Alexandre Moncrif - Certitudes - mars 2001
En novembre dernier, le Supérieur         général de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Fellay, a été invité par         le cardinal Castrillon, au nom du pape Jean-Paul II, à se rendre à         Rome en vue de « conversations ». La Fraternité Saint-Pie X a         répondu à ces avances avec le maximum de bonne volonté.
Lors d'un entretien le 16 janvier,         Mgr Fellay a cependant posé des conditions à ces négociations. De         plus, le 19 février, un document sur la messe, intitulé Le         problème de la réforme liturgique, a été remis au pape et à ses         conseillers.
Les propositions romaines suscitent         la méfiance dans la Fraternité Saint-Pie X. Ses dirigeants se         demandent si ces ouvertures n'ont pas pour but de la diviser, voire de         la faire exploser. L'entreprise de déstabilisation menée récemment         contre la Fraternité Saint-Pierre par le cardinal Castrillon invite à         cette méfiance.
Cependant, ces arguments ne sont         pas les seuls à considérer. L'espérance chrétienne certifie que les         portes de l'enfer n'ont pas prévalu et ne prévaudront pas contre         l'Église. Celle-ci est ébranlée, affaiblie, mais pas morte. Or c'est         précisément l'Église que la Fraternité Saint-Pie X veut servir,         selon ses moyens, afin de lui rendre sa Tradition.
Aujourd'hui, le fait vraiment         nouveau est que Rome fait les propositions les plus larges qu'elle ait         jamais faites, et ceci de façon entièrement spontanée. 
Les « conversations » avec Rome
Nul ne sait, donc, si ces «         conversations » vont aboutir à quoi que ce soit. Mais Mgr Fellay         estime qu'avec la plus grande prudence, il faut essayer de travailler         pour l'Église en participant à ces « conversations ».
Comme il a été dit, la         Fraternité Saint-Pie X a posé des conditions à ces « conversations         ». Le préalable essentiel consiste en la reconnaissance Officielle de         la liberté de la messe traditionnelle pour tous les prêtres et         fidèles du monde entier.
Cependant, il est patent que la         Fraternité Saint-Pie X ne réclame pas uniquement la liberté de la         liturgie traditionnelle. Son opposition à la nouvelle liturgie et son         attachement à la liturgie traditionnelle sont fondés sur des motifs         théologiques graves. C'est ce qui explique la parution du récent         document de la Fraternité Saint-Pie X sur la nouvelle messe, Le         problème de la réforme liturgique.
Ce document s'insère dans une         série de travaux que la Fraternité Saint-Pie X compte mener sur les         points qui font problème entre Rome et elle, afin d'instaurer sur le         plan théologique un dialogue sérieux et honnête, n fait suite au         premier ouvrage concernant la liberté religieuse, ouvrage remis à Rome         en 1985 et récemment réédité (Mgr Marcel Lefebvre, Mes doutes sur         la liberté religieuse, Clovis, 2000).
La préparation de ce document est         antérieure aux récentes « conversations » avec Rome. C'est en         janvier 2000 qu'a été constituée la commission de cinq prêtres         chargée de rédiger cette nouvelle analyse critique de la réforme         liturgique.
L'un des membres de la commission         ayant attiré l'attention sur la notion de « mystère pascal », la         commission est partie dans cette direction, qui lui a fait découvrir         deux notions connexes, celle du sacrement comme « mystère » et celle         du « mémorial ».
En reprenant à cette lumière         l'analyse systématique des documents officiels de la réforme         liturgique, la commission a découvert une multitude de textes indiquant         qu'il s'agit des notions centrales pour interpréter la réforme. La         commission a alors travaillé sur ces thèmes pour mieux les comprendre         et manifester leur cohérence interne.
Il faut d'ailleurs noter que la         première réponse de Rome à la Fraternité Saint-Pie X, réponse         semi-officielle, a reconnu la parfaite pertinence de cette présentation         des faits, même si, évidemment, elle en conteste les conclusions.
L'ouvrage est donc bâti autour des         trois notions-clés déjà citées : le « mystère pascal », le         sacrement comme « mystère » et le « mémorial ». Ces trois notions         sont d'abord retrouvées dans la nouvelle messe (les trois chapitres de         la première partie, liturgique), exposées et analysées ensuite en         elles-mêmes (les trois chapitres de la deuxième partie, théologique),         comparées enfin au Magistère authentique de l'Église (les trois         chapitres de la troisième partie, dogmatique).
En utilisant cette nouvelle         approche, la commission s'est profondément démarquée du Bref         examen critique du Novus ordo missae (Disponible dans le recueil La         raison de notre combat, la messe catholique, Clovis, 1999). Cet         ouvrage majeur, d'une exceptionnelle qualité, rédigé en 1969 juste         après la parution de la nouvelle messe, est la source de toutes les         analyses critiques de la réforme liturgique des trente dernières         années.
On peut exposer la différence         fondamentale entre les deux textes de la façon suivante. Le Bref examen         critique part de la « grille de lecture » catholique. Il prend donc la         nouvelle messe telle qu'elle se présente à lui et l'examine du point         de vue de la théologie classique.
Le problème de la réforme liturgique, lui, utilise la « grille de lecture » conciliaire, réformatrice. Il commence par rechercher sur quelles bases théologiques, et en fonction de quelle cohérence interne, cette nouvelle liturgie se construit et se comprend. C'est seulement quand la pensée de la réforme est clairement définie qu'elle est comparée à l'enseignement catholique.
On peut aussi les distinguer de la façon suivante. Le Bref examen critique, ayant pour objet d'aider ses lecteurs à prendre une décision pratique immédiate, rassemble, c'est sa force, tous les motifs nécessaires et suffisants pour qu'un catholique refuse la nouvelle messe.
Le problème de la réforme liturgique, lui, fait un pas en avant : il s'efforce de comprendre la nouvelle messe, d'en situer le principe explicatif et d'en tirer les conséquences sous le regard de la foi.
Or, selon le mot de Paul VI, le 13 janvier 1965, « la nouvelle pédagogie religieuse que veut instaurer la présente rénovation liturgique s'insère, pour prendre presque la place de moteur central, dans le grand mouvement inscrit dans les principes constitutionnels de l'Église de Dieu ». C'est dire que mieux comprendre la réforme liturgique permet de mieux comprendre la révolution conciliaire, et ainsi de mieux la combattre. A ce titre, Le problème de la réforme liturgique est une avancée majeure dans le combat de la Tradition, un ouvrage que tout catholique doit lire absolument.
Fraternité         Sacerdotale Saint-Pie X, Le problème de la réforme liturgique, Clovis,         2000, 128 pages, 69 francs.
