SOURCE - Abbé Pierre Marie Laurençon, fsspx - Lettre à Nos frères Prêtres - mars 2000
C’est par cette acclamation, réclamée aux foules, que Jean-Paul II ponctua ce 18 janvier 2000, jour
introductif à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. A ce cri, des images se sont associées : celle, par
exemple, du pape entouré du métropolite orthodoxe Athanasios et de l'archevêque anglican de Canterbury,
Georges Carey, tous trois à genoux après avoir ouvert ensemble la porte sainte ; celle encore de l’Evêque de
Rome invitant le Métropolite Amba Bishoi (Eglise Copte orthodoxe d'Alexandrie) l'archevêque Longin (patriarcat
de Moscou), et Christian Krause (président de la Fédération luthérienne mondiale), à brandir après lui
le livre des Evangiles en direction des quatre points cardinaux. Avec la liturgie de la Parole qui se déroula
ensuite à l’intérieur de la basilique, nous étions face à la plus grande rencontre œcuménique qui n’ait jamais
existée, réunissant en une seule célébration 50 représentants de 22 confessions différentes. Symboliquement,
Jean-Paul II voulut que cette cérémonie se déroulât à la basilique saint Paul hors-les-Murs, là même où fut
annoncée la convocation du Concile Vatican II.
Par delà ces moments médiatiquement forts, il nous faut réfléchir. Car les gestes sont porteurs de
symboles. Ainsi, ouvrir la porte sainte – celle qui mène à Dieu (IM, 8) – revient à celui qui est en possession
du pouvoir des clés (Mt. 16, 19). De même, brandir l’Evangile aux quatre faces du monde manifeste
l’universalité de la mission évangélisatrice que le Christ confia à l’Eglise (Mt. 28, 19). Que signifient donc
ces gestes, lorsqu’ils sont réalisés dans un sanctuaire catholique par des responsables anglicans, protestants
ou orthodoxes ? Georges Carey, Athanasios ou Christian Krause ont-ils donc le pouvoir des clés ? Nous voici
acculés à une alternative redoutable : soit nous gardons à ces rites leur symbolique liturgique, au risque de
les rendre blasphématoires ; soit nous délaissons leur sens sacré, et nous voilà obligés de reconnaître combien
cette pratique de l’œcuménisme est dissolvante et trompeuse : elle anémie la richesse catholique, elle
induit en erreur tout un peuple chrétien qui, lui, est resté attaché au symbole. Ce 18 janvier, donc, malgré
l’invitation expresse du pape, le peuple romain ne reprit pas le cri qui avait fait le succès du voyage à Bucarest.
Si symptomatiques soient-ils du malaise actuel, ces faits ne retiendront pas outre mesure notre attention
ici. C’est beaucoup plus en profondeur que nous voudrions analyser l’équivoque œcuménique. Jamais
peut-être le mot Unité ne fut sur autant de lèvres chrétiennes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de définir le mot, de
manifester comment se réalise cette adhésion au Christ, pôle de l’unité, le langage devient tout à coup évasif.
On parle d’« unité dans la diversité », de « consensus différencié » ou d’« accords sur des vérités fondamentales
de la foi ». Y aurait-il donc des vérités de foi jugées accessoires,
sur lesquelles puissent se faire la différentiation ? Avec une telle notion
(ou « a-notion ») de l’Unité, ne sommes-nous pas en train de bâtir
de main d’homme, là où le Christ voulait une unité foncièrement surnaturelle
? Telle est la crainte sur laquelle nous a laissé le document
luthéro-catholique sur la Justification. Si nous nous permettrons ici
d’en manifester les limites, c’est afin de pouvoir ensuite redéfinir ce
que pourrait être un œcuménisme fructueux. C’est ainsi, nous semblet-il,
que nous pourrions apporter notre contribution au débat sur
l’œcuménisme que Jean-Paul II a inscrit au frontispice de cette année
jubilaire.
Abbé Pierre Marie Laurençon, Supérieur pour la France
de la Fraternité Saint-Pie X