Puisque l’été approche, terminons
en douceur ! Je me permets donc simplement de vous recommander quelques
lectures. Ainsi les congés pourront servir à quelques remises en ordre
spirituelles, outre le repos des forces physiques. Sans doute, bien des
lectures importantes nous sont proposées, mais je me permets de suggérer des
lectures simples, qui nous permettront peut-être de remettre notre âme d’aplomb
dans les temps troublés que nous vivons.
La première est un classique,
tellement classique que nous n’en percevons peut-être plus l’importance. Il
s’agit d’ « Amour et silence », par un chartreux (Dom J.B.
Porion). En voici les premières lignes, peut-être les plus importantes car
elles définissent la thèse majeure du livre qui est le cœur de la vie
chrétienne.
« Notre-Seigneur nous dit que le Royaume de Dieu est parmi nous (Luc XVII-21). Non seulement parmi nous, mais au plus intime de notre être : « Celui qui m'aime, gardera ma parole, et mon Père l'aimera, nous viendrons en lui et nous établirons en lui notre demeure » (Jean XIV-23).
Nous oublions malheureusement trop ces vérités. Il y a bien des âmes qui, dans l'Eglise, s'efforcent de vivre honnêtement, et cherchent à se rapprocher d'un certain idéal de pureté morale, mais combien peu savent se tenir élevées dans la foi, soutenues par l'espérance et embrasées de charité, pour participer complètement à la vie que Jésus veut nous communiquer. Nous sommes entourés, enveloppés, de prévenances divines nous avons tout ce qui est requis pour commencer dès aujourd'hui une existence sublime d'intimité avec Dieu. Ayons donc la volonté de VIVRE notre VIE SURNATURELLE. Nous connaissons les principes et le chemin nous est ouvert : ce serait donc une faute de notre part de ne pas nous y engager.
Car il faut bien l'avouer, « les enfants de ce siècle sont plus habiles dans leurs affaires que les enfants de lumière » (Luc XVI-8). Nous avons en effet reçu un trésor infini que nous ne savons pas apprécier, et cet oubli où nous sommes de sa véritable valeur ne nous permet pas de l'exploiter comme il conviendrait. N'est-ce pas notre négligence que Notre-Seigneur a visée lorsqu'Il a parlé du talent stérile que le serviteur maladroit cache inutilement dans la terre ? (Matth. XXV-18).
Et pourtant Jésus fait plus que nous offrir le trésor de son amour intime. Il nous presse avec tant d'insistance qu'Il semble nous contraindre à l'accepter. Il agit un peu envers nous comme à l'égard de ces misérables, ces infirmes dont parle l'Evangile, qui n'avaient même plus la liberté de refuser l'invitation au divin banquet : « Force-les d'entrer » (Luc XIV-23). Nous entendrons cet appel, et dès maintenant la prière de l'Eglise sera notre prière : « Donnez-nous, Seigneur, l'accroissement de la foi, de l'espérance et de la charité » (XIII° dimanche après la Pentecôte).
Ne nous contentons pas de quelques actes de piété au commencement et au cours de nos journées. De telles pratiques ne constituent pas une VIE : ce nom suppose une activité permanente, continue. Or Notre Seigneur veut être notre vie : « Je suis la Vie » (Jean XI-25). C'est donc sans cesse qu'il faut adhérer à Dieu. Jésus ne nous demande pas tel geste ou telle formule de piété ou de dévotion : Il nous demande tous nos instants, toutes nos forces, toute notre âme pour nous faire, en échange, commencer ici-bas notre vie éternelle. Sachons correspondre à l'appel du Christ, pour respirer enfin l'air pur et lumineux de la vérité et de la charité éternelles. »
« Il faut déclarer sans détour la vanité parfaite d'un ascétisme qui n'a d'autre idéal que le perfectionnement du « moi », de cet ascétisme que l'on pourrait appeler « égocentrique ». Les résultats qu'il donne sont bien maigres, et bien décevants les fruits que l'on en tire : qui n'a semé que selon l'homme ne moissonnera que de l'humain.
L'ascétisme chrétien repose tout entier sur un principe divin, et ce même principe l'inspire, l'anime et le conduit jusqu'à son terme : « Tu aimeras Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces » (Deut. VI-5, et Matth. XXII- 37). C'est le résumé et l'essence de la Loi ancienne : la Loi nouvelle n'a fait que reprendre ce premier et suprême commandement, l'expliquer et le promulguer universellement dans toute sa simplicité et force divines. Il faut, dès le début de la vie spirituelle, orienter l'âme vers cette plénitude de l'amour, vers Dieu seul. Agir autrement, c'est méconnaître le sens profond du christianisme. C'est revenir â l'effort égoïste, â l'égoïsme vaniteux de certaines morales païennes - stoïcisme d'autrefois et d'aujourd'hui -, culture si pénible d'un orgueil si mesquin ! »
La deuxième est une conférence du
P. de Chivré « La confiance ou l’héroïsme dans les relations
sociales » dans le carnet spirituel n° 21 sur la confiance. J’en extrais
quelques lignes :
« Les chrétiens immergés dans la société paganisée n'attirent plus la confiance à force de rêver de la provoquer en s'identifiant aux paganisés du siècle. »
« Les chrétiens ne distribuent pas leur foi, ils ne savent plus la monnayer sans en avoir l'air par des réflexions irrésistibles qui déclenchent la confiance des réparties, venant des profondeurs de l'âme au lieu de fleurir comme les nénuphars sur l'eau fangeuse des protocoles.
Les gens attendent, les entourages attendent, les familles attendent, les étrangers attendent, les vagabonds attendent d'avoir confiance. Ils attendent, comme du bon pain, des âmes de grâce leur parlant d'autre chose que de ce qu'on entend dans les journaux ou à la radio : ils attendent de deviner des âmes de Dieu les faisant vibrer sur le clavier secret des confidences et des inquiétudes surnaturelles ; ils attendent que leurs inerties soient vaincues par nos vies intérieures, ils attendent… et sont aux abois de ne trouver personne.
Le devoir d'être social, le voilà impérieux et redoutable, car pour Dieu il jugera de la sincérité de notre amour : "Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à Moi-même que vous l'avez fait."
Il faut croire les autres attentifs aux occasions de confidences beaucoup plus que nous ne le supposons. Il faut savoir leur déception et parfois leur mépris inavoué de nous constater si nuls et si semblables aux païens et parfois moins qu'eux. Oser proposer, oser éveiller, oser provoquer, oser se révéler porteur de Dieu auprès d'un silencieux, d'un inquiet, d'un révolté. Distribuer sans impératif, mais distribuer à la mesure de l'attente, et discrètement s'effacer pour laisser chez eux le délicieux souvenir d'avoir enfin entendu un chrétien, un chrétien en accord avec la peine pour la transfigurer, voilà qui est social et qui est rare. »
Je pense qu’il est inutile
d’aller plus loin, et d’indiquer les applications concrètes de ces principes,
même si nous constatons souvent que si nous sommes tous d’accord sur les
principes, nous le sommes moins lorsqu’il s’agit des conclusions pratiques,
relevant plus de la morale quotidienne et concrète telle qu’il arrive aux
prêtres de la suggérer !
Mais l’heure est au repos, et
nous nous retrouverons en septembre pour continuer ensemble notre marche dans
une plus grande fidélité à l’Evangile dans une époque où, même au sein de
l’Eglise, une miséricorde aveugle et flasque l’emporte sur la foi éclairée par
le Cœur transpercé de Jésus et le Cœur douloureux de sa Sainte Mère.