1°) Le Pape veut la réconnaissance de la FSSPX
Ce n’est pas nous qui avons demandé un accord, c’est le pape qui veut nous reconnaître. On peut se poser la question du pourquoi de ce changement. Nous ne sommes toujours pas d’accord doctrinalement, et pourtant le pape veut nous reconnaître ! Pourquoi ? La réponse elle est là : il y a des problèmes terriblement importants dans l’Eglise aujourd’hui. Il faut traiter ces problèmes. Il faut laisser de côté les problèmes secondaires et s’occuper des problèmes majeurs. Voilà la réponse de l’un ou l’autre prélat romain qui ne le diront jamais ouvertement ; il faut lire entre les lignes pour comprendre.
2°) L’acceptation pleine et entière de Vatican II n’est plus à l’ordre du jour.
Ce point important est explicitement
présenté par Mgr Fellay et confirme donc ce que nous savions des
discussions pour trouver une solution à la réintégration de la FSSPX.
Ce qui a changé, c’est que Rome ne fait plus d’une acceptation totale de Vatican II une condition pour la solution canonique. Aujourd’hui, à Rome, certains considèrent qu’une compréhension différente du Concile n’est pas déterminante pour l’avenir de l’Eglise, car l’Eglise est plus que le Concile. De fait, l’Eglise ne se réduit pas au Concile, elle est beaucoup plus grande. Il faut donc s’appliquer à régler des problèmes plus vastes. Cette prise de conscience peut nous aider à comprendre ce qui se passe réellement : nous sommes appelés à aider à porter aux autres le trésor de la Tradition que nous avons pu conserver.
On notera aussi que Mgr Fellay dessine
le rôle de la FSSPX une fois la réintégration effectuée. Il ne s’agit
pas de vivre entre soi, mais de porter activement le trésor de la
Tradition.
3°) Mgr Fellay note également qu’il y a une direction qui est prise vers le retour à des aspects traditionnels.
Il prend l’exemple de l’examen de
conscience proposé aux prêtres publié par la Congrégation pour le
clergé. Il aurait pu prendre d’autres exemples comme il l’a déjà fait
par le passé : le motu proprio Summorum Pontificum, la prise de parole
de plusieurs cardinaux et prélats en faveur de la liturgie, les débats
concernant Vatican II, etc.
Les autorités officielles ne veulent pas reconnaître les erreurs du Concile. Elles ne le diront jamais explicitement. Cependant si on lit entre les lignes, on peut voir qu’elles souhaitent remédier à certaines de ces erreurs. En voici un exemple intéressant au sujet du sacerdoce. Vous savez qu’à partir du Concile, il y a eu une nouvelle conception du sacerdoce et qu’elle a démoli la figure du prêtre. Aujourd’hui on voit très clairement que les autorités romaines essaient de réhabiliter la vraie conception du prêtre. On le constatait déjà lors de l’Année sacerdotale qui a eu lieu en 2010-2011. Maintenant, la fête du Sacré-Cœur devient le jour consacré à la sanctification des prêtres. A cette occasion, une lettre a été publiée et un examen de conscience pour les prêtres a été rédigé. On croirait qu’on est allé chercher cet examen de conscience à Ecône, tellement il se situe dans la ligne de la spiritualité anté-conciliaire. Cet examen offre l’image traditionnelle du prêtre, et même de son rôle dans l’Eglise. C’est ce rôle que Mgr Lefebvre affirme quand il décrit la mission de la Fraternité : restaurer l’Eglise par la restauration du prêtre.Dans la lettre, il est dit : « l’Eglise et le monde ne peuvent être sanctifiés que par la sanctification du prêtre ». On met vraiment le prêtre au centre. L’examen de conscience commence avec cette question : « Est-ce que la préoccupation première du prêtre est sa sanctification ? » Deuxième question : « Est-ce que le saint Sacrifice de la Messe – c’est le mot qu’ils utilisent, pas l’eucharistie, la synaxe ou je ne sais pas quoi – est le centre de la vie du prêtre ? » Ensuite on rappelle les fins de la messe : la louange de Dieu, la prière, la réparation pour les péchés…, tout est dit. Le prêtre doit s’immoler – le mot ‘immoler’ n’est pas employé mais ‘se donner’, ‘se sacrifier’ pour sauver les âmes. C’est dit. Puis vient le rappel des fins dernières : « Est-ce que le prêtre pense souvent aux fins dernières ? Est-ce qu’il pense à demander la grâce de la persévérance finale ? Est-ce qu’il le rappelle à ses fidèles ? Est-ce qu’il visite les moribonds pour leur donner les derniers sacrements ? » Vous voyez comment, de façon habile, ce document romain rappelle clairement l’idée traditionnelle du prêtre.
4°) Distinguer les relations extérieures et la situation intérieure.
Mgr Fellay pose une distinction
intéressante. Certes les choses changent partiellement et lentement. Et,
dans ce mouvement, certaines ne changent pas du tout. La crise de
l’Église demeure. Mais il faut, selon lui, distinguer entre les
relations extérieures (l’œcuménisme, Assise, la liberté religieuse) et
la situation intérieure. Celle-ci va dans la bonne direction, d’une
manière générale évidemment.
Bien sûr, cela ne supprime pas tous les problèmes, et il y a encore de graves difficultés dans l’Eglise : l’œcuménisme, Assise, la liberté religieuse…, mais le contexte est en train de changer, pas seulement le contexte, la situation elle-même… e distinguerai entre les relations extérieures et la situation intérieure. Les relations avec l’extérieur n’ont pas encore changé, mais pour ce qui se passe dans l’Eglise les autorités romaines essayent de le changer petit à petit. Evidemment, aujourd’hui encore demeure un grand désastre, il faut en être conscient, et nous ne disons pas le contraire, mais il faut aussi voir ce qui est en train de se faire. Cet examen de conscience pour les prêtres en est un exemple significatif.
5°) Face à la crise doctrinale, pas question de se taire.
Mgr Fellay indique aussi clairement comment il entend continuer à dénoncer efficacement ces erreurs :
« il nous faut avoir « foi en la messe traditionnelle, cette messe qui réclame d’elle-même l’intégrité de la doctrine et des sacrements, gage de toute fécondité spirituelle auprès des âmes ».
Et il précise plus loin :
« Dans cette situation, présentée actuellement par certains comme une situation impossible, on nous demande de venir travailler comme l’ont fait tous les saints réformateurs de tous les temps. Bien sûr cela n’enlève pas le danger. Mais si nous avons suffisamment de liberté pour agir, pour vivre et nous développer, cela doit se faire. Je pense vraiment que cela doit se faire, à la condition que nous ayons suffisamment de protection. »
6°) La prélature personnelle n’est-elle pas un danger puisqu’elle implique la dépendance vis-à-vis de évêques?
Mgr Fellay répond à cette question et montre ainsi que les choses ont vraiment avancé à Rome :
Il y a beaucoup de confusion sur cette question, et elle est principalement causée par une mauvaise compréhension de la nature de la prélature personnelle, ainsi que par une méconnaissance de la relation normale entre l’ordinaire du lieu et la prélature. Ajoutez à cela le fait que la seule référence disponible aujourd’hui pour une prélature personnelle soit l’Opus Dei. Pourtant, disons-le clairement, si une prélature personnelle nous était accordée, notre situation ne serait pas la même. Pour mieux comprendre ce qui se passerait, il faut penser que notre statut serait beaucoup plus semblable à celui d’un ordinariat militaire, parce que nous aurions une juridiction ordinaire sur les fidèles. Nous serions ainsi comme une sorte de diocèse dont la juridiction s’étend à tous ses fidèles indépendamment de leur situation territoriale.Toutes les chapelles, églises, prieurés, écoles, œuvres de la Fraternité et des Congrégations religieuses amies seraient reconnues avec une réelle autonomie pour leur ministère.Il reste vrai – comme c’est le droit de l’Eglise – que pour ouvrir une nouvelle chapelle ou fonder une œuvre, il serait nécessaire d’avoir la permission de l’ordinaire local. Nous avons bien évidemment présenté à Rome combien notre situation actuelle était difficile dans les diocèses, et Rome est encore en train d’y travailler. Ici ou là, cette difficulté sera réelle, mais depuis quand la vie est-elle sans difficulté ? Très probablement nous aurons aussi le problème contraire, c’est-à-dire que nous ne serons pas capables de répondre aux demandes qui viendront des évêques amis. Je songe à tel évêque qui pourrait nous demander de nous charger de la formation des futurs prêtres dans son diocèse.En aucune façon, nos relations ne seraient celles d’une congrégation religieuse avec un évêque, mais bien celles d’un évêque avec un autre évêque, tout comme ce qui se passe pour les Ukrainiens, les Arméniens dans la diaspora. Et donc si une difficulté n’était pas résolue, elle irait à Rome, et il y aurait alors une intervention romaine pour régler le problème.
7°) Y a-t-il une date avancée concernant l’annonce de la réintégration de la FSSPX ?
Non, Mgr Fellay ne donne aucune date. Il
demande seulement aux membres de la Fraternité de renouveler l’acte de
consécration au Sacré-Cœur de la FSSPX :
Pour cela, j’ai demandé aux prêtres de renouveler la consécration de la Fraternité Saint-Pie X au Sacré-Cœur de Jésus, en sa fête, le 15 juin prochain, et de s’y préparer par une neuvaine au cours de laquelle seront récitées les litanies du Sacré-Cœur dans toutes nos maisons. Tous peuvent s’y associer en demandant la grâce de devenir des instruments dociles de la restauration de toutes choses en Jésus-Christ.
Dans cet entretien capital, il n’a pas
du tout été abordé les répercutions de l’affaire VatiLeaks (la fuite de
documents ultra confidentiels du Saint-Siège) sur le processus de
réintégration. Il est pourtant plus que probable que cette affaire, qui
secoue l’Église, tout en visant le cardinal Bertone, Secrétaire d’État,
entend également empêcher à sa manière une telle réconciliation voulue
clairement par le Saint-Père. Les protagonistes de cette affaire
dénoncent les dysfonctionnements réels de la curie, mais ils le font en
fonction de leur propre ligne idéologique qui est opposée à la
retraditionalisation de l’Église.