15 mai 2007

[Athanasius - Veritas Liberabit] Un retour de Rome à la Tradition

SOURCE - Athanasius - Veritas Liberabit (n °4) - mai 2007

Mgr Lefebvre a lutté, dès 1974, pour «que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome nouvelle.» Deux conditions à cela :

1. une volonté ferme de Rome d’œuvrer dans ce sens sera le principe premier nécessaire.

2. une claire dénonciation de la cause de la crise : la contamination de la foi catholique dans la tête même de l’Église - les évêques - sous la poussée de deux causes conjointes, un laïcisme athée et anti-religieux dans la société civile (les idées des Lumières du XVIIIe siècle) et un refus de la primauté et de l’exclusivité salvifique de l’Église catholique.

Ces deux conditions seront produites par le contact des autorités romaines avec les tenants de la Tradition. D’où la commission de la Tradition que Mgr Lefebvre demanda en 1988 pour représenter les œuvres traditionnelles à Rome et les protéger par la même occasion. Les discussions, renouvelées depuis quarante ans malgré les condamnations, ont le même but .

Une fois assurée le retour de l’autorité suprême à la Tradition, que resterait-il à faire ?

Simplement usage de cette autorité au service de la Foi intégrale, prêchée et imposée. Mais le pape n’est pas obéi et « la situation est bloquée ? » . Il semble pourtant que l’obéissance aux réformes conciliaires qui a servi à l’autodestruction de l’Église, pourrait encore mieux servir à la reconstruction de l’Église. C’est là qu’interviendrait une critique sérieuse et sans concessions de Vatican II et de ses suites. Une partie de l’Église conciliaire n’obéira pas et se rebellera. C’est le schisme : ceux qui ne sont pas (ou plus) catholiques s’épureront ainsi d’eux-mêmes. De plus, la persécution physique du monde ne peut qu’appuyer l’aile rebelle : il ne restera peut-être que le petit nombre des élus. Au moins seront-ils tous catholiques... et martyrs .

C’est le seul règlement possible de la crise. Cela suppose un retour à un pouvoir papal monarchique et fort, limitant strictement les pouvoirs des conférences épiscopales. Ainsi, pour la liturgie il faudra rayer leur compétence pour « déterminer les adaptations, surtout pour l’administration des sacrements, les sacramentaux, les processions, la langue liturgique, la musique sacrée et les arts » et - ce qui est très vague - « adapter plus profondément la liturgie » dans les missions « à partir des traditions et de la mentalité de chaque peuple ». Ces choses prévues à Vatican II seront donc à annuler.

Les étapes de cette conversion

Enfin, pour plus de précision, il suffit d’indiquer que la réforme de l’Église par le Saint-Siège s’appuiera sur les institutions formatrices du clergé, séminaires et noviciats, et par le renouvellement d’un corps épiscopal, pour l’heure largement gagné au progressisme. Ils constitueront - comme l’ont toujours fait les congrégations et les ordres exempts — les instruments du papes face aux clergés nationaux, séculiers et paroissiaux, très souvent pénétrés par leurs privilèges nationaux et, en conséquence, par les aberrations doctrinales (à l’époque moderne : gallicanisme, anglicanisme, jansénisme, joséphisme, richerisme). Là aussi, c’est la leçon de la réforme tridentine . D’où les étapes suivantes :

1. la constitution d’un ou plusieurs viviers de formateurs et d’«épiscopables»: ce serait à partir de congrégations cléricales ou religieuses indemnes —ou purifiées — de toutes erreurs et relâchements modernes ;

2. l’introduction de ce clergé réformé à ’la tête de certains diocèses et de leurs séminaires : dans un premier temps, il serait loisible de viser un ou deux diocèses par pays, parmi les mieux disposés.

3. le clergé diocésain serait alors mis devant le dilemme de choisir entre les deux liturgies : les acceptants de la réforme seraient repris en formation le temps convenable dans les séminaires, par les retraites et sessions de formation (conférences ecclésiastiques), récollections... Les refusants seraient laissés à eux-mêmes - sans permission de recruter - et, très rapidement, se trouveraient sans vocations aucune, condamnés à l’extinction. Ils seraient d’ailleurs très probablement et avant cela, sortis de l’Église : en effet, si l’utilisation des sacrements et de la discipline conciliaire pourrait être tolérée, les erreurs doctrinales seraient sanctionnées. D’où leur retrait ;

4. en parallèle, le clergé réformé reprendrait le travail apostolique surtout dans les collèges et les écoles pour la formation de la jeunesse, viviers des vocations.

Il importe cependant, au plus haut point, que le choix entre Église de Tradition et Église conciliaire soit clair et net ; et donc que le gouvernement central soit absolument gagné à la Tradition ? C’est là, il faut y insister, l’étape première indispensable et la plus ardue à réaliser. L’actuel souverain pontife régnant, bien qu’il apparaisse comme le prélat le plus proche de la Tradition, ne paraît pas du tout disposé à abandonner les idées du concile. Que dire alors ? Dans cette situation, il s’agit de la conversion, miracle imprévu par nature, sous ce pontificat comme sous un autre.

Alors seulement, le renouveau de l’Église pourra se faire, très lentement au début, puis de plus en plus rapidement au fur et à mesure que les institutions formatrices de la jeunesse, du clergé et des religieux seront multipliées.

Il est certain que le déchet sera énorme. L’ouvrage de l’abbé Bryan Hougton, - La paix de Mgr Forester- , racontait une telle tentative de réforme, dans un diocèse d’Angleterre, il y a trente ans déjà. Il ne s’était pas caché la difficulté de la chose, d’autant que « c’est une règle générale que plus une chose attend, moins il y a de chances qu’elle soit faite un jour ». L’histoire le montre aussi : le retour des clergés arien, nestorien, gnostique, protestant ne s’est effectué qu’en d’infimes proportions. Mais, à chaque fois, l’Église est sortie grandie de ces épreuves, et les communautés hétérodoxes, malgré l’appui des pouvoirs publics et politiques, au moins un certain temps, se sont retrouvées marginalisées et bientôt réduites à l’éclatement ou à la disparition.

L’Église a les promesses de la vie éternelle parce qu’Elle détient les paroles de la vie éternelle. Qu’Elle proclame fermement les secondes et les premières se réaliseront.

Athanasius