SOURCE - Jérôme Anciberro - Témoignage Chrétien - 3 juillet 2008
Les traditionalistes de la Fraternité Saint-Pie X ont rejeté les cinq conditions préalables à un accord proposées par le Vatican pour une reprise du dialogue.
Vatican. Bras de fer entre le pape et les intégristes
par Jérôme Anciberro
Révélée par Andrea Tornielli, le vaticaniste du quotidien italien Il Giornale, la dernière initiative auprès de la Fraternité Saint-Pie X du cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la commission vaticane « Ecclesia Dei » chargée des relations avec les traditionalistes de toutes chapelles, aura finalement fait long feu. Dans un document daté du 4 juin, qui faisait suite à un entretien avec Bernard Fellay (l’actuel supérieur de la Fraternité), le cardinal avait posé cinq conditions préalables à un accord ayant pour but le retour des intégristes à la pleine communion avec le reste de l’Église catholique (lire encadré). Aucune mention n’était faite parmi ces cinq conditions ni du Concile Vatican II, ni de la question liturgique, toujours présente dans les esprits malgré la promulgation en juillet 2007 du décret libéralisant la messe tridentine en latin, désormais officiellement « rite extraordinaire » de la messe.
Conditions minimales
Selon le père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, interrogé par La Croix le 25 juin, « les cinq points cités par Tornielli, comme cela du reste apparaît dans leur teneur elle-même, concernent les conditions minimales pour qu’il puisse y avoir un rapport caractérisé par le respect et la disponibilité à l’égard du Saint-Père, et par un esprit ecclésial constructif. Ils sont donc d’une autre nature, et c’est pour cela qu’ils ne font pas référence au concile, et à la liturgie, et non parce que ces deux arguments ne seraient plus fondamentaux ». De fait, c’est le « respect de l’autorité du Vicaire du Christ », c’est-à-dire du pape, qui est au centre du document de la commission « Ecclesia Dei ». Il y a vingt ans, le protocole d’accord qu’avait accepté Mgr Lefebvre, avant de finalement retirer sa signature, ce qui avait consommé le schisme, était nettement plus détaillé. On ne peut que constater que les termes choisis par la commission « Ecclesia Dei » aujourd’hui sont assez vagues dans leur modération (lire encadré). Les responsables de la Fraternité Saint-Pie X font d’ailleurs valoir que c’est l’imprécision de ces cinq conditions qui les a conduits à ne pas répondre positivement à la proposition du cardinal Castrillon Hoyos. Pour autant, l’insistance mise par le Vatican à réclamer de la part des intégristes le respect de la personne du pape et l’engagement à « éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père » ne relève pas que de l’intransigeance hiérarchique. En dépit d’une vision de l’Église très traditionnelle, et même s’il ne manque pas de critiquer certaines interprétations du Concile Vatican II qui auraient selon lui contribué à diluer la force du message catholique dans l’air du temps, Benoît XVI s’inscrit lui-même explicitement dans la lignée du dernier concile dont il se veut le garant et, de fait, l’ultime interprète d’un point de vue hiérarchique. Reconnaître au pape actuel le magistère ultime - ce qui est clairement demandé dans la troisième condition de la commission « Ecclesia Dei » - équivaudrait donc pour les intégristes à reconnaître Vatican II selon l’interprétation qu’en fait Benoît XVI, laquelle interprétation n’a rien de particulièrement progressiste, mais n’est assurément pas non plus la même que celle qu’en avait fait Mgr Lefebvre. Il ne leur serait en effet plus possible de jouer sur les mots en prétendant accepter le concile tout en faisant leur marché parmi les décrets et autres déclarations qui y furent adoptés. Où l’on voit que si les textes de Vatican II ne sont pas cités dans les propositions de la commission, sans doute pour des raisons diplomatiques, ils pèsent tout de même de tout leur poids dans les tractations en cours. Les intégristes ne s’y sont pas trompés. « Nous attendrons », a ainsi déclaré Mgr Fellay en déplacement au séminaire de Winona (États-Unis) pour des ordinations.
Le refus des intégristes de céder à la pression romaine est donc clair. Le risque est cependant grand pour eux de rater le coche dans un contexte éminemment favorable. Il n’est en effet pas sûr que le Vatican se montre aussi ouvert aux discussions avec les courants traditionalistes sous le prochain pontificat. Pour autant, le fait que Mgr Fellay ait répondu dans les délais demandés par la commission Ecclesia Dei (cinquième condition) témoigne d’une volonté de la part de la Fraternité de ne pas complètement couper les ponts. Cela suffira-t-il à calmer l’impatience de Rome ?
[encadré]Les cinq engagements réclamés à la Fraternité Saint-Pie X par la commission "Ecclesia Dei"
1. Donner une réponse proportionnée à la générosité du pape.
2. Éviter toute intervention publique qui ne respecte
pas la personne du Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale. 3. Éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père et ne pas proposer la Fraternité en contraposition à l’Église.
4. Démontrer la volonté d’agir honnêtement en toute charité ecclésiale et dans le respect de l’autorité du Vicaire du Christ.
5. Respecter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre positivement. Cela sera une condition requise et nécessaire comme préparation immédiate à l’adhésion pour accomplir la pleine communion.
pas la personne du Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale. 3. Éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père et ne pas proposer la Fraternité en contraposition à l’Église.
4. Démontrer la volonté d’agir honnêtement en toute charité ecclésiale et dans le respect de l’autorité du Vicaire du Christ.
5. Respecter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre positivement. Cela sera une condition requise et nécessaire comme préparation immédiate à l’adhésion pour accomplir la pleine communion.