SOURCE - Mgr Jacques Masson, publié par le site Hermas - 28 septembre 2009
« Monseigneur Lefebvre ? On le poussera au schisme ! » (5)
Je peux revenir à présent à mon point de départ
Au mois de juillet 1971, Mgr Ménager me demande de venir parler avec lui à propos de cette Maison de Spiritualité. L’entretien fut houleux, pas de ma part. Je répondis aux questions de Mgr Ménager ; Je lui montrais le document d’encouragement signé par le Cardinal Wright, alors Préfet de la Congrégation pour le Clergé, le Décret d’Erection de la Fraternité Saint Pie X par Mgr Charrière, l’accord donné par Mgr Adam, Evêque de Sion, le lendemain de Noël 1970, pour la construction d’un séminaire à Ecône.
Mgr Ménager commença à prendre des notes pour rédiger un rapport à transmettre aux Evêques de France : « Si vous prenez des notes, lui dis-je, je ne dis plus un mot ; je ne subis pas un interrogatoire ! ». En hurlant, et en martelant son bureau avec le classeur qu’il avait en mains et sur lequel il voulait prendre des notes : il hurla » : « Je prendrai des notes si je veux ! et ce n’est pas vous qui m’en empêcherez. Si j’avais su, je ne vous aurais pas ordonné prêtre ». « C’est trop tard », lui dis-je, alors qu’il reposait le classeur sur le bureau. C’est amusant, cocasse, délassant même, de voir un Prélat perdre ainsi le contrôle !
Mais, le pire était à venir. Mgr Ménager me déclara, en perdant de nouveau tout contrôle et en hurlant, debout, le bras tendu en avant, menaçant :
« Mgr Lefebvre est un intégriste, il a tout fait pour saboter le Concile. Il dit qu’il est fidèle au Pape, mais il désobéit à Paul VI : il refuse de célébrer la Nouvelle Messe. Eh bien ! on verra jusqu’où ira sa fidélité au Pape : Nous ferons interdire la Messe de Saint Pie V par le Pape Paul VI : OU BIEN IL OBEIRA AU PAPE EN DISANT LA NOUVELLE MESSE, OU BIEN NOUS LE POUSSERONS AU SCHISME ! ».
A ce point de la conversation, je me levais avec calme, et dis simplement à Monseigneur Ménager : « Excellence, l’entretien est terminé ! ». Et je repris la route de Nancy.
NOUS LE POUSSERONS AU SCHISME
J’en arrive à présent où je voulais en arriver ! Le lecteur comprendra aisément qu’il était nécessaire d’être au courant de tout ce qui a précédé (un bref résumé !) pour comprendre ce qui s’est passé dans la tête de Mgr Lefebvre, et quel a été le moment, et surtout quelles ont été les raisons qui l’ont amené à changer la bonne orientation du départ… et à en arriver à la consécration de quatre Evêques.
Il faut savoir ces choses pour comprendre où sont les responsabilités : VERITAS IN CARITATE. VERITAS : Je juge que c’est pour moi un devoir d’expliquer ce changement, car, Monseigneur Lefebvre étant décédé, je suis à présent le SEUL à avoir été un témoin actif, un protagoniste de certaines choses non connues. Et la VERITAS est nécessaire pour éviter de donner toute la faute à un seul, et de lui faire porter toute la responsabilité d’un schisme qui divise toujours l’Eglise et fait souffrir beaucoup de bons catholiques fidèles à leur foi, à l’Eglise au Saint-Père ! IN CARITATE, car je m’abstiens de porter quelque jugement que ce soit. Les faits, c’est tout ! Ils parlent d’eux-mêmes.
L’Année de Spiritualité commença fin septembre 1970, avec 11 élèves. La Fraternité Saint Pie X fut érigée le 1° novembre par Mgr Charrière Evêque de Fribourg. Et, le lendemain de Noël 1970, Mgr Lefebvre, convaincu par le Cardinal Journet, demanda à Mgr Adam, Evêque de Sion, de pouvoir construire le séminaire de la Fraternité Saint Pie X à Ecône. Mgr Nestor Adam donna son accord, malgré ce qui a été prétendu par certains : je voyais Mgr Adam tous les 15 jours, pour faire le point, car il tenait à suivre la marche de la Fraternité, et suivre les projets de construction du Séminaire, ce qui me confirmait l’accord qu’il avait donné.
A la demande du Cardinal Garrone, en 1972, Mgr Adam rédigea un Rapport Canonique sur le Séminaire Saint Pie X, et me demanda de l’aider à réaliser ce document dans lequel il déclarait notamment : « Le séminaire Saint Pie X est probablement le seul au monde qui respecte la Ratio Fundamentalis promulguée par la Congrégation pour les Séminaires ». Pour lui, le Séminaire d’Ecône « était une pluie de roses dans son Diocèse » (sic !)
La nouvelle de cette Fondation fit grand bruit dans la Presse (Paris-Match vint même faire un reportage direct à Ecône, qui fut bien fait, je dois le dire, grâce à un compromis auquel j’étais parvenu sur les termes et les photos à publier !), et les demandes affluèrent à Ecône pour l’Année de Spiritualité : les travaux de construction du futur Séminaire commencèrent sans tarder et à un rythme soutenu.
Les 11 jeunes de l’Année de Spiritualité commencèrent ainsi leur première année du « cycle de philosophie » en octobre 1971. Ils avaient pris la soutane dès leur arrivée à Ecône, le 1° novembre 1980, Solennité de la Toussaint.
Pour la rentrée d’octobre 1972, plus de 50 demandes arrivèrent à Mgr Lefebvre. Certes, le danger était de voir arriver tous les « rossignols » de la chrétienté, tous ceux qui avaient été chassés de leur séminaire, et qui se présentaient comme victimes de leur fidélité à la Tradition, et tous les extrémistes, « sedevacantistes » (ceux qui déclarent que le Siège de Pierre est vide, sans Pape donc, depuis la mort de Jean XXIII), et autres. Un choix judicieux et impitoyable s’imposait donc !
J’ai survolé volontairement ces deux années, qu’il serait intéressant de présenter (je l’ai déjà rédigé, mais ce serait trop long… Patience !), car cette année 1972 est d’une importance capitale pour l’avenir d’Ecône, et pour l’Eglise ! Que le lecteur lise avec soin les lettres qui vont suivre, car elles sont inédites, et les faits ne sont pas connus ! (Même à Ecône probablement !). C’est toute « La clef du mystère du schisme d’Ecône »
(à suivre)