Aletheia n°140 - 8 avril 2009
Nouvelles de Rome - par Yves Chiron
On lit, ici et là, que les jours de la Commission Ecclesia Dei sont comptés, que certains cardinaux et évêques français en désaccord avec la récente levée des excommunications des évêques de la FSSPX ont obtenu « la tête » (sic) du cardinal Castrillón Hoyos président de la Commission, que la dite-Commission serait bientôt placée « sous la tutelle de la Congrégation pour la doctrine de la Foi », signe du désaveu de la commission Ecclesia Dei et de son président.
De différentes conversations romaines avec certaines des personnes qui sont en charge de ces dossiers, ou qui auraient pu l’être, on peut apporter les précisions suivantes :
• Le cardinal Castrillón Hoyos aura quatre-vingts ans en juillet prochain. Il a largement dépassé la limite d’âge fixée par le Règlement général de la Curie romaine pour les chefs de dicastère (à 75 ans, ils sont « priés de présenter leur démission au Souverain Pontife » qui l’accepte ou non et peut les conserver en fonction jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans).
• Mgr Perl, le plus ancien membre de la Commission Ecclesia Dei, a d’abord été attuario de cette Commission, puis secrétaire. En mars 2008, il en a été nommé vice-président. Cette promotion récompense, très certainement, ses mérites, mais elle est aussi un gage de stabilité dans sa délicate mission : Mgr Perl a atteint soixante-dix ans en 2008, sa nomination comme vice-président repousse à soixante-quinze ans son départ à la retraite.
• Les multiples accusations de modernisme portées par certains évêques de la FSSPX contre Benoît XVI ont été jugées très sévèrement à Rome.
Rappelons-les brièvement :
- Mgr de Galaretta, dans le sermon prononcé à Écône lors de la cérémonie des ordinations, le 27 juin dernier, a dénoncé dans les discours du Pape aux Etats-Unis : un « esprit naturaliste, humaniste, qui n’est pas à proprement parler surnaturel, mais plutôt humain. […] Oui, ces autorités romaines font une œuvre de déchristianisation […] elles adhèrent à des principes libéraux modernistes ».
- Au même moment, dans un entretien accordé à la revue américaine The Angelus, Mgr Tissier de Mallerais décrivait Benoît XVI comme « un vrai moderniste, avec la théorie complète du modernisme mis à jour »[1].
- Plus récemment, dans une étude parue en janvier[2], Mgr Tissier de Mallerais, a dénoncé la « diabolique dialectique » de Benoît XVI, où « les affirmations sont justes, mais ce sont les négations qui sont hérétiques. Ainsi ont procédé tous les hérésiarques ».
• Les discussions doctrinales avec la FSSPX seront menées sous la direction d’une nouvelle commission qui va être créée et qui dépendra de la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Cette décision de créer une nouvelle commission n’est en rien une défiance à l’égard de la Commission Ecclesia Dei. Les questions doctrinales n’ont jamais été du ressort de la Commission Ecclesia Dei, ni non plus, de manière spécifique, les relations avec la FSSPX. Mgr Fellay ne s’est rendu qu’une fois dans ses locaux, le 4 juin dernier.
• La FSSPX semble peu pressée d’ouvrir les discussions doctrinales relatives aux points du concile Vatican II qui posent problème. Du côté romain, la future commission doctrinale recourra, notamment, à des théologiens français et italiens, pour certains membres déjà de la Commission théologique internationale. En revanche, certains théologiens pressentis ont refusé parce que le principe théologique de telles discussions est mal défini.
Guillaume de Tanoüarn - Jonas ou le désir absent
(Éditions Via Romana, 111 pages, 14 euros)
L’abbé de Tanoüarn est un écrivain abondant, surprenant parfois par ses références à la littérature classique ou contemporaine. Sa façon d’écrire et d’aborder les problèmes le rapproche plus d’un Balthasar que des grands représentants de l’École romaine de théologie (un abbé Berto ou un abbé Lefèvre jadis, un Mgr Piolanti hier, un Mgr Gherardini aujourd’hui).
Son dernier livre ne déroge pas à sa manière de conduire son lecteur sur des chemins originaux. C’est une lecture accompagnée du livre biblique de Jonas.
Le prologue (« Mon apocalypse du désir ») est un clin d’œil à Boutang, non nommé, et les démonstrations n’en sont pas, pourquoi ne pas le dire, toujours convaincantes. Après la satisfaction du désir, il ne resterait « rien » : que la « satisfaction », l’« autoréalisation ». On pourrait en débattre.
Mais le fond du livre est ailleurs. Il est dans la lecture des aventures de Jonas comme un enseignement sur l’absence de désir. C’est « un manque de confiance en Dieu qui pourrit la vie de Jonas et qui en fait un fugitif et un vagabond sur la terre » (p. 43-44). Puis, au milieu de la tempête, il va s’offrir « en un sacrifice propitiatoire, en un sacrifice capable d’apaiser le Dieu tout-puissant ». Ce sacrifice le sauve. Mais sa mission ne fait que commencer. Il doit appeler les Ninivites à la pénitence.
Les pages de l’abbé de Tanoüarn sur l’universalisme de l’appel de Dieu et sur l’universalisme du salut sont belles et réconfortantes. « Dieu a une volonté d’amour qui tient compte du moindre Bien accompli. Dieu se reconnaît, Lui l’auteur de tout bien, dans le plus petit élan vers le bien. Si c’est un élan sincère ».
Y.C.
[1] Cf. Aletheia, n° 129, 5 août 2008.
[2] « Le mystère de la rédemption selon Benoît XVI », Le Sel de la terre (couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé), n° 67, hiver 2008-2009, p. 22-54.