Ce retour de la fête de la Conversion de saint Paul qui nous rassemble ici autour de la tombe de l'Apôtre, près de son insigne basilique, Nous a inspiré de vous ouvrir Notre coeur, confiant dans votre bonté et votre compréhension, au sujet de certains points particulièrement importants d'activités apostolique que ces premiers mois de présence et de contact avec le milieu ecclésiastique de Rome Nous ont suggérés.
Nous n'avons en vue que le bonum animarum (le bien des âmes) et une correspondance bien nette et définie du nouveau Pontificat avec les exigences spirituelles de l'heure présente.
Nous savons que de nombreux côtés, avec amitié et ferveur, et d'autres côtés, avec malveillance et incertitude, on regarde le nouveau Pape, dans l'attente de ce qu'on est en droit d'espérer de lui de plus caractéristique.
Il est bien naturel que sur la trame de l'activité quotidienne qui embrasse les manifestations ordinaires et de plus en plus accrues du devoir pastoral, un point plus particulier soit fixé comme pour marquer la note, sinon la principale et la seule, du moins une des plus expressives, de la physionomie d'un Pontificat qui vient prendre sa place plus ou moins heureusement dans l'histoire.Eh bien ! vénérables frères et chers fils, en repensant au double devoir confié à un successeur de saint Pierre, apparaît soudain la double responsabilité d'évêque de Rome et de pasteur de l'Église universelle. Deux expressions d'une seule investiture surhumaine : deux attributions qu'on ne doit pas séparer, qu'on doit même harmoniser entre elles, pour l'encouragement et l'édification du clergé et de tout le peuple chrétien.
Voici d'abord Rome : en quarante ans, elle s'est complètement transformée en une ville tout autre que celle que Nous avions connue dans Notre jeunesse. Ca et là, on aperçoit les lignes architectoniques fondamentales les plus anciennes, qu'on a quelquefois de la peine à retracer, surtout à la périphérie enveloppée désormais dans un agglomérat de maisons et de maisons, de familles et de familles qui se rassemblent ici de tous points du continent italien, des îles environnantes, et, peut-on dire, de toute la terre. Une vraie ruche humaine d'où monte un bruissement ininterrompu de voix confuses, à la recherche d'un accord, qui facilement se croisent et se séparent, rendant pénible et lent l'effort d'unification des esprits et des énergies constructives pour un ordre qui corresponde aux exigences de la vie religieuse, civile et sociale de la Ville sainte.
Monsieur le cardinal vicaire Nous a mis au courant, avec une grande diligence, de la situation spirituelle de Rome au point de vue de la pratique religieuse, de l'implantation des diverses institutions de caractère paroissial, cultuel, institutions d'assistance, d'instruction chrétienne ; et il Nous plaît de saisir cette occasion pour rendre hommage au réel et louable effort, le sien et celui de ses collaborateurs, zélé et incessant de vigilance et d'apostolat, exercé du sommet à la périphérie par le clergé séculier et régulier, jusqu'aux collaborateurs des institutions catholiques, chacun avec ses intentions droites et claires, avec une activité constante et sincère.
Mais il faut, d'autre part, constater que l'épisode évangélique des foules appelées à suivre le seigneur et à s'approcher de lui, mais impuissantes et incapables de se procurer le pain nourrissant de la grâce, se renouvelle et émeut le coeur du pasteur. peu de pain, peu de poisson : quid sunt inter tantos ? (qu'est-ce que cela pour un tel nombre ?). Tout est dit par là de ce qui a trait à un accroissement d'énergies, de coordination des efforts individuels et collectifs aptes à produire, avec l'aide du Seigneur, un travail spirituel plus intense pour une moisson plus abondante et heureuse de fruits bénéfiques et saints dans le sens de l'adveniat regnum tuum, dans une ferveur de vie paroissiale et diocésaine plus féconde.
Et si l'évêque de Rome étend son regard au monde tout entier, dont il est devenu responsable du gouvernement spirituel par la mission que lui confère son accession au suprême apostolat, oh quel spectacle joyeux, d'une part, là où la grâce du Christ continue à multiplier des fruits et des prodiges d'élévation spirituelle, de salut et de sainteté dans tout l'univers ; et triste, d'autre part, devant l'abus et les compromissions de la liberté de l'homme, qui, ignorant les cieux ouverts et se refusant à la foi dans le Christ, Fils de Dieu, rédempteur du monde et fondateur de la sainte Église, se tourne entièrement vers la recherche des prétendus biens de la terre, et, sous l'inspiration de celui que l'Évangile appelle le prince des ténèbres, prince de ce monde - comme le qualifie Jésus lui-même dans son dernier discours après la Cène, - organise la contradiction et la lutte contre la vérité et contre le bien, position néfaste qui accentue la division entre ce que le génie de saint Augustin appelle les deux cités, en maintenant toujours actif l'effort de confusion pour tromper, si possible, même les élus, et les entraîner dans la ruine.
Pour comble de malheur s'ajoute pour la phalange des fils de Dieu et de la sainte Église, la tentation et l'attrait des avantages d'ordre matériel que le progrès de la technique moderne - indifférente en soi - accroît et exalte.
Tout cela - ce progrès, disons-Nous, - s'il détourne de la recherche des biens supérieurs, affaiblit les énergies de l'âme, conduit au relâchement de l'ensemble de la discipline et du bon ordre ancien, au grave préjudice de ce qui constitue la force de résistance de l'Église et de ses fils aux erreurs qui, en réalité, dans le cours de l'histoire du christianisme, portèrent toujours à des divisions fatales et funestes, à la décadence spirituelle et morale, à la ruine des nations.
Cette constatation suscite dans le coeur de l'humble prêtre que l'indication manifeste de la divine Providence a élevé, malgré son indignité, à ce souverain Pontificat, elle suscite - disons-Nous - une résolution décidée de revenir à certaines formes antiques d'affirmation doctrinale et de sages ordonnancements de la discipline ecclésiastique, qui, dans l'histoire de l'Église, dans une époque de rénovation, donnèrent des fruits d'extraordinaire efficacité, pour clarifier la pensée, resserrer l'unité religieuse, raviver la ferveur chrétienne que nous continuons à reconnaître, même par rapport au bien être de la vie d'ici-bas, comme une richesse abondante de rore coeli et de pinguedine terrae (de la rosée du ciel et des gras terroirs) (Gen., XXVII, 28).
Vénérables frères et chers fils, c'est avec un peu de tremblement d'émotion, mais en même temps avec une humble résolution dans Notre détermination, que Nous prononçons devant vous le nom d'une double célébration que Nous proposons : un synode diocésain pour Rome et un concile oecuménique pour l'Église universelle.
Pour vous, vénérables frères et chers fils, il n'est pas nécessaire de nombreuses explications touchant la signification historique et juridique de ces deux propositions. Elles conduisent heureusement à la mise à jour attendue et souhaitée du Code de droit canon qui devrait accompagner et couronner ces deux exemples d'application pratique de discipline ecclésiastique que l'Esprit du Seigneur viendra nous suggérer le long du chemin. la prochaine promulgation du Code de droit oriental constitue une annonce anticipée de ces événements.
Pour aujourd'hui, il suffit de cette communication faite à tout l'ensemble du Sacré-Collège ici rassemblé, Nous réservant de la transmettre à messieurs les autres cardinaux revenus aux divers sièges épiscopaux qui leur sont confiés dans le monde entier.
Nous désirons, de la part de chacun de ceux qui sont présents et de ceux qui sont au loin, uen parole cordiale et confiante qui Nous assure des dispositions de chacun et Nous offre aimablement toutes les suggestions touchant la réalisation de ce triple dessein.
La connaissance qui Nous était déjà assez familière et que ces trois mois de Notre introduction au service servorum Dei (des serviteurs de Dieu) a confirmée et amplifiée, Nous encourage à faire confiance à la grâce céleste, et surtout à l'intercession de la Mère immaculée de Jésus qui est aussi Notre Mère, à la protection de saint Pierre et de saint Paul apostolorum principum (princes des apôtres), ainsi que de saint Jean Baptiste et de saint Jean l'évangéliste, nos patrons particuliers, et de tous les saints de la cour céleste. De tous, Nous implorons un bon début, une bonne continuation et un heureux succès de ces propositions de travail courageux, une lumière, pour l'édification et la joie de tout le peuple chrétien, une invitation renouvelée aux fidèles des communautés séparées à Nous suivre, elles aussi, aimablement, dans cette recherche d'unité et de grâce, à laquelle tant d'âmes aspirent de tous les points de la terre.
Vénérables frères et chers fils,comme nous apparaissent douces et encourageantes les paroles de saint Léon le Grand, que la liturgie sacrée nous invite maintenant à réciter plus souvent. Aujourd'hui même résonne avec plus de vivacité le salut de saint Paul, le converti de Damas, qui Nous a accueillis ici près de ses souvenirs les plus sacrés : Corona mea... et gaudium vos estis, si fides vestra, quae ab initio Evangelii in universo mundo praedicata est, in dilectione et sanctitate permanserit(Vous êtes ma couronne... et ma joie si votre foi, célèbre dans le monde entier depuis le début de l'Évangile, demeure dans l'amour et la sainteté) (Saint Léon, Sermo2).
Oh ! quel salut que celui-ci : bien digne de notre famille spirituelle. Dilectio et sanctitas : un salut et un souhait. Benedictio Dei omnipotentis Patri et Filii et Spiritus Sancti. Amen.