11 avril 2008
du Vendredi 11 avril 2008