SOURCE - Stéphanie Le Bars - Le Monde - 5 juillet 2008
Ils sont jeunes, organisés, plutôt revendicatifs. Leur combat n'a qu'un but : obtenir la messe en latin. Un an après la publication du décret papal qui, le 7 juillet 2007, a libéralisé la messe selon le rite ancien - un office en latin ponctué de silences et de génuflexions, célébré dos tourné à l'assemblée -, les catholiques attachés à la "tradition" ne se satisfont pas de la quarantaine de nouvelles messes mises en place dans les paroisses au niveau national. Si l'on en croit les évêques, l'offre de messes est désormais "suffisante" pour cette communauté de fidèles dont le nombre s'élève selon les sources de 30 000 à 45 000 personnes en France. "Nous n'assistons pas à une multiplication des demandes et on les honore autant qu'il est possible", assure Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse, président de la commission pour la liturgie à la Conférence des évêques de France. Quelque 170 célébrations selon la "forme extraordinaire" sont proposées chaque semaine à travers la France, dont la majeure partie en région parisienne.
Mais les groupes de demandeurs font preuve d'un activisme qui agace une hiérarchie catholique diversement réceptive au motu proprio de Benoît XVI. Les "tradis" multiplient les pétitions et les mises en réseaux, des "pressions insupportables qui exagèrent les effectifs réels", déplore Mgr Le Gall. Des messes "privées" (non annoncées officiellement), avec ou sans fidèles, se tiennent, parfois sans l'accord du curé de la paroisse.
"DÉCOMPLEXÉS"
Mgr Le Gall reconnaît toutefois que "la jeunesse de ce public pose question" à l'Eglise. Les jeunes fidèles se défendent de toute nostalgie de l'Eglise avant le concile de Vatican II, dont l'un des effets fut l'abandon de la messe selon le rite ancien. "Les jeunes prêtres comme les jeunes fidèles sont décomplexés par rapport à Vatican II", explique Louis de Lestang, 32 ans, à la tête d'un collectif de jeunes demandeurs des Yvelines. "On est surtout de la génération Jean Paul II, attachés à Rome et à la tradition", insiste ce père de cinq enfants. Dans son diocèse, des jeunes prêtres se forment comme ils peuvent pour apprendre à célébrer selon le rite ancien.
En réaction, pour "ramener des fidèles" aux messes ordinaires, "il faut réintroduire davantage de silence, de hiératisme, d'intériorité, de beauté dans les vêtements liturgiques", souligne Mgr Le Gall. Au séminaire, une formation pour apprendre à célébrer la messe en latin pourrait être introduite, indique l'évêque.
Le texte papal, censé contribuer à la réconciliation entre catholiques - y compris les schismatiques liés au courant de Mgr Lefebvre -, n'a pas atteint son but. "Certains évêques nous accusent de vouloir diviser la communauté de fidèles. Et, en même temps, ils nous disent : "Restez dans votre ghetto"", regrette Louis de Lestang.
Si l'on en croit les estimations données par Nicolas Senèze dans La Crise intégriste (ouvrage paru en mars chez Bayard, 193 pages, 15 euros), l'Eglise de France n'en a pourtant pas fini avec les "tradis" : si seuls 1,5 % des prêtres en activité sont assimilés à la mouvance traditionaliste, en revanche 17 % des séminaristes seraient proches de cette tendance.