SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres n°54 - mise en ligne par La Porte Latine - Juin 2012
Moins de vingt-quatre heures pour la Prière eucharistique II, une nuit ou peut-être quelques jours pour la Prière eucharistique IV : voici donc les délais qui furent accordés pour remplacer l’œuvre des grands contemplatifs, des génies spirituels que furent saint Léon, saint Gélase, saint Grégoire le Grand, etc. On ne peut qu’être déconcerté, et même effrayé, devant une telle insouciance en une matière si grave et sacrée. Et le qualificatif d’avorton appliqué par le père Bouyer au résultat de cette réforme insensée, s’il paraît sévère, ne semble pas moins cruellement juste et justifié.
C’est là « un aspect de la réforme liturgique qu’il aurait peut-être fallu critiquer davantage : un souci probablement trop poussé de rationaliser les structures liturgiques. Quels que soient les mérites du père Jungmann, les liturgistes du Consilium l’ont, je pense, trop suivi dans cette direction » (Pierre-Marie Gy, « Bulletin de liturgie », Revue des sciences philosophiques et théologiques 2, avril 1985, p. 319). « L’établissement de nouveaux rites ou rituels a parfois été conduit à partir de modèles dont on surestimait la valeur structurale et universelle ou bien de présupposés théologiques ou doctrinaux non pleinement élaborés. Qu’on songe à l’importance du livre de J. A. Jungmann, Des lois de la célébration liturgique, juste en la plupart de ses intuitions, mais qui a donné lieu à beaucoup d’extrapolations » (Dominique Dye, « Statut et fonctionnement du rituel dans la pastorale liturgique en France après Vatican II », La Maison Dieu 125, 1er trim. 1976, p. 141).
Ainsi, « la réforme liturgique fut sérieuse, compétente, cohérente, mais n’a pas échappé à la froideur des liturgies issues, non de la prière même, mais de commissions spécialisées. Celles-ci eurent parfois la main lourde pour décaper signes et traditions » (René Laurentin, « Vatican II : acquis et déviations », Le Figaro, 23-24 novembre 1985, p. 10).
Il faut d’ailleurs bien l’avouer, « une bonne dose d’illusion et de mégalomanie est nécessaire pour se croire humblement capable de forger une liturgie meilleure que celle que vingt siècles de tradition chrétienne ont lentement formée » (Guy Oury, « Les limites nécessaires de la créativité en liturgie », Notitiæ 131-132, juin-juillet 1977, p. 352, article repris de Esprit et Vie-L’Ami du clergé du 28 avril 1977).
L’échec d’une liturgie « fabriquée »Par ailleurs si, malgré cette hâte extravagante, une telle somme de travaux et de compétences n’a pas abouti à un résultat satisfaisant, c’est aussi que le vrai problème est de savoir si « une liturgie vraiment signifiante pour l’homme d’aujourd’hui peut venir de bureaux nationaux et internationaux composés essentiellement d’ecclésiastiques et de spécialistes » (Robert Gantoy, « Deux réactions à propos d’une analyse du vocabulaire liturgique », Communautés et liturgies 5, septembre-octobre 1975, p. 413). Pourtant, « une bonne liturgie ne se crée pas en un coup. Les liturgies du passé se sont engendrées organiquement les unes les autres » (Adrian Hastings, « Le christianisme occidental et la confrontation des autres cultures », La Maison Dieu 179, 3e trim. 1989, p. 40).
C’est là « un aspect de la réforme liturgique qu’il aurait peut-être fallu critiquer davantage : un souci probablement trop poussé de rationaliser les structures liturgiques. Quels que soient les mérites du père Jungmann, les liturgistes du Consilium l’ont, je pense, trop suivi dans cette direction » (Pierre-Marie Gy, « Bulletin de liturgie », Revue des sciences philosophiques et théologiques 2, avril 1985, p. 319). « L’établissement de nouveaux rites ou rituels a parfois été conduit à partir de modèles dont on surestimait la valeur structurale et universelle ou bien de présupposés théologiques ou doctrinaux non pleinement élaborés. Qu’on songe à l’importance du livre de J. A. Jungmann, Des lois de la célébration liturgique, juste en la plupart de ses intuitions, mais qui a donné lieu à beaucoup d’extrapolations » (Dominique Dye, « Statut et fonctionnement du rituel dans la pastorale liturgique en France après Vatican II », La Maison Dieu 125, 1er trim. 1976, p. 141).
Ainsi, « la réforme liturgique fut sérieuse, compétente, cohérente, mais n’a pas échappé à la froideur des liturgies issues, non de la prière même, mais de commissions spécialisées. Celles-ci eurent parfois la main lourde pour décaper signes et traditions » (René Laurentin, « Vatican II : acquis et déviations », Le Figaro, 23-24 novembre 1985, p. 10).
Une liturgie meilleure que celle que vingt siècles ont formée ?D’ailleurs, « aussi longtemps que le prurit de nouveautés, comme c’est le cas chez nous en ce moment, y restera en fonction directe de l’ignorance ou de la méconnaissance de la tradition catholique, on devra s’y défier a priori de toutes les suggestions soit de substituer, soit même simplement d’alterner facultativement à l’usage du Canon romain n’importe quelle prière composée de chic par des fantaisistes futuristes ou des archéologistes obsédés par leurs marottes » (Louis Bouyer, « Que vont devenir les rites sacrés ? », Vie spirituelle 521, novembre 1965, p. 542). Et donc, « il était sans espoir de produire rien qui valût beaucoup plus que ce que l’on produirait [à savoir la nouvelle liturgie], quand on prétendait refaire de fond en comble, en quelques mois, toute une liturgie qu’il avait fallu vingt siècles pour élaborer peu à peu » (Louis Bouyer, Mémoires [inédits], p. 130).
Il faut d’ailleurs bien l’avouer, « une bonne dose d’illusion et de mégalomanie est nécessaire pour se croire humblement capable de forger une liturgie meilleure que celle que vingt siècles de tradition chrétienne ont lentement formée » (Guy Oury, « Les limites nécessaires de la créativité en liturgie », Notitiæ 131-132, juin-juillet 1977, p. 352, article repris de Esprit et Vie-L’Ami du clergé du 28 avril 1977).