| Histoire d’une longue patience : 32 ans de relations entre le Vatican et la Fraternité St-Pie X par M. l’abbé François Knittel | 
| Nouvelles de Chrétienté, n°76 (juillet-août 2002) - Repris du site DICI, qui propose une version PDF agrémentée (page 11) d'un tableau comparatif des différents accords envisagés. | 
| « Où en sont les         relations entre le Vatican et la Fraternité ? » Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette question de la part de nos fidèles. Voici deux ans, une nouvelle phase de ces relations commençait lorsque le cardinal Darío Castrillón-Hoyos fut chargé par le Saint-Père de régler la situation. Depuis la lettre de Mgr Fellay au cardinal Castrillón-Hoyos du 22 juin 2001 et les accords passés par l’Association Saint Jean–Marie Vianney en janvier 2002 [i], les choses ont peu évolué. [ii] Il est donc important de profiter de cet intermède pour réfléchir un peu et dresser un bilan. En effet, les         négociations commencées en l’année jubilaire 2000 ne sont pas les         premières à avoir eu lieu. L’histoire de la Fraternité, des         origines à nos jours, en est parsemée. Il nous a paru         nécessaire et intéressant de revenir sur ces diverses propositions         romaines : nécessaire pour ne pas oublier d’où nous venons ;         intéressant pour jauger d’autres propositions, actuelles ou futures,         et savoir où nous allons. L’objectif de notre travail, outre le rappel         de documents parfois oubliés des anciens ou inconnus des plus jeunes,         sera de chercher le fil conducteur qui relie toutes ces propositions         romaines. Nous les comparerons donc, en soulignant leurs différences         mais aussi leurs constantes. De la sorte, s’établira         une grille de lecture pour le futur, car nous saurons ce que l’Eglise         conciliaire comme telle ne sacrifiera jamais, prolongeant d’autant la         crise actuelle. Nous saurons aussi à         quels indices reconnaître le retour de l’autorité ecclésiastique à         la profession intégrale de la foi catholique, retour qui coïncidera         avec l’expulsion de « la fumée de Satan entrée dans le temple de         Dieu. » [iii] Il faut noter que les         documents mentionnés, souvent longs, ne seront cités que pour ce qui         concerne les relations entre Rome et la Fraternité. Pour situer les         choses dans leur contexte, nos lecteurs se reporteront avec fruit à         notre article sur l’histoire des 30 premières années de la         Fraternité Sacerdotale Saint Pie X [iv]. La commission         cardinalice : Une capitulation sans conditions On se souvient que la         Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, érigée canoniquement le 1er         novembre 1970 par Mgr François Charrière, évêque de Fribourg en         Suisse, dut subir dès 1972 des attaques, particulièrement de la part         des évêques français. Une visite canonique du séminaire d’Ecône         fut diligentée pour les 11-13 novembre 1974. La fameuse déclaration de         M gr Marcel Lefebvre qui y fit suite le 21 novembre [v]         devait déclencher la réaction romaine sous forme d’une commission         cardinalice, composée des cardinaux Garrone (Congrégation pour l’Education         Catholique), Wright (Congrégation pour le Clergé) et Tabera         (Congrégation pour les Religieux), qui publiait le 6 mai 1975 la         sentence suivante : « Une telle déclaration nous apparaissait en tous         points inacceptables. Il est impossible de concilier la plupart des         affirmations contenues dans ce document avec une fidélité authentique         à l’Eglise, à celui qui en a la charge et au Concile où la pensée         et la volonté de l’Eglise se sont exprimées. » « C’est avec l’entière         approbation de Sa Sainteté que nous vous faisons part des décisions         suivantes : 1. Une lettre sera         envoyée à Mgr Mamie, lui reconnaissant le droit de retirer l’approbation         donnée par son prédécesseur à la Fraternité et à ses Statuts. (…) 2. Une fois supprimée la Fraternité, celle-ci         n’ayant plus d’appui juridique, ses fondations, et notamment le         séminaire d’Ecône, perdent du même coup le droit à l’existence. 3. Il est évident –         nous sommes invités à le notifier clairement – qu’aucun appui ne         pourra être donné à Mgr Lefebvre tant que les idées contenues dans         le Manifeste du 21 novembre 1974 resteront la loi de son action. » Sans parler ici des         nombreuses illégalités commises au cours d’un procès inique, notons         les éléments mis en avant par les 3 cardinaux dans leur résolution.         Au niveau doctrinal, il est reproché à Mgr Lefebvre de contredire dans         sa déclaration du 21 novembre 1974 la fidélité à l’Eglise, la fi         délité à Paul VI et la fi délité au concile Vatican II. Il est         remarquable que la question du rite traditionnel, en usage dans la         Fraternité dès le début, ne soit pas mise en exergue par les 3         cardinaux. De ces prémisses         doctrinales, suivent les conséquences pratiques : la suppression de la         Fraternité, la fermeture du séminaire d’Ecône et des autres         fondations, la suspension de toute aide à Mgr Lefebvre tant qu’il ne         rétracterait pas sa déclaration. En réalité, c’est une         capitulation sans condition qu’on attend du prélat et de ses         collaborateurs. La Secrétairie d’Etat         : « Mgr Lefebvre, combien de divisions ? » Au vu de l’illégalité         des mesures prises contre lui par la commission cardinalice, Mgr         Lefebvre décide de passer outre : il procède à 3 ordinations         sacerdotales le 29 juin 1975 à Ecône et continue l’oeuvre de la         Fraternité et du séminaire d’Ecône, illégalement supprimée. À l’approche         des ordinations sacerdotales de l’été 1976, alors que les premières         générations de séminaristes allaient commencer à sortir du         séminaire au terme de leurs 5 années d’étude, les pressions         vaticanes en vue d’un règlement de la situation reprennent. Le         cardinal Jean Villot, Secrétaire d’Etat du Vatican, ayant été         récusé par Mgr Lefebvre, c’est Mgr Benelli, substitut de la même         Secrétairie d’Etat, qui est chargé du dossier. Le 21 avril 1976, il         écrivait au fondateur de la Fraternité : « Vous vous souvenez         certainement, en effet, de la démarche envisagée comme la plus propre         pour parvenir à ce résultat [le retour à la communion effective avec         le pape Paul VI]. Après avoir réfléchi, seul devant Dieu, vous         écrivez au Saint-Père pour lui dire votre acceptation du concile         Vatican II et de tous ses documents, affirmer votre plein attachement à         la personne de Sa Sainteté Paul VI et à la totalité de son         enseignement, en vous engageant comme preuve concrète de votre         soumission au successeur de Pierre, à adopter et à faire adopter dans         les maisons qui dépendent de vous, le missel qu’il a lui-même         promulgué en vertu de sa suprême autorité apostolique. » Deux mois plus tard,         à quelques jours des ordinations sacerdotales, il précisait son propos         en vue d’une solution du différend dans une lettre à Mgr Lefebvre du         25 juin 1976 : « Le 19 mars, je vous         avais dit très franchement ce qui, dans vos jugements négatifs sur le         Concile, dans vos propos fréquents sur les organismes du Saint-Siège         et leurs directives en application du Concile, dans votre façon de         procéder à l’encontre de la responsabilité des autres évêques         dans leurs diocèses respectifs, était inadmissible pour Sa Sainteté,         contraire à la communion ecclésiale et dommageable pour l’unité et         la paix de l’Eglise. Il vous était seulement demandé d’admettre         clairement votre tort sur ces points nécessaires pour toute âme         catholique, après quoi on aurait étudié la façon la meilleure de         faire face aux problèmes pendants posés par vos oeuvres. Le Saint-Père me         charge aujourd’hui même de confirmer la mesure qui vous a été         intimée en son nom, de mandato speciali : vous abstenir actuellement d’ordonner         des séminaristes ; c’est justement l’occasion de leur expliquer,         ainsi qu’à leurs familles, que vous ne pouvez les ordonner au service         de l’Eglise contre la volonté du Pasteur suprême de l’Eglise. Il n’y         a rien de désespérant dans leur cas : s’ils sont de bonne         volonté et sérieusement préparés à un ministère presbytéral dans         la fi délité véritable à l’Eglise conciliaire, on se chargera de         trouver ensuite la meilleure solution pour eux, mais qu’ils commencent         d’abord, eux aussi, par cet acte d’obéissance à l’Eglise. » Les nouvelles         propositions faites par Mgr Benelli dans ces deux documents ne sont         guères différentes, quant à la substance, des conclusions de la         commission cardinalice de 1975 : acceptation du concile Vatican II ;         attachement à Paul VI ; utilisation du Missel de Paul VI. En réalité,         sous couleur de précisions, les exigences romaines tournent à la         démesure : on exige maintenant l’adhésion à “tous” les         documents d’un concile présenté comme pastoral ainsi que l’attachement         à la “personne” du Pontife régnant et à “l’ensemble” de ses         enseignements. Dès ce moment,         apparaît l’exigence d’adopter la liturgie nouvelle dans la         Fraternité comme preuve concrète de soumission. La lettre du 25 juin         1976 reprend les mêmes éléments mais de manière négative, en         stigmatisant les doutes de M gr Lefebvre concernant le concile Vatican         II, les réformes qui en sont issues et les organismes romains chargés         de les appliquer. Conséquence de cette attitude : Mgr Lefebvre doit         confesser ses erreurs, moyennant quoi une solution sera cherchée aux         problèmes pendants. Ceci dit, au niveau         concret, il faudra suspendre les ordinations et réexaminer la         possibilité de réinsérer ces séminaristes dans « l’Eglise         conciliaire », entité nouvelle juxtaposée ou substituée à l’Eglise         catholique. La prise en main du problème de la Tradition dans l’Eglise         par la Secrétairie d’Etat, chargée de la politique vaticane, est         symptomatique d’une approche plutôt étrange du problème : il ne s’agit         plus de la foi ou du culte ou de la formation du clergé, mais bien de         la politique. Dans cette perspective politique des choses, la seule         question à laquelle on s’attend est : « Mgr Lefebvre, combien de         divisions ? » Le pape Paul VI :         La bombe à neutrons Or, Mgr Lefebvre, lui,         continue à poser le problème au niveau de la foi et ne cesse de         stigmatiser l’union adultère de l’Eglise et de la révolution. Il         passe outre l’interdiction d’ordonner et, par le fait même, encourt         le 1er juillet 1976 la suspense a collatione ordinum (interdiction d’ordonner)         et le 22 juillet 1976 la suspense a divinis (interdiction d’administrer         les sacrements). Devant la gravité des         faits, c’est le pape Paul VI lui-même qui prend en charge cette         situation. Après avoir concédé         une audience à Mgr Lefebvre à Castel Gandolfo le 11 septembre 1976, il         lui adresse une longue lettre dactylographiée le 11 octobre 1976 : « Concrètement qu’est-ce         que Nous vous demandons ? A. – D’abord et         surtout, une déclaration qui remette les choses au point, pour         Nous-même et aussi pour le peuple de Dieu qui a droit à la clarté et         ne peut plus supporter sans dommage de telles équivoques. Cette déclaration         devra donc affirmer que vous adhérez franchement au concile         oecuménique Vatican II et à tous les textes – sensu obvio [vi]         – qui ont été adoptés par les pères du Concile, approuvés et         promulgués par notre autorité. Car une telle adhésion a toujours         été la règle, dans l’Eglise, depuis les origines, en ce qui         concerne les conciles oecuméniques. Il doit être clair         que vous accueillez également les décisions que Nous avons prises,         depuis le Concile, pour le mettre en oeuvre, avec l’aide des         organismes du Saint-Siège ; entre autres, vous devez reconnaître         explicitement la légitimité de la liturgie rénovée, notamment de l’Ordo         Missæ, et notre droit de requérir son adoption par l’ensemble du         peuple chrétien. Vous devez admettre         aussi le caractère obligatoire des dispositions du droit canonique en         vigueur qui, pour la plus grande part, correspondent encore au contenu         du code de droit canonique de Benoît XV, sans en excepter la partie qui         a trait aux peines canoniques. En ce qui concerne         notre personne, vous aurez à coeur de cesser et de rétracter les         graves accusations ou insinuations que vous avez portées publiquement         contre Nous, contre l’orthodoxie de notre foi et notre fi délité à         la charge de successeur de Pierre, et contre notre entourage immédiat. En ce qui concerne les         évêques, vous devez reconnaître leur autorité dans leurs diocèses         respectifs, en vous abstenant de prêcher et d’y administrer les         sacrements : eucharistie, confirmation, ordres sacrés, etc., lorsque         ces évêques s’y opposent expressément. Enfin vous devez vous         engager à vous abstenir de toutes les initiatives (conférences,         publications…) contraires à cette déclaration, et à réprouver         formellement toutes celles qui se réclameraient de vous à l’encontre         de la même déclaration. Il s’agit là du         minimum que doit souscrire tout évêque catholique : cette adhésion ne         peut souffrir de compromis. Dès que vous aurez manifesté que vous en         acceptez le principe, Nous vous proposerons les modalités pratiques de         présenter cette déclaration. C’est la première condition pour que         la suspense a divinis soit levée. B. – Ensuite restera         à résoudre le problème de votre activité, de vos oeuvres et         notamment de vos séminaires. Vous comprendrez, Frère, que, vu les         irrégularités et ambiguïtés passées et présentes affectant ces         oeuvres, Nous ne pouvons pas revenir sur la suppression de la         Fraternité sacerdotale Saint Pie X. Elle a inculqué un esprit d’opposition         au Concile et à sa mise en oeuvre telle que le vicaire de Jésus-Christ         s’appliquait à la promouvoir. Votre déclaration du 21 novembre 1974         est un témoignage de cet esprit ; et sur un tel fondement, comme l’a         jugé à juste titre notre commission cardinalice, le 6 mai 1975, on ne         peut bâtir d’institution ou de formation sacerdotale conforme aux         exigences de l’Eglise du Christ. Cela n’infirme point ce qui existe         de bon dans vos séminaires, mais il faut aussi considérer les lacunes         ecclésiologiques dont Nous avons parlé et la capacité d’exercer un         ministère pastoral dans l’Eglise d’aujourd’hui. Devant ces         réalités malheureusement mêlées, Nous aurons le souci de ne pas         détruire, mais de corriger et de sauver autant que possible. C’est pourquoi, en         tant que garant suprême de la foi et de la formation du clergé, Nous         vous demandons d’abord de remettre entre nos mains la responsabilité         de votre oeuvre, et notamment de vos séminaires. C’est assurément         pour vous un lourd sacrifice, mais c’est un test aussi de votre         confiance, de votre obéissance, et c’est une condition nécessaire         pour que ces séminaires, qui n’ont pas d’existence canonique dans l’Eglise,         puissent éventuellement y prendre place. Ce n’est qu’après         que vous en aurez accepté le principe que Nous serons en mesure de         pourvoir le mieux possible au bien de toutes les personnes         intéressées, avec le souci de promouvoir les vocations sacerdotales         authentiques et dans le respect des exigences doctrinales,         disciplinaires et pastorales de l’Eglise. À ce stade, Nous pourrons         entendre avec bienveillance vos demandes et vos souhaits, et prendre en         conscience, avec nos dicastères, les mesures justes et opportunes. En ce qui concerne les         séminaristes ordonnés illicitement, les sanctions qu’ils ont         encourues conformément aux canons 985, 7° et 2374 pourront être         levées, s’ils donnent une preuve de résipiscence en acceptant         notamment de souscrire à la déclaration que Nous vous avons demandée.         Nous comptons sur votre sens de l’Eglise pour leur faciliter cette         démarche. Quant aux fondations, maisons de         formation, “prieurés” et autres institutions diverses créées sur         votre initiative ou avec votre encouragement, Nous vous demandons         également de vous en remettre au Saint-Siège, qui étudiera leur cas,         dans ses divers aspects, avec l’épiscopat local. Leur survie, leur         organisation et leur apostolat seront subordonnés, comme il est normal         dans toute l’Eglise catholique, à un accord qui devra être passé,         dans chaque cas, avec l’évêque du lieu – nihil sine episcopo [vii]         – et dans un esprit qui respecte la déclaration mentionnée plus         haut. » Ce document, écrit         voici plus de 25 ans, révèle une volonté totalitaire d’écraser         toute opposition sans aucun recours au dialogue, à la démocratie, aux         aspirations du peuple de Dieu et à l’oecuménisme, devenus pourtant         les nouveaux principes d’action de l’après-concile. Il est exigé de Mgr         Lefebvre une déclaration où il adhérera au Concile, acceptera les         décisions des organismes romains, reconnaîtra la légitimité du Novus         Ordo, se soumettra au Droit Canon (spécialement en matière de peines         ecclésiastiques), confessera l’orthodoxie et la fi délité à sa         charge de Paul VI, reconnaîtra l’autorité des évêques dans leurs         diocèses respectifs et s’abstiendra de toute initiative contraire au         contenu de la dite déclaration. Celle-ci, indispensable à la levée         des peines canoniques encourues à l’été 1976, n’est pas         négociable dans son contenu. De ce préambule         théorique, on passe au point de vue pratique dont les conclusions sont         tout aussi extrêmes : confirmation de la suppression de la Fraternité,         remise des séminaires et de toutes les autres oeuvres dans les mains de         Paul VI, pardon des peines canoniques encourues par les séminaristes         ordonnés. Et lorsque Mgr Lefebvre n’aura plus rien : ni Fraternité,         ni séminaire, ni séminaristes, ni maisons, ni apostolat, le Pape         pourra « écouter avec bienveillance [ses] demandes et [ses] souhaits         » ! La solution de Paul VI c’est la bombe à neutrons : son explosion         fait disparaître toute vie, mais, après un temps de décontamination,         les infrastructures industrielles et immobilières sont réutilisables         par l’envahisseur ! La congrégation         pour la Doctrine de la Foi : La solution biologique du problème         Lefebvre La Secrétairerie d’Etat         continuera ses gestions dans toute cette affaire jusqu’à la fi n de l’année         1977, en la personne de Mgr Benelli. À partir du 28 janvier 1978, le         Card. Franjo Seper notifi e à Mgr Lefebvre que c’est lui, en tant que         préfet de la S.C. pour la Doctrine de la Foi, qui est chargé de         trouver un arrangement. Des discussions théologiques ont lieu en         février et mars 1978, mais la mort de Paul VI et celle prématurée de         Jean-Paul I paralysent tout. Élu le 16 octobre         1978, Jean-Paul II reçoit Mgr Lefebvre le 18 novembre 1978. Après deux ans d’efforts         sans grand résultat, le Card. Seper présente à Mgr Lefebvre, dans une         lettre du 20 octobre 1980, une déclaration préalable à un accord         pratique : « Tout en attendant         de vous une claire manifestation de regret pour les attaques injustes         que vous avez formulées à l’encontre du Concile, des évêques et         même du Siège Apostolique, ainsi que pour les difficultés et même le         trouble que votre action a suscité parmi les fidèles, le pape         Jean-Paul II demeure à votre égard dans des sentiments de paternelle         charité. C’est selon ses         indications que je vous présente maintenant d’ultimes propositions : 1. En ce qui concerne         l’adhésion aux enseignements du concile Vatican II, – que vous vous         déclarez prêt à accepter dans le sens indiqué par le pape Jean-Paul         II, c’est-à-dire “compris à la lumière de toute la sainte         Tradition et sur la base du Magistère constant de l’Eglise”… –         le Saint-Père attend de vous ce qui est aussi requis de chacun dans l’Eglise,         à savoir ce “religiosum voluntatis et intellectus obsequium [viii]”         dû au magistère authentique du Pontife Romain, même lorsqu’il ne         parle pas “ex cathedra” et à l’enseignement sur la foi et les         moeurs donné au nom du Christ par les évêques en communion avec le         Pontife romain (cf. Constitution Lumen Gentium, n°25). Bien entendu,         une telle adhésion doit tenir compte de la qualification théologique         que le Concile lui-même a voulu donner à ses enseignements… 2. En ce qui concerne         la Liturgie, le Saint-Père attend de vous que vous acceptiez sans         restrictions la légitimité de la réforme demandée par le concile         Vatican II, aussi bien dans son principe que dans ses applications         conformes au Missel et aux autres livres liturgiques promulgués par le         Siège Apostolique. Il attend aussi de vous que vous vous engagiez à         cesser de jeter la suspicion sur l’orthodoxie de l’Ordo Missæ         promulgué par le pape Paul VI. Vous comprendrez que c’est là une         condition préalable et indispensable. Celle-ci remplie, le Saint-Père         pourrait envisager d’autoriser la célébration de la Sainte Messe         selon le rite du Missel romain antérieur à la réforme de 1969. 3. En ce qui concerne enfin le ministère         pastoral et les oeuvres, le Saint-Père attend de vous que vous         acceptiez de vous conformer aux normes du droit ecclésiastique commun,         notamment pour tout ce qui concerne les ordinations, les confirmations,…         Dans cette perspective, le Saint-Père serait prêt à désigner un         délégué personnel directement responsable devant lui, qui aurait pour         mission d’étudier avec vous la régularisation de votre propre         situation ainsi que celle des membres de la Fraternité St-Pie X par un         statut apte à régler une question de soi assez complexe (…) Une fois enfin         acceptés par vous ces points précis – et ce devrait être dans une         déclaration pouvant être rendue publique – le Souverain Pontife         serait disposé à lever les censures canoniques et les irrégularités         qui ont été encourues par vous-même et par les prêtres que vous avez         illégitimement ordonnés depuis 1976 (pour ces derniers, bien sûr, s’ils         adhèrent à votre propre démarche). » Cette proposition est         précisée et confirmée dans une seconde lettre du 19 février 1981 : « Pour clarifier la         situation, permettez-moi de vous proposer ici d’une manière précise         les points que le Saint-Père estime indispensables dans votre         déclaration ; pour la plupart d’entre eux, je ne puis d’ailleurs         que reprendre l’essentiel de ma lettre précédente : 1. Claire         manifestation de regrets pour la part que vous avez eue dans la         situation de rupture objective qui s’est créée (notamment du fait         des ordinations) et pour vos attaques successives, dans le contenu et         dans les termes, contre le Concile, contre de nombreux évêques et         contre le Siège Apostolique. 2. Adhésion aux         enseignements du concile Vatican II, “compris à la lumière de toute         la sainte Tradition et sur la base du magistère constant de l’Eglise”         (cf. Allocution de S.S. Jean-Paul II, 5 novembre 1979, A.A.S. LXXI         (1979/II), p. 1452), et compte tenu de la qualifi cation théologique         que ce Concile a voulu donner à ses enseignements (cf. Notifi cation         faite au cours de la 123e congrégation générale, 16 novembre 1964 –         Acta Synodalia S. Concilii OEcumenici Vaticani II, vol. III, pars VIII,         p. 10) ; reconnaissance du “religiosum voluntatis et intellectus         obsequium” dû au magistère authentique du Pontife Romain, même         lorsqu’il ne parle pas “ex cathedra”, et à l’enseignement sur         la foi et les moeurs donné au nom du Christ par les évêques en         communion avec le Pontife romain (cf. Constitution Lumen Gentium, n°         25) ; cessation de toute polémique qui viserait à discréditer         certains des enseignements du concile Vatican II. 3. Acceptation sans         restrictions non seulement de la validité de la Messe selon le Novus         Ordo dans son édition         latine originale, mais encore de la légitimité de la réforme         demandée par le concile Vatican II – aussi bien dans son principe que         dans ses applications conformes au Missel et aux autres livres         liturgiques promulgués par le Siège Apostolique –, et abandon de         toute polémique tendant à jeter la suspicion sur l’orthodoxie de l’Ordo         Missæ promulgué par le pape Paul VI. 4. Acceptation des         normes du droit ecclésiastique commun pour tout ce qui concerne votre         ministère pastoral et vos oeuvres ainsi que pour la Fraternité St-Pie         X. Le délégué         pontifical, nommé comme vous le souhaitez pour un temps limité et pour         un but bien déterminé, aura pour mission de traiter avec vous des         problèmes concrets découlant d’une normalisation des rapports entre         vous-mêmes et la Fraternité St-Pie X d’une part et le Siège         Apostolique de l’autre. D’une manière plus précise, il devra         régler avec vous les questions de la levée officielle des censures, de         rites liturgiques pour la Fraternité, enfin du statut juridique futur         de la Fraternité. » L’empreinte de la         Congrégation pour la Doctrine de la Foi se fait sentir dès qu’elle         prend en charge cette affaire. Aux discussions théologiques et aux         explications demandées à Mgr Lefebvre succède le texte d’une         déclaration doctrinale préalable à tout accord pratique. Cette         déclaration porte sur : l’adhésion aux enseignements du concile         Vatican II “interprété à la lumière de toute la sainte Tradition         et sur la base du magistère constant de l’Eglise” ; l’acceptation         de la légitimité de la réforme liturgique, dans son principe comme         dans son application, ainsi que de son orthodoxie ; la conformité avec         le Droit Canon en matière d’apostolat et de formation         ecclésiastique. De cette première         partie théorique, on passe ensuite à la nomination d’un délégué         apostolique chargé de régulariser la situation de la Fraternité         St-Pie X et d’arriver à la levée des censures canoniques encourues         par Mgr Lefebvre et ses prêtres. Dans sa seconde         lettre, le cardinal Seper rajoute un préambule aux conditions         signalées dans la première : Mgr Lefebvre devra manifester clairement         son repentir pour la situation objective de rupture due à son fait         ainsi que pour les attaques contre le Concile, les évêques et le         Siège Apostolique. Le lecteur attentif s’en         sera déjà rendu compte : la suppression de la Fraternité, la         fermeture des séminaires, la dispersion des séminaristes et la remise         de toutes les oeuvres au Saint-Siège ne sont plus à l’ordre du jour.         Il s’agit dès lors de donner un statut canonique à ce qui existe, ce         qu’en terme canonique on appelle une sanatio in radice [ix]. Par contre, Mgr         Lefebvre reste désespérément seul dans son combat : il pourrait voir         son oeuvre reconnue, mais aucun successeur ne lui serait donné. C’est         la réintégration dans le grand courant conciliaire qui l’attendent,         lui et son oeuvre. L’heure est à la guerre des tranchées : chacun         campe sur ses positions, et Rome attend la “solution biologique du         problème Lefebvre”, c’est-à-dire la mort de l’archevêque. En fait, c’est le         cardinal Seper qui devait mourir le premier, le 31 décembre 1981. Son         remplaçant à la tête de la S.C. pour la Doctrine de la Foi, le Card.         Joseph Ratzinger hérite par le fait même des négociations avec la         Fraternité. L’année 1982 ne devait pas se terminer sans une nouvelle         proposition romaine, envoyée par le cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre         le 23 décembre 1982 : « Je précise         immédiatement que ces propositions ont été approuvées par le         Souverain Pontife et que c’est sur son ordre que je vous les         communique. 1. Le Saint-Père         nommera au plus tôt un Visiteur Apostolique pour la Fraternité St-Pie         X si vous acceptez une déclaration sous la forme suivante : • Moi, Marcel         Lefebvre je déclare avec soumission religieuse de l’âme, que j’adhère         à tous les enseignements du concile Vatican II, c’est-à-dire la         doctrine “comprise à la lumière de toute la sainte Tradition et du         magistère constant de l’Eglise” (cf. Discours de Jean-Paul II au         Sacré Collège, 5 de novembre de 1979, AAS LXXI (1979/55), p. 1452).         Cette soumission religieuse doit s’entendre en prenant en compte la         qualification théologique que le Concile lui-même voulut donner à ses         enseignements (cf. Notification faite au cours de la 123° congrégation         générale le 16 novembre 1964). • Moi, Marcel         Lefebvre, je reconnais le Missel romain instauré par le Souverain         Pontife Paul VI pour l’Église universelle et promulgué par la         suprême et légitime autorité du Saint-Siège à qui revient         légiférer en matière liturgique dans l’Eglise, et donc qu’il est         en soi légitime et catholique. C’est pourquoi je n’ai jamais nié         ni ne nierai que les Messes célébrées selon le Novus Ordo soient         valides ; de même je ne saurais aucunement insinuer qu’elles sont         hérétiques ou blasphématoires ou qu’elles doivent être évitées         par les catholiques. Ces deux paragraphes         ont été mûrement étudiés de la part du Siège Apostolique, et il ne         peut être envisagé de les modifier. Par contre, on admettra que vous         ajoutiez, à titre personnel, un complément dont le contenu pourrait         être le suivant : • En conscience je         me sens obligé d’ajouter que l’application concrète de la réforme         liturgique pose de graves problèmes qui doivent préoccuper l’autorité         suprême. C’est pourquoi je         désire une nouvelle révision des livres liturgiques dans le futur de         la part de l’autorité elle-même. Vous pouvez         éventuellement modifier ce dernier paragraphe, sous réserve         naturellement que votre formulation soit acceptée par le Saint-Père. 1. Si vous déclarez         votre disponibilité à souscrire la déclaration ci-dessus, il sera         possible de fixer la date de l’audience que le Saint-Père vous         accordera, et qui pourrait marquer le début de la Visite Apostolique. 2. La suspens a         divinis dont vous avez été frappé ne dépend pas des problèmes         concernant l’acceptation du concile Vatican II et de la réforme         liturgique (c’est-à-dire des deux points touchés dans la         déclaration prévue), mais du fait que vous avez procédé à des         ordinations malgré la prohibition du Saint-Siège. Cette suspens sera         donc levée dès lors que vous aurez déclaré votre intention de ne         plus faire d’ordinations sans l’autorisation du Saint-Siège. Logiquement du reste,         la question devrait se résoudre à l’issue de la Visite Apostolique. 3. La situation des         prêtres que vous avez ordonnés depuis juin 1976 sera réglée cas par         cas s’ils acceptent de signer personnellement une déclaration ayant         le même contenu que la vôtre. Je dois ajouter enfin         que, pour ce qui concerne l’autorisation de célébrer la Sainte Messe         selon l’Ordo Missæ antérieur à celui de Paul VI, le         Saint-Père a décidé que la question serait résolue pour l’Eglise         universelle et donc indépendamment de votre propre cas. » La formulation du         document reprend la division bipartite. D’abord une partie doctrinale         qui exige la reconnaissance du concile et du missel de Paul VI. On         concède à Mgr Lefebvre d’exprimer certaines réserves sur la         réforme liturgique tout en laissant l’autorité suprême juge des         corrections éventuelles à apporter. Ensuite, la lettre passe aux         aspects pratiques : la possibilité d’une audience avec le Souverain         Pontife, la levée des censures sous réserve de ne pas procéder à des         ordinations sans l’autorisation du Saint-Siège, l’organisation d’une         Visite Apostolique, le règlement de la situation des prêtres déjà         ordonnés. La reconnaissance de         la légitimité et de l’orthodoxie du Novus Ordo, ici comme dans la         lettre du cardinal Seper du 20 octobre 1980, est une condition sine qua         non à l’autorisation de célébrer la Sainte Messe selon le rite         traditionnel. On sait que l’Indult du 3 octobre 1984, qui se voulait         la solution à cette question pour l’Eglise universelle, mettra comme         condition à la demande d’autorisation ponctuelle de célébration du         rite traditionnel de « n’avoir aucune part avec ceux qui mettent en         doute la légitimité et l’orthodoxie du Missel romain promulgué par         le pape Paul VI [x]         ». Autant dire que l’Indult         permettant la Messe traditionnelle était fait pour ceux qui n’en         avaient nul besoin puisqu’ils confessaient au préalable la         légitimité et l’orthodoxie de la nouvelle Messe. Les choses n’évolueront         pas jusqu’à ce que Mgr Lefebvre remette les choses sur le terrain         pratique : l’âge avançant, le prélat se devait de penser à sa         succession. L’annonce par Mgr         Lefebvre d’un possible sacre d’évêque amena le cardinal Ratzinger         à le recevoir (14 juillet 1987), à organiser une Visite Apostolique de         la Fraternité par le Card. Edouard Gagnon (8 novembre-8 décembre 1987)         et à finaliser des pourparlers par un protocole d’accord signé le 5         mai 1988. On y lisait dans la partie doctrinale : « Moi, Marcel         Lefebvre, Archevêque-Evêque émérite de Tulle, ainsi que les membres         de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X par moi fondée : 1. Nous promettons d’être         toujours fidèles à l’Eglise catholique et au Pontife romain, son         Pasteur Suprême, Vicaire du Christ, Successeur du bienheureux Pierre         dans sa primauté et Chef du Corps des Evêques. 2. Nous déclarons         accepter la doctrine contenue dans le numéro 25 de la Constitution         dogmatique Lumen Gentium du concile Vatican II sur le magistère         ecclésiastique et l’adhésion qui lui est due. 3. A propos de certains points enseignés par le         concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la         liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliables         avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude         et de communication avec le Siège Apostolique, en évitant toute         polémique. 4. Nous déclarons en         outre reconnaître la validité du sacrifice de la Messe et des         sacrements célébrés avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise         et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du Missel et         des Rituels des sacrements promulgués par les papes Paul VI et         Jean-Paul II. 5. Enfin, nous         promettons de respecter la discipline commune de l’Eglise et les lois         ecclésiastiques, spécialement celles contenues dans le code de droit         canonique promulgué par le pape Jean-Paul II, restant sauve la         discipline spéciale concédée à la Fraternité par une loi         particulière.» On retrouve ici la         volonté de partir d’une base doctrinale avant d’en venir aux         solutions concrètes. Il est demandé à Mgr         Lefebvre d’adhérer au concile Vatican II et au magistère         ecclésiastique ; d’avoir une attitude positive et non polémique sur         les points litigieux du Concile, de la liturgie et du Droit Canon ; de         reconnaître la validité de la Nouvelle Messe et de recevoir le Droit         Canon de 1983. En contrepartie, le Vatican reconnaissait l’existence         de la Fraternité, la spécificité de son charisme, le droit de Mgr         Lefebvre d’avoir un successeur, la levée des censures encourues par         Mgr Lefebvre et ses prêtres ainsi qu’une amnistie générale pour les         maisons fondées irrégulièrement. On se souviendra que         devant le refus romain de déterminer la date du sacre épiscopal et la         présentation par Mgr Bovone, secrétaire de la S.C. pour la Doctrine de         la Foi, d’une lettre où Mgr Lefebvre devait reconnaître ses erreurs,         ce dernier dénonça sa signature du protocole d’accord dès le         lendemain. L’avenir devait donner raison sur ce point à l’archevêque         car la Fraternité Saint-Pierre, bénéficiaire de l’accord du 5 mai, ne devait         jamais voir la couleur de l’évêque promis. Sa reconnaissance         juridique dans l’Eglise, sa dépendance de la commission “Ecclesia         Dei”, l’obligation de dépendre des évêques conciliaires pour les         ordinations de ses sujets devaient conduire la Fraternité Saint-Pierre         à un bi-ritualisme, de droit et de fait, et à l’acceptation des         principales nouveautés conciliaires. La congrégation         pour le Clergé : Le chèque en blanc Rien ne bougera dans         les relations entre Rome et la Fraternité jusqu’au pèlerinage de la         Tradition à Rome en août 2000. Les approches antérieures du problème         ayant échoué, il fallait innover. D’où, l’approche,         plus pragmatique que doctrinale, du cardinal colombien Castrillón-Hoyos         : il fallait arriver au plus vite à un accord pratique, sans s’arrêter         aux différences doctrinales. Pour dire les choses clairement, il s’agissait         de signer au plus vite un chèque en blanc dont le montant ne serait         établi que plus tard, sans doute trop tard [xi]. Or, la Fraternité         St-Pie X, par la bouche de son Supérieur Général, remit les choses en         place, en deux temps. D’abord, Mgr Fellay posa comme préalable l’assainissement         du climat dans l’Eglise en demandant au cardinal Castrillón-Hoyos, le         21 janvier 2001, la liberté de la liturgie traditionnelle dans l’Eglise         pour tout prêtre de rite latin ainsi que la déclaration de nullité         des censures frappant les évêques traditionnels. Puis, dans une lettre         du 22 juin 2001 adressée au même prélat, il devait rappeler la         dimension proprement doctrinale du combat en cours : deux traditions         théologiques s’affrontent dans l’Eglise depuis le Concile et les         nouveautés (concile, messe, droit canon, catéchisme) sont les fruits         amers d’une nouvelle théologie, déjà amplement condamnée du temps         de Pie XII. Les deux lettres         restèrent longtemps sans réponse, mais certains continuèrent malgré         tout à rêver de réconciliation. C’est le cas de Mgr Licinio Rangel         et du clergé traditionaliste du diocèse brésilien de Campos qui         formalisa un accord avec le cardinal Castrillón-Hoyos. L’accord comprenait         une déclaration doctrinale que Mgr Rangel signa au nom de tous, le 18         janvier 2002 : « Je déclare, en         union avec les prêtres de l’Administration Apostolique “Saint         Jean-Marie Vianney” de Campos, au Brésil, les poins suivants : 1. Nous reconnaissons         le Saint-Père, le pape Jean-Paul II, avec tous ses pouvoirs et         prérogatives, lui promettant obéissance filiale et offrant nos         prières pour lui. 2. Nous reconnaissons         le concile Vatican II comme l’un des conciles oecuméniques de l’Eglise         catholique, l’acceptant à la lumière de la sainte Tradition. 3. Nous reconnaissons         la validité du Novus Ordo Missæ, promulgué par le pape Paul VI,         chaque fois qu’il est célébré correctement et avec l’intention d’offrir         le véritable sacrifice de la sainte messe. 4. Nous nous engageons         à approfondir toutes les questions encore ouvertes, prenant en         considération le canon 212 du code de droit canonique et avec un         sincère esprit d’humilité et de charité fraternelle envers tous. » On retrouve les points         doctrinaux déjà spécifiés dans l’ensemble des propositions et         accords antérieurs : reconnaissance du pape Jean-Paul II ;         reconnaissance du concile oecuménique Vatican II interprété à la         lumière de la Tradition ; reconnaissance de la validité du Novus Ordo         ; volonté d’approfondir les questions non résolues avec humilité et         charité. Quant aux points         pratiques, sont concédées : une structure de type épiscopal à l’Association         S. Jean-Marie Vianney dans les strictes limites du diocèse de Campos et         la promesse d’un successeur pour Mgr Licinio Rangel. Le choix de cet         évêque sera révélateur, à lui seul, des intentions romaines en la         matière, mais on peut augurer sans être prophète que tout sera mis en         oeuvre pour que le concile Vatican II et la nouvelle messe deviennent à         terme la norme dans cette Association. Le dernier élément         connu des démarches en cours est la lettre de 15 pages que le cardinal         Castrillón-Hoyos adressait à Mgr Fellay le 5 avril 2002. Elle         confirme, si besoin était, le caractère pratique de la solution         recherchée : « J’ai cru que ces débats théologiques, certes         importants et non dépourvus de difficultés, pourraient se dérouler au         sein de l’Eglise, après avoir atteint la pleine communion         substantielle qui, cependant, n’exclut pas une saine critique. » On ne peut s’empêcher         de ressentir un certain malaise en constatant que la lettre de Mgr         Fellay du 21 janvier 2001 n’est même pas mentionnée dans l’historique         des évènements qui couvre le premier quart de la missive cardinalice.         Ce malaise augmente lorsqu’on s’aperçoit que l’étude remise aux         autorités sur Le problème de la réforme liturgique ne fait l’objet         d’aucun commentaire. Or, comme nous l’avons remarqué plus haut, il         s’agit là de deux points clé de la position actuelle de la         Fraternité, l’un au niveau pratique, l’autre au niveau spéculatif.         Alors, quand le cardinal Castrillón-Hoyos écrit à Mgr Fellay que «         la critique requiert une compréhension de la pensée authentique d’autrui         et doit se fonder sur la vraie foi catholique », c’est le « medice,         cura te ipsum [xii]         » de Notre Seigneur qui nous vient à l’esprit. Pour le reste, ce long         plaidoyer laisse clairement entrevoir qu’il ne saurait être question         de mettre en cause, sur des points essentiels, ni le concile Vatican II         : « … comme si la promesse du Seigneur n’était plus valide depuis         le concile Vatican II », ni la Messe de Paul VI : « Le secrétaire [de         la Fraternité] s’exprima d’une façon extrêmement dure à propos         du rite actuel de la sainte Messe auquel participent les fidèles unis         au Vicaire du Christ et à leurs Evêques, affirmant qu’un tel rite         est “mauvais”. » Nihil novi sub sole. LEÇONS DU         PASSÉLEÇONS DU PASSÉ, ORIENTATIONS POUR L’AVENIR Avant de conclure, qu’il         nous soit permis de présenter en un tableau synoptique l’ensemble des         propositions romaines faites à ce jour à la Fraternité Sacerdotale         St-Pie X. A la lecture du         tableau synoptique (ci-dessous), il appert clairement que si les         propositions romaines cédèrent peu à peu sur la question         disciplinaire et canonique (existence de la Fraternité, des         séminaires, des prieurés, etc.), en revanche l’acceptation du         Concile et de la Messe de Paul VI sont des préalables non négociables,         exigés par les autorités actuelles dans l’Eglise. Rien d’étonnant         à cela puisque ces deux points définissent le caractère conciliaire         de ces autorités ecclésiastiques. Ôtez-les et l’Eglise “conciliaire”         cesse d’exister ! Si au commencement de         l’histoire de la Fraternité, Mgr Lefebvre penchait pour une solution         pratique et un modus vivendi concret, la profondeur de la crise et sa         prolongation dans le temps lui firent voir l’impossibilité d’un         accord pratique, sans un fondement doctrinal commun. Certes, l’autorité         conciliaire depuis une quinzaine d’années n’a cessé de vouloir         faire signer à Mgr Lefebvre et à ses successeurs des formules         doctrinales portant sur le Concile et la nouvelle Messe. Il est toutefois         évident que ces textes sont équivoques dans la mesure où ils ne         signifient pas la même chose des deux côtés. Ce qui favoriserait         nécessairement la secte moderniste qui s’est emparé des postes de         commande dans l’Eglise. Il semble donc         indispensable de continuer le combat doctrinal contre les erreurs         contemporaines : tels Mgr Lefebvre présentant à Rome ses dubia sur la         liberté religieuse [xiii]         ou Mgr Fellay présentant à Jean-Paul II ses doutes sur la réforme         liturgique [xiv].         Tout accord véritable devra se faire sur la base de la doctrine         traditionnelle, seule voie de salut. À l’inverse, il faudra rejeter         tout accord tendant à déterminer la dose de libéralisme et de         modernisme que les défenseurs de la Tradition seraient prêts à avaler         pour être réintégrés dans le périmètre visible de l’Eglise         officielle. Lorsque qu’existera la communion dans la         profession de la doctrine traditionnelle, il n’y aura plus aucun         différend à régler. Tant qu’un tel accord fera défaut, les         formules pseudo doctrinales seront des accords de dupes et leur volet         pratique une tentative de plus pour que le petit reste, lui aussi, lui         enfin, sacrifie à la révolution. [i]         Revue Dios nunca muere, n° 8, p. 4-7 [ii]         Le 5 avril dernier, le cardinal Castrillón a adressé une réponse à         la lettre de Mgr Fellay. Nous en dirons un mot. [iii]         Paul VI, Discours du 30 juin 1972. [iv]         Revue Dios nunca muere, n° 3, p. 13-21 [v]         Il s’agit du texte qui commence par ces paroles : « Nous adhérons de         tout coeur, de toute notre âme à la Rome catholique…» et poursuit :         « Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome         de tendance néo-moderniste et néo-protestante… » [vi]         Dans leur sens obvie. [vii]         Qu’on ne fasse rien sans l’évêque. [viii]         Soumission religieuse de l’intelligence et de la volonté. [ix]         Figure du Droit Canon qui permet, après la disparition d’un         empêchement, de donner validité à une action passée, en la         considérant comme valide depuis le commencement par une fiction         juridique. [x]         Indult Quattuor abhinc annos. [xi]         Aux dires de Mgr Lefebvre, un autre préfet de la S.C. pour le Clergé,         le cardinal Silvio Oddi, avait eu avec lui une attitude pragmatique         similaire : « On m’a conseillé une fois : “Signez, signez que vous         acceptez tout, et puis vous continuez comme avant !” – Non ! On ne         joue pas avec sa foi ! » (Ils l’ont découronné, Fideliter,         1987, p. 230) [xii]         Lc 4, 23. [xiii]         Dubia sur la Déclaration conciliaire sur la liberté religieuse,         présentés à la S.C.R. pour la Doctrine de la Foi, par Mgr Marcel         Lefebvre, en octobre 1985 [xiv]         Etude théologique et liturgique Le problème de la réforme         liturgique, préfacé par Mgr Fellay, le 2 février 2001. | 
