SOURCE - Abbé Guy Castelain, fsspx - L'Hermine - Mars 2014
Pour bien comprendre la logique Ecclesia Dei, il faut remonter le temps… Après une réponse insignifiante de Rome aux Dubia (Doutes) sur la liberté religieuse et le scandale d’Assise, Mgr Lefebvre décide de son «Opération survie» : les sacres épiscopaux du 30 juin 1988.
Pour bien comprendre la logique Ecclesia Dei, il faut remonter le temps… Après une réponse insignifiante de Rome aux Dubia (Doutes) sur la liberté religieuse et le scandale d’Assise, Mgr Lefebvre décide de son «Opération survie» : les sacres épiscopaux du 30 juin 1988.
Le 29 août 1987, il avait déjà adressé la Lettre aux futurs évêques qui prouve que son intention était, non de faire schisme, mais de suppléer, d’accord avec le Droit canon de l’Eglise, à ce que les hommes d’Eglise doivent faire et ne font plus. Le cardinal Castillo Lara, président de la Commission Pontificale pour l’interprétation authentique du Droit canonique l’avait bien compris et l’avait expliqué dans La Reppublica du 7 octobre 1988 : «L’acte de consacrer un évêque (sans l’accord du pape) n’est pas en soi un acte schismatique» et donc, ne peut être frappé, par principe, d’excommunication. Plusieurs autres experts étaient de cet avis. Mais Rome fera croire que Mgr Lefebvre est excommunié, tout comme Rome a fait croire, jusqu’au 7 juillet 2007, que la messe Saint-Pie V était interdite.
Le 17 juin 1988, le cardinal Gantin avait adressé un Monitum à Mgr Lefebvre dans lequel il le menaçait d’excommunication s’il accomplissait les sacres. Le 30 juin 1988, le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X sacrait quatre évêques qu’il conjurait «de rester attachés à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, (et) de demeurer profondément unis» (lettre du 29 août 1987). Le 1er juillet 1988, un décret Dominus Marcellus de la Sacrée Congrégation pour les évêques était signé par le cardinal Gantin pour excommunier Mgr Lefebvre. Le règne de la terreur contre les «lefebvristes» commençait. Le lendemain, Jean-Paul II publiait le Motu proprio Ecclesia Dei afflicta qui établissait la Commission Ecclesia Dei (de là l’expression «les Ecclesia Dei ») pour détourner les pauvres fidèles de la Fraternité Saint-Pie X. Après les détournements d’avions, les détournements de fonds et les détournements de mineurs, voici les détournements de traditionalistes.
Voilà donc la réalité historique : ce que l’on appelle les «ralliés» en général, et spécialement la Fraternité Saint-Pierre, reposent tous, sans exception, sur une pierre fondamentale : l’excommunication de Mgr Lefebvre! A l’origine, cette mouvance traditionaliste n’était donc qu’un rassemblement de fidèles convaincus que Mgr Lefebvre avait créé un schisme dans l’Eglise. Aujourd’hui encore, cette mouvance ne vit que parce que Mgr Lefebvre a été excommunié et, à vrai dire, ne vit bien que là où il y a des «Lefebvristes à sauver »…
Ecclesia Dei, c’est une mouvance dans laquelle on peut préférer l’ancienne messe, mais dans laquelle on ne peut pas exclure la nouvelle messe. C’est si vrai que tous les prêtres Ecclesia Dei doivent concélébrer la messe chrismale de l’évêque diocésain dans le nouveau rite. C’est une mouvance où on peut entendre de beaux sermons, mais dans laquelle on ne peut pas dénoncer les causes de la crise de l’Eglise, c’est-à-dire Vatican II et ses fruits empoisonnés, la liberté religieuse, l’oecuménisme, la nouvelle messe. Par exemple, un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X fait une série de sermons sur les fausses religions avec une double intention : faire connaître la fausseté de ces inventions du diable et montrer, en conséquence, la fausseté de l’enseignement du concile Vatican II sur ce sujet. Initiative impossible dans la mouvance Ecclesia Dei sans se faire reprendre immédiatement par les autorités régnantes. On y a droit à la vérité, mais pas à la condamnation des erreurs, ce qu’a pourtant toujours pratiqué le magistère traditionnel. Soyons clairs : dans la mouvance Ecclesia Dei, les fidèles ont le droit à la messe ancienne à condition de se taire au sujet des vraies causes de la crise. C’est une mouvance dans laquelle on peut assister à une messe ancienne entre deux messes Paul VI, mais sans savoir dans quel rite a été consacré le ciboire qui sert à donner la communion, avec tous les doutes que cela comporte. Même problème pour la communion aux malades. C’est une mouvance dans laquelle on est obligé de recevoir la confirmation avec une huile qui peut ne pas être une huile d’olives alors que, traditionnellement, la sentence commune des théologiens estime qu’elle est requise pour la validité du sacrement. Même problème pour l’extrême-onction. C’est enfin une mouvance dans laquelle on respecte à la lettre le nouveau Droit canon dans lequel Jean-Paul II voyait «un grand effort pour traduire en langage canonique cette doctrine même de l’ecclésiologie conciliaire» (25 janvier 1983).
Pour être clair : la commission Ecclesia Dei, et toutes les communautés qui y sont agrégées, ont réussi ce tour de force, qui n’est, au fond, qu’un mirage : celui de faire croire qu’il est possible d’être «traditionaliste» sous la coupe des autorités conciliaires… Car, finalement, Ecclesia Dei n’est qu’une forme de «modernisme traditionaliste» que Rome a bien voulu reconnaître dans ses documents officiels de 1984, 1988 et 2007.
Abbé Guy Castelain