1 juin 2012

[SPO] État des lieux de la liturgie par l’abbé Aulagnier

SOURCE - SPO - 1 juin 2012

Sur le site de La Revue Item, l’abbé Paul Aulagnier a publié le 30 mai une très longue étude intitulée « La législation liturgique de Benoît XVI, l’état des lieux établi au 30 mai 2012 ». Il revient ainsi sur les nouveautés apportées par la publication du motu proprio Summorum Pontificum. Il montre notamment certaines convergences entre les écrits de Mgr Gamber, le grand liturgiste de Ratisbonne, et les préconisations du Pape Benoît XVI. Ce rappel historique, qui se double d’une analyse du processus de restauration, mérite assurément d’être lue et méditée. Nous en publions ici un extrait qui porte, selon le titre que l’abbé Aulagnier a donné à cette partie, sur «le rôle de l’ancienne messe dans l’Église».
Quel est ce rôle ? Mgr Gamber le précise encore dans son livre « La réforme liturgique en question ». Nous sommes à la conclusion du livre. Il écrit : : «…Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine, pas seulement pour les prêtres et les laïcs âgés, incapables de s’adapter, mais comme forme primaire de la célébration de la messe. Il faut qu’il redevienne la norme de la foi et le signe de l’unité des catholiques dans le monde entier, un pôle fixe pour un temps déboussolé et en perpétuel changement » (p. 95-96) C’est bien reconnaître un rôle spécifique à cette messe : « Elle est la forme primaire de la célébration de la messe ». Ce qui lui permet d’être « la norme de la foi », « le signe de l’unité » des catholiques, d’être un « pôle fixe pour un temps déboussolé ». Que de privilèges ! Quel rôle important…Alors qu’il y a seulement quelques décades, on ne voulait plus en parler. Le vrai et le beau sont cultivés dans l’Eglise surtout en la liturgie. C’est un bien nécessaire à l’Eglise.

Mais sur ce sujet, il faut également invoquer la lettre du cardinal Antonio Canizares Llorera, « ministre » de la liturgie du pape. Cette lettre fut écrite le 20 avril 2010, et adressée aux autorités de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, à l’occasion du colloque que l’Institut avait organisé à cette date à Rome dans le cadre de l’anniversaire des cinq ans de pontificat de Benoît XVI. Le thème du colloque portait sur la liturgie et plus particulièrement sur le Motu Proprio du Pape Summorum Pontificum.
Il les en félicitait et les en remerciait: « Je remercie l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre de l’initiative de célébrer à cette date ce colloque sur le Motu Proprio Summorum Pontificum.
Il rappelait tout au début de sa lettre que la liturgie est au cœur de la pensée du Pape. C’est une de ses « préoccupations majeurs » : « Dans le cœur du Saint-Père, écrit-il, et au centre de ses préoccupations comme pasteur de l’Eglise se trouve la connaissance profonde du mystère de la Liturgie et le désir qu’elle soit célébrée et vécue par l’Eglise entière avec délicatesse et ferveur ». Le pape, lui-même, l’affirmait alors qu’il recevait, quelques temps au paravent, des évêques brésiliens. La liturgie est au cœur du « ministère pétrinien », leur disait-il.
Après cette introduction, le cardinal affirme, pour en relever l’autorité, que ce texte Summorum Pontificum est « un acte de gouvernement qui cherche à satisfaire le bien commun de l’Eglise ». En conséquence, il ne doit pas être compris comme un « acte isolé » de Benoît XVI ; ni non plus comme une simple action « anecdotique ». Il n’est pas non plus un acte pour satisfaire une « situation particulière », ni une simple « concession à la nostalgie ou à l’intégrisme ». Non ! Cet acte relève du magistère pétrinien de Benoît XVI qui a en charge le bien commun de l’Eglise : « Le Motu Proprio Summorum Pontificum doit se comprendre dans cette vision d’ensemble de l’enseignement et des actes du Saint Père ».
Et si il a pour but immédiat de « favoriser – pour ceux qui le souhaitent – l’accès à la forme liturgique officielle du Rite Romain jusqu’à la réforme souhaitée par le Concile Vatican II », son but ultime est double:
Le premier: c’est … « (faire) un pas pour favoriser la Communion Ecclésiale ». L’unité ecclésiale est la préoccupation du Pontife.
Le second, c’est (créer) «une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».

Il faut mesurer l’importance de cette phrase pas assez soulignée, du moins à mon avis.
Affirmer cela est absolument nouveau de la part du magistère de l’Eglise. Nous ne l’avions jamais encore entendu en quarante ans de « combat » inlassable, pour maintenir l’ancienne messe.
Le cardinal affirme bien que favoriser l’accès au rite tridentin …c’est favoriser « la Communion Ecclésiale », mais aussi et surtout c’est donner « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine ».
Ainsi le rite tridentin, dans la législation de Benoit XVI, n’est pas seulement légalisé dans l’Eglise latine. Plus, il devient l’archétype de la liturgie romaine. C’est le sens de l’expression « une aide pour orienter l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine » et ainsi la mieux « comprendre ».
Quel chemin parcouru depuis 1976…Nous sommes passés de l’interdiction de la messe de « toujours » à sa reconnaissance légale et universelle ; puis de sa reconnaissance légale et universelle à l’affirmation qu’elle doit être l’archétype de la liturgie romaine. Cette phrase « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine » veut dire cela ou ne veut rien dire.

Et s’il en est ainsi c’est parce qu’elle est l’expression parfaite de la doctrine catholique sur la messe, sommet de la liturgie de l’Eglise, telle que l’ont exprimée les pères du Concile de Trente principalement dans la session 21ème de septembre 1562, dans ses chapitres doctrinaux et ses canons, face à la Réforme protestante.
Comme on le sait, « les apports théologiques de la messe tridentine constituent une réponse aux graves controverses du protestantisme » (card. Stickler) Mais cette session 21ème ne fut pas seulement une réponse nécessaire à l’époque du protestantisme, mais elle reste également la référence pour l’Eglise de toujours et en particulier pour la réforme liturgique issue de Vatican II. Il ne peut en être autrement. La vérité est immuable. Et si l’on veut déterminer le vrai sens de cette réforme liturgique, il faut toujours chercher à s’éclairer de la lumière du Concile de Trente et de la messe tridentine qui en est le reflet.
Cette messe est le phare. Aussi nous permettra-t-elle de mieux orienter toutes les réformes et de les bien comprendre.

Or on sait tout d’abord que, « dans le contexte de l’hérésie protestante, la messe de Saint Pie V porta l’accent sur la vérité majeure selon laquelle la messe est un sacrifice, ce qui fut établi par les discussions théologiques et les réglementations spécifiques du Concile » (Card. Stickler). On sait également qu’elle insista sur la notion de la présence réelle de NSJC dans l’Eucharistie, fruit du Sacrifice de la messe ainsi que sur le rôle spécifique du prêtre à l’autel comme représentant le Christ, comme « alter Christus ». On sait aussi que la messe tridentine insiste sur la place de l’autel, lieu du sacrifice renouvelé du Christ, insiste également sur son orientation, la messe devant être célébré « ad orientem », symbole du soleil levant que représente le Christ, Celui que nous devons adorer. Et toutes ces vérités ont entraînées, dans le rite tridentin, tout un symbolisme – le symbolisme liturgique – qui les expriment au mieux, comme les signes d’adoration, de génuflexions, comme la place de l’autel. Abandonner ce symbolisme est très grave. Par exemple « La toute nouvelle place de l’autel, dans le rite de Paul VI ainsi que la place du prêtre face à l’assemblée, interdites autrefois, deviennent aujourd’hui le signe d’une messe conçue comme réunion de la communauté ». C’est là une déficience théologique grave que la célébration commune de la messe tridentine permet de comprendre, d’orienter et de corriger. Il en est de même pour la langue liturgique qui est le latin. Ce principe pourtant affirmé par le Concile de Trente et le Concile Vatican II a été totalement détruit par la réforme liturgique de Paul VI et Paul VI lui-même. L’exception du vernaculaire admis par Trente et Vatican II est devenue dans la réforme de Paul VI une exclusivité. Ce qui entraîne de graves conséquences : la perte de l’unité externe au sein de l’Eglise catholique. Nous avons perdu cette possibilité de prier et de chanter ensemble même dans les grands rassemblements ecclésiaux.

Voilà autant de « déficiences théologiques », – Jean Paul II, lui, parlera d’ « ombres »liturgiques -, graves de la messe issue de Vatican II – ma liste ici n’est pas exhaustive – qui pourraient être corrigées, comprises et ainsi ré-orientées, c’est-à-dire réformées par les « bienfaits théologiques de la messe tridentine ». C’est ce que disait déjà le cardinal Stickler dans sa conférence donnée à Fort Lee dans le New Jersey, le 20 mai 1995. La messe tridentine est vraiment l’archétype de la liturgie romaine. Voila, me semble-t-il, le sens de cette phrase du cardinal espagnol : le Motu Proprio est « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
C’est manifestement nouveau. Rendons en grâce à Dieu ! Et aimons toujours plus cette messe célébrée dans ce rite dit « extraordinaire ». Il l’est de fait !