21 mars 2001

[Aletheia n°12] La Fraternité Saint-Pie X et la nouvelle messe (suite) - par Yves Chiron

Aletheia n°12 - 27 mars 2001

On a attiré mon attention sur le fait que le dernier numéro d’Alètheia, consacré à l’ouvrage publié par la Fraternité Saint-Pie X sous le titre Le Problème de la réforme liturgique, a suscité un certain émoi dans les sphères dirigeantes de la dite-Fraternité. Ce fut plus que du mécontentement. Venant de tous autres horizons, d’autres réactions me sont parvenues. Je voudrais donc revenir sur ce livre important [1] .

Une figure éminente du monde éditorial de la Fraternité Saint-Pie X disait, avec quelque condescendance, qu’Alètheia n’a “ qu’un intérêt anecdotique ”. Je dirais plus exactement, au risque de répéter l’avertissement qui figure en tête de chaque numéro, qu’Alètheia est une lettre libre d’informations religieuses. Ni plus, ni moins.

1. Tout ce qui s’y imprime n’engage que moi, et en aucune manière les publications auxquelles, par ailleurs, je collabore.

2. Les analyses que cette modeste lettre publie n’entendent pas prendre parti dans les querelles perpétuelles que certains, dans le monde traditionaliste, s’évertuent, semble-t-il, à maintenir, pour s’assurer de leur existence et de leur bonne marche sur la voie qu’ils ont choisie.

3. Cette modeste lettre ne vit que de la bienveillance et de la charité de ses lecteurs, des lecteurs qui s’inscrivent dans une géographie ecclésiale très diverse, de Paris à Rome, de la Suisse à la Provence. A défaut de pouvoir être, hélas, un lien d’amitié, elle est un lien d’informations, au service de la seule vérité.

• Ce sont les “ quelques remarques d’un fidèle du dernier rang ”, qui accompagnaient la présentation du livre, qui ont suscité l’émoi évoqué plus haut. On les juge “ superficielles ”, ce qui ne signifie pas erronées. Je laisse aux théologiens qualifiés le soin de discuter plus en profondeur les analyses du livre.

Sur le plan formel, il est clair que cette étude sur “ la messe de Vatican II et de Paul VI ” est, de la part de la FSPX, une nouvelle approche de la question. L’angle d’attaque choisi, si l’on peut dire, est

celui de la doctrine du mystère pascal, qui serait sous-jacente à toute la réforme liturgique. Cet angle d’attaque est-il pertinent ? Aux théologiens et liturgistes de répondre.

En revanche, on peut saluer l’effort doctrinal que fait, par ce livre, la FSPX. Elle ne s’en tient plus au Bref examen de la nouvelle messe des cardinaux Ottaviani et Bacci, qui date de 1969. La FSPX a voulu aller aux sources elles-mêmes de cette réforme : les liturgistes et théologiens qui, à travers notamment le Consilium, l’ont inspirée. D’où une multiplication de références et de citations d’auteurs.

Mais cette méthode a ses limites. A plusieurs reprises, les auteurs appuient leurs démonstrations par des citations de théologiens et de liturgistes, dans leurs oeuvres de différentes époques, et les entremêlent de citations du Magistère actuel. Cette juxtaposition incessante de citations vaut-elle démonstration ?

• Un autre lecteur, figure éminente des catholiques Ecclesia Dei, s’est demandé si ce livre n’était pas une provocation, lancée dans le public au moment où la FSPX négociait à Rome, pour torpiller les dites-négociations.

S’il y a eu, comme je l’ai dit, interrogation, de la part des autorités de la FSPX, sur l’opportunité de publier une tel livre en ce moment, il n’y pas eu volonté de provocation. Cette étude sur la réforme liturgique était en préparation avant que des négociations s’ouvrent avec Rome.

Elle s’inscrit, plus largement, dans un effort d’approfondissement doctrinal auquel est décidée la FSPX. Après la réédition des Dubia sur la liberté religieuse de Mgr Lefebvre, cette étude théologique et liturgique sur la nouvelle messe est une nouvelle étape de cet effort d’approfondissement doctrinal. Il se prolongera à l’avenir, semble-t-il, par des études sur l’oecuménisme, l’ecclésiologie et d’autres sujets.

On peut même dire que la FSPX, par ces différents ouvrages doctrinaux, veut contribuer au débat auquel Jean-Paul II a appelé dans le motu proprio Ecclesia Dei adflicta (2.7.1988), demandant aux théologiens d’approfondir “ les points doctrinaux qui, peut-être à cause de leur nouveauté, n’ont pas été compris dans certaines parties de l’Eglise. ”

• En matière liturgique, parmi ceux qu’on appelle les catholiques Ecclesia Dei, le C.I.E.L. (Centre International d’Etudes Liturgiques) présidé par Loïc Mérian, est l’instance qui, avec des théologiens qualifiés et le soutien de plusieurs cardinaux, a le plus oeuvré, depuis des années, à cet approfondissement doctrinal. Les colloques réunis chaque année par le CIEL, et dont les actes sont publiés, témoignent de cette réflexion approfondie engagée, au service de l’Eglise.

Ne serait-il pas opportun que le CIEL organise un colloque sur cette doctrine du “ mystère pascal” que mettent en cause les auteurs du Problème de la réforme liturgique ?

• Le cardinal Medina, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, a déjà adressé une lettre aux supérieurs de la FSPX relatives à ce livre. On en ignore la teneur. Il serait étonnant que l’épiscopat français, au moins par le SNOP, ne réagisse pas à son tour puisque le livre a été envoyé à 22.000 prêtres de France. Il est simplement à espérer que cette réaction ne prendra pas la forme d’un communiqué de mise en garde, comme il y en a eu jadis à l’égard d’autres traditionalistes. L’étude sur la nouvelle messe produite par la FSPX mérite une réponse appropriée, c’est à dire des “ clarifications doctrinales et liturgiques ” comme le demande Mgr Fellay dans l’Adresse au Saint-Père qui ouvre le livre.

• Pendant longtemps, on a prêché dans certaines chapelles de la FSPX qu’il valait mieux ne pas assister à la nouvelle messe si on ne pouvait pas assister à la messe selon le rite traditionnel. Cette position est-elle encore celle soutenue par la FSPX ? Il le semble, à lire la page 115 de l’ouvrage cité. Cette position n’est pas sans poser des problèmes théologiques divers. Je laisse aux théologiens le soin d’en discuter.

• Enfin, les différents points soulevés dans cette lettre, comme les “ remarques ” faites dans le précédent numéro, n’empêchent pas que je partage pleinement l’objectif poursuivi par les auteurs du livre : que des “ clarifications doctrinales et liturgiques ” du N.O.M. soient apportées par le Magistère. On peut aussi, tout uniment, partager les demandes de la FSPX : que la liturgie romaine traditionnelle soit universellement autorisée pour tous les prêtres et qu’il y ait “ modification ou abrogation ” de la nouvelle liturgie.

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[1] Le Problème de la réforme liturgique, éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes), 128 pages , 69 F.