11 juin 2019

[Paix Liturgique] Sondage du Progrès de Lyon du 13 aôut 1976 - seconde partie - les résultats

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 698 - 11 juin 2019

Nous indiquons dans cette lettre les résultats les plus significatifs du sondage IFOP d’août 1976 publiés dans Le Progrès de Lyon du 13 août de la même année.

Nous n’avons retenu dans notre présentation que les éléments qui ont un rapport direct avec notre vocation liturgique et catachétique. Cinq points nous ont semblé conserver une pertinence pour nous en juin 2019… 43 ans après leur publication…

1 – 26 % des catholiques pratiquants approuvent les positions de Mgr Lefebvre face aux applications des décisions du Concile

Réflexion de Paix Liturgique

Ce chiffre est considérable, d’autant qu’il ne s’agit pas de catholiques qui se contentent de regretter les sanctions qu’aurait prises Paul VI à l’encontre de Mgr Marcel Lefebvre, mais qui, comme l’indique clairement la question et les réponses à celle-ci, approuvent ce prélat.

Sachant que ce sondage a été entrepris dans un contexte où toute la presse considérée comme catholique (ou non d’ailleurs) a tiré à boulets rouges pendant de longs mois contre « le prélat schismatique » qui allait « créer une nouvelle Eglise », il pourrait sembler étonnant de constater que 26 % des catholiques pratiquants (et 28 % de l’ensemble des catholiques) sont assez « incorrects » pour approuver Mgr Lefebvre et ses positions. Notons qu’ils le déclarent dans un sondage, mais qu’ils n’auraient pu déclarer dans la vraie vie de leurs paroisses sans risquer une sérieuses marginalisation.

Nous le disions en introduction sur la publication de ce sondage : il marque le décalage qui s’est introduit définitivement entre évêques et clercs dans leur majorité et le peuple catholique. Car ce socle de 26 % n’est cependant en rien l’unique « ilot ultime », le « dernier carré » des catholiques intransigeant mais, comme la suite du sondage va le démontrer, la partie la plus visible d’un malaise beaucoup plus général de réserve vis-à-vis des réformes conciliaires.

2 – 35 % des catholiques pratiquants préfèrent assister à la messe en latin


Réflexion de Paix Liturgique


Car si 26 % des fidèles approuvent les positions de Mgr Lefebvre, 35 % des catholiques pratiquants déclarent par ailleurs « préférer la messe en latin ». A titre d’exemple : François Mauriac, qui n’avait aucune sympathie pour le prélat d’Ecône, vilipendait régulières dans ses « Blocs-notes » du Figaro littéraire, la pauvreté de la liturgie nouvelle.

Ne nous trompons au reste pas sur cette dénomination de « messe en latin », qui est souvent exploitée comme une nostalgie un peu stupide de la part de catholiques « qui ignoreraient tout du latin ». En fait, elle signifie que 35 % des catholiques interrogés préfèrent assister à la messe « à l’ancienne », c’est-à-dire à la messe traditionnelle, plutôt que d’assister à la nouvelle messe avec ou sans ses abus. Une sorte de slogan était répété par des revues comme Itinéraires et des mouvements comme le MJCF : « Nous préférons la messe ancienne en français plutôt que la nouvelle messe en latin ».

Depuis ces années bien éloignées, nombreux ont été les témoignages qui ont clairement démontré que l’attachement à la messe traditionnelle n’était pas d’abord « une affaire de latin » mais clairement une affaire de foi et de piété.

L’on s’interroge toujours pour savoir si ceux qui ont cherché si souvent à ridiculiser les fidèles attachés à la messe traditionnelle le faisaient de bonne foi ou dans un souci de nuire ? Notre expérience nous donne clairement la réponse. Voici une anecdote significative du profond mépris de ces clercs : lorsqu’en 2007 un groupe de fidèle de Rueil–Malmaison, dans les Hauts-de-Seine, s’adressa à son curé pour solliciter la célébration d’une messe célébrée selon la forme extraordinaire dans leur paroisse, le curé leur répondit « Je vais d’abord vous faire passer un examen pour évaluer votre connaissance du latin » ! Ou tout récemment, à la fin d’un « dialogue », totalement stérile, entre un curé et des fidèles qui demandaient le maintien de la messe traditionnelle dans leur paroisse : « Eh bien, puisque vous aimez le latin, nous allons réciter le Regina Caeli avant de nous quitter ».

Mais ces 35 % des catholiques ne constituent toujours pas la totalité des catholiques en retrait du mouvement « moderne » ; la suite va le démontrer.

3 – 42 % des catholiques pensent que les réformes ont eu pour effet d’éloigner l’Eglise de sa doctrine originelle

Réflexion de Paix Liturgique


42 % des catholiques pratiquants (contre 45 %), soit près de la moitié des catholiques pratiquants, considèrent que les changements intervenus dans la pratique religieuse ont eu pour effet d’éloigner l’Eglise de sa doctrine originelle… Cela monte la profondeur du malaise que seule « un peu d’explication », on dirait aujourd’hui de pédagogie, ne pourrait gommer…

Comment ne pas voir dans cette conviction l’une des racines du désenchantement qui va conduire à la chute vertigineuse de la pratique religieuse et sacramentelle et… à l’assèchement du denier du culte.

Mais ce désenchantement ne se limite pas à 42 % des pratiquants. Peut-être même que les non-pratiquants ou les peu pratiquants ont été les plus troublés encore, lorsqu’ils découvraient l’ampleur du changement à l’occasion de l’assistance à un enterrement, à un mariage ou à une messe de Noël ou de Pâques.

4 – 48 % des catholiques pratiquants estiment que l’Eglise est allée trop loin dans ses réformes
Réflexion de Paix Liturgique

En outre, le malaise s’étend encore avec 48 % de catholiques pratiquants qui considèrent que l’Eglise est allée trop loin dans ces réformes !

Chiffre importantissime qui souligne à quel point un fossé c’est déjà creusé en 1976, 11 ans après la fin d’un concile qui était présenté comme « Un printemps de l’Eglise », mais qui moins d’une génération plus tard, c’est-à-dire aux yeux des mêmes fidèles, provoque leur incompréhension ou leur rejet. Sans que les pasteurs ne dévient de leur ligne réformatrice.

5 – 52 % des catholiques pratiquants sont "inquiets"

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Et le malaise continue à s’étendre… Non seulement 48 % des catholiques estiment que les choses ont été trop loin mais lorsqu’on les interroge plus globalement se sont maintenant 52 % des pratiquants qui se déclarent « inquiets ». On le serait à moins : vocations, pratique, vie religieuse, missions, tout est en chute libre. Et lorsque certains, à l’époque, protestent contre ce qui y a conduit, c’est le dialogue de sourds, les clercs réformateurs – dont les rangs ne vont d’ailleurs cesser de se réduire, faute de renouvellement – étant certains d’avoir raison envers et contre tous, contre au moins une part très conséquente du peuple chrétien qu’ils refusent d’entendre. Ce fut notamment l’expérience de ces « Silencieux » que nous avons évoqués en introduction.

A partir de l’élection de Jean-Paul II, en 1978, puis avec le livre du cardinal Ratzinger, L’Entretien sur la foi, en 1985, avec enfin l’élection du même cardinal comme pape Benoît XVI, cette inquiétude a parue être entendue au sommet de l’Eglise. Mais pour des résultats – sauf la reconnaissance progressive de la légitimité de la liturgie ancienne – qui furent extrêmement décevants. Entre autres, l’hémorragie dans le recrutement sacerdotal et dans l’assistance dominicale n’a jamais cessé. Et l’inquiétude – le mot est bien faible – demeure plus que jamais.

6 – 56 % des catholiques pratiquants se considèrent comme « traditionnels »

Réflexion de Paix Liturgique

« Quand la hiérarchie a perdu le peuple catholique », titrions-nous dans notre dernière lettre : ce sont maintenant 56 % des catholiques pratiquants qui préfèrent se considérer comme « traditionnels » plutôt que « modernes » (seulement 38 % ). Il y désormais un fossé entre une institution sûre d’elle-même et un peuple chrétien largement déboussolé par les nouvelles orientations d’une Eglise qui refuse en outre de considérer les désirs spirituels de ses enfants.

Conclusion

De tels chiffres obtenus par un sondage IFOP « banal » à l’occasion d’une crise majeure et grave eussent dû fortement interpeller la hiérarchie catholique qui était encore en plein dans la logique « Printemps de l’Eglise ». Hélas !

Notre prochaine lettre sera consacrée aux réactions ecclésiastiques à la publication de cette manifestation de la réalité du peuple catholique de France.