30 septembre 2009

[Mgr Jacques Masson / Hermas] « Monseigneur Lefebvre ? On le poussera au schisme ! » (7)

SOURCE - Mgr Jacques Masson, publié par le site Hermas - 30 septembre 2009


Lettre de protestation de Monseigneur Marcel Lefebvre au Cardinal Marty

+ Ecône le 17 octobre 1972

Fraternité Sacerdotale Saint Pie X
50 Route de la Vignettaz
1700 FRIBOURG
Tél. 037 / 24 51 91

Eminence,

Par les voies du Secrétariat de l’Episcopat j’ai reçu une photocopie de la lettre que vous m’adressez concernant ma présence à Lourdes. J’avoue ma surprise, car je croyais jusqu’alors que les règlements de la Conférence prévoyaient la présence des Archevêques et Evêques autrefois résidentiels en France, à l’occasion de la Session Annuelle, et ce avec voix consultative et non délibérative.

Il est possible que je fasse erreur ou que les règlements aient été modifiés. Sinon, il s’agirait d’une grave injustice.

Mon intention était, je crois, légitime et très claire : sachant qu’une attitude de l’Episcopat devait être prise vis-à-vis de mon Œuvre qui, d’ailleurs n’en dépend aucunement, persuadé que beaucoup d’Evêques de France ont été mal informés par un rapport calomnieux et mensonger de Monsieur l’Abbé Clerc, mon premier collaborateur, il me semblait souhaitable qu’avant de porter un jugement, ils soient dûment informés. Je me présentais donc fraternellement à eux. Rien n’est odieux comme de juger d’une cause dont on n’est pas chargé et dont on est mal informé.

Je m’abstiens donc de venir à Lourdes si ma présence est « inopportune » et « impossible ». Mais si une injustice est commise à l’égard de mon Œuvre, qui est aussi, je l’espère, celle de Dieu et de l’Eglise, je n’hésiterai pas à répondre sur le terrain sur lequel elle serait attaquée, refusant de laisser attaquer impunément et injustement d’une manière publique les jeunes aspirants au sacerdoce qui me font confiance, français et non-français.

Pour votre information, je vous remets ci-joint une copie de la Lettre d’approbation du Cardinal Wright pour ma Fraternité Sacerdotale. J’ai pris soin, par ce même courrier, de la transmettre à tous les Evêques de France, puisque vous me demandez de ne pas les rencontrer à Lourdes.

Veuillez agréer, Eminence, l’expression de mes sentiments respectueux et fraternels en N.S. et N.D.

+ Marcel Lefebvre
Ancien Archevêque-Evêque de Tulle

(la photocopie de l’original se trouve dans mes archives)

Quelques jours plus tard, je me trouvais dans la bureau de Monseigneur Lefebvre pour parler des problèmes du Séminaire, des études, des élèves et faire le point surs les travaux de construction.

Le téléphone sonne. LE CARDINAL MARTY au bout du fil. Mgr Lefebvre me fait signe de prendre l’écouteur. C’est bien le Cardinal Marty, reconnaissable entre mille par son accent. Je prends des notes !

Cardinal Marty : - « Excellence, j’ai reçu votre lettre, et c’est de cela que je veux vous parler pour que tout soit bien clair entre nous. Je dois vous parler clairement et franchement. Si je vous ai dit que votre venue était inopportune et impossible, ce n’est pas en raison d’un changement dans les Statuts de la Conférence Episcopale.

« Vraiment, votre venue à Lourdes pourrait être cause d’un scandale, car je vois mal les Evêques de France accueillir parmi eux, un de leurs confrères qui est en désobéissance avec Rome, en refusant d’accepter la Nouvelle Messe promulguée par le Pape Paul VI, en conformité aux désirs du Concile Vatican II. Et donc, votre visite est impossible, car cela donnerait l’impression que les Evêques de France cautionnent votre désobéissance ».

Monseigneur Lefebvre : - « Je vous remercie Eminence d’avoir eu la délicatesse de m’appeler directement. Mais je tiens à vous préciser que la Messe de Saint Pie V n’a jamais été interdite, même si le Novus Ordo a été étendu à l’Eglise Catholique [NdR : On sait que ce point a définitivement été clarifié par le Pape Benoît XVI]. De plus, je me permets respectueusement de vous faire remarquer que le Novus Ordo ne correspond pas à des désirs exprimés au Concile Vatican II. Si mes souvenirs sont exacts, et ils le sont – je cite de mémoire bien sûr – le Concile prévoyait le maintien des différents rites existant dans l’Eglise Catholique, et donc, nécessairement le rite tridentin ».

Cardinal Marty : - « Mais en maintenant unilatéralement la Messe de Saint Pie V dans votre séminaire et dans votre Fraternité, vous introduisez un élément de division dans l’Eglise, en faisant coexister deux rites, dont l’un est officiellement promu par le Pape, Successeur de Pierre ».

Monseigneur Lefebvre : - « Eminence, vous êtes en train de m’accuser de diviser l’Eglise, à propos de la célébration de la Messe tridentine, alors que des personnalités éminentes, comme le Cardinal Ottaviani ont émis des doutes sur l’opportunité de cette innovation. Et c’est de cela aussi que j’aurais aimé parler à Lourdes, surtout après les rapports mensongers publiés sur mon séminaire et sur la Fraternité Saint Pie X ».

« Si ma présence est inopportune et impossible, pourquoi la présence de chrétiens non-catholiques qui ne croient pas dans le Saint Sacrifice de la Messe, qui ne célèbrent donc pas le Nouvel Ordo promulgué par le Pape Paul VI, n’est-elle pas plus inopportune encore et plus impossible ? Ne serais-je pas, ou plus, un Evêque Catholique ? Il me semble que c’est la conclusion que je dois tirer de vos affirmations. Et je m’élève vivement contre cette injustice ».

« C’était pour vous, Eminence, comme pour tous mes confrères dans l’Episcopat, l’occasion de lever des équivoques, de mettre fin à des affirmations mensongères, de parler entre « frères dans l’épiscopat ». Je vois qu’il n’en est rien, et que l’attitude de l’Episcopat français à mon égard n’a pas changé depuis l’Assemblée des Archevêques et Evêques de France ».

« Je me sens blessé profondément dans ma fonction d’Evêque et de Successeur des Apôtres, et considéré comme un élément schismatique et hérétique ».

Cardinal Marty : - « Excusez-moi, Excellence, ce n’est pas exactement ce que j’ai voulu dire. Mais le problème de la Messe demeure : il introduit un élément grave de division chez les fidèles et dans l’Eglise. Et je vois difficilement comment cette question aurait pu être abordée à Lourdes sans susciter des polémiques enflammées de la part des Evêques de France. Nous ne pouvons donner au monde le spectacle d’une telle division. Je reconnais que c’est une question délicate dont il faudrait parler plus longuement, et notamment avec les Dicastères Romains compétents ».

« C’est pourquoi, pour éviter que des jugements erronés puissent être portés sur le Séminaire d’Ecône et sur la Fraternité Saint Pie X, qui vous amènerait, comme vous me l’écrivez à répondre en vous plaçant sur le même terrain, pour défendre vos séminaristes français et non-français, JE VOUS DONNE MA PAROLE D’HONNEUR DE PRESIDENT DE LA CONFERENCE ESPISCOPALE DE FRANCE QUE L’ON NE PARLERA PAS D’ECONE ET DE LA FRATERNITE SAINT PIE X A LOURDES ».

« Et je vous invite même, quand vous serez de passage à Paris, à venir partager mon repas, ce qui nous permettra de parler sereinement de toutes ces questions, sans soulever de polémique, pour faire ensemble le point, et nous efforcer de trouver une solution équitable au problème qui vous tient à cœur, la formation dans les séminaires, mais aussi la question délicate et épineuse de la Messe ».

Monseigneur Lefebvre : « Je vous remercie Eminence de ces dernières paroles, et je suis rassuré par la promesse que vous venez de me faire. Soyez assuré que, de mon côté, je veillerai à traiter cette question du rite de la Messe avec les Dicastères compétents à Rome. Mais je tiens tout de même à terminer en vous faisant remarquer, Eminence, que ni Monseigneur Adam, ni Monseigneur Charrière, ni même le Cardinal Journet, n’ont fait d’objection sur le maintien dans mon Séminaire et dans ma Fraternité, du rite dit de Saint Pie V ».

« Soyez assuré de mes sentiments fraternels dans le Christ et Notre-Dame ».

(à suivre)

Mgr J. MASSON

29 septembre 2009

[Mgr Jacques Masson / Hermas] «Monseigneur Lefebvre? On le poussera au schisme !» (6) - le "tournant" de 1972

SOURCE - Mgr Jacques Masson - Hermas - 29 septembre 2009
« Monseigneur Lefebvre ? On le poussera au schisme ! » (6)

LE « TOURNANT » DE 1972

En effet, dans le courant du mois d’octobre 1972, je reçois une lettre de Mgr François Fretellière, Evêque Auxiliaire de Bordeaux, et Président de la Commission pour les Vocations de la Conférence Episcopale. Il m’écrivait ceci (retranscrit d’après l’original, archives personnelles) :

Lettre de Mgr Fretellière à Monsieur l’Abbé Masson

Mgr François FRETELLIERE Bordeaux le 30 septembre 1972

Evêque Auxiliaire de Bordeaux
24, Boulevard Pierre I er
33 BORDEAUX
CODE POSTAL 33000

Monsieur l’Abbé MASSON
Supérieur du Séminaire ECONE
1908 RIDDES ( Suisse)

Mon Père,

Vous savez sans doute que nous devons à Lourdes discuter des problèmes des Séminaires. Je m’attends à ce qu’on me demande une information sur le Séminaire d’Ecône : ses effectifs, ses orientations.

Je ne voudrais pas être indiscret, mais dans le mesure où vous seriez susceptible de me donner quelques indications, je vous en serais reconnaissant.

Voyez dans cette lettre simplement le désir d’avoir une information de première main. J’aime mieux aller directement aux sources, et vous dire loyalement le but de ma demande.

Veuillez agréer, mon Père, l’expression de mon respect.

Mgr. F. FRETELLIERE

Je montre aussitôt la lettre à Mgr Lefebvre qui l’accueille avec joie et grande espérance, et me demande de préparer une réponse en donnant les informations demandées, et d’informer Mgr Fretellière qu’il se rendra en personne à Lourdes, en tant que membre « consultatif » (comme ancien Archevêque-Evêque de Tulle) pour répondre personnellement aux questions que pourraient lui poser ses Confrères, et leur donner toutes les précisions désirées. Je fis lire ma réponse à Mgr Lefebvre qui me donna son accord.

Voici ma réponse à Son Excellence Mgr Fretellière (retranscrit d’après copie papier carbone, archives personnelles)

Réponse de Monsieur l’Abbé Masson à Monseigneur Fretellière

Séminaire International Saint Pier X 7 octobre 1972
1908 Ecône-Riddes
Valais-Suisse

Monsieur l’Abbé Jacques Masson
Directeur du Séminaire

Monseigneur F. Fretellière
Bordeaux

Monseigneur,

Je réponds sans tarder à votre lettre du 30 septembre dernier. Je comprends très bien le sens de votre démarche, qui est le désir d’avoir une information de première main sur notre Séminaire. Il est vrai que l’on colporte facilement un certain nombre d’informations qui peuvent être soit inexactes, ou manquer de précision. Je vous dirai tout simplement, pour commencer, que je suis simplement Directeur du Séminaire Saint Pie X, dont le Supérieur est Monseigneur Lefebvre. Néanmoins, je vous donnerai quelques renseignements succincts, laissant toutefois le soin à Monseigneur Lefebvre lui-même de vous donner un complément d’information. Son intention est d’être présent à la Conférence Épiscopale à Lourdes ; vous pourrez alors lui demander tous les renseignements que vous jugerez utiles.

Pour bien situer notre Œuvre , je vous donne un bref aperçu de ses origines. En 1969, Monseigneur Lefebvre, encouragé par l’Evêque de Fribourg, et sollicité par un groupe de neuf séminaristes, créa un foyer d’étudiants pour l’Université de Fribourg. Au cours de cette année, se précisa chez Monseigneur et les étudiants, l’idée d’une Fraternité à l’image des Missions Etrangères ; et, en même temps apparut la nécessité d’une Année de Formation Spirituelle comme préparation à l’entrée dans cette Fraternité.

En 1970 sont donc fondées, et la Fraternité érigée canoniquement, et l’Année de Spiritualité fixée dans le Diocèse de Sion, avec les encouragements de Monseigneur Adam. En 1971, devant le nombre des demandes d’entrée dans la Fraternité, la maison de formation spirituelle dans le Valais, devient le Séminaire International Saint Pie X, sur les conseils aussi de Son Eminence le Cardinal Journet, et l’autorisation de Monseigneur Adam. A Fribourg, demeureront ceux qui poursuivent les licences. La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X étant internationale, le Séminaire Saint Pie X l’est aussi. Les Congrégations Romaines ont été tenues au courant de la fondation de la Fraternité ; et le Cardinal Wright, Préfet pour la Congrégation du Clergé nous a fortement encouragés et approuvés. Monseigneur Lefebvre a prévenu personnellement Mgr Garronne de la fondation du Séminaire de la Fraternité. Et Monseigneur Adam, Président de la Conférence Episcopale Suisse, Délégué au Synode a tenu à voir personnellement le Cardinal Garronne, pour lui dire ce qu’il pensait du Séminaire. Le Cardinal l’a chargé des veiller sur la marche et le développement de la Maison. Monseigneur Adam a fait régulièrement les visites canoniques, et envoyé les rapports nécessaires à la Congrégation des Séminaires.

Les effectifs : Il y a 30 anciens, dont 4 prêtres, et 26 séminaristes ; 6 se trouvent à Fribourg, 24 à Ecône ; 33 nouveaux pour cette année. Les proportions se répartissent de la sorte : 75% de Français, 25% de non-Français.

Orientations : Les orientations du Séminaire sont celles de l’Eglise et de la « Ratio Fundamentalis ». Le Séminaire est précédé d’une année de formation spirituelle permettant de former à la spiritualité, l’Ecriture Sainte et la Liturgie ; temps également de réflexion et d’approfondissement de la vocation ; temps enfin de probation avant l’entrée dans la Fraternité. Pendant les cinq années d’études, et suivant les demandes de Rome, nous nous efforçons de donner une solide formation doctrinale thomiste. Formation à la piété surtout, par le Saint Sacrifice de la Messe et la Liturgie, par le chant grégorien. Formation pastorale également par un grand zèle missionnaire pour le salut des âmes (les membres de la Fraternité n’étant pas attachés à un ministère particulier, pourront être appelés à des ministères divers), par l’esprit de prière, par l’esprit de Foi, par l’amour de la Sainte Eglise et du Saint-Père ; par les Exercices Spirituels ; par des « exercices pratiques » au cours des vacances, et dans la paroisse de Riddes, et dans des paroisses en France ou à l’étranger pour les non-Français, des camps, des colonies de vacances, etc.

Voilà, très brièvement, Monseigneur, quelques renseignements, brefs, mais qui pourront vous donner une idée au moins de l’historique de la fondation, des effectifs, et en général des orientations de notre Séminaire. Monseigneur Lefebvre pourra compléter sur tous les points que vous pourrez éventuellement lui demander de compléter, à Lourdes.

Dans l’espoir d’avoir répondu, même brièvement, à ce que vous attendiez de moi, je vous prie de croire, Monseigneur, en mes sentiments les plus respectueux et en mes prières à vos intentions.

Abbé Jacques Masson, directeur

La réaction de l’Episcopat français ne tarda pas, par une lettre du Cardinal François Marty, Archevêque de Paris, et Président de la Conférence Episcopale adressée à Monseigneur Lefebvre. Monseigneur Lefebvre m’a montré immédiatement cette lettre « injuste et ignoble », me dit-il, car le Cardinal déclarait à Monseigneur Lefebvre que « sa visite était inopportune et impossible » !

« Inopportune et impossible ». Le premier terme, « inopportune », manifestait, pour Monseigneur Lefebvre, l’attitude résolument hostile des Evêques de France, leur refus de nouer tout dialogue avec lui, le rejet total de son œuvre considérée a priori comme une « condamnation de leur orientation pastorale », et en tout premier le rejet de sa propre personne.

Ce dernier point ne l’étonnait pas du tout, car cette attitude n’était pas nouvelle. Monseigneur Lefebvre me rappela alors ce qu’il m’avait déjà raconté, l’opposition de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France, à son nomination à un Archevêché, à son départ de l’Archevêché de Dakar. Et il me montra la copie d’une lettre, que lui avait donnée une personnalité amie, de haut rang, dont je tairai le nom par discrétion : cette lettre, adressée au Gouvernement Français, émanait de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques qui demandait au Gouvernement de tout faire auprès du Vatican pour empêcher que Monseigneur Lefebvre soit nommé Archevêque en France : car il était un personnage dangereux, non seulement par ses positions intégristes, mais surtout par ses positions politiques d’extrême-droite et colonialiste. Je n’ai pas de copie de cette lettre, mais je l’ai lue ! Il fut nommé à l’Evêché de Tulle.

Le deuxième terme, « impossible » était un prétexte : Monseigneur Lefebvre n’étant pas Evêque résidentiel, ne pouvait certes pas participer activement aux débats. Monseigneur Lefebvre me dit : « Ils sont de mauvaise foi, car s’il est vrai que seuls les Évêques résidentiels peuvent participer à l’Assemblée à titre délibératif, il est vrai également que les anciens Évêques et Archevêques, peuvent eux aussi y assister, à titre consultatif, si on leur demande leur avis sur une ou plusieurs questions. Et c’est à ce titre que je voulais aller à Lourdes, pour répondre aux questions éventuelles sur notre Séminaire ».

« Mais ils disent que ma présence est inopportune et impossible, alors qu’il y a des « auditeurs » invités, d’autres Confessions chrétiennes non-catholiques, et même des laïcs. Ils montrent ainsi leur mauvaise foi, leur acharnement aveugle, et, tout prêchant l’oecuménisme, et en parlant de l’Unité de l’Eglise, ils refusent de parler avec un Evêque Catholique ! Ils montrent bien ce qu’ils sont, et ils feront tout pour déclarer que nous ne sommes plus Catholiques ».

Et Monseigneur Lefebvre de conclure : « L’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France a changé de structure et est devenue la Conférence Episcopale de France. Mais Leur opposition farouche à mon égard n’a pas changé ! Je crois que nous ne pouvons rien attendre d’eux : ils feront tout pour nous détruire ». Et il en fut ainsi.

Monseigneur Lefebvre écrivit alors la lettre suivante à tous les Evêques de France, résidentiels et non résidentiels, qui devaient participer à l’Assemblée à Lourdes de la Conférence Episcopale Française :

Lettre de Monseigneur Marcel Lefebvre à tous les Evêques de l’Assemblée de Lourdes

Voici le texte de la transcription de la lettre manuscrite, donc écrite et signée de la main même de Monseigneur Lefebvre, et dont je possède l’original (archives personnelles) ; cette Lettre fut envoyée à tous les Cardinaux, Archevêques et Evêques de France, en photocopie. L’original n’a pas été envoyé, ce pourquoi il est dans mes archives. C’est un texte INEDIT que « Hermas » présente à ses lecteurs au nom de la Vérité dans la Charité.

Fraternité Sacerdotale Saint Pie X + Ecône le 16 octobre 1972

50 Route de la Vignettaz
1700 FRIBOURG
Tél. 037 / 24 51 91

Cher Monseigneur,

Son Excellence Monseigneur L’Auxiliaire de Bordeaux nous a demandé des informations au sujet de notre Œuvre et du Séminaire d’Ecône en Valais, afin de présenter à ce sujet un rapport à la Conférence Episcopale qui doit commencer ses sessions le 23 octobre.

Nous lui avons répondu en lui donnant quelques informations, et en l’avertissant que je serai présent à ces sessions, persuadé que j’étais membre de droit de l’Assemblée avec voix consultative comme ancien Archevêque-Evêque de Tulle, ce qui est désormais mon titre officiel donné par le Saint-Siège.

J’ai prévenu le Secrétariat de la Rue du Bac, et ai écrit à Son Eminence le Cardinal Archevêque de Paris pour lui faire part de mon intention qui était de pouvoir dialoguer et éclaircir des malentendus ou de fausses informations. Cela me semblait plus normal et plus fraternel. Je n’avais aucune arrière pensée.

Or, vous trouverez ci-joint la réponse à ma lettre de Son Eminence : ma présence serait ni opportune ni possible !...

Je n’insiste pas, mais, sachant que des informations tendancieuses et même un rapport calomnieux vous ont été communiqués, pour prévenir tout jugement injuste et non fondé de votre part, je tiens à vous faire savoir que ma Fondation est tout à fait canonique, vous pouvez en juger par la Lettre encourageante du Cardinal Wright, et peut-être aussi par le fait que le Saint-Père m’a envoyé par sa Nonciature de Rome une Lettre de Bénédiction, il y a 8 semaines, à l’occasion de mon 25ème anniversaire d’épiscopat.

Son Excellence Monseigneur l’Evêque de Sion a envoyé une lettre au Saint-Siège, très favorable ; les témoignages pourraient-ils avoir lieu si mon Œuvre n’était pas régulière et canonique ?, si, comme on s’est plu à le dire mensongèrement, mon Séminaire était un séminaire marginal et sauvage. Quelle est la Société qui n’a pas sa Maison de Formation de ses sujets ? Or, la Société que j’ai fondée est à l’image de la Société des Missions Etrangères, mais destinée à tous les ministères sacerdotaux et en tous lieux où nous serons appelés par les Ordinaires des lieux. Le but est pleinement conforme au voeu exprimé par le Concile.

La formation et l’orientation spirituelle et doctrinale est conforme à la « Ratio Fundamentalis » de la S.C. pour l’Education Chrétienne.Quant à l’adaptation pastorale, il suffit de constater avec quel empressement nos séminaristes sont demandés pour la direction de colonies de vacances, soit en Suisse, soit en France. Les familles manifestent chaleureusement leur confiance et leur satisfaction. Les fidèles ont un grand désir de trouver des hommes de Dieu qui montrent leur foi et la mettent en pratique.

J’ose espérer, cher Monseigneur, que votre appréciation de notre Œuvre de la Fraternité Sacerdotale Internationale Saint Pie X ne se laissera pas influencer par des propos calomnieux, mais sera semblable à celle de notre Evêque Monseigneur Adam et de Son Eminence le Cardinal Wright.

Regrettant de ne pouvoir vous rencontrer à Lourdes, je vous prie de croire à mon respectueux et fraternel dévouement en N.S. et N.D.

+ Marcel Lefebvre
Ancien Archevêque-Evêque de Tulle

Documents joints en annexe aux Evêques

+ ÉVÉCHÉ + DE LAUSANNE GENEVE ET + FRIBOURG +

DÉCRET D'ÉRECTION DE LA «FRATERNITÉ SACERDOTALE INTERNATIONALE SAINT PIE X»

Etant donné les encouragements exprimés par le Concile Vatican II, dans le décret "Optatum totius", concernant les Séminaires internationaux et la répartition du clergé;

Etant donné la nécessité urgente de la formation de prêtres zélés et généreux conformément aux directives du décret suscité;

Constatant que les statuts de la Fraternité Sacerdotale correspondent bien à ces buts:

Nous, François Charrière, Evêque de Lausanne, Genève et Fribourg, le Saint Nom de Dieu invoqué, et toutes prescriptions canoniques observées, décrétons ce qui suit:

Nous implorons les Bénédictions divines sur cette Fraternité Sacerdotale afin qu'elle atteigne son but principal qui est la formation de saints Prêtres.

Fait à Fribourg, en notre Evêché le 1er novembre 1970 en la fête de la Toussaint.

+ François Charrière, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg

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SACRA CONGREGATIO PRO CHIERICIS Romae, die 18 februarii 1971
Prot. N. 133515/1.

(in responso hic numerus referatur)

Exc. Me Domine,

Magno cum gaudio litteras tuas recepi, quibus Excelientia Tua notitias et statuta Operæ vulgo dictæ : "Fraternité Sacerdotale" mihi nota fecit.

Ut Excellentia tua exponit, Associatio, cura ejusdem Excellentiæ tuæ ab Episcopo Friburgensi D.no Francisco Charrière adprobata die 1 novembris 1970, iam fines evasit nationis Helveticæ, et plurimi Ordinarii ex diversis orbis partibus, ipsam laudant et adprobant. Hæc omnia et speciatim sapientes normæ, qulbus Opera informatur et regitur, bene sperare faciunt de eadem associatione.

Ex parte igitur huius Sacræ Congregationis, quod attinet, "Fraternitas Sacerdotalis" multum conferre poterit ad finem adipiscendum Consilii, in hoc S. Dicastero constituti, pro Cleri in mundo distributione.

Omni quo par est obsequio me profiteor

Excellentiæ Tuæ Rev.mæ

addictissimum in Domino

J. Card. Wright Praef.

Exc.mo ac Rev.mo Domino

D.no Marcello LEFEBVRE,

Archiepiscopo tit. de Synnada in Phrygia

Via Casalmonferrato, n. 33, ROMAE

(La photocopie de ces documents, et de la deuxième Lettre d’approbation et d’encouragement du Cardinal Wright à Mgr Lefebvre se trouvent dans mes archives).

28 septembre 2009

[Père Stephano Maria Manelli, Franciscains de l'Immaculée - La Nef] Un renouveau franciscain

SOURCE - Père Stephano Maria Manelli, Franciscains de l'Immaculée - Christophe Geffroy et Jacques de Guillebon - La Nef - septembre 2009

Fondés en 1970 en Italie par le Père Stephano Maria Manelli, les Franciscains de l’Immaculée, congrégation en plein essor, participent au renouveau de l’ordre de saint François. Depuis le motu proprio de Benoit XVI, ils aiment célébrer selon l’ancien Ordo. Entretien à Rome avec le fondateur
La Nef – De quoi est née la vocation particulière des Franciscains de l’Immaculée ?
P. Stephano Maria Manelli – Cette vocation est née entre autres de mon histoire personnelle : enfant, j’ai été très proche de Padre Pio. Quand j’avais 7 ou 8 ans, je servais sa messe. Et quand j’ai eu douze ans, les franciscains conventuels de ma région m’ont demandé si je voulais les rejoindre. Mon père est alors allé consulter Padre Pio, qui lui a conseillé d’accepter que j’y entre. À cette époque, je ne comprenais d’ailleurs pas les différences qu’il pouvait y avoir entre les franciscains conventuels et les capucins comme Padre Pio. Ainsi, j’ai décidé très jeune de ma vocation. Le mûrissement du projet des Franciscains de l’Immaculée lui-même est venu après le Concile, lequel incitait et exhortait les congrégations et les communautés religieuses à revenir au charisme de leurs origines, à travers le texte Perfectae caritatis. Par ailleurs, saint Maximilien Kolbe, mort quelques années auparavant, nous donnait déjà un exemple lumineux de vie religieuse renouvelée, sous le mode de la dévotion mariale : il signait parfois « Franciscain de l’Immaculée ». Padre Pio avait aussi parlé de ça, indiquant les deux fidélités à tenir : la vie franciscaine et la vie mariale.

En 1969 donc, j’ai demandé la permission au ministre général des conventuels de pouvoir commencer une expérience de vie dans la pauvreté. L’accord m’en a été donné en 1970, après qu’on m’eut demandé de rédiger le programme de vie que je souhaitais développer, et le 2 avril, à Frigento, près de Naples, dans un couvent que les conventuels voulaient fermer – qui s’appelait Notre-Dame du bon Conseil – a commencé notre vie communautaire, sous le signe de la pauvreté, de la pénitence et de la dimension mariale, ou « marianité », comme nous disons dans un néologisme.

Le chapitre de la province de Campanie ayant avalisé cette expérience, nous avons commencé à deux frères : le père Gabriel et moi. Notre apostolat se manifestait dans la prédication, la prière, la pauvreté, la pénitence, et ce que nous appelons le « Sentier Marial de vie franciscaine ».

En quelques années, les vocations ont afflué, alors que chez les conventuels elles diminuaient.
Comment expliquez-vous ce succès ?
Je pense que c’est notre retour au charisme des origines de l’Ordre de saint François qui explique l’afflux des vocations, alors que nous étions peu connus et qu’il y a une perte générale des vocations en nos pays européens. Cette volonté de retourner aux sources a été facilitée par le retrait du lieu lui-même, qui est situé dans une zone montagneuse difficilement accessible. Peu après, le ministre général des conventuels m’a demandé de lancer une mission aux Philippines, où trois frères sont partis. La forme de vie religieuse a attiré aussi de nombreuses vocations là-bas. Nous avons alors entrepris de développer la catéchèse, la prédication mariale et la théologie mariale. C’est ainsi que s’est accru notre apostolat dans la presse et notamment dans la radio, au début des années quatre-vingt.
En quoi consiste précisément cette « presse mariale » ?
En des dépliants, des revues, des brochures, des livres de dévotion et de spiritualité, des textes de théologie mariale que nous diffusons principalement aux pèlerins dans nos sanctuaires, toujours gratuitement, fidèles à notre esprit de pauvreté, et pour lesquels nous recevons une offrande libre.

La radio, elle, émettait huit heures par jour au début. Au fur et à mesure, nous avons atteint les 24 heures de diffusion. C’est une radio évidemment religieuse, avec prière, messe, rosaire, catéchèse, vie de saints, instruction morale et étude biblique. Le tout est assuré par des frères.
En quoi consiste votre « vœu marial » ?
Saint Maximilien Kolbe en avait eu l’intention le premier, pour envoyer les frères dans le monde et convertir les âmes en leur présentant l’Immaculée qui engendre Jésus dans le cœur des fidèles. Mais il s’était fait arrêter dans cet élan par ses supérieurs. Pourtant il a annoncé qu’un jour ce vœu se prononcerait dans l’ordre. Pour nous, ce vœu de « consécration illimitée à l’Immaculée » est le premier vœu, le vœu constitutif en tant qu’il englobe tous les autres.
Concrètement, les frères s’engagent à la sanctification en donnant à l’Immaculée absolument tout, leur âme, leur corps, leur vie, leur apostolat, leurs souffrances, etc. Parce que l’Immaculée donne la fécondité maximale à tous ceux qui lui sont donnés. Si nous ne nous donnons pas à elle, tout demeurera imparfait. Si nous donnons tout à la Sainte Vierge, tout devient parfait. Nous voulons porter Marie, parce que c’est elle qui engendre Jésus et nous le donne.
Comment vivre de la pauvreté au XXIe siècle ?
On peut dire que nous avons toujours été soutenus par la Providence. Au début, par exemple, le boucher du village se plaignait de ne jamais nous voir et supposait que nous allions nous fournir chez un boucher concurrent dans un autre village. Le médecin, entendant ça, est venu nous visiter, et nous lui avons expliqué que nous ne mangions jamais de viande. Considérant que c’était mauvais pour la santé, il s’est offert de nous en apporter le dimanche. Et ainsi, pendant quarante ans, il a préparé le repas dominical pour tous les frères…
C’est la démonstration de la Providence qui se manifeste à travers la Sainte Vierge. Comme nous nous préoccupons uniquement d’Elle, en retour elle pense à nous. Naturellement, nous devons nous contenter de peu. Mais nous avons calculé que nous recevions ainsi l’équivalent de 500 000 euros de dons par an. Et les donateurs sont simplement les « bonnes gens », les simples chrétiens.
Au début, cette nouvelle règle a créé des tensions avec les conventuels. Ça a été un moment très délicat. En 1989, nous avons reçu un visiteur apostolique pour vérifier notre situation. De ce qu’il a vu de notre forme de vie, de notre vocation, de nos études théologiques et philosophiques, de notre séminaire, de notre apostolat, ce visiteur a conclu que nous pouvions devenir une congrégation indépendante de droit diocésain. Le pape Jean-Paul II a alors nommé l’archevêque de Bénévent pour s’occuper de nous.
Ainsi, nous avons pu mieux nous développer, outre en Italie, vers l’Afrique, l’Amérique latine, les États-Unis et les Philippines. Le 22 juin 1990, nous sommes devenus une communauté de droit diocésain. Alors, nous avons ouvert de nouvelles maisons, créé une station de radio et de télévision en Italie, aux Philippines, au Brésil, au Bénin. Puis, en janvier 1998, nous avons été érigés par le pape en communauté de droit pontifical. Aujourd’hui, nous sommes 350 frères, sans compter les postulants.
En 1982, nous avons créé une branche féminine aux Philippines, lesquelles sont venues l’année suivante en Italie : comme les frères, leur vocation est contemplative-active ; elles soutiennent les missions et l’apostolat de notre famille religieuse par leur prière mais aussi par leur contribution active. En 1993 à Monte Casino, elles ont obtenu à leur tour l’érection en communauté de droit diocésain et, en novembre 1998, en droit pontifical. Elles sont aussi 350.
En outre, les frères comme les sœurs ont une branche purement contemplative : ceux qui aspirent à cette vie peuvent se dédier avec plus d’intensité à la prière et à la pénitence dans le silence du cloître.
Chaque année, nous rejoignent 60 à 70 nouveaux membres (frères et sœurs confondus).
Nous avons enfin une branche laïque dénommée la Mission de l’Immaculée Médiatrice.
Êtes-vous implantés en France ?
Oui, seulement dans le diocèse de Fréjus-Toulon où les frères ont une petite maison au sanctuaire Notre-Dame des Anges à Pignans.

Vous êtes récemment revenus, en partie, à la forme extraordinaire. Pourquoi ?
Pour deux raisons : d’abord parce que ça plaît au pape. Et les désirs du pape sont comme des ordres. Ensuite, parce que ça nous plaît aussi à nous (rires). Au début de la réforme, en 70, j’étais enthousiaste. Car dans les années 70, en Italie, il y avait « seulement » 60 % de pratiquants et nous avions peur que la fréquentation des églises continue à diminuer. D’où l’espérance que nous procurait une réforme liturgique venue d’un Concile qui avait fait de grandes choses. Cette espérance perdura quelques années malgré la souffrance causée par la disparition du latin et du grégorien ou de l’autel tourné vers le peuple. Mais entre 1975 et 1980, l’espérance commença à diminuer et, aujourd’hui, on ne peut que constater l’échec du point de vue de la pratique, puisqu’on est tombé en Italie à 10 % (n’oublions pas que la réforme avait pour but de stopper la baisse de la pratique). Quand il était cardinal, Josef Ratzinger écrivait déjà sur la dévastation de la liturgie.

Aujourd’hui, nous espérons que la cohabitation des deux formes du même rite romain conduira à la resacralisation de la forme ordinaire, notamment par le retour du latin qui avait été totalement abandonné. Nous avons certes une préférence marquée pour l’ancienne forme, mais il n’est pas possible qu’elle redevienne la forme ordinaire de la messe. Il faut souhaiter que le pape vive assez longtemps pour que la « réforme de la réforme » puisse voir le jour dans cinq à dix ans : il faudrait presque un miracle pour mener à bien une telle réforme !
Pourquoi n’être pas revenu plus tôt à l’ancienne messe ?
C’était impossible, nous en parlions déjà, nous lisions les écrits du cardinal Ratzinger, mais sous le régime du motu proprio Ecclesia Dei (1988), il fallait demander la permission des évêques pour célébrer l’ancienne forme liturgique et aucun évêque italien n’y était favorable, ils s’étaient même accordés pour refuser le motu proprio, bien que Jean-Paul II ait poussé les évêques à le permettre. Le motu proprio Summorum Pontificum (2007) a radicalement changé la situation en passant par-dessus les évêques, ce qui nous a permis de célébrer tout à fait légalement l’ancienne forme de la messe.
Y a-t-il d’autres exemples en Italie de retour à cette forme ?
Non, pas pour l’instant, cela n’a concerné que des prêtres individuellement, et certains viennent même la célébrer « en cachette » chez nous !
Et dans la communauté, comment cela se passe-t-il ?
On peut parler de choix préférentiel mais nullement imposé. Ce choix est très apprécié surtout de la part des jeunes, qui ont plus de facilité à apprendre l’ancien rite. Ceux qui sont déjà ordonnés ont plus de mal. En Italie, de manière générale, un seul évêque y est favorable et peu de fidèles ont l’occasion d’assister à la messe dans la forme extraordinaire, donc peu la réclament. Mais dans le reste du monde, notamment aux Philippines, cette forme est très appréciée. Aux États-Unis aussi, les réactions sont assez enthousiastes, plus qu’en Italie en tout cas.
Avez-vous des liens avec les communautés Ecclesia Dei ?
Non, nous en avons très peu pour l’instant.
Comment voyez-vous le pontificat de Benoît XVI ?
On doit prier pour lui car il s’est lancé dans une entreprise terrible, qui est de tout recommencer par la vie de prière de l’Église. En ce sens, la liturgie doit être renouvelée, car l’Église a commencé à s’affaiblir avec la réforme liturgique contre toutes les espérances. Le pape veut repartir de la prière pour renouveler l’Église. Il cherche aussi à éviter les ruptures, notamment dans la réception du Concile Vatican II – c’est la fameuse « herméneutique de la réforme dans la continuité ». Il peut toutefois exister dans le Concile des discontinuités sur des points précis, cela n’aurait rien de scandaleux, car celui-ci s’étant voulu « pastoral », il a pu y avoir en cela des « erreurs » que le pape peut corriger, comme Mgr Gherardini l’a montré dans une étude que nous avons publiée et qui sera bientôt traduite en français. C’est une très lourde tâche et pour l’accomplir il a seulement 300 ou 400 évêques dans le monde avec lui.

Propos recueillis par Christophe Geffroy et Jacques de Guillebon

Pour tout renseignement : Frères Franciscains de l’Immaculée, Sanctuaire Notre-Dame des Anges, 83790 Pignans. Tél. : 04 94 59 00 69. Fax : 04 94 78 28 54. Mail : ffndanges@wanadoo.fr ; Site : www.immacolata.com ; www.airmaria.com  
En Italie : Séminaire Théologique de l’Immaculée Médiatrice, Santuario Madonna delle Indulgenze, Via Casalucense 1356, I-03049 Sant’Elia Fiumerapido (Fr). Mail : ffi.cassino@immacolata.ws ; Tél. : (0039) 0776 35 02 72.

Rencontre avec le P. Manelli  
C’est par le Bénin que nous avons connu les Franciscains de l’Immaculée : ils y animent une radio chrétienne. C’est le seul Français de la Communauté, Frère Juan Diego, qui tenait alors le micro. Nous l’avions interviewé pour qu’il nous présente ces Franciscains hors norme (cf. La Nef n°191 de mars 2008). C’était peu de temps après la promulgation du motu proprio Summorum Pontificum et nous ne savions rien alors de leur attirance pour l’ancienne liturgie. Depuis, beaucoup d’entre eux célèbrent régulièrement selon la forme extraordinaire du rite romain comme le permet ce texte libérateur du pape. Une communauté aussi importante qui est dans son ensemble ainsi attirée par l’antique liturgie de l’Église latine, ça mérite un détour. Heureusement, nous étions restés en contact avec Frère Juan Diego qui, entre-temps, était reparti en Italie poursuivre sa formation dans leur séminaire de Villa Santa Lucia à une heure de Rome environ. L’événement de la messe traditionnelle célébrée le 21 avril 2009 à la basilique Saint-Jean de Latran par le cardinal Canizarès Llovera, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, à la demande des Franciscains de l’Immaculée pour célébrer le 800e anniversaire de l’approbation de la règle de saint François (cf. La Nef n°203 d’avril 2009), nous a poussés à prendre contact avec le supérieur et fondateur de la Communauté, le P. Stephano M. Manelli. C’est ainsi que nous fûmes invités à Rome fin juin, début juillet pour le rencontrer et l’interviewer. 
L’accueil fut extraordinaire, dans la bonne tradition franciscaine : nous avons rencontré des frères, dignes disciples de saint François, ayant épousé Dame pauvreté dans la joie du vrai détachement : comme il est réconfortant de voir un ordre fidèle au charisme de son fondateur avec de nombreuses vocations d’hommes jeunes et totalement épanouis (ceux que nous avons rencontrés venaient principalement d’Italie, des Philippines et d’Afrique). Le charisme marial de la Communauté est très marqué et se manifeste par un « Ave Maria » comme premières paroles de chaque rencontre. Les exemples de saint Maximilien Kolbe et saint Padre Pio sont ici très palpables.

La rencontre avec le P. Manelli est attendue avec impatience. Après le déjeuner pris avec quelques frères dans leur tout petit couvent romain (en terrasse d’un immeuble derrière la Via della Conciliazione), ce dernier nous reçoit pour l’interview réalisée en italien grâce aux talents linguistiques de notre cher frère Juan Diego. Le P. Manelli, qui est un vrai père pour les frères, pétille d’intelligence et d’humour. Il nous explique qu’il servait la messe du Padre Pio. Il évoque aussi ses parents. Son père, Settimio Manelli (1886-1978), dont le procès de béatification est en cours d’ouverture, est lui-même un fils spirituel de Padre Pio qui le décrivait comme « un chrétien tout en un seul morceau ». En 1926, il épouse Licia Gualandris (1907-2004), elle-même profondément chrétienne, qui lui donna 13 enfants (mais elle eut 21 maternités !). Aussitôt après leur mariage, Settimio – avant de commencer le voyage de noces – conduit son épouse auprès de Padre Pio pour la lui faire connaître. Souhaitant se confesser, la jeune mariée (19 ans) lui recommande la famille qu’elle s’apprête à fonder, et le père prononça ces paroles inoubliables : « La protéger ? Et comment ! Celle-ci est ma famille, et pour moi ce sera désormais un devoir ». Il en a été effectivement ainsi par la suite.

Deux beaux exemples de foi pour les foyers d’aujourd’hui.

[Mgr Jacques Masson / Hermas] « Monseigneur Lefebvre ? On le poussera au schisme ! » (5)

SOURCE - Mgr Jacques Masson, publié par le site Hermas - 28 septembre 2009


« Monseigneur Lefebvre ? On le poussera au schisme ! » (5)
Je peux revenir à présent à mon point de départ

Au mois de juillet 1971, Mgr Ménager me demande de venir parler avec lui à propos de cette Maison de Spiritualité. L’entretien fut houleux, pas de ma part. Je répondis aux questions de Mgr Ménager ; Je lui montrais le document d’encouragement signé par le Cardinal Wright, alors Préfet de la Congrégation pour le Clergé, le Décret d’Erection de la Fraternité Saint Pie X par Mgr Charrière, l’accord donné par Mgr Adam, Evêque de Sion, le lendemain de Noël 1970, pour la construction d’un séminaire à Ecône.

Mgr Ménager commença à prendre des notes pour rédiger un rapport à transmettre aux Evêques de France : « Si vous prenez des notes, lui dis-je, je ne dis plus un mot ; je ne subis pas un interrogatoire ! ». En hurlant, et en martelant son bureau avec le classeur qu’il avait en mains et sur lequel il voulait prendre des notes : il hurla » : « Je prendrai des notes si je veux ! et ce n’est pas vous qui m’en empêcherez. Si j’avais su, je ne vous aurais pas ordonné prêtre ». « C’est trop tard », lui dis-je, alors qu’il reposait le classeur sur le bureau. C’est amusant, cocasse, délassant même, de voir un Prélat perdre ainsi le contrôle !

Mais, le pire était à venir. Mgr Ménager me déclara, en perdant de nouveau tout contrôle et en hurlant, debout, le bras tendu en avant, menaçant :

« Mgr Lefebvre est un intégriste, il a tout fait pour saboter le Concile. Il dit qu’il est fidèle au Pape, mais il désobéit à Paul VI : il refuse de célébrer la Nouvelle Messe. Eh bien ! on verra jusqu’où ira sa fidélité au Pape : Nous ferons interdire la Messe de Saint Pie V par le Pape Paul VI : OU BIEN IL OBEIRA AU PAPE EN DISANT LA NOUVELLE MESSE, OU BIEN NOUS LE POUSSERONS AU SCHISME ! ».

A ce point de la conversation, je me levais avec calme, et dis simplement à Monseigneur Ménager : « Excellence, l’entretien est terminé ! ». Et je repris la route de Nancy.

NOUS LE POUSSERONS AU SCHISME

J’en arrive à présent où je voulais en arriver ! Le lecteur comprendra aisément qu’il était nécessaire d’être au courant de tout ce qui a précédé (un bref résumé !) pour comprendre ce qui s’est passé dans la tête de Mgr Lefebvre, et quel a été le moment, et surtout quelles ont été les raisons qui l’ont amené à changer la bonne orientation du départet à en arriver à la consécration de quatre Evêques.

Il faut savoir ces choses pour comprendre où sont les responsabilités : VERITAS IN CARITATE. VERITAS : Je juge que c’est pour moi un devoir d’expliquer ce changement, car, Monseigneur Lefebvre étant décédé, je suis à présent le SEUL à avoir été un témoin actif, un protagoniste de certaines choses non connues. Et la VERITAS est nécessaire pour éviter de donner toute la faute à un seul, et de lui faire porter toute la responsabilité d’un schisme qui divise toujours l’Eglise et fait souffrir beaucoup de bons catholiques fidèles à leur foi, à l’Eglise au Saint-Père ! IN CARITATE, car je m’abstiens de porter quelque jugement que ce soit. Les faits, c’est tout ! Ils parlent d’eux-mêmes.

L’Année de Spiritualité commença fin septembre 1970, avec 11 élèves. La Fraternité Saint Pie X fut érigée le 1° novembre par Mgr Charrière Evêque de Fribourg. Et, le lendemain de Noël 1970, Mgr Lefebvre, convaincu par le Cardinal Journet, demanda à Mgr Adam, Evêque de Sion, de pouvoir construire le séminaire de la Fraternité Saint Pie X à Ecône. Mgr Nestor Adam donna son accord, malgré ce qui a été prétendu par certains : je voyais Mgr Adam tous les 15 jours, pour faire le point, car il tenait à suivre la marche de la Fraternité, et suivre les projets de construction du Séminaire, ce qui me confirmait l’accord qu’il avait donné.

A la demande du Cardinal Garrone, en 1972, Mgr Adam rédigea un Rapport Canonique sur le Séminaire Saint Pie X, et me demanda de l’aider à réaliser ce document dans lequel il déclarait notamment : « Le séminaire Saint Pie X est probablement le seul au monde qui respecte la Ratio Fundamentalis promulguée par la Congrégation pour les Séminaires ». Pour lui, le Séminaire d’Ecône « était une pluie de roses dans son Diocèse » (sic !)

La nouvelle de cette Fondation fit grand bruit dans la Presse (Paris-Match vint même faire un reportage direct à Ecône, qui fut bien fait, je dois le dire, grâce à un compromis auquel j’étais parvenu sur les termes et les photos à publier !), et les demandes affluèrent à Ecône pour l’Année de Spiritualité : les travaux de construction du futur Séminaire commencèrent sans tarder et à un rythme soutenu.

Les 11 jeunes de l’Année de Spiritualité commencèrent ainsi leur première année du « cycle de philosophie » en octobre 1971. Ils avaient pris la soutane dès leur arrivée à Ecône, le 1° novembre 1980, Solennité de la Toussaint.

Pour la rentrée d’octobre 1972, plus de 50 demandes arrivèrent à Mgr Lefebvre. Certes, le danger était de voir arriver tous les « rossignols » de la chrétienté, tous ceux qui avaient été chassés de leur séminaire, et qui se présentaient comme victimes de leur fidélité à la Tradition, et tous les extrémistes, « sedevacantistes » (ceux qui déclarent que le Siège de Pierre est vide, sans Pape donc, depuis la mort de Jean XXIII), et autres. Un choix judicieux et impitoyable s’imposait donc !

J’ai survolé volontairement ces deux années, qu’il serait intéressant de présenter (je l’ai déjà rédigé, mais ce serait trop long… Patience !), car cette année 1972 est d’une importance capitale pour l’avenir d’Ecône, et pour l’Eglise ! Que le lecteur lise avec soin les lettres qui vont suivre, car elles sont inédites, et les faits ne sont pas connus ! (Même à Ecône probablement !). C’est toute « La clef du mystère du schisme d’Ecône »

(à suivre)

Mgr J. Masson

27 septembre 2009

[Paix Liturgique] Une messe prohibée, une messe entravée, mais une messe à la fin restaurée

SOURCE - Lettre de Paix Liturgique n°197 - 27 septembre 2009
Jean Madiran
Histoire de la messe interdite
Editions Via Romana (*)

On ne saurait trop recommander de lire et de conserver dans sa bibliothèque, comme un ensemble de précieuses références et comme un témoignage tout à fait unique, les deux fascicules de l’Histoire de la messe interdite de Jean Madiran. Messe interdite ! Or, le Motu proprio du 7 juillet 2007 a déclaré à la chrétienté étonnée que le missel romain antérieur à la réforme de Paul VI n’avait jamais été abrogé. Messe jamais interdite ! Nous avons donc vécu ce formidable retournement d’une histoire dont Jean Madiran a collectionné dans le détail les faits et la chronologie. Et c’est précisément cette histoire qui a engendré le retournement.


Dans le fascicule 1, Jean Madiran décrit donc la chronique d’une interdiction rampante, jamais sûre d’elle-même, comme tombée du ciel (ou d’ailleurs) : « En France, le nouvel Ordo Missae est obligatoire depuis le 1er janvier 1970 » (La Documentation catholique, 4 juillet 1971). Puis elle est devenue une interdiction épiscopale : « Il n’est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V » (déclaration des évêques suisses, juillet 1973). Une interdiction romaine, enfin : le pape a « prescrit que le nouvel Missel doit remplacer l’ancien, nonobstant les constitutions et ordonnances de ses prédécesseurs » (Cardinal Villot, Secrétaire d’État, lettre du 11 octobre 1975). Et pour finir, une interdiction pontificale : « Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien » (Paul VI, allocation au consistoire, 24 mai 1976).
Une « interdiction » à la mesure de la « législation » qui l’a secrétée. Car il n’y avait rien de certain dans l’imbroglio de textes, décisions, notifications sans clarté, propre à ce type d’entreprise, au sens ancien de tentative contre une légitimité, une légitimité cultuelle en l’espèce. La messe tridentine a été « interdite » par une « législation » aussi floue dans son obligation normative que celle – c’est la même – qui encadre la messe qu’elle a promulguée. Mais à défaut d’une interdiction de droit, Jean Madiran montre bien que l’interdiction de fait, idéologique, persécutrice, ne fut quant à elle pas niable.

Il décrit aussi l’histoire de la contestation de la légitimité de l’interdiction. Car à cette prohibition, que le cardinal Ratzinger qualifiera plus tard de révolutionnaire, a répondu une résistance, dont la puissance, pour ne pas dire la violence, pourrait aujourd’hui étonner si on oubliait qu’une contestation de cette ampleur ne peut se soutenir sur le long terme (40 ans) qu’en payant ce prix initial de force déterminée. Jean Madiran et sa revue Itinéraires ont été des acteurs majeurs, fédérateurs, de cette non-acceptation de principe. Mais il parle aussi de l’abbé de Nantes, de Cristina Campo et du P. Guérard des Lauriers (Madiran fait l’histoire du Bref Examen critique), de Mgr Lefebvre (dont les étapes de la vie et de la fondation sacerdotale sont relatées en détail dans le fascicule 2), d’Eric de Saventhem (mention est faite des remous d’Una Voce), de l’abbé Dulac, du P. Calmel, de Bruno Salleron, et d’autres encore.
Le premier fascicule s’arrête en 1976 : autrement dit, il couvre la période décisive qui a précédé l’entrée en scène de Mgr Lefebvre et la première période de son action pour engendrer des troupes de prêtres non-acceptants (sa première déclaration publique contre la nouvelle messe date du 2 juin 1971 – il est frappé de suspense a divinis par Paul VI, le 22 juillet 1976). Dans le fascicule 2, Jean Madiran s’attache spécialement à lui, en raison même des événements qui se sont dès lors concentrés jusqu’en 1988 sur sa personnalité épiscopale (la consécration de quatre évêques précédée de la visite apostolique du cardinal Gagnon).

Jean Madiran a beaucoup souffert d’être rejeté sans appel par Mgr Lefebvre pour avoir fait partie de ceux « qui ne prononcent aucune approbation publique, même si leur abstention n’est pas forcément désapprobatrice ». Il estime qu’« à vues humaines », le traditionalisme religieux a été durablement affaibli par cette cassure. C’est bien possible, mais ce n’est pas certain, dans la mesure où cette division des forces fut aussi une « division du travail » : le monde traditionaliste « officiel » a ré-acclimaté la messe tridentine dans l’Église, cependant que le monde traditionaliste « extérieur » exerçait une pression morale qui a considérablement dynamisé cette ré-acclimatation.

Jean Madiran dit de lui-même et de Cristina Campo, qui fut à l’origine du Bref examen critique du nouvel Ordo Missae, qu’ils appartiennent « à cette génération de laïcs et de clercs qui, à l’âge de la maturité et de l’action responsable, eurent à supporter sans hésitation et sans faiblir le premier choc de la messe nouvelle ». Nous leur sommes redevables de ce que nous vivons aujourd’hui : une messe qui se répand à nouveau sur la chrétienté, comme « la blanche robe d’églises », dont parlait Raoul Glaber, le chroniqueur de l’an Mille. Parfaitement conscients au reste qu’à l’Histoire de la messe interdite a désormais succédé une Histoire de la messe entravée, mais qui deviendra un jour, nécessairement, une Histoire de la messe restaurée.


(*) Editions Via Romana
5 rue du Maréchal Joffre - 78 000 Versailles - 06 87 53 96 45
Deux fascicules, 2007 et 2009
Prix : 17 €
ISBN : 978-2-916727-20-2 et 978-2-916727-50-9

[Max Barret - Courrier de Tychique] Les canonisations conciliaires…

SOURCE - Max Barret - extrait du Courrier de Tychique n°303 - 27 septembre 2009


Les canonisations conciliaires…

Depuis le Concile, nous assistons à une véritable inflation des canonisations ! Certaines sont amplement méritées. D’autres surprennent, pour ne pas dire plus ! Le cas le plus emblématique est celui de Mgr Escriva de Balaguer (fondateur de l’ «Opus Dei »). Décédé à Rome le 26 juin 1975, il fut béatifié le 17 mai 1992 et canonisé le 6 octobre 2002 par Jean-Paul II… alors que Mgr Lefebvre est mort excommunié !

On trouve sur le site « Nouvelles de Chrétienté » – n° 77 de septembre-Octobre 2002 – des révélations qui ne plaident guère en faveur de cette canonisation… hâtive ! Passons sur l’affirmation du cardinal Poletti dans le décret officiel d’introduction de son procès de béatification : « Il a été reconnu comme un précurseur du concile » – ceci expliquant certainement cela – mais il existe bien d’autres faits quelque peu troublants ! Il y a, par exemple, ce fameux « secret » imposé aux membres de l’ « Opus Dei » qui, bien qu’atténué lors de son érection en prélature personnelle, n’en perdure pas moins, si l’on en croit Arnaud de Lassus ( in « Action familiale et Scolaire » - 1992 – « L’ Opus Dei : textes et documents ») A tel point que l’on y fait tout pour préserver le caractère laïc, et même séculier de ses disciples, sollicités, par ailleurs à être ordonnés prêtres… tout en restant laïcs! Le quartier général de l’«Opus Dei» à Rome n’a pas reçu un nom religieux, il n’est placé sous aucun patronage, contrairement à ce qui se fait dans les institutions catholiques : la maison mère est donc baptisée « Villa Tevere ». La résidence universitaire féminine a été nommée « Villa des Palmiers ». Et que dire des révélations de certaines familles trompées! Cette canonisation ne semble donc pas présenter les signes de sainteté requis en pareille circonstance, loin de là!

Or, et c’est ce qui est extrêmement troublant, le pape est infaillible dans la canonisation, comme l’enseignent presque unanimement les théologiens et les canonistes (St Thomas, St Antonin, St Robert Bellarmin, Suarez…) C’est du moins ce qu’affirme un prêtre ami qui s’est penché sur cette grave question et qui m’écrit : «Il n’est pas possible qu’un pape induise en erreur l’Eglise universelle, dans les matières concernant la Foi ou la Morale, car alors ce serait dresser un autel au diable en proposant – par exemple – un damné à la vénération des fidèles» …

La canonisation est un acte solennel par lequel le Pape, jugeant en dernier ressort et portant une sentence définitive, inscrit au catalogue des Saints un serviteur de Dieu précédemment béatifié. Cette sentence définitive, notifiée officiellement urbi et orbi, est prononcée par le Souverain Pontife dans la plénitude de sa puissance apostolique, au coeur de cérémonies grandioses qui en révèlent l’importance. Et, en des temps normaux (!) il n’y a rien… de plus normal ! En effet, à défaut, comment les fidèles pourraient-ils connaître, vénérer et implorer ceux qu’ils doivent considérer comme leurs modèles et leurs intercesseurs ?

Ce prêtre écrit aussi : « Les Souverains Pontifes eux-mêmes on souvent affirmé leur infaillibilité dans les Bulles de Canonisation. Par exemple Sixte IV pour la canonisation de St Bonaventure : « confitentes quod hac canonisatione non permittat Deus nos errare » (Cf. Acta sanctorum, Julii,T.3 – p.796) . Benoît XIV dit la même chose dans «De Servor Dei») Et il cite aussi un extrait de la Bulle « Exurge Domine » du 15 juin 1520 de Léon X (1513-1521): « Si Luther était venu à Rome(…) nous lui eussions montré clair comme le jour que les Saints Pontifes Romains, nos Prédécesseurs n’ont jamais erré dans leurs canons ou constitutions qu’il s’efforce d’attaquer ».

On comprend bien mieux, dés lors, l’expectative dans laquelle les simples fidèles sont plongés depuis le « tsunami » conciliaire! Comment un pape, réputé infaillible dans ce domaine, peut-il porter un « damné » sur les autels? Ce prêtre évoque alors le cas de Charlemagne, canonisé le 29 décembre 1166, par … un antipape : « S’il existe une faille dans les canonisations actuelles, comme il y en a eu autrefois avec les canonisations faites par des antipapes, ce n’est pas en faisant un choix entre les anciens et les nouveaux saints que nous resterons catholiques. C’est en se posant honnêtement la question de l’existence –ou non– d’un nouvel antipape, sans en faire une maladie, et surtout en observant les règles de St Ignace, sur la «désolation», dans ses « Exercices ». (Livre bleu – Cinquième règle, n° 318 et suivantes – ndlr).

Je lui laisse la responsabilité de cette conclusion.

26 septembre 2009

[Mgr Williamson] ... Et si jamais...

SOURCE - Mgr Williamson - Commentaire Eleison CXVI - 26 septembre 2009
...Et si jamais les discussions à tenir entre Rome et la Fraternité St Pie X semblaient sur le point d'aboutir à un "accord pratique" non doctrinal entre les deux parties, alors tout Catholique désirant sauver son âme aurait à étudier de près cet accord, et en particulier les petits caractères, en vue de voir qui nommerait à l'avenir le chef ou les chefs et leurs successeurs dans la Fraternité désormais agréée par Rome.

On pourrait affubler ce chef de n'importe quelle appellation plaisant aux parties concernées, par exemple "Supérieur Général" ou "Prélat Personnel" ou "Aumônier Général des Galères" - n'entrons pas dans ces détails sémantiques. Le point crucial serait de savoir qui doit prendre les décisions, et qui nomme à leur poste ceux qui prennent les grandes décisions. Ce chef serait-il nommé par le Pape ou par la Congrégation du Clergé ou par n'importe quel officiel romain, ou serait-il nommé encore indépendamment de Rome, à partir de l'intérieur de la FSSPX, par exemple comme maintenant dans une élection tenue tous les 12 ans par le suffrage de 40 prêtres importants dans la FSSPX (élection prochaine en 2018) ? Pourtant que vaudrait à Rome un "accord" qui ne lui assurerait pas ce contrôle du gouvernement de la FSSPX ?

L'histoire de l'Eglise Catholique est parsemée d'exemples de cette lutte entre les amis et les ennemis de Dieu - en règle générale l'Eglise et l'Etat respectivement, mais plus aujourd'hui ! - pour le contrôle et la nomination des évêques catholiques. En effet, comme tout ami ou ennemi intelligent de l'Eglise le sait bien, les évêques sont la clef de l'avenir même de l'Eglise. (Mgr. Lefebvre le disait bien, au grand dam des sottises du démocratisme moderne, ce sont les évêques qui forment le peuple catholique, et non pas le peuple qui forme les évêques.)

Un exemple classique de cette lutte nous est fourni par le Concordat napoléonien de 1801, moyennant lequel la toute récente République maçonnique de France s'assura qu'elle acquerrait une influence capitale dans le choix des évêques de France. Tous les évêques qui étaient encore trop catholiques furent prestement limogés, et le cap de l'Eglise filait sur Vatican II. De même en 1905, alors que les francs-maçons détruisaient l'union de l'Eglise et de l'Etat en vue de mieux la persécuter, l'héroïque Pape Pie X profita de cette nouvelle et intempestive indépendance pour nommer et consacrer personnellement une poignée de neuf évêques dont pourtant le catholicisme viril effara tant les francs-maçons qu'ils se hâtèrent de revenir à la table de négociation, dès la mort de Pie X, pour élaborer une nouvelle collaboration de l'Eglise et de l'Etat dans le but essentiel de récupérer le contrôle maçonnique sur la nomination des évêques français - ainsi se retrouva le cap de Vatican II !

Le même phénomène se répéta en 1988 quand il n'y eut que la foi et le courage héroïques de Mgr Lefebvre pour sauver la FSSPX par le sacre des quatre évêques indépendamment du désaveu explicite de la Rome conciliaire comme de la République laïque. Les mêmes renards conciliaires pourraient maintenant offrir la lune pour reprendre le contrôle des quatre vilains petits canards et de leurs successeurs éventuels - aucun renard ne rechigne sur du canard laqué ! Dieu bénisse l'abbé Schmidberger et Mgr Fellay et tous leurs successeurs qui maintiendront cette sainte indépendance tant que Rome marchera à côté de ses sandales catholiques !

Kyrie eleison.

Londres, Angleterre

[Ennemond / FC] Pourquoi Benoît XVI croit aux discussions doctrinales

SOURCE - Ennemond - Forum Catholique - 26 septembre 2009
Parfois, on lit çà et là que Benoît XVI attend que la FSSPX fasse amende honorable au travers des discussions doctrinales, qu’elle daigne baisser le front et reconnaître sans condition ce que fut le concile Vatican II. C’est ce qu’on entend par exemple dans la bouche d’un archevêque de Stockholm révolté au point de laisser son pape et son père en pâture aux télévisions les plus anticléricales. Cette solution paraît fort hasardeuse et irréaliste car la Fraternité ne songe pas le moins du monde à abolir les efforts de son fondateur qui avait montré les profondes ambiguïtés d’un concile qui se voulut purement pastoral et surtout pas doctrinal.

Alors les discussions devraient-elles échouer ? Ce serait là la fin d’un pontificat. Benoît XVI a – je ne pense pas exagérer en l’affirmant – joué son pontificat sur l’affaire de la restauration de la Tradition catholique. Les grands événements qui l’ont jalonné, qui ont vraiment occupé les journalistes depuis quatre ans sont, au-delà de ses principaux voyages : la libération de la messe et la levée de l’excommunication qu’il faut placer dans la perspective du discours à la Curie du 22 décembre 2005, effectivement passé plus inaperçu aux yeux des journalistes les moins avertis.

Les esprits sont en émoi, les regards sont attentifs et le pape, discret et obstiné, continue cette feuille de route qui lui tient tant à cœur et qui fut établie un certain 29 août 2005 à Castel Gandolfo. Avant son pontificat, à un évêque du centre de l’Europe le cardinal Ratzinger avait confié qu’il avait notamment un point sur la conscience : « la Fraternité ». Avec elle, il veut bâtir une certaine idée de l’Église. Dario Castrillon Hoyos, Albert Ranjith, Guido Pozzo, Charles Morerod font ou ont fait partie de son dispositif. Tout ce projet si finement mené tombe dans un entonnoir, vers une porte fermée et derrière laquelle nul ne sait ce qui va se passer dans quelques jours : des discussions doctrinales qui vont réunir une demi-douzaine d’hommes. De ces discussions va résulter un enjeu grave : tout ce que le pape a disposé jusqu’à maintenant va se vouer à un terrible échec ou à un franc succès. Le pape a besoin que ces discussions aboutissent pour le plus grand bien de l’Église.

A mon avis et ce n’est qu’un avis, le grand fruit de ces discussions sera le désamorçage d’un concile perçu comme un changement, comme une nouveauté, comme une révolution. Ce qui avait rendu important le Concile – son caractère de rupture – une fois désamorcé, une fois rendu au rang de discutable car simplement pastoral, risque de le rendre inintéressant et de le placer en retrait total. Benoît XVI, rejoignant ainsi Mgr Lefebvre, redira ce que le cardinal Ratzinger avait dit en 1988 : « La vérité est que le Concile lui-même n'a défini aucun dogme. Il a voulu de manière consciente s'exprimer selon un registre plus modeste, comme un concile simplement pastoral; cependant, beaucoup l'interprètent comme s'il était un "super-dogme" qui enlève à tout le reste son importance. »

Ce qui était pastoral en 1960 ne le sera peut-être plus cinquante ans plus tard. L’ère de Vatican II sera révolue et c’est l’un de ses derniers experts qui l’aura voulu. Il laissera encore quelques évêques chanter les gloires et les victoires de cette réunion des évêques dans les années soixante mais Rome en aura finalement tiré les conclusions.

25 septembre 2009

[Reuters/L'Express] Mgr Williamson au centre d'une nouvelle polémique au Vatican

SOURCE - Reuters/L'Express - 25 septembre 2009


CITE DU VATICAN - La levée de l'excommunication de l'évêque traditionaliste britannique Richard Williamson en janvier est au centre d'une polémique publique quasiment inédite entre des responsables du Vatican.

Ce différend concerne la manière dont le pape Benoît XVI a finalement été informé du fait que Mgr Williamson défendait des thèses révisionnistes.

Dans un entretien enregistré en novembre 2008 par la télévision suédoise mais seulement diffusé au mois de janvier, le prélat britannique affirmait ne pas croire qu'il "y ait eu de chambres à gaz" et soutenait que seulement 300.000 juifs ont été tués par les nazis et non six millions comme l'affirment la majorité des historiens.

Le Vatican soutient ne pas avoir été informé des propos de Williamson avant que Benoît XVI lève son excommunication et celle de trois autres évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.

Mercredi, le site internet du diocèse de Stockholm affirmait que l'évêque Anders Arborelius et le nonce apostolique (ambassadeur du Vatican) en Suède avaient, dès novembre 2008, alerté des responsables du Saint-Siège sur les positions de Richard Williamson.

Cette affirmation a été immédiatement démentie par le cardinal Dario Castrillon Hoyos dans une interview publiée par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

"Aucun d'entre nous n'était au courant des déclarations de l'évêque Williamson. Aucun d'entre nous, et personne n'avait la possibilité de savoir", dit-il.

DÉCLARATIONS "DOUTEUSES"

Apparemment, le cardinal faisait référence à la commission pontificale qu'il a dirigée jusqu'à juillet dernier, "Ecclesia Dei", créée en 1988 afin d'opérer un rapprochement avec les communautés catholiques traditionalistes.

Utilisant des mots rarement employés en public par des dignitaires de l'Eglise catholique, Mgr Castrillon Hoyos estime que les déclarations de l'évêque Arborelius sont "douteuses" et "fausses".

"L'évêque Arborelius doit dire comment, à qui et quand il a communiqué cela, et si cela a été fait par écrit ou oralement", ajoute-t-il.

Le cardinal s'en prend à d'autres services du Vatican dont les membres auraient pu avoir connaissance des antécédents de Williamson.

Mgr Castrillon Hoyos affirme qu'il n'a pas "à juger un autre frère évêque", précisant que cela est la mission de deux autres organismes du Saint-Siège, ceux en charge de la nomination des évêques et des questions doctrinales.

Le cardinal ajoute qu'aucun autre département du Vatican n'a informé ses services de "quoi que ce soit" concernant la position de Williamson sur la Shoah avant le 5 février, une semaine après la diffusion de l'interview du religieux britannique.

Il estime que le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, s'est livré à "une déclaration audacieuse" en affirmant à un journal français en février que Mgr Castrillon Hoyos aurait dû être au courant pour Williamson.

Le pape a déchargé Mgr Castrillon Hoyos de ses fonctions en juin et placé sa commission sous le contrôle de la Congrégation pour la doctrine de la foi, que Benoît XVI dirigeait avant son élection à la chaire de Pierre.

[Cal Castrillon Hoyos] Entretien du cardinal Castrillon Hoyos à la Süddeutsche Zeitung

SOURCE - Cardinal Hoyos - Sueddeutsche Zeitung - version française mise en ligne par le blog "La crise Intégriste" de Nicolas Senèze - 25 septembre 2009
En Allemagne vous avez été sévèrement critiqué...

En Allemagne ? Qui m'a critiqué en Allemagne ?

On vous présente comme le principal responsable du scandale lié à Richard Williamson, membre de la Fraternité Saint-Pie-X, en début d'année.

Ce qui a été dit ne m'intéresse pas le moins du monde. Pour moi, c'est un signe qu'un pays, qu'une presse et qu'un public, que je considère au fond comme honnêtes, sont mal informés.

Que voulez-vous dire ?

Je veux dire qu'on ne semble pas savoir de quoi il s'agit et ce en quoi consiste le droit de l'Église. Cela veut dire qu'on se laisse prendre dans un tourbillon médiatique ou bien dans une sensibilité locale, que nous comprenons et respectons.

Et donc, de quoi s'agit-il ?

Mgr Marcel Lefebvre a commis un acte de rébellion quand, en 1988, il a ordonné quatre évêques sans mandat pontifical. C'était un acte schismatique, en conséquence, les quatre membres de la Fraternité Saint-Pie-X ont été excommunié avec Mgr Lefebvre. C'est tout. Tant Jean-Paul II que Benoît XVI se sont engagés pour résoudre ce conflit. Pour le reste, ce qui a été dit repose sur une ignorance fondamentale des intentions et des actions du pape.

Même au Vatican, le processus de rapprochement de la Fraternité Saint-Pie-X est critiqué.

Le seul but du pape était de réduire le schisme. Mgr Lefebvre était mort et ceux qui ont été ordonnés par lui demandaient la levée de l'excommunication. Le pape a accepté, après de longues consultations. Et nous, évêques, nous devons soutenir le pape, surtout quand il s'agit d'un thème aussi fondamental que celui de l'unité.

Quel a été votre rôle dans le rapprochement avec la Fraternité Saint-Pie-X ?

En l'an 2000 a commencé un dialogue entre Rome et la Fraternité sacerdotale, dialogue suivi de très près par le cardinal Ratzinger. Après une réunion menée en 2001 par Jean-Paul II, tous les cardinaux présents se sont prononcés en faveur de ce processus. Ils ont expliqué que les frères excommuniés n'étaient pas eux-mêmes hérétiques ou schismatiques, bien qu'ils aient commis un acte schismatique. En ce qui concerne leur relation avec le concile Vatican II, on a souligné des difficultés de certaines interprétations la liberté religieuse et l'oecuménisme. La Commission Ecclesia Dei, que j'ai présidé de 2000 à juillet dernier, devait analyser cette problématique, rien d'autre.

Partagez-vous les positions de la FSSPX ?

Les membres de la FSSPX pensent qu'ils défendent la vérité à propos de la Sainte Tradition et qu'ils ne peuvent pas être excommuniés pour cela. Cela peut se comprendre, même si je ne partage pas cette opinion. Mais il est indiscutable qu'ils ont violé une loi fondamentale de l'Église.

Vous êtes-vous déjà demandé si vos décisions pouvaient avoir des conséquences politiques ?

L'excommunication de quatre évêques n'est pas un acte politique. C'est un acte de miséricorde. Il y a donc un problème théologico-pastoral, et pas une interférence de l'Église dans la sphère politique. Aussi cela ne m'inquiète-t-il pas. Mon travail n'est pas de juger un frère évêque : cela est la mission de la Congrégagtion pour les évêques et de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.

Mais l'Église catholique a bien une opinion sur l'antisémitisme et l'Holocauste ?

Le rejet par l'Église de la violence extrêmement injuste à laquelle a été soumis le peuple juif est tout à fait clair. Un tel génocide racial est un crime contre l'humanité immoral.

Pourquoi alors n'avez-vous pas stoppé la levée de l'excommunication d'un négationniste de l'Holocauste ?

Mgr Williamson avait été excommunié à cause de son ordination épiscopale illégitime, pas à cause de ses théories, jugements ou déclarations à propos de l'Holocauste. Voir les choses différemment est une erreur allemande.

Est-ce seulement une sensibilité allemande , Il existe bien d'autres opinions dans l'Église.

En effet, dans l'Église, il y a eu aussi des réactions critiques. C'est ce que le pape a indiqué dans une lettre adressée à tous les évêques du monde. Mais le pape n'est bien sûr pas seul : il est pour ainsi dire entouré de l'ensemble de l'épiscopat. Il n'a pas agit par ignorance. Le fait que d'autres facteurs soient venus s'ajouter est un autre sujet.

Vous dites que vous n'étiez pas au courant de l'interview de Mgr Williamson. Qu'aurait fait le pape s'il en avait eu connaissance ?

Je ne veux risquer aucune hypothèse à propos de ce que le pape aurait dû faire. Je me réfère juste à ce qu'il savait au moment où la levée des excommunications a été rendue publique. À ce moment, aucun d'entre nous ne savait rien à propos des déclarations de Mgr Williamson. Aucun d'entre nous ! Et personne n'avait l'obligation de le savoir !

Dès 1989, Mgr Williamson niait dans un sermon le gazage des juifs. N'aurait-on pas pus avoir cela ?

Ne dites pas « dès ». À l'époque, Mgr Williamson était un jeune évêque qui agissait à l'extérieur de l'Église et sans légitimité juridique. En 1989, le jeune évêque donnait son avis à propos d'un livre qui proposait une analyse historique de l'Holocauste que beaucoup d'entre nous ne partagent pas. Mais tout le monde doit-il connaître ce livre ? Personne n'est obligé d'avoir lu tous les ouvrages qui paraissent, et encore moins quand il s'agit de thèmes aussi spécifiques.

Les mots de Williamson étaient clairs : «Aucun juif n'a été tué dans les chambres à gaz ! Tout cela étaient des mensonges, mensonges, mensonges ! Les juifs ont inventé l'Holocauste». De 1987 à 1991, vous avait été président du Conseil épiscopal latino-américain : à cette époque, déjà, la position de Williamson était connue en Argentine. Et malgré tout, vous ne saviez rien ?

À l'époque, j'en savais autant sur lui que sur Maradona. Je n'ai appris l'existence de Maradona que quand j'étais à Rome. Je n'ai appris des choses sur Williamson qu'en 2000. ce que je peux dire de toute façon c'est que ni la Curie, ni la Congrégation pour les évêques, ni la Secrétairerie d'État, ni les nonciatures, ni les épiscopats canadien, allemand, suisse, autrichien, français ou hollandais, n'ont dit quoique ce soit de l'opinion de Mgr Williamson à la Commission Ecclesia Dei.

Pas même en janvier 2009 ?

Je sais juste que la télévision suédoise l'a interrogé à l'occasion d'une ordination diaconale, et je n'ai été informé de ces déclarations que le 5 février. Le nonce en a informé la Secrétairerie d'État et m'a transmis des informations dans une enveloppe scellée que j'ai conservée.

Dès le 21 janvier, un fax est arrivé au Vatican rendant compte de l'interview de Williamson.

Nous ne l'avons appris que le 5 février. Je me suis déjà posée cette question plusieurs fois : si l'interview a été faite fin 2008, pourquoi n'a-t-elle été diffusée que le 21 janvier. Apparemment, on a attendu que le décret sur la levée de l'excommunication, dont la processus avait été gardé secret, soit signé le 14 janvier. Pourquoi cela ?

Qu'en pensez-vous ?

Je n'aime pas les spéculations.

Aujourd'hui, l'évêque de Stockholm, Mgr Anders Arborelius, affirme qu'il avait déjà informé la nonciature de Stockholm sur la négation de l'Holocauste par Mgr Williamson dès novembre 2008.

Je regrette cette déclaration très douteuse, parce qu'elle est fausse. Diffuser cette information est une calomnie. Nous conservons tous les documents que nous recevons sous forme numérique. Mgr Arborelius devrais dire comment à qui et quand il a communiqué cela, et si cela a été fait par écrit ou oralement.

Dès 2008, le Spiegel avait déjà parlé de Williamson : personne ne le lit au Vatican ?

Il est possible que la section allemande de la Secrétairerie d'État aie eu connaissance de cet article. Je ne sais pas.

Mgr Fellay, le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X, connaissait déjà l'interview de Mgr Williamson, si on en croit une lettre qu'il a envoyée le 21 janvier à la chaine suédoise pour empêcher la diffusion de l'interview.

Je ne sais rien à ce sujet.

Mgr Williamson dit que vous l'auriez rencontré au cours d'un déjeuner.

J'étais depuis peu de temps président de la Commission Ecclesia Dei quand j'ai rencontré un petit groupe de personnes, en plein été, en habit sacerdotal. J'ai demandé à mon secrétaire d'enquêter sur ce groupe et il s'est avéré que c'était des disciples de Mgr Lefebvre. Je l'ai invité chez moi.

Quelle a été votre impression le concernant ?

Que ce sont des gens bien, mais trop fixé sur ce qui était la source de tout mal dans le monde: la réforme de la messe selon le Concile. En voulant décontracter l'ambiance, j'ai dit pour plaisanter que si je pouvais choisir une langue pour la messe, je choisirais l'araméen, la langue du Christ, que je ne savais pas qui avait eu la mauvaise idée d'échanger la langue du Christ contre la langue des persécuteurs. Ils ont trouvé que c'était une mauvaise blague. Après cette visite, il y a eu un dialogue avec Jean-Paul II et un autre, en août 2005, avec Benoît XVI

Que pensiez-vous alors de Mgr Williamson ?

C'est un homme honnête mais curieux. Pas bête, plutôt obsessionnel, et têtu.

Un homme honnête ?

Il dit ce qu'il pense. Il ne m'est pas apparu comme un homme essayant de tromper les autres. Plutôt comme un homme simple qui représente des positions extrêmes. En tout état de cause, un homme d'une foi simple et sincère.

Quand le scandale a éclaté, même le porte-parole du Vatican vous a publiquement attaqué.

Le P. Lombardi a fait à une journaliste française un commentaire hasardeux à mon sujet, mais il a retiré sa déclaration. Il s'est excusé auprès de moi et on doit souligner le point suivant : à ce moment-là il n'a pas agi à la demande du pape.

Le cardinal Giovanni Battista Re s'est senti trahi par vous.

Pour autant que je sache, il n'a jamais affirmé cela, mais je sais bien les mots imprudents que la presse lui a attribué à mon sujet. Pour cette raison, je lui ai écrit une lettre dans laquelle je lui dit que si quelqu'un devait être au courant des propos de Williamson, c'était lui. Il a été pendant de longues années à la Secrétairerie d'État et aujourd'hui il est à la tête de la Congrégation pour les évêques et a le devoir de surveiller les évêques.

Le scandale a-t-il changé votre relation avec le pape ?

Évidemment qu'elles ont changé, et en bien ! Nous avons toujours travaillé main dans la main. J'ai une grande affection pour lui, pas seulement parce qu'il est le Vicaire du Christ, mais aussi parce qu'il est un théologien de premier ordre, un défenseur de la foi et un ami qui a toujours eu confiance en moi. cela n'a pas changé.

Vous avez dit une fois que le débat sur l'existence des chambres à gaz n'était pas un problème moral mais historique. pouvez-vous vous expliquer ?

Le génocide du peuple juif est un acte qui est moralement condamnable, au même titre que les tortures. Mais dire qu'il y a eu cinq mort au lieu de dix, n'est pas un jugement moral mais une erreur historique.

Williamson nie qu'on a essayé d'anéantir le peuple juif.

Selon moi, il n'a jamais nié le génocide contre les juifs. Il le réduit. C'est une question historique. le problème moral se situe exclusivement au niveau du génocide raciste.

Qu'aurait fait le Vatican si Williamson n'avait pas minimiser l'Holocauste, mais s'il l'avait nié ?

Le négationnisme n'affecte pas l'essence de l'Église. Il s'agit d'un problème qui peut être résolu. C'est le même problème que celui des gens qui ne rejettent pas le terrorisme ou qui défendent et pratiquent des avortements. Mgr Williamson est encore soumis à l'autorité de la Fraternité Saint-Pie-X, mais elle peut aller jusqu'à lui interdire d'entrer dans une église, d'y célébrer des messes, pour manque de jugement.

Recommenceriez-vous de la même manière ?

Exactement !

Vous sentez-vous blessé par les médias ?

J'ai toujours eu à faire avec les médias. Par conséquent, je me suis durci le cuir. Je n'ai jamais demandé de rectificatif parce que c'est inutile. La vérité a son propre chemin. Et le seule vérité, c'est ce que je viens de vous dire.

Recueillis par Camilo Jiménez (Traduction grâce à l'aide précieuse d'Anna Latron)

[Henri Tincq - Slate] Affaire Williamson: le Vatican savait

SOURCE - Henri Tincq - Slate - 25 septembre 2009


La chaîne de télévision suédoise, qui a révélé les positions négationnistes de l'évêque intégriste, démontre qu'elles étaient connues à Rome avant sa réhabilitation par Benoît XVI.

S'il y avait encore le moindre doute que le Vatican était bien informé des positions négationnistes de l'évêque intégriste Williamson, il a été levé le 23 septembre lors d'une nouvelle émission de la chaîne de télévision publique suédoise SVT. C'est cette chaîne qui avait enregistré le 1er novembre 2008 les propos de Richard Williamson niant les chambres à gaz et l'ampleur du génocide juif, et les avait diffusés le 21 janvier 2009, jour de sa réhabilitation par le pape Benoît XVI. Le 23 septembre, cette chaîne suédoise révèle que c'est l'évêque catholique de Stockholm en personne, Mgr Anders Arborelius, qui avait informé Rome, tout en ignorant si son message avait été bien transmis et reçu.

L'information télévisée est confirmée par un communiqué de l'évêché de Stockholm: «Comme nous le faisons toujours pour les affaires de l'Eglise, nous avions transmis aux responsables du Vatican l'information dont nous disposions sur la Fraternité sacerdotale saint Pie X (qui regroupe les prêtres intégristes, ndlr) et sur Richard Williamson, y compris ce que nous savions sur le contenu de son entrevue avec l'équipe d' Uppdrag Granskning (l'émission au cours de laquelle fut diffusée l'interview)».

La transmission des informations relevait de la «pure routine et non d'une mesure exceptionnelle». Une attachée de presse du diocèse de Stockholm a précisé à l'agence d'informations vaticanes APIC que l'évêché avait transmis la position de l'évêque Williamson dès la fin de novembre 2008 au nonce apostolique en Suède, Mgr Emil Paul Tscherrig. Celui-ci a aussitôt transmis l'information à Rome. Elle était parvenue à l'évêché de Stockholm grâce à des représentants de l'Eglise luthérienne, qui la tenaient de collaborateurs de la chaîne de TV suédoise.

Cette information est-elle bien parvenue jusqu'au Vatican? Si oui, par qui? A t-elle été interceptée et bloquée? Dans son émission du 23 septembre qui relance la polémique, l'équipe de la télévision SVT s'entretient avec le cardinal Walter Kasper, personnalité ouverte chargée au Vatican des relations œcuméniques avec les pays protestants. Celui-ci affirme qu'il n'avait reçu aucune information interne au Vatican sur les déclarations de Williamson, mais qu'il avait une vague connaissance des opinions de l'évêque intégriste. Il pensait naïvement que le fait était connu autour de lui et avoue encore sa surprise de l'ignorance, réelle ou feinte, de la commission Ecclesia Dei, chargée au Vatican du dialogue avec les intégristes, souvent accusée de complicité avec eux.

La chaîne de télévision suédoise publie aussi sur son site Internet un courrier adressé par le Père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. Lui aussi affirme qu'il n´était pas au courant de l'interview controversée de l´évêque négationniste avant sa diffusion. «Le cardinal Castrillon Hoyos (alors président de la commission Ecclesia Dei, ndlr), ne m´en a rien dit avant la diffusion, a précisé le Père Lombardi. Je ne savais pas qu'une note sur Williamson avait été envoyée au Vatican, et je ne sais pas qui l´a reçue et lue. Personne ne m´en a parlé».

Par ces mots, le porte-parole se dégage de toute responsabilité personnelle et reporte explicitement la faute sur la commission Ecclesia Dei, ainsi que sur l'appareil de la secrétairerie d'Etat qui entoure le pape. Dans une interview accordée dès février 2009 au quotidien catholique La Croix, le porte-parole du Vatican avait déjà regretté que ceux qui avaient géré cette affaire n'avaient pas eu conscience de la gravité des propos de Mgr Williamson. Il avait déjà mis en cause le cardinal Castrillon Hoyos, principal négociateur dans cette affaire.

Les principaux soupçons portent donc sur cette commission qui a préparé le dossier de levée des excommunications des quatre évêques intégristes — dont Williamson — et qui aurait bloqué les informations nauséabondes venues de Suède sur son compte. Elle a d'ailleurs été déchargée par Benoît XVI, fin juin, de l'essentiel de ses fonctions de dialogue avec les tradtionalistes, celles-ci étant transférées à la congrégation pour la doctrine de la foi. Et son président Castrillon-Hoyos a été mis à la retraite.

Venu de Stockolm, ce rebondissement confirme, s'il en était besoin, la gestion calamiteuse de l'affaire Williamson par le Vatican. Rien ne prouve, jusqu'à présent, que l'information soit remontée jusqu'à Benoît XVI. Federico Lombardi l'a confirmé jeudi 24 septembre dans une note aux journalistes: «Il est absolument infondé d'affirmer ou même d'insinuer que le pape était préalablement au courant des positions de Williamson». Le porte-parole de Benoît XVI a tenu à réaffirmer «la dissociation radicale du pape à l'égard des positions antisémites ou négationnistes» et rappelé sa lettre aux évêques, en date du 10 mars, par laquelle il avait mis «un terme à toute cette question», en démontrant «le caractère totalement infondé des accusations de manque de respect à l'égard du peuple juif qui lui étaient faites» et en reconnaissant aussi «les limites de la communication interne et externe du Vatican ». A bon entendeur...

Henri Tincq