SOURCE - Diocèse aux Armées - Père Robert Poinard - 3 septembre 2009
Musique et liturgie
J’ai dû me fâcher tout rouge l’autre jour avec un chef de chœur qui n’avait visiblement, malgré ses années de pratique, aucune idée de ce qu’est la liturgie.
Je me pointe à la sacristie pour célébrer la messe dominicale, le prêtre local étant absent. J’aime bien arriver suffisamment à l’avance pour savoir où je mets les pieds et m’imprégner des coutumes locales… Voilà donc le responsable de la chorale qui m’apporte le programme des chants de la messe afin que je lui donne mon « nihil obstat » car c’est ainsi, chaque dimanche, qu’il procède avec son curé.
Première surprise : on est en plein mois d’août et le chant d’entrée est un cantique pour le temps de l’avent. L’évangile du jour évoque le thème de l’eucharistie et justement le chant de communion qui figure sur la feuille est habituellement utilisé… comme chant d’entrée en carême ! Décidément on voyage beaucoup dans le temps dans cette paroisse. Je tente de lui expliquer que l’année liturgique, si elle a des couleurs vestimentaires spécifiques pour les ornements des ministres a aussi des couleurs au plan de l’enseignement scripturaire et de la spiritualité. Il en va de même pour les chants qui accompagnent et soutiennent la liturgie.
Seconde surprise : le brave homme me dit (avec le refrain bien connu « on a toujours fait comme ça dans la paroisse » le toujours remontant comme par hasard aux années post-conciliaires) qu’il dispose d’une liste dans laquelle il pioche allègrement de façon à ce que les cantiques reviennent avec une certaine régularité pour que « les gens ne chantent pas toujours la même chose » mais aussi pour qu’il y ait une « certaine variété » (comme si on était à la télé dans une émission de music-hall). Le choix des chants est donc laissé à la compétence du pifomètre ou au gré des goûts et envies du chef de chœur lequel n’a pas la moindre idée qu’on puisse agir autrement…
Après bien des discussions - dont je me serais d’ailleurs bien passé avant la célébration de la messe - j’ai tout de même réussi à faire changer les deux chants les plus controversés. Je me suis rendu compte plus tard que parmi ceux que je n’avais pas eu le temps de lire le chant final prônait une théologie tout à fait contestable mais ma lecture de la feuille avait été sans doute un peu trop rapide… Voilà comment on fait chanter n’importe quoi au bon peuple chrétien qui serait tout surpris, s’il se penchait vraiment sur ce qu’il chante, qu’on lui apprenne qu’il proclame, à très haute voix et avec force vocalises, des hérésies patentées ou tout au moins un enseignement assez peu orthodoxe…
J’ai donc pris le temps d’expliquer à ce chef de chœur, à l’issue de la célébration, ce qu’est la musique dans la liturgie : non pas un bouche trou, non pas un simple ornement esthétique, non pas une occupation du temps récupéré sur les moments de silence, mais une participation de l’assemblée à l’action liturgique dont elle est un acteur. Ce fut l’occasion pour moi de m’apercevoir – une fois encore – que sans une formation minimale tout bénévole de bonne volonté pense – et de bonne foi ce qui est pire - rendre service à l’Eglise sans se douter le moins du monde qu’il est totalement à côté de la plaque. Par exemple qui sait que la lettre qui flanque le titre d’un chant indique son usage ? A pour un chant d’entrée, D pour un chant de communion, E pour un chant d’avent, G pour le carême, et ainsi de suite…
Il existe pourtant en France un centre national de la pastorale liturgique et sacramentelle dont le travail est considérable et qui, dans chaque diocèse, propose des formations régulières d’un grand sérieux. J’ai incité cette personne à s’inscrire à tel ou tel stage de formation pour que cessent ces errements anciens dans lesquels toute une paroisse est entraînée à sa suite.
On cite souvent saint Augustin qui a écrit : « celui qui chante prie deux fois ». Encore faut-il être conscient de ce que l’on chante pour que la musique soit bien le vecteur d’une prière authentiquement chrétienne et non pas une manière de passer le temps ou d’agrémenter une cérémonie. Il y a du pain sur la planche…
Robert Poinard
Musique et liturgie
J’ai dû me fâcher tout rouge l’autre jour avec un chef de chœur qui n’avait visiblement, malgré ses années de pratique, aucune idée de ce qu’est la liturgie.
Je me pointe à la sacristie pour célébrer la messe dominicale, le prêtre local étant absent. J’aime bien arriver suffisamment à l’avance pour savoir où je mets les pieds et m’imprégner des coutumes locales… Voilà donc le responsable de la chorale qui m’apporte le programme des chants de la messe afin que je lui donne mon « nihil obstat » car c’est ainsi, chaque dimanche, qu’il procède avec son curé.
Première surprise : on est en plein mois d’août et le chant d’entrée est un cantique pour le temps de l’avent. L’évangile du jour évoque le thème de l’eucharistie et justement le chant de communion qui figure sur la feuille est habituellement utilisé… comme chant d’entrée en carême ! Décidément on voyage beaucoup dans le temps dans cette paroisse. Je tente de lui expliquer que l’année liturgique, si elle a des couleurs vestimentaires spécifiques pour les ornements des ministres a aussi des couleurs au plan de l’enseignement scripturaire et de la spiritualité. Il en va de même pour les chants qui accompagnent et soutiennent la liturgie.
Seconde surprise : le brave homme me dit (avec le refrain bien connu « on a toujours fait comme ça dans la paroisse » le toujours remontant comme par hasard aux années post-conciliaires) qu’il dispose d’une liste dans laquelle il pioche allègrement de façon à ce que les cantiques reviennent avec une certaine régularité pour que « les gens ne chantent pas toujours la même chose » mais aussi pour qu’il y ait une « certaine variété » (comme si on était à la télé dans une émission de music-hall). Le choix des chants est donc laissé à la compétence du pifomètre ou au gré des goûts et envies du chef de chœur lequel n’a pas la moindre idée qu’on puisse agir autrement…
Après bien des discussions - dont je me serais d’ailleurs bien passé avant la célébration de la messe - j’ai tout de même réussi à faire changer les deux chants les plus controversés. Je me suis rendu compte plus tard que parmi ceux que je n’avais pas eu le temps de lire le chant final prônait une théologie tout à fait contestable mais ma lecture de la feuille avait été sans doute un peu trop rapide… Voilà comment on fait chanter n’importe quoi au bon peuple chrétien qui serait tout surpris, s’il se penchait vraiment sur ce qu’il chante, qu’on lui apprenne qu’il proclame, à très haute voix et avec force vocalises, des hérésies patentées ou tout au moins un enseignement assez peu orthodoxe…
J’ai donc pris le temps d’expliquer à ce chef de chœur, à l’issue de la célébration, ce qu’est la musique dans la liturgie : non pas un bouche trou, non pas un simple ornement esthétique, non pas une occupation du temps récupéré sur les moments de silence, mais une participation de l’assemblée à l’action liturgique dont elle est un acteur. Ce fut l’occasion pour moi de m’apercevoir – une fois encore – que sans une formation minimale tout bénévole de bonne volonté pense – et de bonne foi ce qui est pire - rendre service à l’Eglise sans se douter le moins du monde qu’il est totalement à côté de la plaque. Par exemple qui sait que la lettre qui flanque le titre d’un chant indique son usage ? A pour un chant d’entrée, D pour un chant de communion, E pour un chant d’avent, G pour le carême, et ainsi de suite…
Il existe pourtant en France un centre national de la pastorale liturgique et sacramentelle dont le travail est considérable et qui, dans chaque diocèse, propose des formations régulières d’un grand sérieux. J’ai incité cette personne à s’inscrire à tel ou tel stage de formation pour que cessent ces errements anciens dans lesquels toute une paroisse est entraînée à sa suite.
On cite souvent saint Augustin qui a écrit : « celui qui chante prie deux fois ». Encore faut-il être conscient de ce que l’on chante pour que la musique soit bien le vecteur d’une prière authentiquement chrétienne et non pas une manière de passer le temps ou d’agrémenter une cérémonie. Il y a du pain sur la planche…
Robert Poinard