| Entretien. Mgr Robert Le Gall, archevêque de     Toulouse. - « Les évêques de France veulent avant tout écouter les gens     ».     Pour le président de la Commission épiscopale pour la liturgie et la     pastorale sacramentelle, le plus important est de dépassionner le débat. 
 
 Sentez-vous les évêques de France inquiets     au moment de l'entrée en vigueur du motu proprio ? Mgr Robert Le Gall : Notre volonté est avant tout       de décrisper et de dépassionner le débat. Tel est bien l'esprit du       texte de Benoît XVI. Ce n'est pas un retour en arrière, car le latin       demeure la référence : il suffit de voir ce qui se passe à Saint-Pierre       de Rome ou, encore récemment, les liturgies catholiques au rassemblement       œcuménique de Sibiu, qui étaient en latin. Et la forme ordinaire du       rite romain demeure la forme la plus courante. Il faut absolument se       garder de passionner les choses.
 Les demandes de messes selon le rite de Jean     XXIII ont-elles été nombreuses ? Pour l'instant, pas tellement. Mais les vacances       ont fait en sorte qu'il n'y ait pas trop de vagues. Avec la rentrée, je       crois qu'il y aura quand même un certain nombre de demandes. Ce que nous       commençons à nous dire entre évêques, c'est qu'il faudra trouver des       prêtres pour s'acquitter de cette tâche et il n'est pas évident qu'il y       en ait assez.
 Pourquoi ne pas faire appel aux instituts     religieux traditionalistes ? Il faut que l'évêque puisse rester modérateur       dans son diocèse. Et ce n'est pas facile, quand on laisse le champ libre       à des prêtres qui font cavalier seul. Nous nous efforcerons de donner       leur place à ces instituts : il ne s'agit pas de les rejeter. Mais il est       important pour un évêque d'avoir un regard sur la manière dont les       communautés célèbrent la liturgie dans son diocèse. Il ne faut pas       qu'il y ait deux Églises parallèles. Les évêques de France veulent       avant tout écouter les gens et faire ce qui doit être fait, mais dans       les conditions du motu proprio.
 C'est-à-dire ? Ceux qui demanderont des célébrations dans la       forme extraordinaire du rite romain (NDLR : le Missel d'avant Vatican II,       dit de saint Pie V) devront reconnaître et la validité et la sainteté       de sa forme ordinaire (NDLR : le Missel promulgué par Paul VI). Mais ce       n'est rien d'autre que ce qui est exigible.
 Le motu proprio demande aux curés d'accueillir     les demandes venant de « groupes stables » de fidèles attachés au Missel     dit de saint Pie V. Comment interprétez-vous cette expression ? C'est le point délicat. Le curé est juge de       cette « stabilité », même si les évêques vont donner des directives       pour réguler cette question. Il ne s'agit pas, en tout cas, de groupes       artificiels apparus comme cela, ou de groupes de fait qui constitueraient       une opposition. Cela, ce n'est pas du tout ce que veut le pape : il a agi,       au contraire, dans un esprit d'ouverture et d'enrichissement mutuel entre       les deux formes.
 Comment cet enrichissement peut-il se faire     ? Le pape nous donne deux directions. D'abord que       nous soyons, dans les célébrations « ordinaires », capables de mettre       en valeur le caractère sacré du silence. C'est déjà ce qui est demandé       par la restauration liturgique entamée après le Concile. Il nous faut       donc respecter le rite dans sa profondeur. Mais il faut aussi que la forme       « extra ordinaire » du rite romain puisse profiter de la grande richesse       du lectionnaire publié après Vatican II.
 Cela veut-il dire qu'il faudra modifier l'ancien     rite ? Il peut paraître souhaitable que le Missel de       Jean XXIII intègre, par exemple, les nouvelles préfaces. Il faut reconnaître       qu'il est assez « pauvre » là-dessus et gagnerait à reprendre la       grande richesse de ses préfaces, d'ailleurs souvent liées à des       formulaires très anciens.
 RECUEILLI PAR NICOLAS SENÈZE |