SOURCE - Abbé Guy Castelain, fsspx - L'Hermine - Mars 2014
Dom Gérard (+) écrivait en 1986, dans son livre intitulé Demain la Chrétienté (éditions Dismas) : - « La déclaration Dignitatis humanae du 7 décembre 1965 fait entendre un langage en rupture totale avec la notion traditionnelle de la liberté religieuse » (p. 116) ; - « On voit comment la déclaration sur la liberté religieuse émet (…) une proposition contraire à l’enseignement constant du Magistère concernant la liberté des cultes » (p. 121) ; - « Il est blasphématoire d’organiser la vie sociale sans tenir compte de ses droits (ceux de Jésus-Christ) souverains sur les sociétés. » (p. 100) ; - « Soustraire à l’autorité royale du Fils de Dieu de ce qui est du domaine de la vie sociale, l’administration, les lois, les décrets des parlements ? Nous ne pouvons l’admettre sans pécher gravement contre Dieu et contre les hommes » (p. 98) ; - « Le libéralisme est synonyme de lâcheté… à ce stade n’est plus une erreur de l’esprit, c’est une lâcheté de caractère et un manque de générosité » (p. 131).
Dom Gérard, au moment de son ralliement à l’Eglise conciliaire, juste après les sacres de Mgr Lefebvre affirmait : « Nous restons, nous-mêmes, arc-boutés aux impératifs de la Foi intégrale et à la Tradition immuable de l’Eglise… Que nulle contrepartie doctrinale ou liturgique ne soit exigée de nous et que nul silence ne soit imposé à notre prédication antimoderniste » (cité dans Fideliter hors-série, 29-30 juin 1988, p. 83, ss).
Cependant en 1998 paraît un ouvrage, publié par l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, intitulé La liberté religieuse et la tradition catholique. C’est un ouvrage de 3000 pages environ, réparties en trois tomes de deux volumes chacun, soit une collection de six livres. Les deux premiers présentent la dissertation sur la thèse en question. Les deux suivants comportent les citations des textes invoqués dans l’ouvrage. Les deux derniers contiennent les outils de consultations, bibliographie et index analytique. La couverture de la première édition porte le nom de l’auteur : le Frère Basile, o.s.b. membre du monastère du Barroux. Deux bandeaux annoncent La recherche la plus fondamentale à propos de la Déclaration sur la liberté religieuse et Un véritable ouvrage de référence (Revue thomiste). Le sous-titre annonce la conclusion : Un cas de développement homogène dans le magistère authentique.
La thèse porte l’imprimatur du Père abbé, Dom Gérard (+), du 4 mars 1998. Sur les couvertures, on peut lire des appréciations louangeuses du cardinal Stickler, du cardinal Ratzinger, du cardinal Hamer, du cardinal Poupard, de l’abbé de Solesmes et de Marcel Clément (L’Homme Nouveau), qui encensent unanimement l’ouvrage. Citons le cardinal Ratzinger, le futur successeur de Jean-Paul II : « Un progrès substantiel dans la question épineuse de l’interprétation correcte de Dignitatis humanae et son insertion dans la Tradition de l’Eglise. » Voilà le Barroux précurseur de l’herméneutique de la continuité qui sera prônée plus tard par le pape Benoît XVI…
La thèse est plus impressionnante que sérieuse. La voici en substance : la liberté religieuse est enseignée par le concile Vatican II. Le Père Congar, et d’autres, disent qu’elle ne se trouve pas dans l’Ecriture Sainte, c’est-à-dire la Tradition écrite. C’est donc qu’elle se trouve dans la Tradition orale de l’Eglise : les Pères de l’Eglise, les docteurs médiévaux, les papes, etc. C’est ce que tente de démontrer cette thèse, fruit de dix années de travaux. Bien qu’ébauchée en 1995, elle a donc été commencée en… 1988 (année des sacres). Les erreurs de théologie y sont nombreuses, car il y a un parti pris en faveur de la thèse. Mais, la « clef » sur laquelle elle repose est celle-ci : « L’élasticité des critères de l’ordre public juste… constitue la solution principale du problème de l’évolution de la doctrine en matière de liberté religieuse. » (Thèse, tome I, B, pp. 727-797). Le relativisme est donc érigé en principe de réflexion théologique.
L’épilogue dévoile les vraies intentions de l’auteur : « Le pape Jean-Paul II, dans son Motu proprio Ecclesia Dei, a déclaré : L’ampleur et la profondeur des enseignements du concile Vatican II requièrent un effort renouvelé d’approfondissement qui permettra de mettre en lumière la continuité du concile avec la Tradition, spécialement sur des points de doctrine qui, peut-être à cause de leur nouveauté, n’ont pas encore été bien compris dans certains secteurs de l’Eglise. » Quels sont ces « secteurs » ? Ceux de la Tradition dans le sillage de Mgr Lefebvre.
Finalement, cette thèse tente bel et bien de justifier théologiquement le motif sur lequel repose l’excommunication de Mgr Lefebvre : « Une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition » (Motu proprio Ecclesia Dei afflicta, n° 4).
Abbé Guy Castelain