| Le motu proprio ne     provoque pas de raz de marée 
 Alors que la décision du pape libéralisant     l'usage du Missel tridentin entre en vigueur vendredi 14 septembre, les     demandes des fidèles qui y sont attachés semblent peu nombreuses pour le     moment
 
 Messe en latin célébrée selon le rite tridentin par l'abbé Philippe     Laguérie, directeur de l'Institut du Bon Pasteur, à l'église Saint-Eloi,     à Bordeaux, le 31 décembre 2006 (Photo Razzo/Ciric).     C’est vendredi 14 septembre qu’entre en vigueur le motu     proprio Summorum pontificum publié le 7 juillet par Benoît XVI en vue de     libéraliser l’usage du Missel de saint Pie V, ou plutôt, comme l’écrit     le pape, le missel de Jean XXIII. Or, l’enquête réalisée par La     Croix établit que les demandes de célébrations selon cette « forme     extraordinaire » du rite romain sont, pour l’instant, peu nombreuses.
 Au total, à ce jour, on ne connaît que 10 lieux de culte nouveaux qui     accueilleront des liturgies selon l’ancien missel en France,     principalement dans des diocèses où aucune n’était célébrée     auparavant. Ce chiffre repose sur une enquête téléphonique que La     Croix a réalisée cette semaine auprès de tous les diocèses. Il     faudra bien sûr tirer un nouveau bilan dans quelques mois pour mesurer     l’amplitude exacte de cette réforme.
 Ces premiers chiffres semblent surtout montrer que les 124 lieux de culte     où était déjà appliqué le motu proprio Ecclesia Dei adflicta, signé en     1988 par Jean-Paul II, étaient suffisants. Même si certains évêques,     comme à Annecy (Haute-Savoie), prévoient de transférer les fidèles vers     des églises plus grandes. à Paris, ce sera de Notre-Dame-du-Lys à     Saint-Germain-l’Auxerrois.
 "A priori, les besoins sont couverts"
 
  «     A priori, les besoins sont couverts », confie le P. Christian Duquidt, délégué     épiscopal à l’information pour le diocèse de Limoges (Haute-Vienne), où     une messe selon le missel de 1962 était déjà célébrée deux fois par     mois. Mais, comme le relève le P. Michel Martin, vicaire général du diocèse     de Viviers (Ardèche), « si des demandes doivent être formulées, c’est     maintenant qu’elles le seront ». 
 « Les demandes vont apparaître après le 14 septembre », prévoit l’abbé     Paul Aulagnier, ancien supérieur du district de France de la Fraternité     Saint-Pie-X, intégriste, et qui a participé l’an dernier à la création     de l’Institut du Bon-Pasteur. Mais cet ancien proche de Mgr Lefebvre est     dubitatif sur l’application du motu proprio : « Je ne suis pas sûr que     la procédure choisie par le Saint-Père soit la bonne, déclare-t-il. Les     curés oseront-ils accepter la demande de fidèles attachés au Missel de     Jean XXIII ? Et quelle sera l’attitude des évêques vis-à-vis de ces curés     ? »     Pourtant, du côté des évêques de France, où le sujet a été abordé     mardi lors d’une réunion du Conseil permanent de la Conférence épiscopale     à laquelle participaient les archevêques métropolitains, on note une réelle     volonté d’apaisement. Le motu proprio sera pleinement appliqué. Tout le     motu proprio, mais rien que le motu proprio ! Pas question, par exemple, de     faire le lit de groupes qui mettraient en cause la validité de la réforme     liturgique issue de Vatican II.
  Comment définir un « groupe stable » ?
 
  Concrètement,     les évêques ont, pour la plupart, déjà commencé à accueillir la     demande de fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain.     Mais il s’agit souvent de demandes individuelles, comme dans le diocèse     de Séez (Orne) où 12 courriers sont arrivés. Ces personnes ne constituant     pas un « groupe stable » comme le stipule le motu proprio, elles ne     devraient pas être acceptées. D’autant qu’une messe dans l’ancien     missel est célébrée le dimanche à Sées. « Dans mon diocèse, j’ai eu     une demande d’une seule famille : j’ai donc écrit à Rome pour savoir     s’il s’agit d’un groupe stable », confie un évêque à La Croix.     C’est tout le problème de l’application de Summorum pontificum     : comment définir un « groupe stable » ? Sur les sites Internet     traditionalistes, des forums proposent aux fidèles de se regrouper. Mais     ils sont peu actifs. « Si vous désirez constituer un groupe stable autour     de Luxeuil-les-Bains, je suis partant. Alors faites-le-moi savoir », écrit     « Séb59 » sur le site Forum catholique. Ce qui en dit beaucoup sur la «     stabilité » d’un futur groupe… Autre question : quels prêtres affecter à ces groupes ? « Je n’ai     que très peu de prêtres sachant célébrer dans l’ancienne forme, et     j’en ai besoin ailleurs », explique un évêque du sud de la France.     Certes, les évêques ont la possibilité de faire appel aux instituts     religieux voués à l’ancien rite, comme la Fraternité Saint-Pierre ou     l’Institut du Bon-Pasteur. Mais ils craignent de ne plus avoir de regard     sur ce qui se passera dans les communautés traditionalistes.
 « Les évêques finiront par demander notre aide », assure l’abbé     Aulagnier, à l’Institut du Bon-Pasteur dont cinq membres seront ordonnés     prêtres le 22 septembre à Bordeaux par le cardinal colombien Dario     Castrillon Hoyos, président de la commission Ecclesia Dei.
  Peu à dire "nous revenons"
 
  Reste     une inconnue : le ralliement de prêtres et de fidèles venues de la     Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). À Rome, certains caressaient     l’espoir que la publication de Summorum pontificum favoriserait le     retour d’intégristes dans le giron romain. Il semble qu’ils soient peu     nombreux, même si plusieurs évêques se disent « touchés » d’avoir     entendu, depuis, des personnes leur dire : « Nous revenons. »     La Fraternité Saint-Pie-X continue à demander bien plus que la libéralisation     de l’ancien missel. « La ruine de l’Église ne tient pas uniquement à     la question liturgique », explique l’abbé Régis de Cacqueray sur le     site du district de France de la FSSPX, dont il est le supérieur : « Aussi     importante qu’elle soit, elle demeure seconde par rapport à la vérité     théologique dont elle n’est qu’une traduction. » Pour ces intégristes, le motu proprio ne peut être qu’une première     étape avant un retour doctrinal à la situation d’avant Vatican II. Et     ils continuent à critiquer vertement le Missel de Paul VI. Bien loin de     l’attitude d’apaisement voulu par Benoît XVI.
 Nicolas SENÈZE (avec les correspondants régionaux     de "La Croix")
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