SOURCE - Lettre de Paix Liturgique n°197 - 27 septembre 2009
Jean Madiran
Histoire de la messe interdite
Editions Via Romana (*)
On ne saurait trop recommander de lire et de conserver dans sa bibliothèque, comme un ensemble de précieuses références et comme un témoignage tout à fait unique, les deux fascicules de l’Histoire de la messe interdite de Jean Madiran. Messe interdite ! Or, le Motu proprio du 7 juillet 2007 a déclaré à la chrétienté étonnée que le missel romain antérieur à la réforme de Paul VI n’avait jamais été abrogé. Messe jamais interdite ! Nous avons donc vécu ce formidable retournement d’une histoire dont Jean Madiran a collectionné dans le détail les faits et la chronologie. Et c’est précisément cette histoire qui a engendré le retournement.
Dans le fascicule 1, Jean Madiran décrit donc la chronique d’une interdiction rampante, jamais sûre d’elle-même, comme tombée du ciel (ou d’ailleurs) : « En France, le nouvel Ordo Missae est obligatoire depuis le 1er janvier 1970 » (La Documentation catholique, 4 juillet 1971). Puis elle est devenue une interdiction épiscopale : « Il n’est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V » (déclaration des évêques suisses, juillet 1973). Une interdiction romaine, enfin : le pape a « prescrit que le nouvel Missel doit remplacer l’ancien, nonobstant les constitutions et ordonnances de ses prédécesseurs » (Cardinal Villot, Secrétaire d’État, lettre du 11 octobre 1975). Et pour finir, une interdiction pontificale : « Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien » (Paul VI, allocation au consistoire, 24 mai 1976).
Une « interdiction » à la mesure de la « législation » qui l’a secrétée. Car il n’y avait rien de certain dans l’imbroglio de textes, décisions, notifications sans clarté, propre à ce type d’entreprise, au sens ancien de tentative contre une légitimité, une légitimité cultuelle en l’espèce. La messe tridentine a été « interdite » par une « législation » aussi floue dans son obligation normative que celle – c’est la même – qui encadre la messe qu’elle a promulguée. Mais à défaut d’une interdiction de droit, Jean Madiran montre bien que l’interdiction de fait, idéologique, persécutrice, ne fut quant à elle pas niable.
Il décrit aussi l’histoire de la contestation de la légitimité de l’interdiction. Car à cette prohibition, que le cardinal Ratzinger qualifiera plus tard de révolutionnaire, a répondu une résistance, dont la puissance, pour ne pas dire la violence, pourrait aujourd’hui étonner si on oubliait qu’une contestation de cette ampleur ne peut se soutenir sur le long terme (40 ans) qu’en payant ce prix initial de force déterminée. Jean Madiran et sa revue Itinéraires ont été des acteurs majeurs, fédérateurs, de cette non-acceptation de principe. Mais il parle aussi de l’abbé de Nantes, de Cristina Campo et du P. Guérard des Lauriers (Madiran fait l’histoire du Bref Examen critique), de Mgr Lefebvre (dont les étapes de la vie et de la fondation sacerdotale sont relatées en détail dans le fascicule 2), d’Eric de Saventhem (mention est faite des remous d’Una Voce), de l’abbé Dulac, du P. Calmel, de Bruno Salleron, et d’autres encore.
Le premier fascicule s’arrête en 1976 : autrement dit, il couvre la période décisive qui a précédé l’entrée en scène de Mgr Lefebvre et la première période de son action pour engendrer des troupes de prêtres non-acceptants (sa première déclaration publique contre la nouvelle messe date du 2 juin 1971 – il est frappé de suspense a divinis par Paul VI, le 22 juillet 1976). Dans le fascicule 2, Jean Madiran s’attache spécialement à lui, en raison même des événements qui se sont dès lors concentrés jusqu’en 1988 sur sa personnalité épiscopale (la consécration de quatre évêques précédée de la visite apostolique du cardinal Gagnon).
Jean Madiran a beaucoup souffert d’être rejeté sans appel par Mgr Lefebvre pour avoir fait partie de ceux « qui ne prononcent aucune approbation publique, même si leur abstention n’est pas forcément désapprobatrice ». Il estime qu’« à vues humaines », le traditionalisme religieux a été durablement affaibli par cette cassure. C’est bien possible, mais ce n’est pas certain, dans la mesure où cette division des forces fut aussi une « division du travail » : le monde traditionaliste « officiel » a ré-acclimaté la messe tridentine dans l’Église, cependant que le monde traditionaliste « extérieur » exerçait une pression morale qui a considérablement dynamisé cette ré-acclimatation.
Jean Madiran dit de lui-même et de Cristina Campo, qui fut à l’origine du Bref examen critique du nouvel Ordo Missae, qu’ils appartiennent « à cette génération de laïcs et de clercs qui, à l’âge de la maturité et de l’action responsable, eurent à supporter sans hésitation et sans faiblir le premier choc de la messe nouvelle ». Nous leur sommes redevables de ce que nous vivons aujourd’hui : une messe qui se répand à nouveau sur la chrétienté, comme « la blanche robe d’églises », dont parlait Raoul Glaber, le chroniqueur de l’an Mille. Parfaitement conscients au reste qu’à l’Histoire de la messe interdite a désormais succédé une Histoire de la messe entravée, mais qui deviendra un jour, nécessairement, une Histoire de la messe restaurée.
(*) Editions Via Romana
5 rue du Maréchal Joffre - 78 000 Versailles - 06 87 53 96 45
Deux fascicules, 2007 et 2009
Prix : 17 €
ISBN : 978-2-916727-20-2 et 978-2-916727-50-9
Jean Madiran
Histoire de la messe interdite
Editions Via Romana (*)
On ne saurait trop recommander de lire et de conserver dans sa bibliothèque, comme un ensemble de précieuses références et comme un témoignage tout à fait unique, les deux fascicules de l’Histoire de la messe interdite de Jean Madiran. Messe interdite ! Or, le Motu proprio du 7 juillet 2007 a déclaré à la chrétienté étonnée que le missel romain antérieur à la réforme de Paul VI n’avait jamais été abrogé. Messe jamais interdite ! Nous avons donc vécu ce formidable retournement d’une histoire dont Jean Madiran a collectionné dans le détail les faits et la chronologie. Et c’est précisément cette histoire qui a engendré le retournement.
Dans le fascicule 1, Jean Madiran décrit donc la chronique d’une interdiction rampante, jamais sûre d’elle-même, comme tombée du ciel (ou d’ailleurs) : « En France, le nouvel Ordo Missae est obligatoire depuis le 1er janvier 1970 » (La Documentation catholique, 4 juillet 1971). Puis elle est devenue une interdiction épiscopale : « Il n’est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V » (déclaration des évêques suisses, juillet 1973). Une interdiction romaine, enfin : le pape a « prescrit que le nouvel Missel doit remplacer l’ancien, nonobstant les constitutions et ordonnances de ses prédécesseurs » (Cardinal Villot, Secrétaire d’État, lettre du 11 octobre 1975). Et pour finir, une interdiction pontificale : « Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien » (Paul VI, allocation au consistoire, 24 mai 1976).
Une « interdiction » à la mesure de la « législation » qui l’a secrétée. Car il n’y avait rien de certain dans l’imbroglio de textes, décisions, notifications sans clarté, propre à ce type d’entreprise, au sens ancien de tentative contre une légitimité, une légitimité cultuelle en l’espèce. La messe tridentine a été « interdite » par une « législation » aussi floue dans son obligation normative que celle – c’est la même – qui encadre la messe qu’elle a promulguée. Mais à défaut d’une interdiction de droit, Jean Madiran montre bien que l’interdiction de fait, idéologique, persécutrice, ne fut quant à elle pas niable.
Il décrit aussi l’histoire de la contestation de la légitimité de l’interdiction. Car à cette prohibition, que le cardinal Ratzinger qualifiera plus tard de révolutionnaire, a répondu une résistance, dont la puissance, pour ne pas dire la violence, pourrait aujourd’hui étonner si on oubliait qu’une contestation de cette ampleur ne peut se soutenir sur le long terme (40 ans) qu’en payant ce prix initial de force déterminée. Jean Madiran et sa revue Itinéraires ont été des acteurs majeurs, fédérateurs, de cette non-acceptation de principe. Mais il parle aussi de l’abbé de Nantes, de Cristina Campo et du P. Guérard des Lauriers (Madiran fait l’histoire du Bref Examen critique), de Mgr Lefebvre (dont les étapes de la vie et de la fondation sacerdotale sont relatées en détail dans le fascicule 2), d’Eric de Saventhem (mention est faite des remous d’Una Voce), de l’abbé Dulac, du P. Calmel, de Bruno Salleron, et d’autres encore.
Le premier fascicule s’arrête en 1976 : autrement dit, il couvre la période décisive qui a précédé l’entrée en scène de Mgr Lefebvre et la première période de son action pour engendrer des troupes de prêtres non-acceptants (sa première déclaration publique contre la nouvelle messe date du 2 juin 1971 – il est frappé de suspense a divinis par Paul VI, le 22 juillet 1976). Dans le fascicule 2, Jean Madiran s’attache spécialement à lui, en raison même des événements qui se sont dès lors concentrés jusqu’en 1988 sur sa personnalité épiscopale (la consécration de quatre évêques précédée de la visite apostolique du cardinal Gagnon).
Jean Madiran a beaucoup souffert d’être rejeté sans appel par Mgr Lefebvre pour avoir fait partie de ceux « qui ne prononcent aucune approbation publique, même si leur abstention n’est pas forcément désapprobatrice ». Il estime qu’« à vues humaines », le traditionalisme religieux a été durablement affaibli par cette cassure. C’est bien possible, mais ce n’est pas certain, dans la mesure où cette division des forces fut aussi une « division du travail » : le monde traditionaliste « officiel » a ré-acclimaté la messe tridentine dans l’Église, cependant que le monde traditionaliste « extérieur » exerçait une pression morale qui a considérablement dynamisé cette ré-acclimatation.
Jean Madiran dit de lui-même et de Cristina Campo, qui fut à l’origine du Bref examen critique du nouvel Ordo Missae, qu’ils appartiennent « à cette génération de laïcs et de clercs qui, à l’âge de la maturité et de l’action responsable, eurent à supporter sans hésitation et sans faiblir le premier choc de la messe nouvelle ». Nous leur sommes redevables de ce que nous vivons aujourd’hui : une messe qui se répand à nouveau sur la chrétienté, comme « la blanche robe d’églises », dont parlait Raoul Glaber, le chroniqueur de l’an Mille. Parfaitement conscients au reste qu’à l’Histoire de la messe interdite a désormais succédé une Histoire de la messe entravée, mais qui deviendra un jour, nécessairement, une Histoire de la messe restaurée.
(*) Editions Via Romana
5 rue du Maréchal Joffre - 78 000 Versailles - 06 87 53 96 45
Deux fascicules, 2007 et 2009
Prix : 17 €
ISBN : 978-2-916727-20-2 et 978-2-916727-50-9