SOURCE - Stéphanie Le Bars - Le Monde - 14 juin 2012
La phase de négociations entre le Vatican et les responsables
de la Fraternité Saint-Pie X, en vue de la réintégration des intégristes
dans l’Eglise catholique est terminée. Le porte-parole du Vatican a
confirmé jeudi 14 juin que les lefebvristes avaient reçu, mercredi, la
réponse du pape aux dernières observations apportées par la Fraternité
au « préambule doctrinal », qui prévoit les conditions de cette
réintégration, après 24 ans de schisme.
Les détails de cette réponse, qui permettra de juger de l'ampleur des
concessions faites par chacune des deux parties ne devraient pas être
connus avant que le supérieur général de la Fraternité Mgr Fellay se
soit à son tour prononcé... Il devrait le faire "dans un délai raisonnable", a indiqué jeudi, le porte-parole du Vatican, pour qui "la balle est dans le camp" des lefebvristes. La réponse pourrait intervenir après le chapitre général de la Fraternité, prévu du 11 au 13 juillet. "On
a souhaité que, grâce à ce moment supplémentaire de réflexion, on
puisse parvenir à la pleine communion de la Fraternité sacerdotale saint
Pie X avec le Siège Apostolique", ajoute sans ambiguïté le communiqué du Vatican.
Le préambule doctrinal avait été remis en septembre au successeur de
Mgr Marcel Lefebvre. Des observations, de nouvelles formulations y ont
été apportées au fil des mois afin de rendre le texte acceptable pour
les deux parties, opposées sur leur acceptation du concile Vatican II en
matière de liberté religieuse et d'oecuménisme, notamment.
"L'Eglise, seule voie de salut"
En clair, s'ils acceptent l'offre papale, les intégristes devraient
pouvoir continuer de critiquer ces points, sans s'attirer les foudres de
Rome et rappeler que "l'Eglise est plus que le concile et qu'une compréhension différente du concile n'est pas déterminante pour l'avenir de l'Eglise", comme l'a redit Mgr Fellay le 8 juin. Ce dernier persiste d'ailleurs à penser que "c'est l'attitude de l'Eglise officielle qui a changé, ce n'est pas nous". "On n'est pas non-catholiques juste parce que l'on critique les rencontres [interreligieuses] d'Assise", explique aussi un fidèle intégriste parisien, convaincu que le dialogue avec les autres religions mène "à l'indifférentialisme, alors même que l'Eglise catholique est la seule voie de salut".
Le Vatican a aussi confirmé le 14 juin que les lefebvristes
obtiendront une prélature personnelle, sur le mode des statuts qui
régissent l'Opus Dei, leur donnant une large autonomie pour la gestion
de leurs troupes et de leurs lieux de culte par rapport à l'évêque du
lieu. Ils auront besoin de l'accord du prélat local dans le cas où ils
souhaiteraient ouvrir de nouvelles implantations ; or le maillage du
territoire, notamment en France où ils sont les plus présents, est déjà
largement assuré.
Un schisme dans le schisme?
Le pape Benoît XVI a fait de la résolution de ce conflit l'une des
priorités de son pontificat, au risque de brusquer une partie de
l'Eglise, moins encline que lui à accueillir les schismatiques,
contempteurs du concile et des "hérétiques" qui l'ont mis en
oeuvre. Mgr Fellay, de son côté s'est montré de plus en plus partisan
d'un accord, soulevant la contestation au sein de la Fraternité. Les
trois autres évêques ordonnés par Mgr Lefebvre se montrent toujours très
réticents à cet accord.
Un schisme dans le schisme est donc possible même si l'avenir des
évêques et des fidèles qui refuseraient l'accord parait problématique. "Ils
rejoindraient les quelques troupes sédévacantistes qui existent, mais
perdraient les maisons, les chapelles, les écoles qui appartiennent à la
Fraternité", explique un bon connaisseur du milieu intégriste.
Conscient des dissensions au sein de la Fraternité, le Vatican a déjà
indiqué qu'il étudierait "singulièrement" la situation et le sort de chacun des évêques. Dont celle de l'évêque négationniste, Richard Williamson.
Stéphanie Le Bars