SOURCE - Petrus - Le Forum Catholique - 2 mars 2005
Puisqu'il est de nouveau autorisé de reparler de la FSSPX et de la crise que cette société sacerdotale connaît depuis six mois, je me permets de réintroduire un post que j'avais déjà envoyé au début du Carême mais qui, semble-t-il, a curieusement disparu des archives du FC alors même qu'il me semble plutôt moins sulfureux et moins saignant que nombre de messages pétruciens.
Comme à l'époque il n'avait suscité quasiment aucune réaction des liseurs, je me permets donc de le soumettre à nouveau à votre sagacité et à votre réflexion critique. Car il me semble que tout n'a pas encore été dit sur la crise actuelle, ses causes profondes et son ssens véritable. Toute critique, même radicale, est la bienvenue. Ce n'est pas moi qui répugne à la bataille et au conflit.
Voici donc ce post en intégralité :
Chose promise chose due. Voici donc le nouveau post pétrucien sur la crise de la FSSPX. Vous ne voulez pas que j'aborde encore cette question, chers liseurs! Que m'importe, je vais me gêner! On ne change pas une équipe qui gagne.
Je sais bien, vous auriez voulu, chers amis liseurs, qu'en cette sainte période quadragésimale, je vous parle de spiritualité, de sanctification, de vie intérieure, de l'Imitation de Jésus-Christ, du Combat spirituel mais je n'ai pas cette grandeur d'âme. En journaliste (puisque, d'après ce cher Eti, je suis journaliste, je ne vais pas le contredire. Au fait, mon cher Eti, merci de votre gentillesse mais n'en faites pas trop, restez prudent, on risquerait de vous refuser la communion à la FSSPX pour proximité avec le sédévacantisme, le crime absolu pour Menzingen! On est schismatique pour elle, ne l'oubliez pas!), en journaliste de caniveau, dis-je, je ne m'intéresse qu'aux brèves de comptoir, au superficiel, au rien, ou si peu, bref au Petipeu.
Ah si j'avais l'élévation d'âme du conciliaire Kamate qui le pousse à étaler sa science rugbystique en plein Carême (remarquez, quand Kamate nous parle du ballon ovale, il ne se croit pas obligé de nous dire son amour pour Jean-Paul II et son mépris pour les sédévacantistes, c'est toujours ça de gagné!), mais je n'ai pas cette magnifique disposition d'esprit!
Ah si pendant quarante jours je quittais le FC comme certains liseurs pour me consacrer aux saints exercices pénitentiels de la sainte quarantaine mais je n'ai pas ce courage!
Justin a raison : mon dada, ma passion, mon petit lapin blanc, c'est la FSSPX. Chacun son truc après tout. Comme dit la chanson qui a longtemps été en tête du Top 50 : "chacun sa vie, chacun son destin".
Pour certains, leur passion, c'est le loto ou le jeu de l'oie, le tiercé ou le quinté, les chevaux ou le ski, les femmes ou la moto, le rock ou le reggae, pour moi, c'est la crise de la FSSPX.
Je sais, chers amis, vous êtes déçu : faut-il avoir une âme vile et un esprit étroit pour s'intéresser passionnément à cette fracture? J'en conviens avec vous, chers compagnons du FC, mais que voulez-vous, j'aime beaucoup Dallas et son univers impitoyable. Ah JR et Sue Ellen, et le gentil Bobbie! Il faut avoir été enfant à l'orée des années quatre-vingt pour comprendre! Après avoir vu chaque samedi soir sur TF1 ce feuilleton qui n'en finissait plus, avec questions-réponses chaque semaine dans Télé 7 jours (mais qui a tiré sur JR? qui sauvera Sue Ellen de l'alcoolisme?), comment ne pas être marqué à vie? De toute façon on n'avait pas le choix, sinon c'était Drucker sur la 2, merci bien!
Enfin bref, tout ça pour vous dire, chers amis, que la crise de la FSSPX avec sa haine, ses rancoeurs, ses mensonges et ses coups tordues, c'est tout un parfum de jeunesse qui remonte à la surface. C'est la madeleine de Proust.
Allez, assez galéjé, passons au vif du sujet : la crise de la FSSPX. Il faut bien que vous en ayez pour votre argent.
Quinzième séquence. Top, c'est parti!
Avec l'éviction annoncée de l'abbé de Tanoüarn, la crise qui secoue (comme le disco!) depuis six mois la FSSPX atteint un paroxysme. La fracture qui avait atteint la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre à l'automne 1999 avait été, elle aussi, particulièrement violente et cruelle mais la vérité oblige à dire que la crise actuelle de l'organisation écônienne est dix fois, cent fois plus inhumaine, pour reprendre l'expression lepénienne à propos de l'occupation allemande en France.
La crise de la FSSP avait pu être résolue, les deux parties acceptant bon gré mal gré l'arbitrage de Rome. Ce qui me rend plus pessimiste sur l'issue de la fracture à l'intérieur et aux marges de la FSSPX, c'est qu'il n'est aucune autorité morale en son sein pour ramener l'ordre, la paix, le calme et la discipline. La confiance en Suresnes et Menzingen a fondu comme neige au soleil tandis que les fellayso-cacqueraysiens sont convaincus d'avoir affaire à des prêtres mutins et rebelles qui veulent s'emparer des commandes de la FSSPX et de son trésor de guerre. C'est dire que la réconciliation n'est pas près d'intervenir entre deux camps désormais antagoniques d'autant que pour se réconcilier il faut être deux et que jusqu'à ce jour la direction de la FSSPX n'a pas montré de signes allant dans le sens de l'apaisement, bien au contraire. C'est un vent de folie qui souffle sur l'oeuvre fondée par Mgr Lefebvre et dont témoignent des faits particulièrement significatifs : le chantage aux sacrements (l'hostie confisquée en novembre, le refus de la confession à un organisateur du congrès sur la laïcité en février), l'intervention auprès des associations s'inscrivant dans la mouvance de feu le prélat d'Ecône, les communiqués cinglants, les notes juridiques et canoniques, l'appel à la justice républicaine et maçonnique pour obtenir l'expulsion manu militari du prieuré de Bruges des abbés jugés dissidents.
1)La crise actuelle qui frappe par sa brusquerie, sa durée, son degré de haine et d'inhumanité, sa raideur technocratique montre d'abord l'incompétence notoire de Mgr Fellay qui cherche à compenser son absence d'envergure et d'autorité naturelle par un autoritarisme de mauvais aloi, suicidaire et dévastateur. Les gouvernements faibles sont souvent injustes, maladroits et cruels, précisément parce qu'ils ne sont pas sûrs de leur autorité et sont donc enclins à croire que l'on cherche à les déstabiliser voire à les renverser. Le paradoxe de l'affaire, c'est que, si au début de la crise, personne sans doute ne pensait à remettre en question l'autorité de Mgr Fellay, les maladresses, les bêtises et les injustices de la maison généralice sont telles que beaucoup de laguéro-tanoüarniens se posent désormais ouvertement la question du remplacement du supérieur général de la FSSPX, ainsi d'ailleurs que du supérieur du district de France.
Notre société décomposée, atomisée, déchristianisée ne sécrète plus des chefs de qualité, c'est un fait que l'on peut aisément constater. C'est pourquoi lorsque l'on s'engage dans un mouvement politique ou une oeuvre religieuse ou autre, l'on est assez rapidement déçu voire désabusé. Etre un chef demande des qualités exceptionnelles que notre monde moderne, par l'éducation relâchée qu'il donne, ne connaît plus. J'ajoute que le sédévacantiste que je suis considère qu'à partir du moment où il n'y a plus de vrai pape à la tête de l'Eglise, il est assez logique que toutes les hiérarchies vacillent et que tout soit sens dessus dessous. On ne dira jamais assez les bienfaits de la papauté. Les brochures de Mgr Gaume sur le pape, la peur du pape sont à cet égard très éclairantes.
2) Deuxième explication de la crise, déjà souvent soulignée : la différence de tempérament, de caractère, de personnalité et donc de conception du sacerdoce, de vision de la vie et de l'apostolat, de mode de vivre et de penser entre les deux camps en présence. Il y a les décontractés et les coincés, les prêtres ouverts, volubiles, sympathiques, gais, meneurs d'hommes et les clercs réservés, renfermés, prudents voire parfois pusillanimes, plus enclins au respect scrupuleux des ordonnances des prêtres de la FSSPX (version de 1997) qu'à l'apostolat et à la prise d'églises. Ce qui ne veut pas dire que les seconds soient forcément moins estimables que les premiers, loin de là, mais humainement il faut reconnaître qu'il est plus agréable d'aller boire un verre ou de converser avec les premiers qu'avec les seconds. C'est un simple constat. De même qu'il est objectivement plus agréable de bavarder avec un Mgr Williamson qui est ouvert et humain, malgré ses côtés fantasques, qu'avec un Mgr Fellay qui est un glaçon directement tombé du haut des montagnes helvétiques.
Pendant des années les deux camps ont cohabité dans une même structure. Tout bien réfléchi, avec des personnalités si opposées, il n'est pas étonnant que l'union n'ait pas résisté au temps, comme l'alliance entre le technocrate Mégret et le tribun de la plèbe Le Pen n'a pas tenu plus d'une dizaine d'années. Il n'est d'aileurs pas excessif de dire que, de 1988 à 1998, au moment où Mégret dirigeait la délégation générale du Front national, il y avait en quelque manière deux Fronts en un seul. De même, pendant des années, il y a eu deux FSSPX en une seule : la hiérarchie crispée, prudente, terne et réservée et les initiatives personnelles, souvent intempestives voire brouillonnes, parfois géniales, parfois beaucoup moins inspirées, des abbés Aulagnier, Laguérie, Héry ou de Tanoüarn. Entre la crispation et le bouillonnement, entre le terne et le brillant, entre la transparence et le panache, entre les apparatchiks et les hommes de terrain, il n'est pas étonnant qu'à un moment donné l'alliance craque. On ne mélange pas impunément l'huile et le feu. Ou alors il faut un doigté exceptionnel, ce qui demande des chefs d'une grande valeur, ce qui nous renvoie à la première raison de la crise.
3)Troisième explication de la crise, après l'incapacité chronique de Mgr Fellay, une forte tendance de la FSSPX à se prendre pour sa propre fin. Eti Lène, qu'il en soit ici remercié, a bien perçu, du haut de ses vingt-quatre ans (chapeau, l'artiste!) que la direction de la FSSPX n'avait qu'un but : se survivre à elle-même, se continuer. Ce qui compte, c'est la structure et surtout le pouvoir de ses dirigeants et non la doctrine et l'élan missionnaire.
Henry Coston aimait à répéter : "on crée un journal pour défendre des idées, puis on trahit les idées pour défendre le journal". Ce jugement est cruel mais ô combien vrai pour qui connaît un tant soit peu l'histoire et les dessous de la presse écrite. Or, ce qui est vrai d'un journal l'est aussi d'une oeuvre, d'une société, d'un parti qui ont tendance, je dirai presque naturellement, à devenir matérialiste, c'est-à-dire à faire passer l'intérêt immédiat de la structure devant la sauvegarde des principes et la cohérence doctrinale. C'est un phénomène que l'on observe un peu partout mais qui, je crois, est accentué à notre époque par cette forme de relativisme et de libéralisme qui nous atteint tous plus ou moins.
Au risque de me faire à nouveau des ennemis parmi les fidèles de la FSSPX, très nombreux sur le FC, il me semble que c'est depuis toujours le principal grief que l'on peut faire à cette société sacerdotale : avoir voulu faire passer la survie de l'oeuvre au-delà, au-dessus du droit canon, des lois de l'Eglise et de la doctrine parce que l'on était sincèrement convaincu que la FSSPX était l'oeuvre bénie de Dieu, la société miraculeuse qui allait sauver l'Eglise, rétablir la chrétienté, "ramener Rome à la Tradition" pour reprendre l'expression favorite de Mgr Lefebvre. C'est ce qui explique un état d'esprit, des méthodes et des discours que l'on ne comprendrait pas si l'on faisait abstraction de cette donnée essentielle.
En effet, si la FSSPX est l'oeuvre providentielle envoyée par Dieu pour continuer la Tradition et amener la Rome moderniste à se convertir au vu des fruits merveilleux que ne manqueraient pas de produire la FSSPX, ses prêtres, ses séminaires, ses écoles, ses prieurés, ses fidèles, ses missions, alors l'on n'a pas à ménager spécialement ceux qui, à un moment donné, ne pensent pas ou plus comme vous (les "ralliés", les sédévacs, les prêtres indépendants, les esprits libres), l'on n'a pas à transiger sur une autorité, certes de suppléance, mais qui vient directement de Dieu et de l'Esprit saint. Ne sachant pas justifier les sacres de 1988 contre la volonté formelle de Jean-Paul II, Mgr Tissier de Mallerais confiait à Rivarol en 2002 à l'occasion de la sortie de son livre sur la vie du prélat d'Ecône : "Mgr Lefebvre a été conduit, a été inspiré. Nous avons eu la grâce de le suivre". Nous ne sommes plus là dans le raisonnement, dans le rationnel mais dans le charismatisme et l'illuminisme. Un homme, Mgr Lefebvre, a vu clair, il faut le suivre inconditionnellement, les yeux fermés. D'où ce paradoxe : l'infaillibilité et l'inconditionnalité déniées au pape, on les réaffirme, et avec quelle vigueur, en faveur d'un simple évêque qui n'est même plus évêque diocésain.
En se montrant si sourcilleux sur son autorité, Mgr Fellay s'inscrit tout à fait dans le sillage de Mgr Lefebvre contrairement à ce que je lis ici ou là. Charlier l'a très bien expliqué : l'ex-archevêque de Dakar était doux et délicieux avec ceux qui pensaient comme lui et qui lui obéissaient mais il savait se montrer cruel et sans pitié pour ceux qui, à un moment donné, lui résistaient. Les ralliés et les sédévacantistes en savent quelque chose alors que dans les deux cas il s'agissait souvent de gens sincères qui avaient été séduits et convaincus par une partie des discours et des actes de Mgr Lefebvre et qui méritaient donc un minimum de respect, ce qui ne fut pas le cas. Dans un prochain post, je raconterai certaines anecdotes révélatrices d'un état d'esprit qui, je suis désolé de le dire, existait déjà du vivant de Mgr Lefebvre. D'ailleurs, la rétractation, la crispation, la sectarisation que l'on voit de nouveau à l'oeuvre depuis six mois ressemble étrangement à ce qui s'est passé dans les mois qui ont suivi les sacres de 1988 où il faut se souvenir du degré de haine déversée contre les communautés Ecclesia Dei et les prêtres qui avaient "trahi" alors que, je le répète, Mgr Lefevre avait lui-même signé le 5 mai 1988 un protocole d'accord négocié par celui qui n'était encore que l'abbé Tissier de Mallerais, lequel était d'ailleurs contre les sacres à l'époque mais il a obéi inconditionnellement à Mgr Lefebvre. D'ailleurs, l'attitude très cléricaliste de Mgr Lefebvre en personne vis-à-vis de Renaissance catholique en 1990 prélude étrangement à la crispation fellaysienne face au congrès du 6 février 2005 organisé précisément pour l'essentiel par des laïcs.
C'est cette conviction très ancrée d'appartenir ou d'adhérer à une oeuvre bénie par Dieu qui explique tant de contradictions et de revirements chez Mgr Lefebvre et ses successeurs. Ce qui compte, c'est l'intérêt immédiat de la structure, lequel intérêt peut à tout moment changer en fonctiondes circonstances, du baromètre. En 1988, l'abbé Aulagnier était favorable à des sacres sans mandat pontifical car il fallait des évêques "à nous" pour maintenir la messe et le sacerdoce sachant que Rome n'allait pas assez loin dans les concessions. Depuis 2000, il est pour la régularisation canonique car Rome propose un statut canonique beaucoup plus avantageux (l'administration apostolique), un meilleur statut également pour la messe tridentine (la facultas et non le simple indult) et que les quatre évêques sont déjà là. Ce n'est donc pas que l'abbé Aulagnier voire l'abbé Laguérie aient vraiment changé sur le fond. Comme ce sont des praxistes, des situationnistes, eux diraient des pragmatiques, par dépassement dialectique, ils considèrent que l'intérêt de la structure FSSPX est aujourd'hui de trouver un arrangement bien ficelé avec Rome alors que hier au contraire il était de faire quatre consécrations épiscopales au nez et à la barbe de l'homme reconnu par eux comme le vicaire du Christ.
On voit donc bien que l'intérêt partisan de la structure passe avant l'intransigeance et la cohérence doctrinale et qu'il est honnêtement difficile d'aller plus loin dans le mépris du sens de l'Eglise, du respect dû à sa hiérarchie légitime. peut-on adopter une attitude plus moderne, plus soixante-huitarde, plus révolutionnaire que celle-là. C'est le paradoxe et en même temps le talon d'Achille de la FSSPX : elle prétend défendre la Tradition contre une Rome et un épiscopat moderniste et révolutionnaire mais elle ne se rend même pas compte qu'elle même est révolutionnaire et empreinte de modernisme. D'ailleurs, on se demande si la FSSPX a compris ce qu'était un moderniste. Elle croit que c'est un catholique de bonne foi qui s'égare. Alors que le moderniste est un ennemi de l'Eglise qui est consciemment dans l'Eglise pour détruire l'Eglise. Il faut relire Pascendi. Si elle avait compris ce qu'était le modernisme, elle ne brûlerait pas, à intervalles réguliers, de conclure un accord avec la Contre-Eglise antéchristique de Vatican d'Eux où l'on baise publiquement le Coran, où l'on renie la doctrine sociale du Christ-Roi et où l'on est acquis d'avance à toutes les aberrations, tous les reniements, toutes les apostasies.
Cependant, l'obession de la survie de la structure, c'est, à mon sens, ce qui empêche depuis trente ans la FSSPX soit de se rallier, soit de devenir ouvertement sédévacantiste. Car elle sait qu'en prenant une des deux positions elle irait à l'éclatement, toute une partie des prêtres et des fidèles refusant de s'engager dans l'une ou l'autre des deux voies qui seraient pourtant, à mon sens, les deux seules cohérentes et dignes intellectuellement.
4)Car qui ne voit, et c'est la quatrième raison de la crise, à mon sens la plus profonde, que grandie dans la désobéissance, la FSSPX s'amenuise et périt dans la désobéissance, que construite sur une praxis évoluant au gré des vents et non sur une doctrine sûre, elle dépérit et sombre dans le n'importe quoi, dans le sordide et le grotesque ? C'est triste pour les prêtres et les fidèles qui ont tant donné de leur temps, de leur énergie, de leur argent, parfois de leur santé mais, comme disait le barbu Lénine, les faits sont têtus. Tragiques mais têtus.
En effet, la FSSPX qui se voulait "le roc sur lequel s'édifie l'avenir de l'Eglise" (abbé Aulagnier dans La Tradition sans peur) est un champ de ruines ; la société à laquelle "le Bon Dieu (devait) donner l'Arche d'Alliance du Nouveau Testament" (Mgr Lefevre cité par l'abbé de Cacqueray dans la préface de Vatican II et l'Evangile de l'abbé de Tanoüarn) prend l'eau de toutes parts, l'oeuvre, qui, au contraire de l'église officielle, avait, selon Mgr Lefebvre les quatre notes d'unité, de sainteté, de catholicité et d'apostolicité (conférence en 1988) sombre dans la division, la haine, la mesquinerie et le chantage aux sacrements, l'organisation dont le fondateur devait sauver l'Eglise, selon la Sainte Vierge à Quito (dixit Mgr Lefebvre dans son homélie le jour des sacres à Ecône) n'en finit pas de mourir sous nos yeux dans de douloureuses et pitoyables convulsions. Et l'église Saint-Nicolas que Mgr Lefebvre appelait "la paroisse-phare de la tradition" se divise autant qu'elle se vide.
Telle est la terrible réalité. Il me semble qu'il faut s'aveugler volontairement pour ne pas la voir. Tant d'orgueil et d'inconséquence sont aujourd'hui atrocement châtiés. Quand le Bon Dieu s'y met, il ne fait pas les choses à moitié. Tant d'illusion sur soi-même et sur l'Eglise est en train de prendre fin.
J'ajoute qu'il y a quelque chose de pathétique à voir les deux camps évoquer ad nauseam l'obéissance et la désobéissance lorsque depuis trente ans on désobéit en tout et constamment à une autorité que l'on reconnaît publiquement comme légitime. Or, il est quand même plus grave de désobéir au pape qu'à Mgr Fellay ou à l'abbé de Cacqueray à ce que je sache. Je vois poindre ici l'objection : oui, mais dans le cas du pape, c'était pour sauver la foi, tandis que dans le cas présent, c'est seulement disciplinaire. Ce à quoi je réponds : mais comment le pape qui est la règle prochaine et vivante de la foi et auquel aucune autorité n'est supérieure et qui ne peut être jugé par personne (Vatican I) peut-il mettre en danger la foi et détruire l'Eglise? Ou alors c'est qu'il n'est pas pape. On en revient toujours au même point qui est le point nodal de la question qui nous occupe.
Il est également assez surréaliste de voir les fellaysiens et les laguéristes s'envoyer à la figure des notes canoniques et juridiques. Comme si la FSSPX depuis 1975 respectait le code de droit canon. Il est quand même hallucinant de voir les lefebvristes avoir tout à coup la couture sur le pli du pantalon concernant le respect scrupuleux du code de droit canon (et qui plus est celui de 1983, donc de Jean-Paul II dont elle a pourtant souvent dit tout le mal qu'elle pensait mais il est vrai qu'elle n'en est pas à une incohérence près, surtout quand ça l'arrange!) alors que, pendant trente ans, violant toutes les règles canoniques, tant d'ailleurs celles de 1917 que de 1983, on a ordonné des prêtres et sacré des évêques contre la volonté formelle du pape, ouvert des prieurés, des chapelles, des écoles sans l'autorisation de l'ordinaire, distribué les sacrements de mariage et de confession sans accord du curé de paroisse ni de l'évêque diocésain. Bref, quand a vécu dans l'illégalité la plus complète, dans le règne du "sauvage" et du bricolage tout en reconnaissant l'autorité légitime, il est proprement incroyable que d'un seul coup on se veut plus royaliste que le roi, plus canoniste que le chanoine Naz. Refusant d'obéir à une autorité reconnue comme légitime (Jean-Paul II), une partie des lefebvristes refuse aujourd'hui d'obéir à une autorité interne reconnue aussi comme légitime (Mgr Fellay). La rébellion entraîne la rébellion, la transgression appelle la transgression.
A noter d'ailleurs que dans la note canonique des maîtres Turot et Triomphe dont je ne doute nullement de la compétence ni même de l'excellence, il y a un aveu de taille passé inaperçu : "On ne peut avoir la qualité de curé que si l'on est nommé par l'évêque diocésain. Ce que confirme le canon 523, selon lequel "la provision de l'office de curé revient à l'Evêque diocésain". On voit qu'aucun des prêtres de la FSSPX ne détient un office de curé. L'abbé Laguérie n'est pas curé, ni de ND de Bon Conseil (qui n'est même pas une église paroissiale d'ailleurs), ni même de Saint-Eloi, car on ne sache pas que Mgr Ricard l'y ait nommé. Il n'y a pas de curé au sein de la FSSPX"
Maîtres Turot et Triomphe ont évidemment parfaitement raison. Mais comment se fait-il alors que l'abbé Laguérie se fasse officiellement appeler curé de Saint-Eloi, comme il signait dans Le Chardonnet curé de Saint-Nicolas et comme ses successeurs, les abbés Bouchacourt puis Beauvais, continuent à se faire appeler "curé de Saint-Nicolas"?
Et ce n'est pas pour rire, car lorsque l'on va dans la sacristie de Saint-Nicolas il y a la porte pour monsieur le curé et la porte pour son premier et son second vicaire. Mais de qui se moque-t-on? Qui les a nommés? C'est de l'usurpation de titre, c'est pourquoi l'abbé Sélégny a une sacrée audace de dénoncer l'apostolat "illicite" des abbés Laguérie et Héry (communiqué du 21 octobre). Tout est illicite dans la FSSPX, de la base au sommet, du toit aux fondations.
Quand j'en parle à des amis et relations lefebvristes et que je me scandalise de cette usurpation du titre de curé et de vicaire qui est d'autant plus odieuse qu'elle est inutile (ils sont prêtres, cela suffit!), on me rit au nez ou l'on me dit que ce n'est pas bien grave. Il est vrai que quand je leur dis qu'il est quand même important de savoir si Jean-Paul II est pape ou non, car s'il est pape il faut lui obéir, ils me répondent invariablement : peu importe qu'il soit pape ou pas; de toute façon le pape, c'est René Coty dans l'Eglise; l'important c'est de garder la foi. Le pape, ce n'est pas si important; il ne faut pas être papolâtre. Mais que fait-on alors de la célèbre maxime de Saint-Ambroise : "Là où est Pierre, là est l'Eglise : ubi Petrus, ibi Ecclesia"?
Alors, vous comprenez, quand j'entends de tels discours relativistes et où, je l'avoue, j'ai du mal à voir la bonne foi et l'honnêteté intellectuelle, je fatigue vraiment. Vraiment beaucoup.
Mais à mon tour, chers amis, de ne plus vous importuner. Je m'éclipse (comme l'Eglise militante depuis Vatican d'eux); je vais sédévaquer à mes occupations.
A bientôt, chers amis liseurs et bon Carême à tous.
Puisqu'il est de nouveau autorisé de reparler de la FSSPX et de la crise que cette société sacerdotale connaît depuis six mois, je me permets de réintroduire un post que j'avais déjà envoyé au début du Carême mais qui, semble-t-il, a curieusement disparu des archives du FC alors même qu'il me semble plutôt moins sulfureux et moins saignant que nombre de messages pétruciens.
Comme à l'époque il n'avait suscité quasiment aucune réaction des liseurs, je me permets donc de le soumettre à nouveau à votre sagacité et à votre réflexion critique. Car il me semble que tout n'a pas encore été dit sur la crise actuelle, ses causes profondes et son ssens véritable. Toute critique, même radicale, est la bienvenue. Ce n'est pas moi qui répugne à la bataille et au conflit.
Voici donc ce post en intégralité :
Chose promise chose due. Voici donc le nouveau post pétrucien sur la crise de la FSSPX. Vous ne voulez pas que j'aborde encore cette question, chers liseurs! Que m'importe, je vais me gêner! On ne change pas une équipe qui gagne.
Je sais bien, vous auriez voulu, chers amis liseurs, qu'en cette sainte période quadragésimale, je vous parle de spiritualité, de sanctification, de vie intérieure, de l'Imitation de Jésus-Christ, du Combat spirituel mais je n'ai pas cette grandeur d'âme. En journaliste (puisque, d'après ce cher Eti, je suis journaliste, je ne vais pas le contredire. Au fait, mon cher Eti, merci de votre gentillesse mais n'en faites pas trop, restez prudent, on risquerait de vous refuser la communion à la FSSPX pour proximité avec le sédévacantisme, le crime absolu pour Menzingen! On est schismatique pour elle, ne l'oubliez pas!), en journaliste de caniveau, dis-je, je ne m'intéresse qu'aux brèves de comptoir, au superficiel, au rien, ou si peu, bref au Petipeu.
Ah si j'avais l'élévation d'âme du conciliaire Kamate qui le pousse à étaler sa science rugbystique en plein Carême (remarquez, quand Kamate nous parle du ballon ovale, il ne se croit pas obligé de nous dire son amour pour Jean-Paul II et son mépris pour les sédévacantistes, c'est toujours ça de gagné!), mais je n'ai pas cette magnifique disposition d'esprit!
Ah si pendant quarante jours je quittais le FC comme certains liseurs pour me consacrer aux saints exercices pénitentiels de la sainte quarantaine mais je n'ai pas ce courage!
Justin a raison : mon dada, ma passion, mon petit lapin blanc, c'est la FSSPX. Chacun son truc après tout. Comme dit la chanson qui a longtemps été en tête du Top 50 : "chacun sa vie, chacun son destin".
Pour certains, leur passion, c'est le loto ou le jeu de l'oie, le tiercé ou le quinté, les chevaux ou le ski, les femmes ou la moto, le rock ou le reggae, pour moi, c'est la crise de la FSSPX.
Je sais, chers amis, vous êtes déçu : faut-il avoir une âme vile et un esprit étroit pour s'intéresser passionnément à cette fracture? J'en conviens avec vous, chers compagnons du FC, mais que voulez-vous, j'aime beaucoup Dallas et son univers impitoyable. Ah JR et Sue Ellen, et le gentil Bobbie! Il faut avoir été enfant à l'orée des années quatre-vingt pour comprendre! Après avoir vu chaque samedi soir sur TF1 ce feuilleton qui n'en finissait plus, avec questions-réponses chaque semaine dans Télé 7 jours (mais qui a tiré sur JR? qui sauvera Sue Ellen de l'alcoolisme?), comment ne pas être marqué à vie? De toute façon on n'avait pas le choix, sinon c'était Drucker sur la 2, merci bien!
Enfin bref, tout ça pour vous dire, chers amis, que la crise de la FSSPX avec sa haine, ses rancoeurs, ses mensonges et ses coups tordues, c'est tout un parfum de jeunesse qui remonte à la surface. C'est la madeleine de Proust.
Allez, assez galéjé, passons au vif du sujet : la crise de la FSSPX. Il faut bien que vous en ayez pour votre argent.
Quinzième séquence. Top, c'est parti!
Avec l'éviction annoncée de l'abbé de Tanoüarn, la crise qui secoue (comme le disco!) depuis six mois la FSSPX atteint un paroxysme. La fracture qui avait atteint la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre à l'automne 1999 avait été, elle aussi, particulièrement violente et cruelle mais la vérité oblige à dire que la crise actuelle de l'organisation écônienne est dix fois, cent fois plus inhumaine, pour reprendre l'expression lepénienne à propos de l'occupation allemande en France.
La crise de la FSSP avait pu être résolue, les deux parties acceptant bon gré mal gré l'arbitrage de Rome. Ce qui me rend plus pessimiste sur l'issue de la fracture à l'intérieur et aux marges de la FSSPX, c'est qu'il n'est aucune autorité morale en son sein pour ramener l'ordre, la paix, le calme et la discipline. La confiance en Suresnes et Menzingen a fondu comme neige au soleil tandis que les fellayso-cacqueraysiens sont convaincus d'avoir affaire à des prêtres mutins et rebelles qui veulent s'emparer des commandes de la FSSPX et de son trésor de guerre. C'est dire que la réconciliation n'est pas près d'intervenir entre deux camps désormais antagoniques d'autant que pour se réconcilier il faut être deux et que jusqu'à ce jour la direction de la FSSPX n'a pas montré de signes allant dans le sens de l'apaisement, bien au contraire. C'est un vent de folie qui souffle sur l'oeuvre fondée par Mgr Lefebvre et dont témoignent des faits particulièrement significatifs : le chantage aux sacrements (l'hostie confisquée en novembre, le refus de la confession à un organisateur du congrès sur la laïcité en février), l'intervention auprès des associations s'inscrivant dans la mouvance de feu le prélat d'Ecône, les communiqués cinglants, les notes juridiques et canoniques, l'appel à la justice républicaine et maçonnique pour obtenir l'expulsion manu militari du prieuré de Bruges des abbés jugés dissidents.
1)La crise actuelle qui frappe par sa brusquerie, sa durée, son degré de haine et d'inhumanité, sa raideur technocratique montre d'abord l'incompétence notoire de Mgr Fellay qui cherche à compenser son absence d'envergure et d'autorité naturelle par un autoritarisme de mauvais aloi, suicidaire et dévastateur. Les gouvernements faibles sont souvent injustes, maladroits et cruels, précisément parce qu'ils ne sont pas sûrs de leur autorité et sont donc enclins à croire que l'on cherche à les déstabiliser voire à les renverser. Le paradoxe de l'affaire, c'est que, si au début de la crise, personne sans doute ne pensait à remettre en question l'autorité de Mgr Fellay, les maladresses, les bêtises et les injustices de la maison généralice sont telles que beaucoup de laguéro-tanoüarniens se posent désormais ouvertement la question du remplacement du supérieur général de la FSSPX, ainsi d'ailleurs que du supérieur du district de France.
Notre société décomposée, atomisée, déchristianisée ne sécrète plus des chefs de qualité, c'est un fait que l'on peut aisément constater. C'est pourquoi lorsque l'on s'engage dans un mouvement politique ou une oeuvre religieuse ou autre, l'on est assez rapidement déçu voire désabusé. Etre un chef demande des qualités exceptionnelles que notre monde moderne, par l'éducation relâchée qu'il donne, ne connaît plus. J'ajoute que le sédévacantiste que je suis considère qu'à partir du moment où il n'y a plus de vrai pape à la tête de l'Eglise, il est assez logique que toutes les hiérarchies vacillent et que tout soit sens dessus dessous. On ne dira jamais assez les bienfaits de la papauté. Les brochures de Mgr Gaume sur le pape, la peur du pape sont à cet égard très éclairantes.
2) Deuxième explication de la crise, déjà souvent soulignée : la différence de tempérament, de caractère, de personnalité et donc de conception du sacerdoce, de vision de la vie et de l'apostolat, de mode de vivre et de penser entre les deux camps en présence. Il y a les décontractés et les coincés, les prêtres ouverts, volubiles, sympathiques, gais, meneurs d'hommes et les clercs réservés, renfermés, prudents voire parfois pusillanimes, plus enclins au respect scrupuleux des ordonnances des prêtres de la FSSPX (version de 1997) qu'à l'apostolat et à la prise d'églises. Ce qui ne veut pas dire que les seconds soient forcément moins estimables que les premiers, loin de là, mais humainement il faut reconnaître qu'il est plus agréable d'aller boire un verre ou de converser avec les premiers qu'avec les seconds. C'est un simple constat. De même qu'il est objectivement plus agréable de bavarder avec un Mgr Williamson qui est ouvert et humain, malgré ses côtés fantasques, qu'avec un Mgr Fellay qui est un glaçon directement tombé du haut des montagnes helvétiques.
Pendant des années les deux camps ont cohabité dans une même structure. Tout bien réfléchi, avec des personnalités si opposées, il n'est pas étonnant que l'union n'ait pas résisté au temps, comme l'alliance entre le technocrate Mégret et le tribun de la plèbe Le Pen n'a pas tenu plus d'une dizaine d'années. Il n'est d'aileurs pas excessif de dire que, de 1988 à 1998, au moment où Mégret dirigeait la délégation générale du Front national, il y avait en quelque manière deux Fronts en un seul. De même, pendant des années, il y a eu deux FSSPX en une seule : la hiérarchie crispée, prudente, terne et réservée et les initiatives personnelles, souvent intempestives voire brouillonnes, parfois géniales, parfois beaucoup moins inspirées, des abbés Aulagnier, Laguérie, Héry ou de Tanoüarn. Entre la crispation et le bouillonnement, entre le terne et le brillant, entre la transparence et le panache, entre les apparatchiks et les hommes de terrain, il n'est pas étonnant qu'à un moment donné l'alliance craque. On ne mélange pas impunément l'huile et le feu. Ou alors il faut un doigté exceptionnel, ce qui demande des chefs d'une grande valeur, ce qui nous renvoie à la première raison de la crise.
3)Troisième explication de la crise, après l'incapacité chronique de Mgr Fellay, une forte tendance de la FSSPX à se prendre pour sa propre fin. Eti Lène, qu'il en soit ici remercié, a bien perçu, du haut de ses vingt-quatre ans (chapeau, l'artiste!) que la direction de la FSSPX n'avait qu'un but : se survivre à elle-même, se continuer. Ce qui compte, c'est la structure et surtout le pouvoir de ses dirigeants et non la doctrine et l'élan missionnaire.
Henry Coston aimait à répéter : "on crée un journal pour défendre des idées, puis on trahit les idées pour défendre le journal". Ce jugement est cruel mais ô combien vrai pour qui connaît un tant soit peu l'histoire et les dessous de la presse écrite. Or, ce qui est vrai d'un journal l'est aussi d'une oeuvre, d'une société, d'un parti qui ont tendance, je dirai presque naturellement, à devenir matérialiste, c'est-à-dire à faire passer l'intérêt immédiat de la structure devant la sauvegarde des principes et la cohérence doctrinale. C'est un phénomène que l'on observe un peu partout mais qui, je crois, est accentué à notre époque par cette forme de relativisme et de libéralisme qui nous atteint tous plus ou moins.
Au risque de me faire à nouveau des ennemis parmi les fidèles de la FSSPX, très nombreux sur le FC, il me semble que c'est depuis toujours le principal grief que l'on peut faire à cette société sacerdotale : avoir voulu faire passer la survie de l'oeuvre au-delà, au-dessus du droit canon, des lois de l'Eglise et de la doctrine parce que l'on était sincèrement convaincu que la FSSPX était l'oeuvre bénie de Dieu, la société miraculeuse qui allait sauver l'Eglise, rétablir la chrétienté, "ramener Rome à la Tradition" pour reprendre l'expression favorite de Mgr Lefebvre. C'est ce qui explique un état d'esprit, des méthodes et des discours que l'on ne comprendrait pas si l'on faisait abstraction de cette donnée essentielle.
En effet, si la FSSPX est l'oeuvre providentielle envoyée par Dieu pour continuer la Tradition et amener la Rome moderniste à se convertir au vu des fruits merveilleux que ne manqueraient pas de produire la FSSPX, ses prêtres, ses séminaires, ses écoles, ses prieurés, ses fidèles, ses missions, alors l'on n'a pas à ménager spécialement ceux qui, à un moment donné, ne pensent pas ou plus comme vous (les "ralliés", les sédévacs, les prêtres indépendants, les esprits libres), l'on n'a pas à transiger sur une autorité, certes de suppléance, mais qui vient directement de Dieu et de l'Esprit saint. Ne sachant pas justifier les sacres de 1988 contre la volonté formelle de Jean-Paul II, Mgr Tissier de Mallerais confiait à Rivarol en 2002 à l'occasion de la sortie de son livre sur la vie du prélat d'Ecône : "Mgr Lefebvre a été conduit, a été inspiré. Nous avons eu la grâce de le suivre". Nous ne sommes plus là dans le raisonnement, dans le rationnel mais dans le charismatisme et l'illuminisme. Un homme, Mgr Lefebvre, a vu clair, il faut le suivre inconditionnellement, les yeux fermés. D'où ce paradoxe : l'infaillibilité et l'inconditionnalité déniées au pape, on les réaffirme, et avec quelle vigueur, en faveur d'un simple évêque qui n'est même plus évêque diocésain.
En se montrant si sourcilleux sur son autorité, Mgr Fellay s'inscrit tout à fait dans le sillage de Mgr Lefebvre contrairement à ce que je lis ici ou là. Charlier l'a très bien expliqué : l'ex-archevêque de Dakar était doux et délicieux avec ceux qui pensaient comme lui et qui lui obéissaient mais il savait se montrer cruel et sans pitié pour ceux qui, à un moment donné, lui résistaient. Les ralliés et les sédévacantistes en savent quelque chose alors que dans les deux cas il s'agissait souvent de gens sincères qui avaient été séduits et convaincus par une partie des discours et des actes de Mgr Lefebvre et qui méritaient donc un minimum de respect, ce qui ne fut pas le cas. Dans un prochain post, je raconterai certaines anecdotes révélatrices d'un état d'esprit qui, je suis désolé de le dire, existait déjà du vivant de Mgr Lefebvre. D'ailleurs, la rétractation, la crispation, la sectarisation que l'on voit de nouveau à l'oeuvre depuis six mois ressemble étrangement à ce qui s'est passé dans les mois qui ont suivi les sacres de 1988 où il faut se souvenir du degré de haine déversée contre les communautés Ecclesia Dei et les prêtres qui avaient "trahi" alors que, je le répète, Mgr Lefevre avait lui-même signé le 5 mai 1988 un protocole d'accord négocié par celui qui n'était encore que l'abbé Tissier de Mallerais, lequel était d'ailleurs contre les sacres à l'époque mais il a obéi inconditionnellement à Mgr Lefebvre. D'ailleurs, l'attitude très cléricaliste de Mgr Lefebvre en personne vis-à-vis de Renaissance catholique en 1990 prélude étrangement à la crispation fellaysienne face au congrès du 6 février 2005 organisé précisément pour l'essentiel par des laïcs.
C'est cette conviction très ancrée d'appartenir ou d'adhérer à une oeuvre bénie par Dieu qui explique tant de contradictions et de revirements chez Mgr Lefebvre et ses successeurs. Ce qui compte, c'est l'intérêt immédiat de la structure, lequel intérêt peut à tout moment changer en fonctiondes circonstances, du baromètre. En 1988, l'abbé Aulagnier était favorable à des sacres sans mandat pontifical car il fallait des évêques "à nous" pour maintenir la messe et le sacerdoce sachant que Rome n'allait pas assez loin dans les concessions. Depuis 2000, il est pour la régularisation canonique car Rome propose un statut canonique beaucoup plus avantageux (l'administration apostolique), un meilleur statut également pour la messe tridentine (la facultas et non le simple indult) et que les quatre évêques sont déjà là. Ce n'est donc pas que l'abbé Aulagnier voire l'abbé Laguérie aient vraiment changé sur le fond. Comme ce sont des praxistes, des situationnistes, eux diraient des pragmatiques, par dépassement dialectique, ils considèrent que l'intérêt de la structure FSSPX est aujourd'hui de trouver un arrangement bien ficelé avec Rome alors que hier au contraire il était de faire quatre consécrations épiscopales au nez et à la barbe de l'homme reconnu par eux comme le vicaire du Christ.
On voit donc bien que l'intérêt partisan de la structure passe avant l'intransigeance et la cohérence doctrinale et qu'il est honnêtement difficile d'aller plus loin dans le mépris du sens de l'Eglise, du respect dû à sa hiérarchie légitime. peut-on adopter une attitude plus moderne, plus soixante-huitarde, plus révolutionnaire que celle-là. C'est le paradoxe et en même temps le talon d'Achille de la FSSPX : elle prétend défendre la Tradition contre une Rome et un épiscopat moderniste et révolutionnaire mais elle ne se rend même pas compte qu'elle même est révolutionnaire et empreinte de modernisme. D'ailleurs, on se demande si la FSSPX a compris ce qu'était un moderniste. Elle croit que c'est un catholique de bonne foi qui s'égare. Alors que le moderniste est un ennemi de l'Eglise qui est consciemment dans l'Eglise pour détruire l'Eglise. Il faut relire Pascendi. Si elle avait compris ce qu'était le modernisme, elle ne brûlerait pas, à intervalles réguliers, de conclure un accord avec la Contre-Eglise antéchristique de Vatican d'Eux où l'on baise publiquement le Coran, où l'on renie la doctrine sociale du Christ-Roi et où l'on est acquis d'avance à toutes les aberrations, tous les reniements, toutes les apostasies.
Cependant, l'obession de la survie de la structure, c'est, à mon sens, ce qui empêche depuis trente ans la FSSPX soit de se rallier, soit de devenir ouvertement sédévacantiste. Car elle sait qu'en prenant une des deux positions elle irait à l'éclatement, toute une partie des prêtres et des fidèles refusant de s'engager dans l'une ou l'autre des deux voies qui seraient pourtant, à mon sens, les deux seules cohérentes et dignes intellectuellement.
4)Car qui ne voit, et c'est la quatrième raison de la crise, à mon sens la plus profonde, que grandie dans la désobéissance, la FSSPX s'amenuise et périt dans la désobéissance, que construite sur une praxis évoluant au gré des vents et non sur une doctrine sûre, elle dépérit et sombre dans le n'importe quoi, dans le sordide et le grotesque ? C'est triste pour les prêtres et les fidèles qui ont tant donné de leur temps, de leur énergie, de leur argent, parfois de leur santé mais, comme disait le barbu Lénine, les faits sont têtus. Tragiques mais têtus.
En effet, la FSSPX qui se voulait "le roc sur lequel s'édifie l'avenir de l'Eglise" (abbé Aulagnier dans La Tradition sans peur) est un champ de ruines ; la société à laquelle "le Bon Dieu (devait) donner l'Arche d'Alliance du Nouveau Testament" (Mgr Lefevre cité par l'abbé de Cacqueray dans la préface de Vatican II et l'Evangile de l'abbé de Tanoüarn) prend l'eau de toutes parts, l'oeuvre, qui, au contraire de l'église officielle, avait, selon Mgr Lefebvre les quatre notes d'unité, de sainteté, de catholicité et d'apostolicité (conférence en 1988) sombre dans la division, la haine, la mesquinerie et le chantage aux sacrements, l'organisation dont le fondateur devait sauver l'Eglise, selon la Sainte Vierge à Quito (dixit Mgr Lefebvre dans son homélie le jour des sacres à Ecône) n'en finit pas de mourir sous nos yeux dans de douloureuses et pitoyables convulsions. Et l'église Saint-Nicolas que Mgr Lefebvre appelait "la paroisse-phare de la tradition" se divise autant qu'elle se vide.
Telle est la terrible réalité. Il me semble qu'il faut s'aveugler volontairement pour ne pas la voir. Tant d'orgueil et d'inconséquence sont aujourd'hui atrocement châtiés. Quand le Bon Dieu s'y met, il ne fait pas les choses à moitié. Tant d'illusion sur soi-même et sur l'Eglise est en train de prendre fin.
J'ajoute qu'il y a quelque chose de pathétique à voir les deux camps évoquer ad nauseam l'obéissance et la désobéissance lorsque depuis trente ans on désobéit en tout et constamment à une autorité que l'on reconnaît publiquement comme légitime. Or, il est quand même plus grave de désobéir au pape qu'à Mgr Fellay ou à l'abbé de Cacqueray à ce que je sache. Je vois poindre ici l'objection : oui, mais dans le cas du pape, c'était pour sauver la foi, tandis que dans le cas présent, c'est seulement disciplinaire. Ce à quoi je réponds : mais comment le pape qui est la règle prochaine et vivante de la foi et auquel aucune autorité n'est supérieure et qui ne peut être jugé par personne (Vatican I) peut-il mettre en danger la foi et détruire l'Eglise? Ou alors c'est qu'il n'est pas pape. On en revient toujours au même point qui est le point nodal de la question qui nous occupe.
Il est également assez surréaliste de voir les fellaysiens et les laguéristes s'envoyer à la figure des notes canoniques et juridiques. Comme si la FSSPX depuis 1975 respectait le code de droit canon. Il est quand même hallucinant de voir les lefebvristes avoir tout à coup la couture sur le pli du pantalon concernant le respect scrupuleux du code de droit canon (et qui plus est celui de 1983, donc de Jean-Paul II dont elle a pourtant souvent dit tout le mal qu'elle pensait mais il est vrai qu'elle n'en est pas à une incohérence près, surtout quand ça l'arrange!) alors que, pendant trente ans, violant toutes les règles canoniques, tant d'ailleurs celles de 1917 que de 1983, on a ordonné des prêtres et sacré des évêques contre la volonté formelle du pape, ouvert des prieurés, des chapelles, des écoles sans l'autorisation de l'ordinaire, distribué les sacrements de mariage et de confession sans accord du curé de paroisse ni de l'évêque diocésain. Bref, quand a vécu dans l'illégalité la plus complète, dans le règne du "sauvage" et du bricolage tout en reconnaissant l'autorité légitime, il est proprement incroyable que d'un seul coup on se veut plus royaliste que le roi, plus canoniste que le chanoine Naz. Refusant d'obéir à une autorité reconnue comme légitime (Jean-Paul II), une partie des lefebvristes refuse aujourd'hui d'obéir à une autorité interne reconnue aussi comme légitime (Mgr Fellay). La rébellion entraîne la rébellion, la transgression appelle la transgression.
A noter d'ailleurs que dans la note canonique des maîtres Turot et Triomphe dont je ne doute nullement de la compétence ni même de l'excellence, il y a un aveu de taille passé inaperçu : "On ne peut avoir la qualité de curé que si l'on est nommé par l'évêque diocésain. Ce que confirme le canon 523, selon lequel "la provision de l'office de curé revient à l'Evêque diocésain". On voit qu'aucun des prêtres de la FSSPX ne détient un office de curé. L'abbé Laguérie n'est pas curé, ni de ND de Bon Conseil (qui n'est même pas une église paroissiale d'ailleurs), ni même de Saint-Eloi, car on ne sache pas que Mgr Ricard l'y ait nommé. Il n'y a pas de curé au sein de la FSSPX"
Maîtres Turot et Triomphe ont évidemment parfaitement raison. Mais comment se fait-il alors que l'abbé Laguérie se fasse officiellement appeler curé de Saint-Eloi, comme il signait dans Le Chardonnet curé de Saint-Nicolas et comme ses successeurs, les abbés Bouchacourt puis Beauvais, continuent à se faire appeler "curé de Saint-Nicolas"?
Et ce n'est pas pour rire, car lorsque l'on va dans la sacristie de Saint-Nicolas il y a la porte pour monsieur le curé et la porte pour son premier et son second vicaire. Mais de qui se moque-t-on? Qui les a nommés? C'est de l'usurpation de titre, c'est pourquoi l'abbé Sélégny a une sacrée audace de dénoncer l'apostolat "illicite" des abbés Laguérie et Héry (communiqué du 21 octobre). Tout est illicite dans la FSSPX, de la base au sommet, du toit aux fondations.
Quand j'en parle à des amis et relations lefebvristes et que je me scandalise de cette usurpation du titre de curé et de vicaire qui est d'autant plus odieuse qu'elle est inutile (ils sont prêtres, cela suffit!), on me rit au nez ou l'on me dit que ce n'est pas bien grave. Il est vrai que quand je leur dis qu'il est quand même important de savoir si Jean-Paul II est pape ou non, car s'il est pape il faut lui obéir, ils me répondent invariablement : peu importe qu'il soit pape ou pas; de toute façon le pape, c'est René Coty dans l'Eglise; l'important c'est de garder la foi. Le pape, ce n'est pas si important; il ne faut pas être papolâtre. Mais que fait-on alors de la célèbre maxime de Saint-Ambroise : "Là où est Pierre, là est l'Eglise : ubi Petrus, ibi Ecclesia"?
Alors, vous comprenez, quand j'entends de tels discours relativistes et où, je l'avoue, j'ai du mal à voir la bonne foi et l'honnêteté intellectuelle, je fatigue vraiment. Vraiment beaucoup.
Mais à mon tour, chers amis, de ne plus vous importuner. Je m'éclipse (comme l'Eglise militante depuis Vatican d'eux); je vais sédévaquer à mes occupations.
A bientôt, chers amis liseurs et bon Carême à tous.