30 novembre 2010

[La Nef - Christophe Geffroy] Le carmel d'Alençon : honorer la Mère de Dieu

SOURCE - La Nef - Christophe Geffroy - novembre 2010

Comme la plupart des ordres religieux, le Carmel n’a pas échappé à la crise. Certains monastères, cependant, restés fidèles aux constitutions de sainte Thérèse d’Avila, se portent mieux que d’autres. C’est le cas du Carmel d’Alençon, ville natale de sainte Thérèse de Lisieux. Entretien avec la Mère supérieure.
La Nef – Pourriez-vous d’abord nous dire quelques mots sur l’origine et l’histoire du Carmel d’Alençon et où il en est aujourd’hui ?
Mère Marie-Catherine de la Trinité – Il y a eu deux carmels à Alençon. Le premier exista de 1780 à 1792 grâce à Madame Louise de France, Prieure du Carmel de Saint-Denis. Les carmélites furent dispersées pendant la tourmente révolutionnaire.

En 1888, le Carmel du Mans envoya six sœurs pour réaliser une deuxième fondation à l’instigation du Chanoine Lebouc et de ses deux sœurs.
Nous sommes actuellement treize. Outre le temps passé au chœur (6 à 7 heures) et les tâches domestiques ordinaires, notre artisanat principal est la confection de santons et d’Enfants-Jésus en cire : artisanat typiquement carmélitain. Sainte Thérèse d’Avila emportait toujours une statue de l’Enfant-Jésus dans ses fondations : Il est Roi au Carmel. Il montre le visage du Père venant à nous comme un enfant et nous apprend à retourner au Père en enfant.
Quel est l’apport spécifique du Carmel parmi les ordres contemplatifs féminins ?
L’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel a été institué pour honorer la Mère de Dieu. Un adage ancien le définit : « le Carmel est tout entier de Marie ». Sans l’amour de Marie, le Carmel cesserait d’être le Carmel, à cet amour Marie a répondu en remettant le Scapulaire à saint Simon Stock (Général de l’Ordre) en 1251.

C’est l’âme pleine d’amour pour Marie, que notre Mère sainte Thérèse entreprit sa réforme au XVIe siècle dont elle a clairement expliqué le but et les moyens, le principal étant l’oraison. Elle nous dit : « Je vous demande de vous efforcer d’être telles que nous méritions d’obtenir de Dieu deux choses. La première est que, parmi les innombrables théologiens qui nous entourent, beaucoup aient les qualités nécessaires à leur état et, s’ils ne les ont pas toutes, que le Seigneur les leur donne. La seconde, qu’une fois engagés dans cette mêlée qui n’est pas petite, le Seigneur les soutienne de sa main afin qu’ils sachent se libérer des périls du monde et se bouchent les oreilles au chant des sirènes sur cette mer périlleuse. Si, sur ce point, nous pouvons obtenir quelque chose de Dieu, dans notre clôture nous combattons pour Lui. Si vous n’offrez pas vos oraisons, vos vœux, vos disciplines et vos jeûnes pour ce but que je vous ai dit (la Sainte Église et sa hiérarchie), soyez sûres et pensez bien que vous ne faites pas ce que vous devez, que vous n’accomplissez pas les fins pour lesquelles le Seigneur vous a réunies en ce lieu ».

L’apport spécifique est tout simple : les âmes se perdent, soutenons les théologiens et les prêtres pour qu’ils soient de bons pêcheurs d’hommes. C’est exactement ce que disait sainte Thérèse d’Alençon : « Je suis venue au Carmel pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».
Bien des communautés ont fait naufrage après le Concile, comment avez-vous surmonté ces temps troublés ?
Dans la tempête, il reste toujours la boussole infaillible : le pape ! Dans les années après le Concile, tout le monde était désorienté ; beaucoup se croyaient « inspirés d’En-Haut ». Nous nous accrochions au pape strictement.

Pour la liturgie, nous n’avons pas suivi nos préférences. Nous avons écouté le successeur de saint Pierre, quoi qu’il en coûte et il en a coûté justement en raison de ceux qui se croyaient « inspirés ».

Nous avons eu cette grâce de n’avoir eu comme prédicateurs de retraite que des théologiens très sûrs, mais c’est vrai que le tri n’était pas facile.

Le Carmel n’est pas à « inventer » sans cesse. Nous avons des parents qui nous ont montré la voie, à nous de la suivre. Si on lit honnêtement notre Mère sainte Thérèse, les « problèmes » sont vite résolus.
Vous faites partie des 92 carmels à avoir opté pour les Constitutions promulguées le 8 décembre 1990 par le pape Jean-Paul II. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
Après le Concile, une nouvelle législation « ad expérimentum » (les Déclarations) a régi les Carmélites Déchaussées en remplacement des Constitutions en vigueur.

Cette période « d’expérience » engendra tensions, controverses et, malheureusement, abandon d’éléments essentiels à notre vie. Un grand nombre de Carmélites supplia le Saint-Siège d’avoir une législation fidèle au charisme thérésien et aux documents du Concile Vatican II.

En 1984, Sa Sainteté Jean-Paul II trancha la question par une lettre du cardinal Casaroli disant : « Il est hors de doute que le charisme de la réforme thérésienne trouve son expression véritable dans les Constitutions de 1581, ultime texte ardemment désiré et approuvé par la Sainte fondatrice. »

À partir de cette lettre, nous avons attendu nos nouvelles Constitutions révisées, mais les projets de l’Ordre n’aboutissaient pas. Aussi les Prieures du monastère de San José à Avila (noyau de la réforme) et du monastère de la Colline des Anges de Getafe-Madrid de sainte Maravillas de Jésus ont soumis directement à Sa Sainteté Jean-Paul II le texte des Constitutions de 1581, révisées selon les documents du Concile et du nouveau code de droit canonique. Jean-Paul II, qui connaissait bien le Carmel, les a tout de suite approuvées.

Les Constitutions de 1990 ont gardé le texte original de 1581 en son entier. Ainsi nous ne pouvons pas « interpréter ». La Madre nous parle directement avec sa chaleur, sa simplicité et son sens pratique.
Où en sont les vocations chez les Carmélites ? En quoi est-ce une vocation « d’actualité » ?
Le Seigneur appelle toujours. Nous ne traversons pas une crise des vocations mais des réponses à la vocation.
Il y a des jeunes qui viennent, attirées par la simplicité et l’absolu du Carmel, quelques-unes persévèrent. Les autres (plus nombreuses) retournent dans le monde, certaines, parce que le Carmel n’était pas leur vocation mais c’est rare, les autres... il y a beaucoup d’infidélité.

« L’actualité » de notre vocation s’est révélée de façon encore plus évidente lors de l’année sacerdotale. Pour nous, ipso facto, elle était « l’année de la Carmélite ». La triste campagne médiatique orchestrée contre le Saint-Père et les prêtres met en valeur la nécessité de les défendre avec nos seules armes : la prière et le sacrifice.

Le modèle, la Mère, la Maîtresse de vie d’une carmélite, c’est la Vierge Marie. Près d’Elle nous sommes au pied de la Croix comme Marie-Madeleine avec saint Jean qui représente tous les prêtres. Nous offrons au sang rédempteur ceux que le Christ a choisis pour être ses amis. C’est là le Cœur de l’Église.
La petite Thérèse de Lisieux est née à Alençon. Que cela signifie-t-il pour vous ? Demeure-t-elle un exemple pour une carmélite du XXIe siècle ?
Là où l’on naît, là est le cœur. Thérèse est toujours ici.

Alençon, c’est la ville où elle a fait ses premiers pas dans la vie, où elle est devenue enfant de Dieu et de l’Église, où elle a pu contempler l’amour de ses parents, Louis et Zélie Martin, modèles de couple chrétien à notre époque où le mariage et la famille sont tellement attaqués. Alençon, ce sont les « années ensoleillées » de la petite enfance jusqu’à la douloureuse épreuve de la mort de sa mère. Sainte Thérèse demeure un exemple pour une Carmélite du XXIe siècle, car elle a compris en profondeur l’Évangile. Elle est la voix de Marie prenant la parole pour dire que sa vocation fut de se plonger dans l’humilité de l’Amour.
Quels sont vos choix liturgiques et pourquoi ? Comment voyez-vous l’avenir de cette question dans l’Église ?
Depuis la promulgation du Motu proprio Summorum Pontificum, les messes du dimanche et des fêtes de précepte sont célébrées dans notre chapelle selon la forme extraordinaire et, en semaine, selon la forme ordinaire. Notre préférence va à la forme extraordinaire, faisant nôtre ce que disait André Frossard : « Je trouve que la nouvelle messe n’est pas assez contemplative, que l’on y parle trop et que la part du mystère y est bien réduite ». La forme extraordinaire exprime mieux le sacré, l’amour et le respect. C’est une liturgie « amoureuse ». Comparez par exemple les traductions du missel Dom Lefebvre avec celles d’un missel moderne. Le ton n’est pas du tout le même. Aujourd’hui on parle à Dieu d’égal à égal, ou peu s’en faut. Pour nous, ce n’est pas du tout une question d’être attachées au temps jadis. Nous ne sommes pas des passéistes.

Quant à l’avenir de cette question, en filles de l’Église, nous nous appuyons sur Sa Sainteté Benoît XVI.
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Propos recueillis par Christophe Geffroy

Monastère du Carmel, 2 place Marguerite de Lorraine, 61000 Alençon. Tél : 02 33 26 15 66.

Messe le dimanche et les fêtes d’obligation, selon la forme extraordinaire, à 9h.

29 novembre 2010

[Abbé Gaudron, FSSPX - DICI] Lumière… et ombres dans le livre-entretien de Benoît XVI

SOURCE - Abbé Gaudron, FSSPX - DICI - 29 novembre 2010

L’abbé Matthias Gaudron, de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, a été ordonné prêtre par Mgr Tissier de Mallerais en 1990. Il a dirigé durant douze ans le Séminaire international du Sacré-Cœur à Zaitzkofen (Bavière). Il est actuellement en poste au prieuré Saint-Pierre de Berlin. Auteur du Catéchisme catholique de la crise dans l’Eglise (éd. du Sel), il est consulteur auprès de la commission de la Fraternité Saint-Pie X chargée des discussions doctrinales avec le Saint-Siège. Nous publions ici la recension qu’il a faite de l’ouvrage de Benoît XVI, dès sa publication en Allemagne, mise en ligne le samedi 27 novembre sur le site du district d’Allemagne.

Une fois de plus parmi les faits et gestes du Pape, des déclarations isolées, pas même centrales, sont montées en épingle et menacent de faire oublier tout le reste. Tout comme ses propos critiques envers l’islam – lors du discours de Ratisbonne – et ses paroles sur le préservatif – lors du voyage en Afrique – furent retransmis d’une manière déformée et souvent bien peu fidèle à la vérité, c’est sur le même ton que la presse mondiale claironnait ces jours derniers, que le Pape avait enfin permis le préservatif, et qu’elle solennisait cet événement comme un revirement historique dans l’univers de la morale catholique.

Le Pape a-t-il permis l’utilisation du préservatif ?

Dans les faits, le Pape a simplement dit que l’on pouvait voir dans l’utilisation du préservatif par un prostitué avec l’intention d’empêcher la transmission du sida, un premier pas vers sa propre moralisation et responsabilisation. On pourrait dire dans le même sens, que la décision prise par un voleur meurtrier, de restreindre dans le futur ses activités au larcin, afin de ne plus attenter à la vie du prochain, pourrait être regardée subjectivement comme un premier pas vers sa moralisation. En conclure que le larcin deviendrait pour autant moralement défendable, est tout aussi déloyal que les assertions de certains évêques et théologiens, selon lesquelles Benoît XVI aurait enfin ouvert la porte aux moyens de contraception.

Il faut cependant remarquer que la référence du Pape à « des cas particuliers » fournit un certain fondement à ces interprétations. Il aurait dû, en effet, profiter de la question de Peter Seewald qui lui demandait si l’Eglise n’est pas « par principe contre l’utilisation du préservatif » pour lever tout doute. Mais il répond simplement, que l’Eglise ne considère pas le préservatif comme « une solution véritable et morale », quoique dans « l’un ou l’autre cas » cependant, il pourrait « constituer un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité plus humaine. » (p.161) [1] Pour parler poliment, c’est faible. Que la sexualité ne puisse être vécue d’une manière conforme à la volonté de Dieu et digne de la nature humaine que dans le mariage uniquement, et qu’ici le préservatif ou tout autre moyen de contraception artificiel soit à rejeter moralement, cela n’est bien entendu pas nié par le Pape, mais cela n’est pas non plus affirmé clairement, ce qui pourtant serait bien nécessaire aujourd’hui. De ce fait, et en raison de sa volonté d’aller le plus possible à la rencontre du monde laïcisé et de ne blesser personne, il partage avec les media une certaine responsabilité dans la confusion et la déception que les informations de ces derniers jours ont provoquées parmi les catholiques fidèles.

Il faut également noter, dans l’affirmation selon laquelle l’Eglise catholique approuverait la régulation naturelle de la fécondité (p.194) une certaine atténuation de la morale catholique. Il est certes moralement défendable qu’un couple utilise les périodes non fertiles du cycle féminin pour espacer un peu les naissances ou même pour en limiter le nombre, mais dans le cas seulement où un accroissement de la famille, pour des raisons de santé, des raisons économiques ou autres raisons similaires et graves ne serait pas moralement responsable.[2] L’affirmation du Pape peut laisser l’impression que les époux seraient autorisés à utiliser la régulation naturelle là où d’autres personnes recourent aux moyens de contraception artificiels, c’est-à-dire dans le but de n’avoir aucun ou tout au plus qu’un nombre restreint d’enfants. Or cela ne correspond pas du tout à la morale catholique, étant donné que la procréation est le but principal du mariage.

Les cas d’abus envers des mineurs – le célibat

Bien évidemment, les cas d’abus sexuels commis par des prêtres catholiques occupent une bonne partie de l’ouvrage. A propos du problème de la dissimulation de ces cas par certains supérieurs ecclésiastiques, le Pape fait la constatation intéressante que « le droit pénal ecclésiastique avait fonctionné jusqu’à la fin des années 50 (…). Mais depuis le milieu des années 60, il ne fut tout simplement plus appliqué. La conscience dominante affirmait que l’Eglise ne devait plus être l’Eglise du droit, mais l’Eglise de l’amour ; elle ne devait pas punir » (p. 46 et suivantes). Ces propos font pour le moins allusion au désastre qui devait s’abattre sur l’Eglise avec le IIe Concile du Vatican. Mais ce problème n’est pas traité dans l’ouvrage.

La question du célibat revient quant à elle sur le tapis. Benoît XVI ne s’aventure pas à esquisser un relâchement de la discipline romaine du célibat sacerdotal. Toutefois, ce qu’il dit des prêtres qui vivent en concubinage avec une femme, est singulier. Dans ces cas on devrait, dit-il, examiner « s’il y a une réelle volonté du mariage et s’ils (le prêtre et sa concubine) pourraient former un bon ménage. S’il en est ainsi, ils doivent suivre ce chemin. » (p. 61). Cela correspond certes à la pratique actuelle à Rome, qui est de laïciser systématiquement ces prêtres, mais est en contradiction flagrante avec la discipline ecclésiastique d’avant Vatican II. Le fait d’accorder si facilement au prêtre la contraction d’un mariage met en cause le sens véritable du vœu de chasteté qu’il a prononcé. La promesse définitive faite, devant Dieu, de vivre dans la continence a-t-elle une signification si légère ? L’homme marié lui-même ne peut pas simplement s’en aller, lorsque la vie commune avec son épouse lui semble devenue pénible. Par ailleurs, quelle fidélité conjugale peut-on attendre d’un prêtre qui n’a pas hésité à récuser les serments les plus sacrés qui soient au monde ?

Le Pape remarque avec raison que le célibat « n’est réalisable et crédible que si Dieu existe et si je m’engage ainsi en faveur du royaume de Dieu. Dans cette mesure, le célibat est un signe d’une nature particulière ». Pour cela, « il est important que les prêtres ne vivent pas isolés, qu’ils soient ensemble au sein de petites communautés, qu’ils se soutiennent les uns les autres, qu’ils découvrent ainsi la communauté qu’ils forment dans leur action au service du Christ et dans leur renoncement au profit du Royaume céleste » (p. 196). Dès sa fondation, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a réalisé cet idéal.

L’homme est capable de vérité

Les paroles du Pape au sujet de la « dictature du relativisme » comptent parmi les passages les plus importants de son livre. A l’encontre « d’une grande partie des philosophies actuelles » Benoît XVI professe fermement la capacité de l’homme au vrai et se plaint de ce que « le concept de vérité (soit) désormais un objet de soupçon » (p. 75). Dans ce contexte, il trouve même des expressions fortes contre l’intolérance caractéristique de la société moderne à l’égard du christianisme : « Quand par exemple, au nom de la non-discrimination, on veut forcer l’Eglise catholique à modifier sa position sur l’homosexualité ou l’ordination des femmes, cela veut dire qu’elle ne peut plus vivre sa propre identité, et qu’au lieu de cela, on fait d’une religion négative et abstraite un critère tyrannique auquel chacun doit se plier » (p. 78). « Qu’au nom de la tolérance la tolérance soit abolie, c’est une menace réelle » (p. 78).

L’affaire Williamson

Le « cas Williamson » fait à lui seul l’objet d’un chapitre. L’avis du Pape, selon lequel Mgr Williamson n’aurait « jamais été catholique au sens propre du terme », du fait qu’il serait « directement passé des anglicans chez Lefebvre » n’est pas juste (p. 165). Ce n’est pas dans la Fraternité Saint-Pie X que Richard Williamson a rejoint la foi catholique, mais indépendamment d’elle, dès avant son entrée au séminaire d’Ecône. De plus, à l’époque où il y entra, parmi les premières promotions de séminaristes, la Fraternité jouissait de la complète approbation des autorités ecclésiastiques compétentes.

Il est intéressant d’apprendre (p. 164), que déjà sous le pontificat de Jean-Paul II, une réunion de tous les chefs de dicastères avait décidé d’accorder le retrait de l’excommunication, au cas où les évêques l’auraient demandé. A part cela, il n’est guère fait mention de la Fraternité Saint-Pie X, ni d’autres communautés traditionnelles, dans l’ouvrage du Pape. La libéralisation de la messe traditionnelle devait être un signe pour la cohésion interne de l’histoire de l’Eglise ; l’adoption par Benoît XVI de la distribution de la communion dans la bouche, est à ses yeux un « signal clair » en faveur de la « présence réelle » (cf. p. 207-208). Le Pape dit à cette occasion ne rien avoir en principe contre la communion dans la main, et considérer la nouvelle messe comme la forme normale de la célébration, tout en rappelant régulièrement que la liturgie ne devrait pas être un espace livré aux ébats créatifs du célébrant.

L’œcuménisme et les relations avec les juifs

L’œcuménisme est encore et toujours pour Benoît XVI le chemin que l’Eglise doit suivre. Il évoque avec insistance les bonnes relations qu’il entretient, principalement avec plusieurs dirigeants des communautés orthodoxes. Quant aux protestants, il est contraint d’avouer que ceux-ci « avec l’ordination des femmes, l’acceptation des couples homosexuels, etc. » se sont plutôt éloignés de l’Eglise (p. 128-129), ce qui cependant ne lui fait nullement remettre en cause l’orientation œcuménique. Saint Augustin écrivait à propos des hérétiques : « En beaucoup de points, ils sont avec moi, en quelques-uns seulement ils ne sont pas avec moi ; mais à cause de ces quelques points sur lesquels ils se séparent de moi, il ne leur sert de rien d’être avec moi en tout le reste. » (In Psalm. 54, n. 19 ; PL 36,641). Bien que Benoît XVI ait l’évêque d’Hippone en grande vénération, il semble bien que sur ce point il se sépare de lui, puisque par ailleurs il recherche des points communs avec les protestants. La dénomination « communauté ecclésiale » (et non Eglise) pour les protestants est sensée montrer « qu’ils sont Eglise, mais d’une autre manière » (p. 130). Selon Benoît XVI, le christianisme a, dans le protestantisme, « entrepris une sorte de déplacement des centres de gravité » et l’on s’efforce de se reconnaître mutuellement en tant que chrétiens et, en tant que tel, de se rendre service les uns aux autres (p. 130). Ce regard positif sur le protestantisme est en contradiction avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Chaque protestant pris comme personne privée peut certes être « bona fide », c’est-à-dire de bonne foi par défaut de connaissance ; mais le protestantisme en lui-même ne peut être dit « une autre manière d’être Eglise », il est séparé de l’Eglise du Christ.

La défense nette par Benoît XVI du pape Pie XII contre les accusations injustes et intenables qui, à la suite du dramaturge Rolf Hochhuth [3] sont continuellement portées contre lui, est très réjouissante (p. 146). Lorsque des objectants disent de Pie XII, qu’il avait des juifs – malgré tout ce qu’il a fait pour les sauver – « une conception démodée » et qu’il n’était pas « à la hauteur du concile Vatican II », Benoît XVI écarte cette critique, mais il montre de nouveau qu’il est lui à la hauteur de Vatican II.

En effet, plutôt que de parler des « frères aînés » – une expression que les juifs, la reliant à Esaü (le frère réprouvé) pourraient trouver blessante – Benoît XVI parle de « nos pères dans la foi » (p. 114). Si cela est juste des juifs de l’Ancien Testament, cela ne l’est pas de ceux qui vivent aujourd’hui et qui rejettent expressément le Christ et son Eglise. Ses explications à propos des nouvelles oraisons qu’il a introduites dans le rite traditionnel du Vendredi Saint, sont encore plus obscures. Contrairement à beaucoup de courants de la théologie moderne, le Saint Père remarque « qu’il n’existe pas deux chemins vers le salut, que le Christ est donc aussi le sauveur des juifs et pas seulement celui des païens », mais il ajoute aussitôt que dans la nouvelle oraison il ne s’agit pas de prier « immédiatement pour la conversion des juifs au sens missionnaire du terme, mais pour que le Seigneur puisse susciter l’heure historique à laquelle nous serons tous unis les uns aux autres » (p. 145). A quiconque pense logiquement, il sera difficile de comprendre pourquoi l’on ne prierait pas pour la conversion des juifs, alors qu’il est acquis que le Christ est leur Sauveur. De plus, à la lecture de l’oraison introduite par Benoît XVI : « Prions aussi pour les juifs, afin que Dieu Notre Seigneur éclaire leurs cœurs, pour qu’ils reconnaissent le Christ comme le Sauveur de tous les hommes », le fidèle normal sera bien induit à penser que l’on prie pour la conversion des juifs.

La crise de l’Eglise

La crise de l’Eglise, surtout en ce qui concerne l’Europe et l’Amérique du nord, est souvent évoquée. En raison de l’origine du Pape (et de Peter Seewald) la situation particulière de l’Allemagne fait l’objet d’une attention spéciale. Benoît XVI est conscient « qu’il existe dans l’Allemagne catholique un nombre considérable de personnes attendant, en quelque sorte, le moment où elles pourront s’en prendre au pape » (p. 169). Il ne peut pas s’expliquer pourquoi en Allemagne, où chaque enfant suit entre neuf et treize ans d’instruction religieuse, « cela laisse aussi peu de traces » (p. 186). Voilà bien un euphémisme ! Le Pape ne peut pas ignorer que les livres officiels de l’enseignement catholique transmettent tout autre chose que la foi catholique, et que la plupart des professeurs de religion, malgré la mission canonique donnée par l’évêque, ne sont pas aptes à transmettre la foi. Par conséquent, son exhortation aux évêques « de réfléchir sérieusement à la manière dont on peut donner à la catéchèse un nouveau cœur » doit probablement être comprise comme une critique implicite.
Pour conclure

Dans ce nouveau livre, Benoît XVI reste fidèle à sa ligne. Il demeure ce Pape enseignant et pacifique, qui s’efforce de tout comprendre, d’éviter les extrêmes et de concilier dans l’Eglise les raisonnements modernes avec la Tradition. C’est en ce sens qu’il se qualifiait lui-même dès 1985, dans son livre-entretien Entretien sur la Foi avec Vittorio Messori : « J’ai toujours voulu rester fidèle à Vatican II, cet aujourd’hui de l’Eglise », sans « échappées solitaires en avant », mais également sans anachronique « nostalgie pour un hier irrémédiablement passé » (p. 17 de l’édition française, Fayard, 1985).

Ce livre pourra bien déciller les yeux de tous ceux qui ne connaissent pas grand chose ou même rien du tout de l’Eglise catholique, sur les déformations et les erreurs propagées par la presse. Dans ses introductions aux différentes questions, Peter Seewald rétablit plusieurs fois les faits, ce qui donne une image bien différente de celles répandues dans le public. Peut-être ne peut-on rien attendre de plus actuellement. La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X est cependant d’avis que l’Eglise ne pourra pas connaître de renouveau, sans une condamnation claire des développements faux survenus depuis Vatican II et sans un rattachement à sa Tradition pérenne.

(Traduction DICI)

[1] Les citations sont extraites de l’édition française : Lumière du monde, Bayard, novembre 2010.
[2] Pie XII, dans son Allocution aux sages-femmes, en 1951, s’était exprimé clairement sur le sujet. N. du T.
[3] Auteur de la pièce Le Vicaire. N. du T.

28 novembre 2010

[Monde & Vie - Claire Thomas] Et la Fraternité Saint-Pie X ?

SOURCE - Claire Thomas - Monde et Vie n°834 - novembre 2010

On ne peut pas s’empêcher de penser que le respect affiché par Rome du «charisme propre» – profondément traditionnel – des Légionnaires du Christ - un Institut pourtant tellement compromis par ailleurs - est un gage de la fiabilité du Vatican dans les négociations, d’un tout autre ordre certes, qui se déroulent en ce moment avec la Fraternité Saint-Pie X. Par rapport aux procédés autoritaires utilisés naguère (en 2000) par le cardinal Castrillon Hoyos, pour régler les problèmes internes et surmonter les divisions de la Fraternité Saint-Pierre, en nommant lui-même un supérieur « à sa main », la présente prudence de Rome avec les Légionnaires est tout à fait remarquable. Mgr Velasio de Paolis défend la légitimité des supérieurs actuels, pourtant bien compromis et souhaite que, si changement il y a à la tête de la Congrégation, cela se produise après consultation des membres dans un chapitre général. Est-ce en ayant égard à cette (nouvelle) fiabilité du Vatican de Benoît XVI, que Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, a assez solennellement pris rendez-vous avec l’avenir ? Alors que le débat doctrinal engagé l’an dernier touche à sa fin, le successeur de Mgr Lefebvre a souligné qu’aucune porte n’était fermée pour autant: « Nous sommes à un point charnière, a-t-il déclaré le 16 octobre au périodique Nouvelles de chrétienté, pour la reconstruction à venir, et bien que cela n’apparaisse pas encore nettement, je crois que tout est possible ». Que conclure? Qu’au jeu des petites phrases, celle-là n’est certainement pas la moins significative!

Claire Thomas

[summorum-pontificum.fr] Le prochain Tu es Petrus n’est pas à manquer

SOURCE - summorum-pontificum.fr - 28 novembre 2010

Le prochain numéro de Tu es Petrus, revue du district de France de la Fraternité Saint-Pierre, devrait faire parler de lui. Dans son éditorial, l’abbé Vincent Riberton évoque « l’éclipse du sens de Dieu et la menace de l’islam ». Des articles sont consacrés au voyage de Benoît XVI en Angleterre, à la Russie, à la généalogie de Jésus, au bienheureux Newman, à Joseph Fadelle et aux camps de la Fraternité ou en lien avec la Fraternité. Le dossier est consacré au « prêt à penser contemporain, des maîtres penseurs aux maîtres censeurs ».

Mais c’est surtout un article sur l’application du Motu Proprio qui risque d’entraîner des polémiques. Intitulé « Summorum Pontificum, entre opposition et pacification », signé Bernard Calmait, cet article s’en prend notamment aux analyses de Christophe Geffroy, directeur et fondateur de La Nef. Extraits :
Le navire du Motu Proprio s’est mis en route. Nous sommes donc au début de « l’aventure » mais pour Christophe Geffroy « l’aventure » est terminée avant même d’avoir commencé. Il y a « nonréception », nous dit-il, ce qui veut dire que nous sommes dans une impasse, dans un blocage qui empêche toute évolution. La cause d’une situation si déplorable se trouve, selon lui, dans l’antagonisme de deux collectifs présentés comme antithétiques : d’une part les évêques et de l’autre, ce qu’il appelle la « mouvance traditionnelle ». « Force est de constater, lit-on, que les évêques persistent globalement à se méfier d’une mouvance traditionnelle qu’ils ne parviennent pas à considérer comme une chance pour l’Eglise ». Mais cette mouvance que les évêques devraient considérer comme une chance est décrite quelques lignes plus tard comme « éclatée en sensibilités diverses » et touchée par un raidissement et un durcissement qui « ne sont pas de nature à atténuer la méfiance des évêques évoquée plus haut ».

L’argumentation développée ici ne manque pas de nous étonner sous la plume de Christophe Geffroy : la dialectique d’opposition. L’application du Motu Proprio se trouve comme enfermée dans un cercle vicieux avec, d’un coté les évêques méfiants, de l’autre la « mouvance traditionnelle » qui, avec ses attitudes bornées ne fait qu’accroitre la méfiance épiscopale. Mais heureusement- Dieu soit loué ! – il existe un troisième camp qui peut seul faire sortir de cette impasse. Il s’agit de ceux qui suivent l’esprit (sic !) du Motu Proprio.

Ces derniers se retrouvent, à leur tour, comme victimes de la justesse de leur compréhension, ballotés entre l’autorité et une partie des traditionalistes. Cela donne lieu à une nouvelle dynamique d’opposition, cette fois-ci à l’intérieur même du camp des destinataires du motu proprio, où en plus de ceux qui suivent l’esprit, on signale l’existence d’une autre partie composée, déduisonsnous, par ceux qui se limitent à suivre la lettre de Summorum Pontificum, « préférant des lieux de culte exclusivement dédiées à la forme extraordinaire, plutôt que de travailler à remettre la forme extraordinaire en usage dans les paroisses, pour qu’elle puisse être offerte à tous ».
On le voit, Christophe Geffroy a voulu un débat et il l’a. Acceptera-t-il de débattre, c’est-à-dire non seulement de répondre aux arguments de ces adversaires, mais aussi de les prendre-en compte vraiment ? L’avenir le dira.

Une autre question se pose : est-ce bien dans la revue officielle d’une Fraternité que doive avoir lieu un tel débat ? Personnellement, j’avoue ne pas avoir de réponse.

[Mgr Bernard Fellay - Lettre n° 77 de aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX] "Il y a quarante ans, le 1er novembre 1970, ..."

SOURCE - Mgr Fellay, Supérieur Général de la FSSPX - 28 novembre 2010

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Il y a quarante ans, le 1er novembre 1970, Mgr François Charrière, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, signait le décret d’érection de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Qui aurait alors pensé que nous aurions à traverser ces quarante années comme nous venons de le faire ? Car la somme d’événements que notre société a rencontrée depuis cette date dépasse toute imagination. A commencer par l’injuste suppression qui la frappa cinq ans plus tard…

Le cardinal Oddi résumait la raison de cette situation en disant que Mgr Lefebvre avait agi par un trop grand amour de l’Eglise ! Argument plutôt surprenant pour expliquer une suite impressionnante de condamnations. Ce qui est certain, c’est que notre société a connu un destin unique dans les annales de l’histoire de l’Eglise.

Le sacre de quatre évêques a certes amplifié la controverse dans laquelle la Fraternité a été impliquée presque dès le début de sa fondation. Et pourtant, cette controverse n’a de cesse de toucher des personnes qui ont à cœur de conserver tous les principes les plus chers de l’Eglise catholique. Ils se glorifient du titre de fidèles et sont tellement attachés à ces éléments essentiels qu’ils ont mérité le qualificatif de traditionalistes. Ils ont en horreur la contestation, la subversion, la révolution et, malgré cela, depuis le commencement, ils apparaissent comme des rebelles, des contestataires en opposition ouverte avec l’autorité, une autorité qu’ils protestent vouloir reconnaître sincèrement et à laquelle néanmoins ils s’opposent fermement.

Oui, les contradictions rencontrées au cours de notre petite histoire nous font redire avec une stupéfaction émue les paroles de saint Paul retraçant les épreuves que lui-même traversait alors : « parmi l’honneur et l’ignominie, parmi la mauvaise et la bonne réputation ; traités d’imposteurs, et pourtant véridiques, d’inconnus, et pourtant bien connus, regardés comme mourants, et voici que nous vivons, comme châtiés, et nous ne sommes pas mis à mort, comme attristés, nous qui sommes toujours joyeux, comme pauvres, nous qui en enrichissons un grand nombre, comme n’ayant rien, nous qui possédons tout. » (2 Corinthiens 6, 8-10)

Mais nous pouvons aller encore plus loin dans cette réflexion, surtout lorsque nous voyons que nous sommes précisément punis à cause de notre obéissance, en particulier à cause de notre attachement aux vérités affirmées par l’Eglise de toujours et de notre opposition aux erreurs condamnées par elle. Voilà ce qui nous a valu tant de malédictions de la part de ceux qui aujourd’hui ont autorité dans l’Eglise. Jusqu’au point où, encore aujourd’hui, certains nous considèrent ou nous déclarent schismatiques. Alors que nous ne voulons apporter que la bonne nouvelle du Salut, nos démarches et nos initiatives sont considérées comme dangereuses par beaucoup ; la plus petite de nos actions provoque des réactions totalement disproportionnées. Prendrait-on de plus grandes précautions s’il fallait se prémunir du diable ?! Nous portons vraiment en nous ce signe annoncé par le prophète Siméon à la Très Sainte Vierge Marie, le signe de contradiction de Notre Seigneur. Même si cela implique beaucoup de souffrance dans nos cœurs, beaucoup d’incompréhension, malgré tout nous nous réjouissons d’avoir part aux souffrances de Notre Seigneur et à la magnifique béatitude, la dernière rapportée par saint Matthieu : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux » (Matthieu 5,11-12).

Tous ces éléments nous rappellent qu’ici-bas l’Eglise porte le nom de “militante”, car elle doit toujours combattre. La fin que lui a assignée Notre Seigneur et qui consiste à sauver les âmes ne s’obtient pas sans lutte, une lutte essentiellement spirituelle, mais bien réelle, qui connaît ici et là des retombées temporelles plus ou moins marquées. Notre-Seigneur Jésus-Christ a livré une bataille définitive au démon pour lui arracher ces pauvres âmes qui arrivent dans le monde en son pouvoir, avec la tache du péché originel. Cette bataille est celle de tous les siècles ; l’oublier c’est se condamner à ne rien comprendre sérieusement de la grande histoire des hommes. Pour nous, nous portons tous les jours les stigmates de ce combat, et c’est l’occasion d’une grande allégresse. De tout temps, les auteurs spirituels ont considéré l’épreuve comme un bon signe et même une marque de prédilection. Puisqu’aujourd’hui on fait tout pour oublier et même pour nier ces vérités fondamentales du combat spirituel, nous sommes heureux de contribuer selon notre petite part à maintenir vivante dans notre chair une telle vérité.

Non que nous n’aspirions à la paix, qui viendra en son temps, selon le bon plaisir de la divine Providence que nous ne voulons en rien précéder.

En cela nous suivons de près le chemin que nous a tracé notre vénéré fondateur, Mgr Marcel Lefebvre. Chemin lumineux au milieu des ténèbres de la plus épouvantable épreuve qui puisse arriver à un catholique : se trouver dans une situation de contradiction avec les autorités romaines et même avec le Vicaire du Christ. Ces quarante années sont si remplies de leçons qui font voir combien la perception de Mgr Lefebvre était juste. Sur le Concile, sur les causes de la crise, sur la décadence du sacerdoce, sur l’affaiblissement de la doctrine, sur la sympathie jamais vue de l’Eglise envers le monde et les autres religions, sur le libéralisme. Mais aussi sur les remèdes à appliquer, qui reposent sur la fidélité aussi bien à la doctrine qu’à la discipline pluriséculaire de l’Eglise. Vraiment, nous n’avons rien à inventer ! Les moyens donnés par Notre Seigneur à son Eglise sont toujours aussi féconds et ils le seront toujours, car ils viennent de Dieu notre Créateur et Sauveur ; la foi et la grâce dépassent toutes les circonstances de temps et de lieu, toutes les contingences, car elles dépassent essentiellement la nature humaine, ses capacités, ses espérances. Ces moyens sont proprement surnaturels.

C’est pourquoi le chemin de Mgr Lefebvre est toujours actuel. Ce qu’il disait il y a trente ans, quarante ans, est encore parfaitement valable aujourd’hui. Cela nous oblige à une très grande action de grâces à Dieu de nous avoir donné – ainsi qu’à toute l’Eglise – un tel évêque. Il ne fait aucun doute que, si l’on suivait dans l’Eglise ses précieuses indications, tout le Corps mystique se porterait mieux et sortirait bientôt de cette crise. Mais à voir ce qui se passe dans l’Eglise, même si apparaissent ici et là des lueurs d’espérance, on doit bien constater que, dans son ensemble, le navire poursuit sa course commencée depuis Vatican II – certes un peu ralentie avec Benoît XVI, mais guère plus qu’une chute libre freinée par un parachute.

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Parmi les leçons que Mgr Lefebvre nous a laissées, nous voudrions en souligner deux qu’il liait intimement.

La première concerne la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, autrement dit le titre et le droit de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu, Créateur de l’Univers entier, pour qui et par qui tout a été créé (cf. Col. 1) et vrai homme. « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » : cette parole nous vient directement de sa divine bouche. Cette royauté exprime bien que, même si la mission première de Jésus-Christ est le salut des hommes, elle ne supprime en rien ses autres prérogatives qu’il utilise au service de cette fin première. Combien il est plus facile aux âmes de faire leur salut lorsque la société civile, pénétrée des principes que lui inspire le droit chrétien, exerce sur elles cette influence bénéfique par des lois conformes au droit naturel et à la loi éternelle ! Il n’est point besoin de réfléchir beaucoup pour prendre conscience des bienfaits que peut et devrait apporter la société temporelle aux hommes qui la composent et que Dieu a créés pour une fin surnaturelle. Monseigneur a résumé cette question d’une phrase lapidaire : « c’est parce que le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est plus au centre des préoccupations et des activités de ceux qui sont nos praepositi, qu’ils ont perdu le sens de Dieu et du sacerdoce. » Phrase très forte, et extrêmement profonde, qui dit bien le drame de l’Eglise en notre temps. A force de vouloir s’aligner sur le monde, on a perdu de vue l’essentiel, Dieu. Ainsi que celui qui a été choisi par Dieu pour conduire les hommes à Lui, le prêtre.

Déjà Paul VI disait à la fin du Concile que plus que tout autre, l’Eglise a aussi le culte de l’Homme. Jean-Paul II parlait d’anthropocentrisme de l’Eglise. Ces quelques expressions montrent bien le glissement qui s’est opéré depuis Vatican II : la nouvelle préoccupation de l’Eglise, c’est l’homme. Alors qu’auparavant, c’était – et cela doit être pour tous les temps, car il ne peut y avoir d’autre fin – la gloire de Dieu, inséparable du salut. Servir Dieu, l’honorer, le glorifier, voilà la raison d’être des hommes, et par conséquent celle de l’Eglise ! En suivant la pente du monde, c’est comme si on avait oublié Dieu jusque dans son Temple, en y substituant le culte de l’homme.

Que les autorités de l’Eglise remettent Dieu, Notre Seigneur à sa place dans le monde et la restauration de l’Eglise se fera comme par miracle ! Certes il ne s’agit pas de tout confondre, la doctrine catholique a toujours reconnu que l’Eglise et la société civile sont deux sociétés parfaites, distinctes, ayant chacune leur fin et leurs moyens propres. Mais cela n’élimine Dieu ni de l’une ni de l’autre.

Le monde libéral et socialiste veut se libérer du joug de Dieu, il n’y a rien de plus funeste pour la créature humaine. La situation présente du monde, qui n’aura jamais poussé aussi loin qu’aujourd’hui ses aspirations d’indépendance par rapport à son Créateur, étale tous les jours le piètre résultat de ses desseins insensés. Partout l’instabilité, la peur. Que prévoient en effet les gouvernants pour les années à venir ? Et les financiers, et les économistes ?

« Si le moment n’est pas venu pour Jésus-Christ de régner, alors, le moment n’est pas venu pour les gouvernements de durer » (Card. Pie). Toutes choses, et pas seulement les surnaturelles, ont en Lui leur consistance. Un monde sans Dieu est insensé. Il devient absurde. La fin commune de toutes les créatures est et restera toujours Dieu. Par conséquent le meilleur moyen d’arriver à une vraie paix et prospérité dans ce monde est de respecter et de se soumettre à Celui qui l’a fait.

Voilà ce que doit rappeler l’Eglise au monde d’aujourd’hui, et voici où intervient le prêtre dont Mgr Lefebvre nous rappelle la mission. C’est la deuxième leçon, intimement liée à la première.

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Le monde déchu, tout comme la nature humaine déchue, ne peut pas trouver sa perfection en dehors de Celui qui Lui a été envoyé par le Père. Même si la mission de Notre Seigneur est essentiellement surnaturelle – puisqu’elle concerne le salut des hommes, leur rédemption, leur purification du péché à travers le sacrifice satisfactoire de la Croix –, elle s’adresse cependant à des hommes qui sont à la fois destinés à cette fin surnaturelle et membres de la société humaine et civile. Ainsi, quand ils se sanctifient, ils apportent nécessairement le plus grand bien à la société humaine. Il n’y a aucune place pour l’opposition ou la contradiction dans le plan du salut ; mais bien au contraire l’harmonie la plus haute est aussi la plus souhaitable, chacun restant à sa place et dans son ordre.

Ainsi le prêtre, tout adonné à la perpétuation du sacrifice de Notre Seigneur Souverain Prêtre, rendra à Dieu le culte et l’hommage qui Lui sont dus, et en même temps apportera aux hommes les bienfaits de Dieu. De tout temps le monde a eu besoin de cette médiation, et toujours elle a été l’œuvre du prêtre, qui, alter Christus, joue un rôle central dans l’avenir des hommes.

« Restaurer toutes choses dans le Christ » ne saurait être une option parmi d’autres, mais bel et bien une nécessité qui découle de la nature des choses, de leur état d’êtres créés. Peu importe que la société moderne se montre imperméable à un tel discours ! Qu’elle poursuive ses rêves, le réveil en sera d’autant plus douloureux ! Mais plus que jamais l’Eglise a quelque chose à dire au monde. Et ce sera toujours la même chose.

Les événements de ces dernières années montrent un certain mouvement de retour, encore assez léger jusqu’ici, mais toutefois bien réel. Nul doute que la Fraternité Saint-Pie X peut y apporter une contribution assez importante. Mais il reste bien difficile de prédire quelque chose de plus concret dans ses relations avec Rome.

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Nous voulons enfin continuer sur notre lancée mariale, confirmer la nécessité de la consécration au Cœur Immaculé de Marie et poursuivre notre campagne de prière. Faisons le siège du trône de grâces de Notre Dame ; par la multitude des roses de nos chapelets offrons-lui nos hommages, poursuivons notre demande et intensifions notre supplique : que son Cœur Immaculé et douloureux veuille bien triompher ! Qu’elle daigne hâter ce temps béni.

Nous ne vous oublions pas, chers amis et bienfaiteurs, dans nos prières et actions de grâces quotidiennes. Que Dieu vous rende au centuple votre générosité, surtout en grâces éternelles, et qu’Il vous bénisse abondamment.

+Bernard Fellay - Menzingen, 1er Dimanche de l’Avent, 28 novembre 2010

27 novembre 2010

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Civilisation de cinq sous

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 27 novembre 2010

De la vie du peintre français, Paul Gauguin (1848-1903), on a fait un film, un feuilleton télévisé, un opéra et au moins deux romans. Il doit y avoir dans cette vie quelque chose qui parle à l'homme moderne : agent de la Bourse et père de famille avec cinq petits enfants, qui balance tout pour se faire artiste révolutionnaire, et qui par mépris de toute la civilisation occidentale se réfugie dans une île perdue du Pacifique du sud. Mais la fin inquiète qu'a faite Gauguin, ne suggère-t-elle pas qu'il n'a pas trouvé en Polynésie la solution rêvée là-bas par tant d'âmes ?

L'un des romans basés sur la vie de Gauguin a été écrit 16 ans après sa mort par un écrivain anglais bien connu de la première moitié du 20me siècle, W. Somerset Maugham, qui a visité la Polynésie pour y recueillir lui-même du matériel pour son roman, « The Moon and Sixpence » (« La lune et la Pièce de Cinq Sous »). De prime abord c'est un drôle de titre pour un roman basé sur Gauguin, mais de fait il va droit à l'essentiel. En 1915 était apparu le chef d'œuvre de Maugham, « Of Human Bondage » (« Servitude Humaine »), roman essentiellement autobiographique. Un critique avait accusé le héros de ce roman « de s'être tellement occupé de la lune qu'il n'a jamais vu la pièce de cinq sous (sixpence) qui était sous ses pieds ». Autrement dit, Maugham s'était tellement épris de quelque idéal impossible à atteindre qu'il manquait le bonheur moindre mais à portée de main. Maugham a rétorqué, « Si l'on scrute la terre pour y trouver une petite pièce de monnaie, en ne regardant jamais en haut on manquera la lune. » Autrement dit, il y a des choses plus importantes dans la vie que des pièces de cinq sous.

Cet usage pour le titre de son roman du contraste entre la lune et la petite monnaie nous montre clairement ce que pensait Maugham de Gauguin. Le bonheur normal du bon bourgeois, agent de Bourse et père de famille, c'est la petite monnaie. Balancer tout cela pour se faire artiste, c'est la lune. Pourtant que personne n'aille penser que Maugham approuvait l'abandon du travail et de la famille. Maugham a fait de l'artiste Strickland, son Gauguin, un personnage  horriblement égoïste, dur de cœur et cruel, tout en le présentant comme un génie qui a eu parfaitement raison de poursuivre sa vocation d'artiste, quoi qu'il ait pu en coûter en petit bonheur de cinq sous à l'artiste lui-même et à son entourage.

Autrement dit, selon Maugham, la vie du grand nombre des gens dans la civilisation occidentale d'aujourd'hui ne vaut pas plus que cinq sous. Pourtant la vie elle-même, pense-t-il, vaut beaucoup plus que cinq sous. En effet, dans le bref séjour qu'il est donné aux hommes de vivre sur cette terre, il y a quelque chose de tellement plus précieux que pour l'atteindre un homme a le droit, si besoin est, de piétiner dans la boue n'importe quel nombre de  pièces de cinq sous.

En réalité Gauguin est mort, au moins de façon posthume, en artiste épanoui et célèbre, mais en tant qu'homme, inquiet et rebelle. Maugham reproduit et le génie reconnu et l'homme frustré, mais a-t-il résolu le problème que Gauguin n'arrivait pas à résoudre ?  Comment le génie humain et la vie humaine peuvent-ils s'opposer, tout en restant tous les deux humains ?  On dirait que le problème est aussi étendu qu'enraciné. Y a-t-il une solution ?  Voir ici la semaine prochaine.

Kyrie Eleison.

26 novembre 2010

[Jérôme Bourbon - Rivarol] Benoît XVI, le préservatif et Mgr Williamson

SOURCE - Jérôme Bourbon - Rivarol - 26 novembre 2010

Dans un livre d’entretiens avec Peter Seewald, un journaliste allemand, déjà publié en Italie et en Allemagne et à paraître demain en France, Lumière du monde, Benoît XVI se déclare, «dans certains cas», en faveur de l’usage du préservatif, pour, dit-il, «réduire les risques de contamination» du virus du sida. En mars 2009, Josef Ratzinger avait soulevé une polémique lorsque, dans l’avion qui l’amenait au Cameroun et en Angola, il avait déclaré que l’utilisation du préservatif «aggravait» le problème du Sida, pandémie dévastatrice en Afrique. Mais en réalité, déjà à l’époque, les propos n’étaient pas aussi fermes qu’on l’a dit: il n’avait pas condamné en soi l’emploi du condom mais le fait que les campagnes contre le sida reposent exclusivement, “uniquement” sur le préservatif.

L’EXEMPLE AHURISSANT DU “PROSTITUE MASCULIN”

Mais cette fois Benoît XVI jette le masque: «A la question: “l’Eglise catholique n’est pas fondamentalement contre l’utilisation de préservatifs?”», le successeur de Jean Paul II répond: «dans certains cas, quand l’intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement». Et Benoît XVI de citer un seul exemple pour illustrer son propos, celui d’un «homme prostitué». «Il peut y avoir des cas individuels, comme quand un homme prostitué utilise un préservatif, où cela peut être un premier pas vers une moralisation (sic!), un début de responsabilité permettant de prendre à nouveau conscience que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut». On croit rêver! Que Benoît XVI se soucie de soulager la conscience d’hommes qui commettent, selon la morale catholique, un double péché mortel, à savoir la prostitution et l’union homosexuelle, est pour le moins déroutant. On n’imagine pas ces hommes refuser le préservatif en bons catholiques, dans l’accomplissement même d’actes gravement peccamineux. De toute façon, un prostitué n’a pas à se poser la question de savoir s’il doit ou non mettre ou faire mettre à ses clients un préservatif, il doit cesser de se prostituer. Un catholique ne peut tenir un autre discours. C’est un peu comme si l’on disait qu’un assassin, pour tuer ses victimes, devait préférer le revolver au couteau de cuisine car ce dernier outil risque d’être plus douloureux pour la victime. On nage en plein délire !

La vérité, c’est que Josef Ratzinger qui est tout sauf un imbécile savait très bien ce qu’il faisait en tenant de tels propos. Il s’adressait à un journaliste dans le cadre officiel d’un long entretien destiné à être publié et à avoir un retentissement mondial. Qu’on ne vienne donc pas nous dire, comme certains le font avec une mauvaise foi ou un aveuglement volontaire absolument insupportables, qu’il ne l’a pas fait exprès, qu’il ne savait pas ce qu’il faisait. D’ailleurs, Benoît XVI, comme cela se fait toujours en pareil cas, a relu les épreuves avant publication, a pu les corriger, les annoter. On ne répétera jamais assez la célèbre sentence de Bossuet: «Le pire dérèglement de l’esprit, c’est de voir les choses non telles qu’elles sont mais telles qu’on voudrait qu’elles soient.»

De plus, les propos du successeur de Jean Paul II sont rendus plus graves encore par une clarification du Vatican qui précise que ces paroles « s’appliquent non seulement aux prostitués homosexuels mais aussi aux hétérosexuels et aux transsexuels », le but étant « d’éviter de façon responsable de transmettre un risque grave à l’autre ». Les pharmaciens catholiques qui préfèrent vivre dans la pauvreté et subir des persécutions parce qu’ils refusent en conscience de vendre des produits contraceptifs et abortifs apprécieront. Par ailleurs, dans un autre passage de Lumière du monde, Benoît XVI laisse entendre que le modèle de la chasteté conjugale est réservé à une élite, à des « minorités profondément convaincues » qui constituent un « modèle fascinant à suivre ». Bref, un objectif quasiment inatteignable, alors que, toujours selon la morale chrétienne, le respect de ce précepte est nécessaire au salut des époux.

LA TECHNIQUE INCHANGEE DES MODERNISTES

D’aucuns disent aussi que Benoît XVI n’a parlé que d’une autorisation «dans certains cas» et non d’une permission universelle. Là encore, de qui se moque-t-on? Il suffit de lire les gazettes, d’écouter la radio et d’entendre la télévision pour se rendre compte que pour les journalistes comme pour le grand public «le pape s’est converti au préservatif», ainsi que l’écrit Libération. Et cela Benoît XVI ne pouvait l’ignorer. Le “cardinal” Georges Cottier, dans Le Figaro du 22 novembre, le dit d’ailleurs ouvertement: «Au moins les gens seront-ils libérés en conscience de savoir qu’en adoptant ce moyen, ils ne font pas le mal.» Voilà qui a au moins le mérite d’être clair !

De toute façon, depuis plus d’un demi-siècle, c’est toujours la même méthode qu’utilisent les modernistes. On autorise l’inacceptable en prétendant qu’il ne s’agit que de cas exceptionnels, que la règle n’a pas changé. Moyennant quoi on détruit tout. L’usage de la langue vernaculaire devait rester limité et circonscrit, dans les faits on a supprimé la messe et les offices en latin. On a agi de la même manière avec l’autorisation de la crémation (au moment où PaulVI l’autorisait, il rappelait que la règle restait celle de l’inhumation, toujours la duplicité du moderniste!), avec la permission de la communion dans la main (qui dans les faits a rendu presque caduque la communion à genoux et sur la langue), avec la disparition du jeûne eucharistique (réduit de trois à une heure et encore PaulVI l’avait-il même réduit à un quart d’heure pour les malades et leurs accompagnants en bonne santé qui pouvaient boire de la gnole jusqu’à quinze minutes avant de communier! Peut-on davantage se moquer de Dieu?) On nous a fait le coup avec la permission donnée aux filles de devenir enfant de chœur, ce qui d’évidence est le premier pas vers le sacerdoce des femmes. Car, ne nous faisons aucune illusion, nous y viendrons. C’est dans la logique de l’église conciliaire. L’on ne répétera jamais assez la formule du regretté père Calmel: «Le moderniste est un apostat doublé d’un traître.»

UNE DESTRUCTION METHODIQUE

Depuis 1958 et la mort de Pie XII, les hommes en blanc qui occupent, occultent et éclipsent l’Eglise de Jésus-Christ ont détruit les derniers Etats catholiques, ont tout bouleversé: le bréviaire, le missel, le rituel, le catéchisme, la morale, les constitutions religieuses. L’on a détruit les sacrements pour obstruer le canal de la grâce sanctifiante, on a supprimé le catéchisme traditionnel pour que les enfants ne soient pas élevés dans la foi catholique, pour qu’ils ignorent les trois connaissances nécessaires au salut, pour briser la chaîne qui consistait à transmettre de génération en génération la religion chrétienne. A la suite de Vatican II, on a supprimé la chaire de vérité (quel symbole !) dans les églises, on a enlevé les bancs de communion, on a transformé les confessionnaux en placards à balais, on a retourné l’autel, on a substitué à la messe traditionnelle, latine et grégorienne une synaxe protestantisée, démocratique où le culte est rendu à un très maçonnique « Dieu de l’univers » ainsi qu’on le dit dans le nouvel offertoire. Dans le nouveau code de droit canon l’on a inversé les fins du mariage, ce qui développe une mentalité contraceptive, l’on a levé l’excommunication pour les francs-maçons. L’on n’en finirait pas de faire la liste de tous les scandales, de toutes les apostasies de la contre-Eglise œcuménique et syncrétique de Vatican II. En 1999, Jean Paul II a baisé le Coran. Or, dans La Somme théologique, saint Thomas d’Aquin explique que le baptisé qui irait vénérer le tombeau de Mahomet commettrait un acte d’apostasie. Quelle différence y a-t-il entre embrasser le Coran et vénérer le tombeau de Mahomet ? Il faudra qu’on nous explique ! Le Christ a été condamné à mort par le Sanhédrin, les Apôtres étaient chassés des synagogues. Benoît XVI et avant lui Jean Paul II y sont acclamés, applaudis. Cherchez où est l’erreur !

Il faut dire que les occupants du siège de Pierre font tout ce qu’ils peuvent pour prouver leur allégeance au judaïsme talmudique et à la religion de la Shoah. Ainsi, dans ce même livre d’entretiens, Benoît XVI qui parle de la «catastrophe Williamson» confie que s’il avait su que le doyen des quatre évêques de la FSSPX était d’extrême droite et révisionniste, il n’aurait pas levé son excommunication. Ce qui est faire de la Shoah un super-dogme. Il est vrai que dans l’église conciliaire on peut remettre en question les vérités dogmatiques et les préceptes moraux mais l’on ne saurait émettre le moindre doute sur l’“Holocauste”. Aujourd’hui il est infiniment moins risqué pour un séminariste de douter de la Résurrection du Christ ou de la virginité perpétuelle de Marie que d’émettre des réserves sur la version juive de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Perfidement, Benoît XVI ajoute que Mgr Williamson n’a «jamais été un catholique au sens propre puisqu’il s’est converti de l’Eglise anglicane à la Fraternité Saint Pie-X, ce qui signifie qu’il n’a jamais vécu dans la grande Eglise». Le successeur de Jean Paul II prend des libertés avec la vérité car Mgr Williamson est entré à Ecône en 1972. Or, à cette époque, la Fraternité Saint-PieX était reconnue par l’église conciliaire. Ce n’est qu’en mai 1975 que les premières sanctions sont tombées. Mais quand, pour plaire aux juifs, il s’agit d’accabler un prélat qui, pour l’heure, refuse de renier ce que de tout cœur il croit être la vérité historique, l’on n’en est certes pas à un mensonge près!

L’ULTIMATUM DE MGR FELLAY A MGR WILLIAMSON

Ce même 20novembre, le jour même où l’on apprenait que Benoît XVI ne mettait plus à l’index le préservatif, la direction de la Fraternité Saint-Pie X publiait un communiqué comminatoire. Pour dénoncer les propos immoraux de Josef Ratzinger, condamner son relativisme moral? Non, pas du tout. Pour enjoindre à MgrWilliamson de changer d’avocat sous peine d’être exclu de la FSSPX. Voici le communiqué publié par la maison généralice et signé du secrétaire général de la Fraternité, l’abbé Christian Thouvenot: «Le Supérieur général, Mgr Bernard Fellay, a appris par la presse la décision de MgrRichard Williamson de révoquer, dix jours avant son procès, l’avocat chargé de ses intérêts pour se laisser défendre par un avocat ouvertement lié à la mouvance dite néo-nazie en Allemagne et à certains de ses groupes. Mgr Fellay a intimé l’ordre formel à Mgr Williamson de revenir sur cette décision et de ne pas se laisser instrumentaliser par des thèses politiques totalement étrangères à sa mission d’évêque catholique au service de la Fraternité Saint-Pie X. La désobéissance à cet ordre ferait encourir à Mgr Williamson l’exclusion de la Fraternité Sacerdotale Saint-PieX.»

Si la direction de la Fraternité veut exclure Mgr Williamson de ses rangs s’il ne renonce pas à son avocat, «un groupe de “survivants” juifs» semble avoir une volonté analogue puisque, ce même 20novembre, selon une dépêche Reuters, ce groupe juif «exhorte le pape à exclure un négationniste de l’Eglise catholique pour avoir fait le choix d’un avocat proche de groupes néo-nazis pour assurer sa défense à son prochain procès en Allemagne».

Rappelons que le procès en appel de Mgr Williamson, initialement prévu le 29novembre, a été repoussé à février ou mars 2011 car, quelques jours avant l’audience, l’évêque britannique a décidé de changer d’avocat. Il a fait le choix de Maître Wolfram Nahrath, membre du NPD et brillant défenseur de Horst Mahler puis plus récemment de Kevin Käther, deux militants révisionnistes.

Las, aux dernières nouvelles, ne souhaitant pas être exclu de la FSSPX, Mgr Williamson aurait cédé et accepterait, à contrecœur et bien tristement, de reprendre l’avocat antirévisionniste qui lui avait été imposé par la FSSPX lors du premier procès de Ratisbonne le 16avril 2010 (à l’issue duquel il avait été condamné à 10000euros d’amende) et qui s’était comporté en procureur à son égard, en condamnant fermement ses propos révisionnistes, MeMatthias Lossmann. Des avocats transformés en procureurs, voilà à quelle abjection l’on en arrive lorsque l’on accepte de plier le genou devant la Synagogue!

LE REGNE DE LA RELIGION DE LA SHOAH

Le communiqué de la direction de la FSSPX mérite qu’on s’y arrête quelque instant car il nous semble très critiquable : il est reproché à Mgr Williamson de se faire instrumentaliser par des thèses politiques étrangères à sa mission d’évêque. Mais la question n’est pas là: il ne s’agit pas de faire une profession de foi national-socialiste (position que de toute façon Richard Williamson ne partage pas), il s’agit de savoir si ce qu’il a dit sur l’“Holocauste” est vrai. De plus, il y a une formidable hypocrisie dans ces considérations car lorsque l’abbé Schmidberger et Mgr Fellay à sa suite, en janvier 2009, reconnaissent explicitement la Shoah et font leur l’histoire officielle, là ils sont dans leur droit, ils n’empiètent pas sur un domaine qui n’est pas de leur compétence. Mais quand c’est Mgr Williamson, c’est interdit! Ce deux poids deux mesures n’est pas recevable. Au fond on n’a le droit de parler d’histoire que si l’on va dans le sens du Système!

De plus, il est faux de dire que les controverses historiques n’intéressent en rien les évêques. Quand il s’agit de défendre le passé historique de l’Eglise contre les attaques qu’elle subit (Croisades, Inquisition, attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, etc.), les clercs ont le devoir de bien connaître le dossier. Enfin et surtout, il est faux de réduire l’“Holocauste” à une simple question historique ou politique. Car la Shoah a d’évidentes implications morales et religieuses, qui sont d’ailleurs de plus en plus évidentes et de plus en plus effrayantes au fur et à mesure que le temps passe. Ce nouveau dogme est le fondement d’une morale consumériste, hédoniste, droitdel’hommiste, antiraciste, antinaturelle, antidiscriminatoire, antichrétienne. A cause de la Shoah l’on ne peut plus être maître chez soi, l’on ne peut renvoyer les immigrés en surnombre, refuser les droits réclamés par toutes les minorités ethniques ou sexuelles, l’on ne peut défendre la famille, la patrie, la religion, les valeurs et institutions traditionnelles, l’on ne peut prôner le nationalisme car, nous dit-on, on sait où cela a mené: à la mort de millions d’innocents dans les chambres à gaz. Et puis, et c’est bien là l’essentiel, qui ne voit que la religion de la Shoah est le moyen satanique de substituer à l’unique sacrifice du Christ au Golgotha la mort des juifs à Auschwitz ? Ce ne sont plus la Passion, la mort du Christ sur la Croix et sa Résurrection au troisième jour qui constituent l’événement central de l’histoire et du monde, c’est la déportation, la mort des juifs dans les camps d’extermination et leur résurrection trois ans plus tard en Israël qui sont le centre et le sommet de l’histoire. Or un chrétien ne saurait accepter cette perspective, sauf à apostasier.

LA PEUR EST LE MOTEUR DU MONDE

Depuis bientôt deux ans, dans cette affaire Williamson, nous assistons à un permanent concours de lâcheté entre la Rome moderniste et la FSSPX. La Fraternité reconnaît la Shoah, condamne et marginalise l’évêque britannique pour ne pas compromettre l’accord qu’elle veut contracter avec le Vatican et ce dernier en rajoute pour complaire aux juifs et aux media qu’ils détiennent. La boucle est bouclée. Espérons que Mgr Williamson ne sera pas conduit à se renier, comme le fit il y a quatorzeans l’abbé Pierre qui, attaqué de toutes parts par les media, en vint à se désolidariser publiquement de son ami intime Roger Garaudy.

Car, ne nous y trompons pas, c’est la peur qui est le moteur du monde. C’est ce sentiment si commun à l’homme qui explique toutes les lâchetés, toutes les abdications, tous les renoncements, toutes les trahisons, toutes les ignominies. Il est certes normal d’avoir peur. Mais, Dieu aidant, il faut essayer de la surmonter, de ne pas se laisser dominer par elle. Ce n’est pas un hasard si à 63 reprises dans les quatre Evangiles le Christ répète : « N’ayez pas peur ». C’est la peur qui explique la fuite des Apôtres à Gethsémani, le reniement de saint Pierre, la réclusion des disciples au Cénacle. Et combien de fois lit-on dans le Nouveau Testament cette expression: «par crainte des Juifs»?

Or, l’on attend de prélats qu’ils soient courageux, qu’ils soient inflexibles lorsque la vérité est en jeu. L’on ne peut vanter à juste titre le sacrifice et l’héroïsme des premiers martyrs qui préféraient être dévorés par les bêtes féroces plutôt qu’apostasier et se comporter sans cesse en pleutres, se soumettre au monde, aux media, placer par dessus tout la gestion de son patrimoine immobilier ou la survie de l’œuvre que l’on dirige. On attend d’évêques qu’ils défendent la vérité, la foi et la morale à temps et à contretemps et non qu’ils multiplient les abdications. Si nous ne sommes pas capables de tout perdre pour les certitudes qui sont les nôtres, alors c’est que notre combat ne vaut rien et que nos convictions sont bien fragiles. Un catholique, un nationaliste doit être prêt à perdre son travail, sa réputation, ses biens, sa famille, sa liberté, sa vie même s’il le faut. C’est pour l’avoir oublié que nous ne cessons de reculer et de perdre toutes les batailles depuis deux siècles. Et que notre monde irrespirable devient chaque jour davantage un épouvantable cloaque.

Jérôme BOURBON.

25 novembre 2010

[Ennemond - leforumcatholique.org] La FSSPX n'est-elle pas catholique, au sens propre du terme?

SOURCE - Ennemond - leforumcatholique.org - 25 novembre 2010

Dans son dernier livre, le pape confie :

"Williamson n’a jamais été catholique, au sens propre du terme. Il était anglican, et il est directement passé de l'anglicanisme au lefebvrisme."

Faut-il en déduire que la Fraternité n'est pas catholique, au sens propre du terme et que le lefebvrisme constitue au moins une école de pensée a-catholique ?

Par ailleurs, Richard Williamson s'est converti au catholicisme bien avant d'entrer au séminaire d'Ecône. Et même lorsqu'il est entré dans la FSSPX, celle-ci n'était touchée par aucune condamnation.

24 novembre 2010

[Paix Liturgique] Mgr Bux à Versailles: Qu'advienne la Paix Liturgique

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 258 - 24 novembre 2010

Dimanche 21 novembre 2010, la troisième rencontre de Réunicatho avait pour invité d’honneur Mgr Nicola Bux, promoteur reconnu de la réforme de la réforme voulue par le Saint Père, professeur de liturgie orientale à la faculté de théologie des Pouilles, consulteur à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, au Bureau des Célébrations liturgiques du Pape et à la Congrégation pour le Culte divin, auteur en outre de nombreux ouvrages (voir la lettre de Paix Liturgique n° 210), le dernier tout juste sorti en Italie portant le titre provocateur de Comment aller à la messe et ne pas perdre la foi (éditions Piemme). En conclusion de son intervention au colloque de Versailles, intitulée “La sainte et divine liturgie et sa réforme”, Mgr Bux a choisi le thème de la paix liturgique : des paroles fortes, que nous vous présentons ci-dessous.

I – LE DOCUMENT : la conclusion de l’intervention de Mgr Bux lors du colloque de Réunicatho du 21 novembre 2010 à Versailles

" En conclusion, la paix liturgique.

Après la réforme liturgique et la mise en œuvre du concile, de nombreuses voix se sont élevées contre ces mesures et d’autres. Tout cela a conduit à un durcissement des positions différentes et à la détérioration du climat à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église.

Certains, tout en dénonçant ce qu’ils ne partageaient pas des réformes, ont continué à obéir au Pape comme fils dévoués de Rome ; un seul nom parmi tant d’autres : le Cardinal Alfredo Ottaviani.
D’autres, par leur conduite, se sont effectivement et pratiquement éloignés de Rome.

Avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, le Saint Père Benoît XVI a cherché aussi à guérir cette terrible fracture, et à promouvoir la paix liturgique.

J’ai dit, “aussi”, parce que le Motu Proprio, selon le Saint-Père ne doit pas avoir uniquement cette finalité. En effet la liturgie est au centre de l’entreprise de restauration et de réconciliation voulue par le Saint Père. Dans son récent message à la conférence épiscopale italienne, le Pape explique que : “Le croyant authentique, de tout temps, expérimente dans la liturgie la présence, le primat et l’œuvre de Dieu. La liturgie est “veritatis splendor” (Sacramentum caritatis, 35), événement nuptial, avant-goût de la cité nouvelle et définitive et participation à celle-ci, ciel ouvert aux hommes sur la terre, passage du monde vers Dieu ; elle est Pâques, par la Croix et la Résurrection de Jésus ; elle est l’âme de la vie chrétienne, appelée à l’imitation du Christ, réconciliation qui se fait charité fraternelle”. Pour le Pape, ce n’est qu’en se retrouvant de nouveau autour de l’autel de la Rédemption que les prêtres et les fidèles feront de nouveau rayonner la parole du Christ dans un pays au catholicisme déclinant comme la France. Et, dans cet esprit, la liturgie traditionnelle est essentielle car elle remet le culte divin au premier plan des préoccupations des catholiques.

Encore, le Summorum Pontificum a été voulu par le Pape comme un instrument destiné à redonner à la liturgie sa primauté. De fait, la forme extraordinaire est proposée comme une pédagogie de la forme ordinaire :
- pour les prêtres qui désirent revivifier leur ars celebrandi
- pour les fidèles qui veulent comprendre ou retrouver le sens de la liturgie eucharistique.

Si, dans le Motu Proprio, le Saint Père mentionne les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle, il prend bien soin d’indiquer, dans sa Lettre aux évêques, que la forme extraordinaire concerne tout le peuple de Dieu : "Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place." Entre autres choses, la forme extraordinaire est une occasion pour les prêtres de se réapproprier l’usage de la langue latine et pour les fidèles de s’imprégner de l’esprit de la liturgie, culte voulu par Dieu pour Sa gloire et notre Salut. Mais je dois aussi souligner que l’on ne peut en principe refuser le Novus Ordo, ceci pour être en conformité avec le principe de la communion ecclésiale. Bien sûr, cela s’applique à la fois aux laïcs et aux prêtres. En fait, on ne peut pas faire un absolu du rite, parce que les rituels sont des moyens spécifiques de structuration de l’unité de l’Église. C’est pourquoi, et en particulier de la part de ceux qui aiment la Tradition catholique et romaine, nous nous attendons à un exemple d’obéissance au Saint-Père.

Nous devons tous imiter le Saint-Père, qui a promulgué cet acte gratuit d’amour. Comme il l’a rappelé aux évêques lors de sa visite à Paris: «Personne n’est de trop dans l’Église».

Rappelez-vous toujours d’exercer la charité envers vos frères, spécialement envers ceux qui ont des idées différentes des vôtres et qui peuvent parfois être dans l’erreur. En fait, à l’invitation si ouverte du Pontife, on ne peut pas répondre avec une fermeture.

Enfin, je voudrais vous dire que, en Italie, on observe que l’application du Motu Proprio est souvent due à l’initiative propre des curés. Et les fidèles suivent généralement sans difficulté, preuve de l’existence d’une forte demande silencieuse qui hésite souvent à se manifester de sa propre initiative.

Je voudrais enfin insuffler un peu de courage aux curés de paroisse.

En faisant leur le Motu Proprio, ceux-ci peuvent participer concrètement et utilement à l’œuvre de "réconciliation interne au sein de l’Église" souhaitée par le Saint Père dans sa Lettre aux évêques accompagnant le Summorum Pontificum. Les tensions pouvant exister entre groupes de fidèles demandant la messe selon la forme extraordinaire, les curés hésitants et les évêques hostiles, seraient bien moindres si les curés osaient utiliser la liberté que leur donne le Pape. Bien sûr, il ne s’agit pas d’imposer le Missel de Jean XXIII à la communauté paroissiale du jour au lendemain, mais d’en profiter pour mettre en place une catéchèse spécifique et progressive.

J’espère voir beaucoup de curés célébrer le Vetus et le Novus Ordo, parce que comme nous enseigne l’Orient, l’existence de plusieurs formes du même Rite est un grand trésor que nous devons apprendre à découvrir, préserver et cultiver."

II –LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Mgr Nicola Bux est un collaborateur étroit de la Curie romaine et du Saint Père : consulteur dans les congrégations les plus stratégiques du gouvernement romain, celle de la doctrine et celle de la liturgie, il a également été appelé par Benoît XVI comme expert au Synode sur le Moyen-Orient. Cependant, il n'est pas à proprement parler un homme de Curie puisqu’il continue à enseigner dans les Pouilles et à accomplir une activité pastorale à Bari, célébrant notamment selon la forme extraordinaire. Ses propos reflètent directement, sans filtre, la ligne que suivent les hommes du Pape en matière de réforme de la réforme.

2) Contrairement à ce que certains osent encore affirmer, le Motu Proprio de 2007 sur la liturgie traditionnelle n’est pas qu’un geste destiné aux « tradis ». Si tel était le cas, un simple aménagement du Motu Proprio de 1988 aurait amplement suffi. En fait, explique Mgr Bux, “la liturgie traditionnelle est essentielle car elle remet le culte divin au premier plan des préoccupations des catholiques”. Et c’est précisément l’une des constantes du cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI que de voir la liturgie comme “centre de l’entreprise de restauration et de réconciliation” dont a besoin l’Église. La liturgie est centrale parce que tous les regards des fidèles convergent vers elle le dimanche dans toutes les paroisses du monde mais aussi parce que c’est d’elle que rayonnent, plus ou moins fort, les vérités de la Foi.

3) De fait, Mgr Bux précise la fonction du Motu Proprio Summorum Pontificum en décrivant la forme extraordinaire “comme une pédagogie de la forme ordinaire”. Pour qui ? “Pour les prêtres qui désirent revivifier leur ars celebrandi et pour les fidèles qui veulent comprendre ou retrouver le sens de la liturgie eucharistique”. On est là au cœur de l’enrichissement mutuel des deux formes du rite que le Pape appelait de ses vœux dans sa Lettre aux évêques du 7 juillet 2007 : “Dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien” écrivait-il en effet. Naturellement, dans cette perspective, le cadre ordinaire de la célébration de la forme extraordinaire du rite romain (son droit commun en somme) ne peut être que la paroisse territoriale (même si la paroisse personnelle, prévue par le texte du Motu Proprio, peut aussi être mise en œuvre dans telle ou telle situation particulière). On ne peut donc que s’étonner, plus de trois ans après l’entrée en vigueur du Motu Proprio de constater l’absence ou la quasi-absence de telles mises en œuvre du Motu Proprio dans le cadre paroissial dans la plupart des diocèses de France… Quel bilan en la matière, trois ans après l’entrée en vigueur du Motu Proprio quand on pense aux diocèses emblématiques de la situation de blocage en France ?

4) Nous ne tairons pas l’appel que lance Mgr Bux aux catholiques attachés à la liturgie traditionnelle, nous invitant à “ne pas faire un absolu du rite” et à ne pas, par principe, “refuser le Novus Ordo”.
À l’invitation “si ouverte du Pontife, on ne peut pas répondre avec une fermeture” poursuit-il, nous rappelant de toujours “exercer la charité envers (nos) frères, spécialement envers ceux qui ont des idées différentes des (nôtres) et qui peuvent parfois être dans l’erreur”. Nous avons trop souvent regretté et dénoncé le manque de charité avec lesquels étaient traités les prêtres et les fidèles attachés à la tradition catholique pour ne pas accueillir volontiers cette invitation de Mgr Bux, d’autant que ce dernier est un des principaux partisans de la réforme du Nouvel Ordo dans un sens traditionnel. Rappelons à ce propos que la majorité des demandeurs de la forme extraordinaire sont des fidèles qui assistaient jusque-là à la messe moderne. Les sondages réalisés par Paix Liturgique depuis 10 ans, confirmés dans le temps et dans l’espace, indiquent qu’environ 1/3 des catholiques pratiquants - qui assistent aujourd'hui chaque dimanche à la messe célébrée selon la forme Ordinaire - assisteraient volontiers à la forme extraordinaire du rite romain si elle était célébrée dans leur propre paroisse ; il s’agit bien là de fidèles " silencieux" pratiquants régulièrement dans la forme ordinaire faute d’avoir aujourd'hui d'autre choix dans leur paroisse.

5) Enfin, Mgr Bux termine par un encouragement aux curés des paroisses ordinaires : rappelant, à l’aide de l’exemple italien (voir la lettre de Paix Liturgique n°252), “l’existence d’une forte demande silencieuse”, il les invite à oser “utiliser la liberté que leur donne le Pape” de célébrer selon le Missel du Bienheureux Jean XXIII. En prenant l’initiative, les curés peuvent utilement contribuer à “la réconciliation interne” que souhaite Benoît XVI. Bien entendu, et là encore nous ne pouvons que nous mêler aux longues ovations que la foule de Versailles a réservées aux propos de Mgr Bux : “Il ne s’agit pas d’imposer le Missel de Jean XXIII à la communauté paroissiale du jour au lendemain, mais d’en profiter pour mettre en place une catéchèse spécifique et progressive”.

22 novembre 2010

[Le Point] Négationnisme - Mgr Williamson agace aussi dans les rangs de la Fraternité Saint-Pie X

SOURCE - Le Point - 22 novembre 2010

L'évêque lefebvriste Mgr Richard Williamson, connu pour ses déclarations négationnistes, n'est pas décidé à revenir dans le droit chemin. Une semaine avant son procès en appel, le 29 novembre, le prélat britannique de 70 ans a choisi de révoquer Me Matthias Lossmann pour se faire défendre par un avocat ouvertement lié à la mouvance néonazie.

L'évêque de la Fraternité Saint-Pie X a été condamné mi-avril par le tribunal de Ratisbonne, en Allemagne, à 10.000 euros d'amende pour "incitation à la haine raciale", après qu'il eut nié l'existence des chambres à gaz et contesté le nombre de Juifs ayant péri dans les camps de concentration au cours d'une interview diffusée par la télévision suédoise le 21 janvier 2009.

La Fraternité hausse le ton

Après la décision de Mgr Williamson de révoquer son avocat, la Fraternité Saint-Pie X menace d'exclure l'évêque. Le supérieur général Mgr Fellay a intimé "l'ordre formel à Mgr Williamson de revenir sur cette décision et de ne pas se laisser instrumentaliser par des thèses politiques totalement étrangères à sa mission d'évêque catholique au service de la Fraternité Saint-Pie X", affirme un communiqué diffusé samedi. Et de prévenir : "La désobéissance à cet ordre ferait encourir à Mgr Williamson l'exclusion de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X."

Si la Fraternité hausse le ton, c'est aussi parce qu'il s'agit d'éviter tout faux pas et de parasiter les discussions avec le Saint-Siège destinées à résoudre plusieurs problèmes théologiques (notamment sur le concile Vatican II ou la notion de liberté religieuse). En 2009, les propos négationnistes de Mgr Williamson avaient suscité un véritable tollé dans le monde, s'ajoutant à l'incompréhension de la décision prise par le pape Benoît XVI de lever l'excommunication de quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X, ordonnée par Mgr Marcel Lefebvre en 1988. Depuis, les hommes d'Église tentent de soigner leur image et d'éviter les erreurs de communication.

20 novembre 2010

[DICI/FSSPX] Communiqué de la Maison Généralice: "La désobéissance à cet ordre ferait encourir à Mgr Williamson l’exclusion..."

SOURCE - DICI/FSSPX - 20 novembre 2010
Le Supérieur général, Mgr Bernard Fellay, a appris par la presse la décision de Mgr Richard Williamson de révoquer, dix jours avant son procès, l’avocat chargé de ses intérêts pour se laisser défendre par un avocat ouvertement lié à la mouvance dite néo-nazie en Allemagne et à certains de ses groupes.

Mgr Fellay a intimé l’ordre formel à Mgr Williamson de revenir sur cette décision et de ne pas se laisser instrumentaliser par des thèses politiques totalement étrangères à sa mission d’évêque catholique au service de la Fraternité Saint-Pie X.

La désobéissance à cet ordre ferait encourir à Mgr Williamson l’exclusion de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

Menzingen, le 20 novembre 2010
Abbé Christian Thouvenot, secrétaire général

[DICI - Abbé Lorans] L’Eglise est militante et non pas lénifiante

SOURCE - DICI - Mgr Fellay - 20 novembre 2010

Dans le sermon qu’il a prononcé le 1er novembre à Ecône, à l’occasion des 40 ans de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay rappelait que l’Eglise est ici-bas militante, et qu’elle n’est triomphante qu’au Ciel où les saints contemplent Dieu dans la lumière de gloire.

Le combat de l’Eglise militante contre l’erreur et le péché n’est autre que celui de Notre Seigneur portant sa Croix et s’offrant en sacrifice pour la rémission de nos péchés. Quiconque rappelle aujourd’hui ces dures réalités fait figure d’obscurantiste doloriste, anté-conciliaire voire anti-conciliaire. Place à un discours œcuménique et consensuel ! Plus d’anathèmes, ni d’excommunications ! Sauf pour ceux qui ne veulent pas oublier qu’avant la Résurrection il y eut le Sacrifice de la Croix. Avant le Dimanche de Pâques nécessairement le Vendredi Saint.

Ecarter la nature militante de l’Eglise ici-bas présente le danger concret de voir les exigences évangéliques se transformer en discours lénifiants sur les « problèmes de société », avec un clergé incapable d’offrir aux âmes autre chose qu’un « soutien psychologique ». En n’oubliant pas que l’Eglise doit être militante, la Tradition ne fait pas un retour au passé, mais un retour à la réalité du Salut que nous a procuré Jésus-Christ par sa Croix.

Abbé Alain Lorans

[DICI - Mgr Fellay] La Fraternité Saint-Pie X fait partie de l’Eglise militante

SOURCE - DICI - Mgr Fellay - 20 novembre 2010

Sermon de Mgr Bernard Fellay au Séminaire d’Ecône, le 1er Novembre 2010, à l’occasion du 40e anniversaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
Chers membres de la Fraternité,

En ce jour nous avons une double joie. Tout d’abord la joie de la fête liturgique que nous célébrons aujourd’hui, la Toussaint. L’Eglise veut rassembler en une fête tous ses enfants qui jouissent déjà de la béatitude éternelle, de la vision béatifique. Une fête extraordinaire puisque c’est l’accomplissement, l’achèvement de l’Eglise ! On y voit réalisée sa raison d’être, sa mission. Et nous espérons bien que ce sera aussi notre fin. C’est bien une grande joie pour nous que de penser au ciel, et aujourd’hui vraiment l’Eglise nous demande de penser au ciel, à ce pour quoi Dieu nous a créés. Pendant l’année, nous célébrons un certain nombre de saints, ces saints que l’Eglise a voulu nous donner comme modèles car en chacun d’eux il y a quelque chose d’extraordinaire qui dépasse l’habituel, l’ordinaire humain. Ce sont des modèles sublimes, parfaits, à imiter bien que certains de leurs exploits restent au niveau de l’admiration : on contemple leurs miracles qui demeurent pour nous des objets d’admiration mais pas d’imitation. Mais l’Eglise nous dit aujourd’hui : il y a certes tous ces modèles, mais il n’y a pas qu’eux ! Il y a 365 jours dans le martyrologe, on y trouve quelques milliers de saints mentionnés, mais il y en a bien plus au ciel ! Et ce nous est une occasion de grande espérance, car le ciel est notre patrie.

Et en même temps, ce jour de la Toussaint nous procure une autre joie : nous célébrons un anniversaire, celui des 40 ans de la fondation de notre chère Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. En ce jour, et ce n’est certainement pas un hasard car nous savons bien que pour la Divine Providence il n’y a pas de hasard – même s’il n’est pas toujours facile de voir quelles sont les intentions du Bon Dieu, quels sont les liens entre les événements qu’il est licite de faire ou quels sont ceux que l’on doit faire d’une manière plus lointaine. Mais certainement que pour le Bon Dieu, sous son regard, tout se tient. Et il y a une raison pour laquelle c’est en cette fête de la Toussaint que la Fraternité a été fondée. Essayons au moins de l’entrevoir.

L’Eglise militante sur terre est triomphante au ciel

Lorsqu’on parle de la Toussaint, lorsqu’on parle des saints, on pense bien sûr à chacun d’eux pris individuellement, mais aussi à l’ensemble qu’ils composent. Dès qu’on dit « tous les saints », on pense à un corps. Cet ensemble a un nom, c’est l’Eglise triomphante. Et l’Eglise triomphante, nous le savons, est une partie de l’Eglise, on pourrait dire que c’est la partie définitive, celle qui est l’achèvement de l’Eglise d’ici-bas, son aboutissement au ciel, sa perfection définitive. Il y a là un lien, c’est la même Eglise que nous appelons sur terre « militante » et au ciel « triomphante ». C’est exactement la même Eglise, mais qui se trouve ici-bas sous un autre mode, puisqu’elle se situe dans le temps, et qu’elle est aussi dans une façon d’agir différente. En dehors du temps, dans la vision du Bon Dieu, disparaît tout l’aspect de la lutte contre le péché, contre le démon, qui est notre sort sur terre. Les saints se vouent tout entiers à l’adoration de Dieu, à cette jouissance des perfections de Dieu dans la vision qu’Il a de Lui-même, dans la lumière de gloire. Mais ici-bas effectivement l’Eglise combat. Sa fin se trouve au ciel.

S’il y a une Eglise sur terre, si Notre Seigneur a fondé son Eglise, c’est pour sauver, pour arracher les âmes à leur état pitoyable, à leur misérable état de péché. Nous le savons, c’est la foi qui nous l’enseigne, tout homme qui entre dans ce monde est conçu avec le péché originel. Il est privé de cette amitié avec Dieu qu’est la grâce. Il est dans un état non pas de nature, mais dans un état déchu, dans un état qui fait qu’il ne peut pas arriver par lui-même à la fin que lui a offerte le Bon Dieu. S’il compte sur lui-même, il est perdu, et sa vie ici-bas ne sera qu’une suite de joies passagères, de plaisirs, de larmes, de tristesses, de souffrances, avec une fin malheureuse. Dès lors il faut chercher quel est le moyen donné par Dieu pour tirer l’homme de cet état de misère, encore aggravé par la suite de nos péchés personnels, et qui, si on ne fait rien, se termine par l’enfer, la privation de Dieu, la privation de ce pourquoi Dieu a fait l’homme, c’est-à-dire cette jouissance éternelle dans la vision béatifique, – cette privation qu’est la peine de la damnation est difficile à comprendre, elle est plus facile à comprendre par les peines sensibles du feu et de toutes les autres souffrances physiques de l’enfer… Cet état effroyable est celui dans lequel l’homme se précipite, s’il ne prend pas le seul moyen donné par Dieu pour se sauver qui est l’Eglise que Lui-même a fondée, l’Eglise catholique, l’Eglise catholique romaine. Et tirer l’âme de cet état de misère, ce n’est pas simplement une œuvre de bienfaisance, c’est un combat.

L’homme n’est pas tombé tout seul. Ces esprits déchus que sont les démons sont bien là. Dieu permet qu’ils puissent avoir une certaine action. Ils vont ainsi essayer d’entraver le travail de l’Eglise qui consiste à sortir les âmes du péché. Cette mission est un véritable combat, un combat essentiellement spirituel, mais qui peut très facilement avoir des extensions dans le monde physique. L’Eglise n’a pas que des guerres spirituelles à mener, elle doit subir de véritables persécutions physiques. Le diable s’ingénie à avoir des adeptes sur terre, c’est ce qu’on appelle pour faire court le « monde ». Et ce monde, malgré toutes sortes de charmes et de sourires, est un ennemi. Un ennemi du bien des hommes et de leur salut. Ce qui fait que, sur terre, l’Eglise, dans la réalisation de sa fin qui est d’amener les hommes à Dieu, qui est de les sanctifier, qui est de leur communiquer cette grâce qui fait les saints, l’Eglise doit effectivement consacrer la plus grande partie de son énergie et de son temps à ce combat.

Ce combat, on le verra dans la défense de la foi, dans la protection du trésor de la foi, et il exigera de la part de l’Eglise des condamnations, des défenses, des punitions, des excommunications. C’est normal et cela ne peut pas être autrement. Nous sommes dans une véritable guerre, beaucoup plus grave, beaucoup plus décisive que toutes les guerres humaines. Il y va, encore une fois, du salut des âmes ! Ce combat, on le voit aussi au niveau des mœurs. Il faut la foi, mais aussi il faut une vie qui corresponde aux commandements de Dieu. Et donc charge à l’Eglise de répéter aux hommes quelle est la voie du Bon Dieu. L’expérience de tous les jours nous montre combien le rappel de ce que sont les mœurs catholiques peut déclencher une guerre. Fondamentalement, le combat de la foi est beaucoup plus profond, mais au niveau des hommes presque toujours ce sera autour des mœurs que le combat se déroulera. Que l’homme d’aujourd’hui se fasse rappeler à l’ordre sur la morale, voilà qui provoque un déchaînement général ! Quelque part les deux se trouvent liés, le combat de la foi et le combat des mœurs, mais à l’évidence, et l’expérience de tous les jours le montre, le combat se joue au plan moral. C’est bien pourquoi l’Eglise sur terre s’appelle « militante ». Et ce combat quotidien peut nous faire un peu oublier le beau côté de l’Eglise. Ou disons plus exactement que ceux qui voudraient ne penser qu’au beau côté de l’Eglise risquent fort d’oublier ce qui n’est peut-être pas l’essentiel, mais qui est pourtant absolument nécessaire : le combat ici, sur terre, autrement dit l’ascèse. Notre Seigneur l’a bien dit : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il se renonce, qu’il porte sa croix tous les jours, et qu’il me suive » (Luc 9, 23). C’est ainsi ! Mais aujourd’hui, en cette fête de la Toussaint, l’Eglise nous demande d’élever nos cœurs, sans pour autant oublier ce combat, elle nous invite à regarder cette récompense que le Bon Dieu donne à ceux qui se vouent à ce combat, à ceux qui se dévouent au salut de leur âme et de celle de leur prochain, la béatitude éternelle.

Qu’est ce que la Fraternité aux yeux du monde ?

Comment établir une relation entre cette vérité et la Fraternité ? Ce n’est pas si difficile finalement, mes bien chers frères. Quand on parle de la Fraternité, quand on regarde autour de nous, qu’est-ce que notre Fraternité pour les gens du monde ? C’est une bande de bagarreurs, des rebelles, des excommuniés, des schismatiques… bref, des enfants terribles de l’Eglise… ou quelque chose d’approchant. Ils sont tout le temps en train de rouspéter, de ronchonner, d’attaquer, de critiquer. C’est ainsi que l’on voit la Fraternité. Et on peut dire qu’au cours de ces 40 ans d’existence, on trouve pas mal de batailles, pas mal d’éléments de cette guerre. C’est là qu’on constate combien la Fraternité fait partie de l’Eglise militante. A une époque où précisément cet aspect combatif de l’Eglise veut être oublié. Il est frappant de constater qu’en cette époque qui est la nôtre, et surtout depuis le concile, on essaye de faire disparaître cet aspect militant. On ne veut plus en parler, on veut présenter une Eglise bien gentille, sympathique avec tout le monde, avec toutes les religions, avec tous les hommes, avec tous les pécheurs, comme s’il n’y avait qu’un seul démon qui subsistait, la Fraternité Saint-Pie X ! Avec celle-là, oui, on va se maintenir en état de guerre ! C’est assez impressionnant de voir ce contraste.

La croix, on ne veut plus en parler. Ou si on en parle encore, on en a ôté le Crucifié. On laisse encore une croix avec un bandeau au milieu, c’est la croix du Ressuscité, celle qui ne sert plus à rien parce que le Christ est ressuscité. Alléluia ! Tout va bien. Et on ne veut plus parler de la valeur de la souffrance, de la nécessité de ce combat. Le péché ? Pensez, il n’y a plus de pécheurs ! De toute façon tout le monde va au ciel. C’est vite fait. C’est simple. Tout le monde est gentil, tout le monde se sauve. Soyez de bons protestants, soyez de bons païens, vous irez au ciel ! C’est à peu près le message qui passe un peu partout. On a peine à voir ce qu’est l’Eglise militante. Quand on regarde aujourd’hui l’Eglise, on peut bien se demander pourquoi on l’appelle encore militante. Parce qu’elle milite, je ne sais pas, pour les droits de la femme ou pour les pauvres ? Est-ce que c’est cela, l’Eglise militante ?

De notre côté, certainement que ce côté « bataille pour la messe » et « défense de la foi » est bien visible, et déjà dans notre vocabulaire, car si on fait le recensement de nos sermons très souvent on trouve ces idées de combat, de bataille, de guerre. Mais nous sommes presque les seuls à en parler. On voit bien chez nous cet aspect de l’Eglise militante. Et en même temps, nous le savons, nous ne nous battons pas que pour le plaisir de nous battre. Nous ne donnons pas l’impression – je dis bien l’impression – de désobéir pour le plaisir d’affirmer notre opinion personnelle. Nous cherchons autre chose. Nous cherchons le salut. Nous cherchons Dieu. Si nous nous lançons dans cette bataille, c’est parce que nous voulons plaire à Dieu, c’est parce que nous voulons la gloire de Dieu et par là notre salut.

Sans Mgr Marcel Lefebvre, pas de Fraternité Saint-Pie X

Regardons d’un peu plus près notre Fraternité. Il y a quelque chose d’évident : parler de la Fraternité, parler de ce qu’elle fait, parler de ses intentions, c’est nécessairement parler d’une personne, notre cher et vénéré fondateur, Mgr Marcel Lefebvre. S’il n’était pas là, il n’y aurait pas de Fraternité, nous ne serions pas là. Cette œuvre de l’Eglise existe parce qu’il en est le fondateur, mais non seulement cela, tout notre combat pour l’Eglise est régi par des lignes directrices, par un esprit que nous avons reçu de Mgr Lefebvre. Evidemment, il est tellement clair pour nous que c’est un homme suscité par la Divine Providence pour cette époque. Le Bon Dieu l’a doté d’un nombre impressionnant de talents, de dons, pour notre époque. Il lui a permis, tout d’abord, de comprendre qu’il y avait un problème dans l’Eglise, qu’il y avait une crise, mais aussi de saisir où était le problème, quelle était la cause de cette crise. Le Bon Dieu lui a donné aussi de faire voir quels étaient les moyens à appliquer pour en sortir, quel était l’antidote à cette crise. Et la Fraternité, depuis 40 ans, vit de ces indications que Monseigneur nous a données. Et ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que ces lignes qu’il nous a laissées, soit pour expliquer ce qui se passe dans l’Eglise, soit pour nous montrer quels sont les moyens qu’il faut utiliser pour s’en sortir, eh bien ! Cette vision de l’Eglise est tellement profonde que 40 ans après vous pouvez lire ce qu’il disait il y a 40 ans, et vous pouvez l’appliquer comme s’il le disait aujourd’hui. Cela veut dire que cette vision est tellement élevée qu’elle dépasse en quelque sorte le temps. Bien sûr, elle est pour notre époque, mais néanmoins elle est suffisamment au-dessus des éléments particuliers et contingents d’une époque, qu’elle peut nous montrer ce qu’il faut faire. Voilà le problème et voilà la solution !

La Fraternité est un héritage. Là aussi, il y a un lien avec l’Eglise. L’Eglise est une tradition, dans le sens où, de génération en génération, ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ a confié aux apôtres est transmis aux générations futures. C’est réellement une tradition, la transmission d’un dépôt, d’un trésor qu’on appelle le « dépôt révélé », ce que Dieu a confié aux hommes pour leur salut. Et l’on entend se répéter, dans notre Fraternité, exactement la même chose, en écho fidèle, non pas quelque chose de différent puisque nous sommes dans l’Eglise. Monseigneur nous disait, et c’est ce qu’il a voulu voir inscrit sur sa tombe : « J’ai transmis ce que j’ai reçu » (1 Cor. 11,23). Eh bien ! Nous l’avons reçu et nous vivons encore maintenant de ce trésor. Et si vous êtes là, c’est parce que vous-mêmes vous l’avez reçu à votre tour ce trésor. Et si nous avons aujourd’hui 40 ans d’existence, c’est que pendant 40 ans cette transmission s’est maintenue. Car ce que nous faisons – Monseigneur a tellement insisté là-dessus – ce ne doit être rien d’autre que ce que fait l’Eglise. Il a insisté lorsqu’il a voulu nous parler de l’esprit de la Fraternité. Quel est l’esprit de la Fraternité ? Il nous a dit : « il n’y en a pas ». Il n’y a pas d’esprit propre. L’esprit propre de la Fraternité, c’est l’esprit de l’Eglise. Regardons l’Eglise, cherchons qu’est-ce qui domine, qu’est-ce qui meut l’Eglise ? C’est cet esprit-là qui doit être ce qui meut la Fraternité. Effectivement il y a le combat, il y a la défense de la foi. Mais cela ne suffit pas. Ce n’est pas tout. Vous-mêmes, vous le comprenez bien, même si les gens qui nous regardent de l’extérieur voient des éléments négatifs comme la défense ou le combat ou encore la guerre…, et souvent en restent là. Il faudrait qu’ils regardent un peu mieux, et ils verraient que ces éléments négatifs sont bien réels, mais que n’est pas la fin ni l’achèvement des choses. L’achèvement, c’est la sainteté. C’est la fin même de l’Eglise. C’est tellement beau, tellement extraordinaire de considérer cette finalité à l’époque qui est la nôtre, où la sainteté est bafouée partout, où on a enlevé toutes les protections qu’offraient les lois, au niveau des Etats qui protégeaient encore un peu les mœurs et le comportement des hommes selon la loi naturelle. Tout a sauté, tout a été plongé dans la pourriture, dans le fumier, excusez-moi… Eh bien ! Dans ce milieu-là, dans ce naufrage, il est vraiment extraordinaire de voir que cette petite Fraternité au sein de ce combat où elle est attaquée de toutes parts, arrive néanmoins à faire briller la lumière du Bon Dieu, qui est la lumière de la foi, et parvient à donner aux hommes le courage de résister au milieu de tout cela, pour vivre une vie qui plaît à Dieu, une vie dans la grâce. Oui, c’est quelque chose d’absolument extraordinaire qui tient du miracle. Il y a vraiment de quoi rendre grâce à Dieu aujourd’hui. Rendre grâce à Dieu de nous avoir donné un Monseigneur Lefebvre.

Le but de l’Eglise est de faire des saints

Dans ce petit livre qu’il nous a dit être son testament, son Itinéraire spirituel, la préface nous apprend que toute sa vie il a été hanté par le désir de transmettre les principes de la sanctification sacerdotale, de la sanctification chrétienne. Le désir de faire des saints, voilà ce que cela veut dire. Et c’est précisément le but de l’Eglise : faire des saints, faire de saints prêtres pour qu’il y ait de saints fidèles. Il faut vraiment que toute l’Eglise soit sanctifiée. Et pour cela il n’a pas proposé une invention de son cru. Il a repris tout simplement ce que l’Eglise nous donne. Ce sur quoi il faudrait être centré : la Messe. C’est le fondement, c’est la source de toute grâce, de toute sanctification. Et c’est vraiment le remède, le remède à cette crise. Déjà on le voit, un petit commencement, quelque chose qui n’est pas très fort, un petit quelque chose qui commence et que l’on voit bien dans l’Eglise. C’est autour de la Messe que cela se passe, c’est à partir de là que se reconstruit petit à petit la chrétienté, au milieu de toutes sortes de misères, de peines, de larmes. Mais néanmoins cela germe, cela croît lentement. C’est encore imperceptible, mais malgré tout on voit qu’il se passe quelque chose. On voit la main du Bon Dieu tout simplement. Je me souviens – et ce n’est pas nous qui avons cherché cette louange –, lors de la première visite de trois évêques de la Fraternité au cardinal Castrillón, juste après le pèlerinage de l’an 2000, il déclara en parlant de la Fraternité : « Les fruits sont bons, donc il y a le Saint-Esprit ». Qu’est-ce qu’on veut de plus ? Le Saint-Esprit, l’Esprit qui sanctifie, l’Esprit qui ne se trouve que dans l’Eglise et qui sanctifie les âmes.

Demandons bien aujourd’hui à Notre Dame, demandons à tous les saints, demandons à notre cher Mgr Lefebvre, les grâces de fidélité à ce dépôt qui nous est donné par l’Eglise, fidélité à la foi, fidélité à la grâce. Demandons de vivre toujours plus de ce feu de la charité vraie qui aime Dieu par-dessus tout, et qui aime le prochain pour l’amour de Dieu. Demandons cette grâce de la fidélité pour que notre belle histoire ne s’arrête pas aux 40 ans, mais qu’elle continue, car il n’est pas difficile de comprendre, en regardant l’état de l’Eglise, que nous n’en avons pas fini. Si d’un côté il y a des espoirs, de l’autre côté il y a aussi la compréhension bien claire que notre combat dans et pour l’Eglise n’est pas terminé. Aussi demandons vraiment au Bon Dieu ce feu, le feu de son Amour qui veut partout voir que son Nom soit sanctifié, que son Règne arrive, que sa Volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Demandons à tous les saints du ciel, aux anges de nous assister, de nous aider, de nous conduire dans ce combat pour la gloire de Dieu, pour notre salut et la gloire de l’Eglise. Ainsi soit-il.