Aletheia        n°110 - 13 mai  2007
UN        NOUVEL EVEQUE POUR MONTAUBAN : Mgr BERNARD GINOUX - par Yves Chiron
Le        11 mai, Benoît XVI a nommé l’abbé Bernard Ginoux évêque de        Montauban. Il s’est fait entendre, ici et là, des voix pour dire que,        depuis son élection, les nominations épiscopales effectuées en France        par Benoît XVI – soit depuis plus de deux ans maintenant – avaient        été peu significatives. C’est oublier que la contre-révolution n’est        pas le contraire d’une révolution ; en l’occurrence, Benoît XVI  est dans une perspective de restauration et non de rupture.        Par ailleurs, les Papes actuels procédant à plusieurs centaines de        nominations épiscopales par an, il serait naïf de croire qu’ils font,        à chaque fois, un choix personnel et directement informé. Dans le cas de        la France, les filtres, ou les relais si l’on veut, sont nombreux.
La        nomination de Mgr Ginoux est, de ce fait, hautement significative des        évolutions en cours dans l’épiscopat français. Arrive à l’épiscopat        un prêtre qui est loin d’être étranger aux communautés        traditionalistes. Par ses origines (le Vaucluse), par ses liens étroits        avec Mgr Reyne, doyen du Chapitre de la Cathédrale d’Avignon[1],        il est familier depuis longtemps du Monastère Sainte-Madeleine du Barroux.        Il a même connu la période héroïque, celle de Bédoin, et c’est par        Bernard Ginoux que le signataire de ces lignes a entendu parler pour la        première fois de Dom Gérard et de sa fondation de restauration        bénédictine.
Mgr        Bernard Ginoux est né en 1947 à Avignon. Après des études au collège        jésuite d’Avignon et à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, il        a obtenu une maîtrise de Lettres classiques et un CAPES de Lettres        modernes. Il a enseigné au lycée Saint-Joseph de Carpentras, de 1970 à        1980, puis il est entré au Séminaire interdiocésain d’Avignon en        octobre 1980.
Dans        le Séminaire où il entrait, il est arrivé, un jour, que des        séminaristes « s’amusent », dans le foyer, à jouer aux        fléchettes sur un portrait du Pape (Jean-Paul II). C’était un        séminaire où le Supérieur, et professeur d’exégèse, enseignait une        lecture « structuraliste » de l’Ecriture Sainte,        structuralisme très déconstructeur pour la foi. C’était un séminaire        où le professeur de philosophie néo-hégélien – il fera, peu après,        une belle carrière à l’Institut Catholique de Paris et à la Croix        – entraînait complaisamment ses élèves vers les « maîtres du        soupçon ».
Au        secrétariat de l’évêché, situé alors dans les mêmes bâtiments que        le séminaire, la vénérable Pensée catholique de l’abbé        Lefèvre, revue de la « Romanité » s’il en fut, connaissait        un triste sort. Le cher abbé l’envoyait, en plusieurs exemplaires, à        tous les évêques de France. À Avignon, la revue ne franchissait pas les        portes du secrétariat et finissait dans la poubelle, son enveloppe même        pas ouverte.
Rapporter        ces faits, plus d’un quart de siècle plus tard, n’est pas raviver des        querelles obsolètes mais montrer, par un témoignage direct, quelques        traits significatifs de l’état d’esprit d’un lieu de l’Eglise de        France à un moment donné. Sans pour autant réduire tout l’esprit et l’enseignement        du séminaire – et encore moins l’esprit de l’évêque d’Avignon d’alors        – à ces déviances et à ces tristes épisodes.
Bernard        Ginoux, dans les deux années qu’il passa au Séminaire d’Avignon        (1980-1982), sut, en douceur, offrir des munitions intellectuelles et        spirituelles à ses condisciples qui pouvaient être désorientés. Il        diffusa parmi eux, dès sa parution, le gros livre du cardinal Siri, Gethsémani,        qui venait d’être traduit en français, à l’initiative de la        Fraternité de la Très Sainte Vierge Marie. Le cardinal y bataillait        contre l’absolutisme agnostique de Kant, l’historicisation de Dieu, l’herméneutique        réductrice et il n’hésitait pas à ferrailler avec Henri de Lubac,        Karl Rahner ou Jacques Maritain.
Bernard        Ginoux entraînait aussi plusieurs de ses condisciples à de mémorables        soirées de disputationes chez la philosophe Thérèse Lacour qui        développait une « philosophie de la présence » et de l’ « altérité »        propre à rasséréner les jeunes esprits désorientés qu’elle        accueillait.
À        la rentrée de 1982, Bernard Ginoux obtint de son évêque, Mgr Bouchex,        de poursuivre ses études à Rome. En 1986, il passa une licence en        théologie morale à l’Université grégorienne de Rome. Ordonné        prêtre le 29 juin 1986 à Carpentras, il occupa différentes fonctions de        vicaire et d’aumônier dans le diocèse d’Avignon. En 2001, il fut        nommé curé du secteur interparoissial d’Orange et, à partir de l’année        suivante, il fut aussi membre du Conseil épiscopal.
On        signalera encore qu’il a été adhérent du CAL (Comité des Amis du        Lundi), créé pour réclamer le maintien du lundi de Pentecôte comme        jour férié.
Il        est particulièrement attentif aux questions de bioéthique et à la        pastorale des familles et des jeunes. L’abbé Ginoux sera consacré le 2        septembre prochain dans la cathédrale de Montauban.
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UN        NOUVEL « EVEQUE » SAUVAGE : Mgr JOSEPH SANTAY
En        mars dernier, Mgr Clarence Kelly, supérieur de la Society of St. Pius        V aux Etats-Unis, a consacré évêque un prêtre qu’il avait        ordonné quelques années auparavant, l’abbé Joseph Santay. Mgr Kelly        avait été lui-même consacré évêque en 1993 par Mgr Mendez, évêque        émérite de Puerto Rico.
Si        Mgr Mendez était un évêque légitime, ni Mgr Kelly ni Mgr Santay n’ont        été consacrés avec le mandat du Souverain Pontife.
La        Société de Saint Pie V est une organisation        sédévacantiste qui a été fondée par d’anciens séminaristes et        prêtres de la Fraternité Saint-Pie V. Outre les deux        « évêques » mentionnés, elle comprend plusieurs prêtres,        un collège (qui accueille une centaine d’élèves) et une congrégation        de religieuses qui compte plusieurs dizaines de membres (les Daughters        of Mary Mother of Our Savior).
Implantée        dans l’état de New-York, la Société de Saint Pie V dessert une        dizaine de lieux de culte à travers les Etats-Unis. Elle estime que le        Saint-Siège est vacant depuis la mort de Pie XII. La liturgie que ses        membres célèbrent est celle du Missel Romain de 1954, antérieur aux        réformes introduites par Jean XXIII (tandis que la plupart des        communautés traditionnelles en France et la Fraternité Saint-Pie X        utilisent le Missel traditionnel dit de 1962).
Y.C.       
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[1]        C’est Mgr Reyne qui a prononcé l’homélie lors de la messe de jubilé        des 50 ans de sacerdoce de Dom Gérard, le 13 mai 2006. Je tiens le texte        de cette belle homélie à la disposition des lecteurs contre une        enveloppe timbrée.
