Le Pape François embrasse la main du prêtre “pro-homosexuels”. “Accord doctrinal”? “Conversion de Rome”? |
31 mai 2014, Marie Reine
Disponibilité à l'accord, en le rebaptisant
Est parvenue à cette rédaction, de plusieurs sources, la notice d’un possible accord FSSPX-Rome pour la Pentecôte, du moins d’une tentative dans ce sens.
Au cours d’une discussion entre la Commission Ecclesia Dei et sa Sainteté le Pape François sur cet objet, les membres de la Commission auraient fait remarquer au Pape François qu’il n’y a pas plein accord sur la doctrine, et celui-ci aurait répondu que la chose n’est pas importante, même les néo-catéchuménaux ont leurs idées doctrinales, les lefebvristes ont d’autres idées doctrinales... Qu’on remarque bien : non pas que la “note théologique” des questions controversées soit de peu d’importance, mais c’est la doctrine elle-même qui n’est pas une chose importante.
Est-elle vraie cette information? Evidemment, l’éventuelle présence d’une tentative qui va dans ce sens n’impliquerait pas automatiquement la réussite.
Mais il y a quelque chose. Nous en donnons ici certains éléments.
Déjà le mois passé, Mgr Fellay a redimensionné un jugements très lourd donné par lui sur le Pasteur Latino Américain (évidemment, toujours au nom du “contexte” dans lequel il s’était exprimé auparavant...); ce fait laissait prévoir qu’il y avait quelque chose dans l’air.
Dans des temps plus récents, Mgr Williamson a informé que Mgr Fellay aurait prospecté la possibilité d’une régularisation (mais, en jouant sur les mots, la régularisation aurait été appelée non pas “accord”, mais “reconnaissance unilatérale” ou “reconnaissance de garantie”); le Supérieur de la Fsspx a dit à ses séminaristes que ce serait une bonne chose, mais sans expliquer pourquoi dans le passé il disait tout autre chose (voir ici), invoquant seulement le refrain abusé et passe-partout du “contexte” de ses affirmations passées.
En ces jours, vient de sortir la nouvelle que la direction de la Fsspx a déjeuné avec le Pape François : évidemment Mgr Fellay s’est empressé de minimiser la chose. Après tant de discours qui ont absolutisé et emphatisé que la Fraternité (et seulement la Fraternité) parlerait toujours publiquement, il n’a cependant pas estimé juste de donner lui même notice de cette rencontre conviviale, quoique brève et plus ou moins occasionnelle (évidement!).
De plus, dans un interview du 20 janvier dernier, paru sur le bulletin du district suisse de la Fsspx (avril-mai 2014), publié également sur le site officiel français La Porte Latine, à la question : « Y a-t-il eu une approche officielle de Rome pour reprendre contact avec vous depuis l’élection du pape François ? » Mgr Fellay a répondu de fait en dissimulant :« Il y a eu une approche ‘non officielle’ de Rome pour reprendre contact avec nous, mais rien de plus et je n’ai pas sollicité d’audience comme j’avais pu le faire après l’élection de Benoît XVI». Cependant Mgr Fellay ne dit pas que juste le mois précédant il avait rencontré le Pape François. Sa négation d’avoir sollicité l’audience il faut donc l’entendre, à la lumière de ce qui est sorti récemment, comme étant dite avec une restriction mentale. Il faut la lire ainsi : « la rencontre a eu lieu, mais elle n’a pas été officielle, je ne l’ai pas demandée ou en tout cas je ne l’ai pas sollicitée ».
Si une autre société ecclésiastique s’était exprimée ainsi, n’aurait elle pas été accusée d’utiliser un langage ambigu, un langage “conciliaire”?
Une intervention révélatrice
Il est ensuite sorti sur le Seignadou d’avril 2014 un article intéressant de M. l’Abbé Michel Simoulin, entre autre chose, ancien Supérieur estimé de la Fsspx en Italie. L’article, qui s’insert dans la tendance citée plus haut mérite attention, à titre d’exemplification, vu l’autorité de son auteur et vu la circonstance selon laquelle, de façon notoire, l’auteur ne prendrait jamais une position contraire à l’animus des autorités de la Fsspx.
Dans cette article sont dites certaines choses auxquelles cette revue souscrit pleinement : «Qui dit ligne de crête dit danger des deux côtés. Celui d’une reconnaissance mal assurée en est un; le danger interne que nous venons de décrire en est un autre (il se réfère ici à la tendance Petite Eglise, ndr)». C’est ce que nous appelons “troisième voie”, “troisième position”.
Dans le texte sont dites aussi des choses que - historiquement et en soi - nous partageons de façon notoire : que l’on pense à la grave description des fortes tendances dans le sens Petite Eglise. Cette situation, maintenant décrite dans cet article, lorsqu’elle était dans les années passées l’objet de préoccupation (même de la part de personnes de l’intérieur ou de personnes amies), et lorsqu’elle était manifestée, attirait au minimum l’accusation de “faire des fixations”.
D’un autre côté dans l'article il y a aussi des choses que nous ne pouvons pas partager dans leur ensemble, comme l’absolutisation de l’appel à « faire front sous la sage et prudente direction des chefs que Dieu nous a donnés ». Il est vrai que, dans les circonstances présentes, il y a le problème très concret de la situation à gérer, de la “maison à faire tourner”; il est vrai que le diable en tentant sub specie boni travaille sans cesse à diviser; mais si une telle assertion, qui dans l’article n’est pas contrebalancé par aucune autre considération, était justement un absolu : comment justifier alors la résistance aux curés, aux évêques, aux papes, que “Dieu nous a donnés” ? Donner systématiquement à Mgr Fellay cette confiance aveugle, cette obéissance aveugle qu’on nie, à juste titre, aussi au Pape (surtout dans le nouveau cursus ecclésial), ne manifeste t-il pas justement cet esprit croissant de Petite Eglise que l’Abbé Simoulin dénonce et stigmatise, à juste titre ? Ces sages et prudents chefs, qui (quoique dans des circonstances difficiles) ont longtemps semé le vent, et aujourd’hui récoltent la tempête, sont-ils exemptés de donner des explications sur leurs contradictions ? Cet appel à l’unité, contredit par les sanctions obstinées de Mgr Fellay envers les dissidents de sa ligne du moment, peut-il exempter de tels chefs du fait de répondre aux objections soulevées, d’une façon ou d’une autre, par les accordistes claires et déclarées et par les anti-accordistes claires et déclarée? Y a-t-il seulement le raccourci systématique et autoritaire de punir celui qui pose des objections ou pourrait-on aussi répondre honnêtement - et ad rem - à ces mêmes objections? Un tel comportement n’est-il pas sectaire? Et ne resterait-il pas sectaire, même dans le cas d’un accord (de pouvoir) ?
Mais la principale affirmation de M. l’Abbé Simoulin avec laquelle nous ne sommes pas d’accord est la suivante, particulièrement intéressante parce que clairement explicative d’un concept qui n’est pas seulement propre à l’auteur de l’article mais qui est devenu à la mode.
« Cesser de nous imposer d’accepter Vatican II sans discussion possible, et accorder cette liberté serait déjà une étape importante, car ce serait reconnaître implicitement que nos arguments ont de la valeur. Une autorité qui consentirait à cela serait déjà une autorité non hostile à la Tradition, voire désireuse de la rétablir dans l’Église, et ce serait déjà une vraie conversion de Rome ».
Discours qui rime avec le refrain de la “reconnaissance unilatérale”, “sans signer aucun accord”, “sans condition”, “comme cela fut pour la révocation du décret d’excommunication”... et qui - objectivement - est un mensonge. Cela sauve peut être son propre orgueil mais cela sacrifie certainement la réalité.
Le refrain de la “reconnaissance unilatérale” c’est à dire la voie de l’orgueil et du mensonge
L’évident embarras et les tentatives de rattrapage de ce membre autorisé et très obéissant de la Fsspx montrent bien comment de tels discours sur la “reconnaissance unilatérale”, sont, en parlant de façon objective et en sauvegardant les intentions subjectives, un mensonge. Comme ce fut objectivement un mensonge celui de la “révocation unilatérale du décret d’excommunication”. En effet, qui se souvient que Mgr Fellay avait dit que pour obtenir une telle révocation il aurait dû faire auparavant une demande écrite et que celle-ci était une “condition” et même une “condition inacceptable”, car en écrivant une lettre pour demander l’annulation du décret il aurait reconnu du même coup la validité du décret d’excommunication ? Est-ce qu’on s’en souvient ? Or cette lettre a bien été écrite et sans donner d’explication réelle sur son changement de position.
Pas seulement cela : la lettre dont il est question, qui était d’abord une “condition inacceptable” et qui par la suite ne constituait même plus une “condition”, tout en ayant été écrite, tout en étant donc un document public et important de par sa nature, n’a jamais été publiée intégralement. Encore pire, les deux parties ont diffusé, de l’unique passage qui a été publié, deux versions différentes, les deux citées entre guillemets.
Plus récemment, comme observé par Giacomo Devoto dans un article, dont le point de vue est diffèrent du nôtre, il est certain que Mgr Fellay a déjà signé quelque chose dedoctrinal dans la direction voulue par le Vatican : parce qu’au Vatican ils ont encore le texte du préambule doctrinal, signé par lui il y a deux ans. Texte dans lequel le Prélat suisse affirme reconnaitre la légitimité de la promulgation du Novus Ordo Missae et souscrit le principe de réciprocité entre la Tradition et le Concile. Ce texte a été jugé ensuite par Mgr Fellay - lorsque l’accord n’est pas arrivé à bon port - moins opportun que ce qui lui avait paru, mais non pas un texte erroné dans son contenu. Et encore, dans la lettre qu’il a écrite au Saint Père Benoit XVI, suite à la demande vaticane de nouvelles concessions (autre document resté dans l’ombre et mis au jour seulement par des tiers), il a affirmé que ces nouvelles concessions, demandées par le Vatican à la Fsspx en mai-juin 2012, ne seraient pas passées à cause du contexte de l’époque ! Il est évident qu’on ne parle pas ici du contenu erroné et qu’il n’y a pas eu une rétractation claire (et faite chez les deux côtés) de ce texte. A un tel point que “les siens” ont pu comprendre - de façon un peu velléitaire et fidéiste - que le texte avait été retiré et en même temps les interlocuteurs au Vatican ont pu pareillement comprendre qu’il s’agit de la position du chef de la Fsspx, mais qu’elle ne pouvait pas être dite à haute voix à cause des problèmes internes du moment, à cause du “contexte”; il fallait savoir attendre.
Il y a d’ailleurs plusieurs façons de “faire des compromis”, parmi lesquelles souscrire publiquement un texte est seulement la façon la plus claire, à la lumière du soleil. Par exemple, lorsqu’Antonio Socci, une plume de formation non traditionnelle, mais honnête intellectuellement et courageuse, dans ces derniers mois, a écrit une série d’articles sur des étranges aspects de l’abdication de Benoit XVI - articles qui ont fait trembler plusieurs personnes au Vatican, plus que les discours un peu académiques qui pourraient rentrer en fin de compte dans un contexte de pluralisme - paradoxalement, du côté de la Fsspx bergoliènne se levèrent vite des voix “normalisantes” sur un sujet aussi explosif et capital.
Croyons-nous au primat de la vérité? Si nous y croyons, comment pouvons-nous soutenir (comme M. l’Abbé Simoulin le déclare explicitement et comme d’autres le soutiennent, mais avec une moindre clarté) que la liberté de discuter le Concile Vatican II s’identifie ipso facto avec le “retour à la Tradition”, avec la “conversion de Rome”? Si les choses étaient ainsi il faudrait considérer convertis, par exemple, des gens que nous connaissons qui disent: “ tu es libre de ne pas accepter le Concile et moi je suis libre d’accepter le mariage homosexuel ”, “ tu as le droit de ne pas accepter la nouvelle messe et une femme qui veut avorter à le droit de le faire ”. C’est bien celle-ci une tendance croissante - post moderne, relativiste, libertaire et nihiliste - et notamment dans les nouvelles générations, catholiques compris.
Si nous croyons au primat de la vérité, nous devrions réagir au problème d’une tout autre manière par rapport à certains arrangements embarrassés pour dissimuler son propre changement. Il faudrait reconnaitre, en matière d’accord, qu’on s’est rendu compte qu’il y a des problèmes et des dangers tant à le faire (et cela est vrai) qu’à ne pas le faire. Il faudrait avoir l'honnêteté intellectuelle de dire que le critère principal de faire ou non un accord - et nous soulignons ce point capital - n’est pas la conversion de l’autorité, tout en le désirant évidement, mais le fait que celle-ci demande ou pas des choses en conscience inacceptables ou du moins imprudentes. Ainsi, on dirait les choses telles qu’elles sont, sans des raccourcis orgueilleux ou hypocrites. La conduite tenue jusqu’à aujourd’hui n’a pas été malheureusement celle-ci, la ligne funambulesque, tacticienne, ambiguë et autoritaire, longtemps suivi par Mgr Fellay (favorisée - il faut le dire - par certaines conduites du Vatican, qui en est donc co-responsable, surtout lorsque dans le passé il faisait monter les enchères quand Mgr Lefebvre demandait humblement l’accord) a exaspéré les esprits. Tout cela a créé un terrain défavorable à l’accord qui passe désormais comme un “truc pour magouilleurs” et a semé la division, a multiplié les ruptures.... A tel point que des personnes qui, il y a dix ou douze ans, étaient notoirement de sentiments accordistes, nous les retrouvons aujourd’hui, à plusieurs reprises, sur des positions anti-accordistes de manière exaspérée et obtue.
Si nous croyons au primat de la vérité, il nous faut reconnaître que le danger dénoncé, celui d’une légitimation de la situation actuelle, d’une favorisation de la perspective pluraliste, danger que même Mgr Fellay avait avancé à partir de l’an 2000 (de façon un peu trop schématique, mais pas tout à fait à tort), en le présentant comme un danger inacceptable de l’accord, aujourd’hui subsisterait encore plus, même si on ne lui faisait pas signer (d’autres) textes.
Ou donc le chef de la Fsspx reconnait sérieusement s’être trompé ou, si le contexte était trop défavorable hier car l’Autorité ne revenait pas à la Tradition, et on aurait été complice du pluralisme relativiste, il s’ensuit alors qu’aujourd’hui il est encore plus défavorable. En suivant fidèlement ce que lui-même a dit, il ne peut pas se prêter à une telle chose; et ce n’est pas sérieux de se couvrir avec la feuille de figuier du discours, objectivement hypocrite, d’une Rome qui lui court après pour lui offrir une reconnaissance, sans aucun concours de sa part. Certes lorsqu’il va en pèlerinage à Rome il doit bien manger quelque part.... Pourquoi pas à Sainte Marthe ? On y mange bien, ce n’est pas cher, les serveurs sont sympathiques.... et tiens comme par hasard il y déjeunait aussi le complexe Pontife sud américain. Mais vous savez quoi ! Tant que j’y suis je lui passe mon bonjour en passant...
Si nous croyons au primat de la vérité, invitons chacun a assumer ses responsabilités avec honnêteté intellectuelle : il est vrai, cet accord de style bergolien, vers lequel - c’est un fait - on manifeste de la disponibilité, n’est pas un compromis: c’est une capitulation. On n’accepte pas le Concile Vatican II: on accepte le Concile Vatican III. Ce n’est pas un accord pratique, pas doctrinal : c’est un pragmatique et sans gêne accord de pouvoir, radicalement anti-doctrinal. Et cela au delà du fait qu’il arrive à terme ou pas, comme cela s’est déjà produit dans le passé. Pourvu qu’on sauve la façade, pourvu qu’on sauve son propre orgueil, on peut trahir la substance.
Si on n’a pas encore renoncé à réfléchir, comment tant de monde, dans ces milieux, peut-il ne pas s’en rendre compte?
La rédaction de Disputationes Theologicae