SOURCE - Paix Liturgique - Lettre n°441 - 27 mai 2014
«Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira.» (Évangile selon saint Matthieu 7, 7, Sermon sur la Montagne)
«Les laïcs ont le droit de s’ouvrir à leurs pasteurs, avec toute la liberté et la confiance qui conviennent à des fils de Dieu et à des frères dans le Christ, de leurs besoins et de leurs vœux.» (Lumen Gentium, n. 37)
«Dérangez-nous!» (Pape François, 11 mai 2014)
De Notre-Seigneur au pape François, en passant par le concile Vatican II, le message est clair : don surnaturel et gratuit de Dieu, la foi se nourrit aussi de la démarche active des fidèles et du dialogue qu’ils entretiennent avec leurs pasteurs.
Toutefois, et c’est ce qu’a voulu rappeler le pape François dans sa méditation lors du Regina Cæli du 11 mai 2014, il arrive que ce dialogue soit difficile. Parce que nous, fidèles, n’osons pas ou ne savons pas nous faire entendre mais aussi parce qu’il arrive que nos pasteurs fassent un peu la sourde oreille… Le pape François vise, comme il le fait souvent, la tentation de « fonctionnarisation » de certains clercs. Et il est bien vrai que le catholicisme conciliaire a créé un néo-cléricalisme désastreux.
N’est-ce pas, d’ailleurs, du refus d’un évêque de tout dialogue avec les fidèles de son diocèse qu’est née l’initiative de Paix liturgique ? N’est-ce pas, en effet, en raison d’un exercice unilatéral de l’autorité épiscopale que se sont produites les affaires de Sainte-Yvette de Montréal (voir nos lettres 373 et 385), de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ou encore de Niafles (voir notre lettre 62) ?
Tout au long de la période allant de la tentative abusive d’interdiction du missel de saint Jean XXIII au Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI – qui a remis à l’honneur la liturgie traditionnelle de l’Église latine –, de nombreuses situations, dans le monde entier, ont prouvé que bien des pasteurs, se voulant publiquement ouverts « au dialogue et à la tolérance », n’avaient guère de gêne à ignorer, voire à stigmatiser, tout un pan du troupeau qui leur était confié, au seul motif que celui-ci entendait demeurer fidèle à la tradition liturgique, spirituelle et doctrinale de l’Église. Il leur suffisait de déclarer que ces fidèles n'étaient pas « sincères », qu'ils étaient des « agitateurs », et de leur claquer la porte au nez. Si, grâce au Motu Proprio, la situation est heureusement fort différente aujourd’hui, la bienveillance envers le peuple Summorum Pontificum n’est toutefois pas encore universelle.
C’est donc pour ébranler l’intelligence, sinon le cœur, de ceux de nos pasteurs qui se replient encore derrière leurs préjugés, que nous publions aujourd’hui la traduction des paroles prononcées par le Pape place Saint-Pierre, lors de la Journée Mondiale pour les Vocations, après avoir ordonné 13 nouveaux prêtres en la basilique vaticane.
Signalons que seuls deux des 13 nouveaux prêtres ordonnés par le Saint-Père ce 11 mai 2014, l'ont été pour le diocèse de Rome. C'est la preuve, hélas !, qu'en Italie aussi la crise des vocations se fait sentir. Moins qu'en France, certes, mais sans qu'une relève se dessine, alors que chez nous, désormais, 15 % des nouveaux prêtres sont issus du catholicisme attaché à la messe traditionnelle.
Puisque ce catholicisme-là semble ignoré par la Conférence Épiscopale française, nous faisons suivre les paroles du Pape d’une supplique à Mgr Pontier, son président.
I – LES PAROLES DU PAPE LORS DU REGINA CAELI DU 11 MAI 2014
Lors du Regina Cæli du 11 mai 2014, à l’issue de l’ordination de 13 nouveaux prêtres en la basilique vaticane, le pape François a délivré le message suivant aux fidèles réunis place Saint-Pierre.
Chers frères et sœurs, bonjour !
L’évangéliste Jean nous présente, en ce quatrième dimanche de Pâques, l’image de Jésus comme le Bon Pasteur. En contemplant ce passage de l’Évangile, nous pouvons comprendre le type de relation que Jésus avait avec ses disciples : une relation basée sur la tendresse, l’amour, la compréhension mutuelle et la promesse d’un don incomparable : « Je suis venu – dit Jésus – pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10). Un tel rapport est le modèle de toute relation entre chrétiens et de toute relation humaine en général.
Aujourd’hui encore, beaucoup, comme au temps de Jésus, se présentent comme « pasteurs » de notre vie ; mais seul le Christ ressuscité est le vrai Berger, qui nous donne la vie en abondance. J’encourage tout le monde à faire confiance au Seigneur qui nous guide, et non seulement nous guide mais aussi nous accompagne et marche avec nous. Écoutons Sa Parole avec un esprit et un cœur ouverts pour mieux nourrir notre foi, éclairer notre conscience et suivre les enseignements de l’Évangile.
Ce dimanche nous prions pour les pasteurs de l’Église, pour tous les évêques, y compris l’évêque de Rome, pour tous les prêtres, pour tout le monde ! En particulier, nous prions pour les nouveaux prêtres du diocèse de Rome que je viens d’ordonner dans la basilique Saint-Pierre. Un salut à ces 13 prêtres ! Que le Seigneur nous aide à être des pasteurs fidèles au Maître et des guides sages et éclairés du peuple de Dieu qui nous est confié. À vous aussi, s’il vous plaît, je demande de nous aider : aidez-nous à être de bons pasteurs. J’ai lu une fois une chose merveilleuse sur la façon dont le peuple de Dieu doit aider les évêques et les prêtres à être de bons pasteurs. C’est un texte de saint Césaire d’Arles, un Père des premiers siècles de l’Église. Il expliquait comment le peuple de Dieu devait aider le berger et donnait cet exemple : lorsque le veau a faim, il va vers sa mère, la vache, pour obtenir du lait. La vache, cependant, ne le lui donne pas tout de suite : elle semble se retenir. Et que fait le veau ? Il frappe du museau le pis de la vache afin que vienne le lait. Quelle belle image ! « Ainsi devez-vous faire avec vos pasteurs, écrit le saint : vous devez toujours frapper à leur porte, à la porte de leur cœur, afin qu’ils vous donnent le lait de la doctrine, de la grâce et de la route à suivre. » Et je vous demande, s’il vous plaît, d’importuner vos pasteurs, tous vos pasteurs, de nous déranger afin que nous puissions vous donner le lait de la grâce, de la doctrine et de la route à suivre. Dérangez-nous ! Pensez à cette belle image du veau qui importune sa mère pour qu’elle lui donne à manger.
À l’imitation de Jésus, chaque pasteur « parfois se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière » (Evangelii gaudium, 31). Que tous les pasteurs soient comme ça ! Quant à vous, n’hésitez pas à déranger vos pasteurs pour qu’ils vous mettent sur le chemin de la doctrine et de la grâce.
Ce dimanche marque la Journée Mondiale de prière pour les Vocations. Dans le message de cette année, j’ai dit que « chaque vocation, malgré la pluralité des voies, demande toujours un exode de soi-même pour centrer sa propre existence sur le Christ et sur son Évangile » (n. 2). Pour cette raison, l’appel à suivre Jésus est à la fois passionnant et exigeant. Pour qu’il se produise, il est nécessaire d’aller toujours plus avant dans l’amitié profonde avec le Seigneur, afin de vivre de Lui et pour Lui.
Prions pour qu’à notre époque aussi, de nombreux jeunes entendent la voix du Seigneur, qui risque toujours d’être étouffée par de nombreuses autres voix. Prions pour les jeunes : peut-être y-a-t-il, ici, sur cette place, quelqu’un qui entend cette voix du Seigneur l’appelant au sacerdoce ? Prions pour lui, s’il est ici, et pour tous les jeunes qui sont appelés.
II – SUPPLIQUE À MGR GEORGES PONTIER, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE FRANÇAISE
Excellence,
Depuis plus de 5 ans, nous avons manifesté à plusieurs reprises, auprès de votre prédécesseur puis de vous, notre désir de rencontrer le premier des pasteurs de l’Église de France. Pour faire connaissance, exprimer notre piété filiale, solliciter des conseils et par-dessus tout nouer les fils d’un dialogue fructueux en vue d’achever la réconciliation liturgique et pastorale permise par le Motu Proprio de Sa Sainteté, le pape Benoît XVI.
Cela, nous ne l’avons pas entrepris de notre simple initiative mais aussi avec l’encouragement de Mgr Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne, qui était alors le responsable très officieux de la « question traditionnelle » auprès de la Conférence des évêques de France et qui, à notre demande, avait eu la courtoisie et la charité de nous recevoir. Le dialogue fut sincère et serein, au point que Mgr Planet nous invita à le poursuivre en entrant en relation avec le cardinal André Vingt-Trois, alors président de la Conférence des évêques de France.
Hélas, toutes nos tentatives de rencontre sont restées sans réponse ni accusé de réception.
En fils de l’Église habités par l’espérance chrétienne, nous refusons de céder au désarroi et à la colère. Toutefois, nous refusons également de nous taire et d’abandonner notre demande.
Encouragés par les paroles de notre Saint-Père, le pape François, le 11 mai dernier, nous nous permettons donc de vous importuner, de vous déranger. Avec insistance, nous frappons à votre porte, à la porte de votre cœur et de votre intelligence, comme nous y invite le Pape.
Excellence, cette portion du peuple de Dieu a souffert d’être négligée, voire méprisée et stigmatisée pendant quarante ans. Nous n’avons aucune revendication à exprimer, aucun slogan à crier, juste le désir et le besoin d’obtenir de vous le lait de la doctrine, de la grâce et de la route à suivre.
Paix liturgique