1 janvier 1970

8 novembre 1963 [Mgr Lefebvre] Cinquième intervention au concile (sur l'œcuménisme)

SOURCE - Mgr Lefebvre - 8 novembre 1963

Vénérables Frères,

Nous sommes quelques Pères d’accord avec l’intention du Schéma et toutes ses affirmations relatives aux dispositions internes à l’égard des frères séparés. Puissions-nous, pour notre part, fournir tous les efforts légitimes afin que ces frères reviennent à l’unité de l’Eglise 

Cependant et pour bien des raisons, ce schéma ne nous semble pas favoriser le retour à cette véritable unité. C’est pourquoi, en général, il ne nous plaît pas. Je m’explique :
  1. Pour son titre même, nous approuvons les observations des Eminentissimes Cardinaux Ruffini et Bacci.
  2. Aux chapitres I, II et III, l’exposition des principes nous paraît favoriser un faux irénisme, soit en obscurcissant la vérité, soit en attribuant des dons spirituels excessifs aux frères séparés.
1. En premier lieu, voici comment les vérités sont amoindries :

Il est bien dit, page 17, lignes 20 à 24 : « Rien n’est plus étranger à l’œcuménisme que ce faux irénisme qui détériore la pureté de la doctrine catholique ou en obscurcit la signification véritable et certaine. » En fait, cependant, les vérités les plus fondamentales en ce domaine sont amoindries. Par exemple :
  • Page 7, lignes 25 et suivantes, la vérité essentielle pour encourager l’unité n’est affirmée qu’indirectement et incomplètement, à savoir que l’unique et indispensable source d’unité est le Souverain pontife, Successeur de Pierre et Vicaire du Christ. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise catholique. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise des Apôtres. Un est Dieu, Un est le Christ, Un est le Vicaire du Christ, Une est l’Eglise. Or, le Vicaire du Christ n’est autre, ici sur terre, que le Pontife romain.
    Cette vérité, d’elle-même, avec force et douceur, attire les âmes vers l’Eglise, Épouse du Christ et notre Mère.
  • Page 9, ligne 2, l’Eglise est dite « secours général du salut« . Or, si l’on recourt à la Lettre du Saint-Office[2], on y trouve également ceci : « C’est pourquoi personne ne sera sauvé qui, sachant que l’Eglise a été divinement instituée par le Christ, refuse pourtant de se soumettre à l’Eglise, ou bien dénie l’obéissance due au Pontife romain, Vicaire du Christ. En effet, notre Sauveur n’a pas seulement prescrit à tous les hommes d’entrer dans l’Eglise ; il a aussi institué l’Eglise comme moyen de salut sans lequel personne ne peut entrer dans le royaume de la gloire céleste.»
  • On voit dès lors que, dans le document cité, l’Eglise n’est pas seulement « un secours général du salut».
Ces exemples montrent clairement que la vérité est amoindrie.

2. En deuxième lieu, il n’est pas parlé correctement de l’inspiration du Saint-Esprit et des biens spirituels dont jouissent les frères séparés.
Page 8, ligne 33, il est dit : « Le Saint-Esprit ne refuse pas de se servir de ces Eglises et Communautés ». Or, une telle affirmation contient une erreur : une Communauté, en tant que Communauté séparée, ne peut jouir de l’assistance du Saint-Esprit, puisque sa séparation est une résistance au Saint-Esprit. Celui-ci ne peut qu’agir directement sur les âmes ou user des moyens qui, de soi, ne portent aucun signe de séparation.
Bien d’autres exemples pourraient être apportés, notamment au sujet de la validité du baptême, de la foi de ceux dont le texte ne parle pas comme il se doit… Mais le temps nous presse.
Au chapitre V, sur « la liberté religieuse », toute l’argumentation s’appuie sur un principe faux. 
On y considère comme équivalentes, en effet, la norme subjective et la norme objective de la moralité. 
Les suites de cette équivalence sont telles dans toutes les sociétés, familiale, religieuse, civile, que le principe en est évidemment faux. On dit à ce propos : « Le bien commun servira de norme aux autorités.» 
Alors, comment définir le bien commun, lequel doit être entièrement fondé sur une norme objective de moralité?
En conclusion : les trois premiers chapitres sur « l’œcuménisme » favorisent un faux irénisme ; le chapitre V, fondé sur le subjectivisme, favorise l’indifférentisme. Aussi, nous repoussons ce schéma.

J’ai dit.


(Texte non lu publiquement, déposé au Secrétariat généal du concile)