SOURCE - ouest-france.fr - 19 juin 2012
Pourquoi certains lefebvristes s'opposent-ils encore à un ralliement au Vatican?
Il faut remonter l'Histoire. En 1864, le Pape Pie IX défend l'idée que l'État peut imposer la vérité, celle d'un État catholique. Mais il est à l'époque chef des États pontificaux, soit du tiers de l'Italie, cette situation change en 1870, lorsque Garibaldi entre dans Rome et que celle-ci devient la capitale de l'Italie réunifiée. Le Pape se déclare alors "prisonnier au Vatican" et ses successeurs n'oseront plus en sortir. Jusqu'à la veille du Concile (Vatican II), en 1962, lorsque Jean XXIII se rend à Lorette et à Assise. Mais les lefebvristes en restent à la thèse de 1864. Ce qu'ils récusent en Vatican II, fondamentalement, c'est la liberté religieuse, l'idée qu'on puisse accepter que l'État laisse s'exprimer des convictions qui ne sont pas des convictions catholiques. En vertu d'un principe de base: la vérité a des droits, l'erreur n'a pas de droits. Ils n'ont pas compris que le Concile a déplacé la question. Que ce ne sont pas la vérité ou l'erreur qui ont des droits, mais la personne. C'est le droit des personnes de n'être pas obligées de croire ou de ne pas croire.
La liberté de conscience, principale pierre d'achoppement?
Elle est de taille. Mais elle a aussi servi Mgr Lefebvre. N'a-t-il pas déclaré le 28 juin 1988: "J'ai jugé, en conscience, que je ne pouvais plus négocier avec le Vatican"? En suivant sa "conscience", il est entré dans la modernité! Autre grief de Mgr Lefebvre: la liturgie. Seule comptait "la messe de toujours"... qui n'est pas celle de toujours, puisqu'on est passé du grec au latin et qu'on peut passer du latin à autre chose. Les lefebvristes n'ont pas réalisé que le "toujours" a bougé. Sous prétexte de tradition, vous n'en faites qu'à votre tête. Vous décidez de ce qu'est la tradition, vous fixez la tradition à telle ou telle date. Et vous ne savez même pas que vous êtes à l'origine de votre tradition.
Le lefebvrisme a-t-il de l'avenir?
Dans des océans d'incertitude, les jeunes qui se sentent agressés, se raccrochent au premier radeau qui passe. A savoir des repères simplistes, très forts, très identitaires, avec des méthodes d'agit-prop, auxquelles les médias donnent une audience largement démesurée par rapport à leur nombre.
Propos recueillis par Annick BENOIST