10 mai 2006

[Jean Madiran - Présent] Les « conclusions » de l’Assemblée épiscopale - Non, vous n’arriverez pas à esquiver les 2 messes

SOURCE - Jean Madiran - Présent - 10 mai 2006

Dimanche dernier 7 mai, La Documentation catholique a publié le texte intégral, et officiel, des « conclusions » de l’assemblée épiscopale de printemps, telles que les dévoile et les résume le cardinal-président Ricard. Parmi d’autres questions, les évêques ont « échangé » (entre eux) sur « l’accueil et la place des groupes traditionalistes dans les diocèses ».
 
A ce sujet, le cardinal-président Ricard rappelle d’abord qu’il y a dix-huit ans, dans Ecclesia Dei adflicta, Jean-Paul II avait demandé aux évêques de répondre « largement et généreusement » aux demandes de fidèles et de groupes de fidèles demandant une célébration de la messe selon le missel de 1962, appelée communément « messe de saint Pie V ».
 
Fort bien. Mais dans le long développement qui suit (environ trois mille cinq-cents signes) sur l’« accueil des traditionalistes », il est question de plusieurs points certes importants, mais il n’est plus question du tout de la messe. Une allusion en passant à la « diversité de sensibilités liturgiques », et plus loin une dénomination embrouillardée : « questions de liturgie ».
 
C’est d’ailleurs dans un contexte plaçant ces questions de liturgie au second plan, voici ce contexte : « La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du Magistère, tout particulièrement celui du concile Vatican II. »
 
Evidemment, on peut toujours trouver un « point de dissension » plus général, et le plus général porte sans doute ici sur la conception philosophico-théologique selon laquelle le monde change, donc la religion doit changer aussi, et les rites. Depuis quarante ans, nous avons bien eu quarante déclarations épiscopales, individuelles ou collectives, qui allaient dans ce sens. Mais les vues générales, c’est quand elles se concrétisent qu’elles entraînent des heurts, des dissensions, des conflits. C’est alors la rivalité de deux messes, la traditionnelle et la nouvelle.
 
Rivalité, c’est trop peu dire. La messe nouvelle a prétendu remplacer l’ancienne, c’est-à-dire l’assassiner ; elle a prétendu être obligatoire, c’est-à-dire être revêtue d’une obligation juridique et morale qui comportait l’interdiction de la messe traditionnelle. Avec quelle brutalité, dès 1970, le clergé a imposé cette contrevérité ! Il l’a imposée aux religieuses, dépendantes de leur aumônier désigné par l’évêque. Il l’a imposée spécialement aux religieuses enseignantes, et aux écoles dépendant de la direction diocésaine ; et par là il l’a imposée aux enfants baptisés. Il l’a imposée à l’opinion publique, par l’affirmation répétée, de 1970 à 1984, que la messe de saint Pie V était interdite, et que d’ailleurs seuls des vieillards nostalgiques, en nombre infime, y restaient stupidement attachés. La messe de Paul VI a été ainsi instrumentalisée au profit d’un autoritarisme injuste et cruel, qui au demeurant a vidé les églises et tari les vocations sacerdotales. Cette messe réformée a tristement fait ses preuves ; à la longue elle ne pourra survivre qu’au prix d’une réforme de la réforme, cela est clairement ou obscurément admis désormais.
 
Depuis 1984-1986, c’est-à-dire depuis une vingtaine d’années, on sait dans l’Eglise (mais nombreux sont encore ceux qui ne veulent pas le savoir) que l’interdiction supposée de la messe traditionnelle était une erreur, une tragique erreur. Depuis vingt ans, une importante partie de l’épiscopat et du clergé oppose sa mauvaise volonté, voire son veto, aux efforts de Jean-Paul II puis de Benoît XVI pour libérer la messe traditionnelle d’un interdit sans fondement. Le saint-siège veut éviter d’avoir à le faire malgré les évêques, et donc contre eux. Il n’est pas encore arrivé à les y entraîner de leur plein gré.
 
Il est à la mode de se demander si une libération officielle de la messe tridentine sera « suffisante », ou ne le sera pas, pour « satisfaire » les traditionalistes. Mais la messe n’est pas pour nous faire plaisir. Ses titres à être célébrée ne se limitent pas à notre éventuel contentement. Accidentellement il a bien fallu, et il faut encore, que des « traditionalistes » fassent entendre leur réclamation en sa faveur. Mais indépendamment des subjectives « sensibilités liturgiques » plus ou moins riches ou pauvres, il y a la messe multiséculaire, il y a la primauté d’honneur à laquelle elle a droit et la piété filiale qu’elle réclame ; il y a sa liaison intime avec la foi de l’Eglise.