16 septembre 2009

[Abbé Petrucci / Veritas] Ecclesiæ unitatem

SOURCE - Abbé Pierpaolo-Maria Petrucci, fsspx - Prieuré de Rimini - Septembre 2009


Le huit juillet dernier, par le Motu Proprio Ecclesiae unitatem, le pape Benoît XVI a décidé d’unir la commission Ecclesia Dei à la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Il en explique brièvement les raisons : « La tâche de garder l'unité de l'Eglise… revient de façon particulière au Successeur de Pierre », et puisque« la priorité suprême et fondamentale de l'Eglise », est « de conduire les hommes vers la rencontre avec Dieu », cette priorité doit être « favorisée » par « l'engagement d'arriver à un témoignage commun de foi de tous les chrétiens ».Affirmation qui correspond parfaitement à la vérité. Mais nous ne voyons pas comment elle peut se concilier avec l’œcuménisme enseigné depuis le Concile. Comment, en effet, « arriver à un témoignage commun de foi de tous les chrétiens » en ne demandant plus la conversion à la doctrine catholique de ceux qui sont dans l’erreur ? Je ne voudrais pas que dans le contexte du document, la recherche de l’union dans un témoignage commun de foi s’applique à ceux qui précisément n’acceptent pas les nouvelles doctrines du concile, totalement étrangères à la doctrine catholique, en particulier en matière d’œcuménisme.

Le Pape rappelle comment la Commission Ecclesia Dei fut instituée par Jean-Paul II, après les consécrations épiscopales faites par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988, “ dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes, des communautés ou des religieux et des religieuses individuellement, jusqu'ici liés à la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre, qui désirent rester unis au Successeur de Pierre dans l'Eglise catholique, en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques ”. L’intention était alors explicite: on concède la possibilité de célébrer la liturgie traditionnelle, mais en échange de l’acceptation, au moins tacite, des nouveautés doctrinales du concile pour réabsorber ainsi, avec le temps, la résistance catholique à la révolution dans l’Eglise. Cette ligne a porté des fruits avec certaines communautés traditionnelles qui une fois reconnues juridiquement ont été conduites peu à peu à l’acceptation, au moins de principe, de la nouvelle liturgie et des nouveautés conciliaires dans un silence pour le moins poli. Faisant allusion à ce fait dans sa lettre aux évêques du 10 mars passé, le Pape écrivait : « Moi-même j’ai vu, dans les années qui ont suivi 1988, que, grâce au retour de communautés auparavant séparées de Rome, leur climat interne a changé; que le retour dans la grande et vaste Église commune a fait dépasser des positions unilatérales et a atténué des durcissements de sorte qu’ensuite en ont émergé des forces positives pour l’ensemble. »

Dans ce contexte, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est restée essentiellement unie et fidèle à la ligne de son fondateur : reconnaissance de l’autorité du Pape et, dans le même temps, résistance aux doctrines conciliaires et post-conciliaires opposées à l’enseignement traditionnel.

En concédant le Motu Propriu Summorum Pontificum, le Pape déclare ouvertement avoir voulu suivre les principes mêmes qui avaient motivé l’institution de la Commission Ecclesia Dei: “Dans cette ligne,... faisant tous les efforts pour que tous ceux qui ont vraiment le désir de l’unité puissent y rester ou la retrouver, j’ai voulu élargir et mettre à jour, avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, l’indication générale déjà contenue dans le Motu Proprio Ecclesia Dei concernant la possibilité d’user du Missel Romain de 1962, au moyen de normes plus précises et détaillées”. Le but reste donc toujours le même. Il ne s’agit pas de renoncer aux nouvelles doctrines du Concile Vatican II, mais de les faire accepter par ceux qui restent attachés à la liturgie traditionnelle dans une sorte de cohabitation.

Parlant ensuite du retrait de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X le Pape explique que : “par cet acte on a voulu “lever un obstacle qui pouvait empêcher l’ouverture d’une porte au dialogue et inviter ainsi les évêques et la Fraternité Saint-Pie X à retrouver le chemin vers la pleine communion avec l’Eglise”, et dans le même temps “libérer les personnes du poids de conscience que constitue la punition ecclésiastique la plus grave”.

Ici encore il apparaît clairement qu’il ne s’agit pas de discuter des motifs profonds qui ont conduit Mgr Lefebvre à la consécration épiscopale des quatre évêques, c’est-à-dire de la terrible crise doctrinale que l’Eglise traverse. Le fait est que pour être en communion avec l’Eglise, la condition première et indispensable est la foi. C’est justement à cause de son attachement indéfectible à celle-ci que la Fraternité Saint-Pie X, d’abord régulièrement reconnue, (le 1er novembre 1970 par Mgr François Charrière, évêque de Lausanne et Fribourg,) a été brutalement attaquée (1) et qu’on a cherché à la supprimer, de manière non conforme au droit canonique. Le motif profond de l’invalidité radicale de toutes les censures qui l’ont frappée est justement sa volonté indéfectible de rester fidèle à ce que l’Eglise a toujours enseigné, en vingt siècles de tradition. Et cela dans le marasme doctrinal qui a suivi le concile. L’Eglise ne peut certes condamner tout ce qu’elle a enseigné dans le cours des siècles. Mais ce que, dans son magistère vrai et infaillible elle ne pourra jamais faire, des hommes d’Eglise, imbus de doctrines nouvelles, bien décidés et organisés, peuvent le faire. Cela est arrivé au dernier Concile. Il s’y est produit un vrai coup d’état organisé par une minorité active qui a rejeté les schémas préparatoires pour en imposer d’autres, inspirés par des théologiens choisis comme experts au concile mais déjà condamnés pour leurs idées par Pie XII (2). Pour ce qui concerne l’apostolat de la Fraternité Saint-Pie X qui selon le Pape, “n’a pas de statut canonique dans l’Eglise et dont les ministres ne peuvent exercer de ministères légitimes, on pourrait arguer de sa suppression canonique injuste. Mais dans une période de crise de l’Eglise sans précédent comme celle que nous vivons, il est impossible à une âme de bon sens de ne pas voir l’état de nécessité dans lequel nous nous trouvons. Il faut alors agir en dépassant la lettre du code de droit canon et revenir au motif pour lequel la loi a été faite : “salus animarum suprema lex”.

C’est pourquoi le ministère que la Fraternité exerce actuellement est légitime parce qu’adapté aux circonstances que nous vivons. Même si on confiait à la Fraternité un ministère “ordinaire”, celui-ci serait insuffisant dans la situation actuelle et elle devrait continuer –légitimement- à agir selon les règles de l’état extraordinaire.

En outre, si pour exercer un ministère « légitime », on doit s’abaisser à des compromissions dans le domaine de la foi : acceptation des fausses doctrines sur l’oecuménisme, la liberté religieuse, la nouvelle liturgie, la communion dans la main etc. la voie est toute tracée. “Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes”, avaient répondu les apôtres à la plus haute autorité religieuse qui leur intimait l’ordre de ne plus prêcher au nom de Jésus.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir que la Commission Ecclesia Dei ait été réunie à la Congrégation pour la doctrine de la foi ; “justement parce que – comme dit le Pape – les problèmes qui doivent être traités à présent avec la Fraternité sont de nature essentiellement doctrinale”.

Mgr Lefebvre et la Fraternité Saint-Pie X n’ont jamais voulu défendre des opinions personnelles. Dans les prochaines discussions théologiques il sera très intéressant de pouvoir confronter les textes du magistère traditionnel comme Quanta Cura et le Syllabus de Pie IX, Pascendi de saint Pie X, Mortalium animos et Humani generis de Pie XII, avec ceux du concile et l’enseignement qui en dépend. Lors de ces discussions le but premier et principal pour la Fraternité Saint-Pie X ne sera certes pas d’obtenir une reconnaissance canonique, mais de contribuer au retour de l’enseignement de la doctrine traditionnelle dans l’Eglise et à l’abandon de toutes les erreurs qui en paralysent la force missionnaire et régénératrice de la société.

Abbé Pierpaolo Maria Petrucci, prieur de Rimini (Italie)

Extrait de Veritas n° 69

(1) Mgr Lefebvre,: une vie p. 543 sqq.
(2) Referenza Y Congar o.p. ; H. De Lubac et K Rahner SJ. Mgr Lefebvre: une vie P. 315)