Mise au point sur la Fraternité Saint Pie X présente à l'église Saint-Éloi à Bordeaux |
Octobre 2002 - la communauté des Dominicains de Bordeaux - lien |
Mise au point sur la Fraternité Saint Pie X présente à l'église Saint-Éloi à Bordeaux Nombre de fidèles nous posent des questions concernant les prêtres de la Fraternité Saint Pie X (clergé issu de monseigneur Marcel Lefebvre), à l'occasion de leur installation à l'église Saint-Éloi. Voici une mise au point des problèmes qui se posent. 1) La Fraternité Saint Pie X est-elle schismatique ? Le mouvement lefebvriste, dirigé par la Fraternité, est schismatique depuis le sacre des évêques en 1988, accompli sans l'aval du Pape. Un tel acte de désobéissance est une rupture objective, explicite et délibérée avec le Saint-Siège et l'Église Catholique Romaine. Cette rupture de communion de charité s'appelle un schisme (alors qu'une rupture dans la vérité de foi s'appelle une hérésie, ce qui n'est pas le cas ici). De ce fait, les évêques et les prêtres de la Fraternité sont hors de la communion de l'Église Catholique, ce pourquoi, ils sont dits excommuniés. 2) Mais le Pape n'a jamais proclamé l'excommunication à leur endroit ! Il n'en a pas besoin, même s'il en a pris acte. Un évêque qui ordonne des évêques sans la permission du Saint-Siège se place lui-même hors de la communion. Lui-même et ceux qui reçoivent ordination de ses mains s'excommunient par le fait même, ipso facto, ainsi que les prêtres qui se placent sous leur juridiction. Le refus d'obéir à l'évêque diocésain et de dépendre de lui pour toute mission pastorale est le signe manifeste de la rupture. 3) Les prêtres de la Fraternité disent pourtant qu'ils sont toujours dans l'Église Catholique, et même qu'ils prient pour le Pape ! Ce n'est pas le problème. Le fait de prier pour le Pape n'est pas de soi un signe d'appartenance à l'Église. Surtout, le discours ambigu qui consiste à prétendre qu'il n'y a pas schisme sous prétexte qu'ils ne se considèrent pas en-dehors de l'Église (et même qu'ils sont quasiment les seuls à y être restés) ne saurait faire illusion. Autre est le sentiment subjectif d'une appartenance, autre est la réalité objective. Lorsqu'on adhère à un acte grave et schismatique, et que l'on milite pour cette cause à tout moment, on se situe objectivement hors de l'Église. 4) Comment un mouvement qui revendique sa fidélité à la Tradition de l'Église pourrait-il se trouver en dehors d'elle ? L'intégrisme français se place nettement en réaction contre le modernisme, mouvement de pensée qui consiste à réduire la vérité à la sincérité, l'objectif au subjectif, la foi au sentiment, les dogmes à l'assentiment de la seule raison, l'obéissance à l'Église à une critique purement humaine. Mais, en réalité, il tombe lui-même dans les erreurs qu'il pourfend. Le mouvement lefebvriste se fait maître et arbitre des décisions de l'Église en son Magistère traditionnel et actuel. Il en appelle à " une Église de toujours " contre " l'Église conciliaire " selon une distinction irréelle et illégitime, qui lui permet de désobéir sans en avoir l'air. En quoi cette dissidence n'est pas aussi préservée qu'elle le pense du subjectivisme qu'elle dénonce, par exemple, chez les Protestants. Elle est en train de suivre le même chemin que Luther. Ce n'est pas le moindre de ses paradoxes. 5) Un fidèle peut-il assister à une messe de la Fraternité (par exemple à Saint-Éloi) et y communier ? Un fidèle ne peut pas plus assister à une Messe et y communier qu'il ne le ferait pour une Messe dans une église orthodoxe (laquelle demande permission expresse des évêques respectifs). La présence réelle du Christ s'y trouve évidemment, les prêtres étant de vrais prêtres. Mais la communion ecclésiale ne s'y trouve pas, c'est pourquoi il ne faut ni communier ni même y aller. Cela, eu égard à la réalité d'une rupture, eu égard aussi à la nécessité de se refuser au jeu de la confusion, volontiers entretenue par la Fraternité. Toute présence est un acte public : elle est, de fait, assimilée à une communion et à une approbation. Les fidèles devront se poser les mêmes exigences s'ils doivent se confesser, baptiser leurs enfants, s'ils sont conviés à un mariage célébré par un prêtre de la Fraternité, à plus forte raison s'ils sont invités à y être témoins, etc. En nos temps de syncrétisme, il faut oser le courage, la clarté, et la volonté de faire la vérité pour reconstruire la charité. Ce qui vaut pour la situation dont nous parlons vaut également pour d'autres types de situations. 6) Faut-il alors s'interdire tout contact avec le clergé ou les fidèles relevant de la Fraternité Saint Pie X ? Non, mais il s'agit d'éviter toute confusion liturgique et, surtout, toute confusion quant à l'appartenance actuelle de la Fraternité à l'Église Catholique Romaine. Cela n'exclut pas, mais appelle, prière, charité et accueil des personnes. Il ne faut pas oublier, en outre, les propos extrêmement violents que la Fraternité se permet régulièrement à l'égard de Rome. Le Saint-Père, avec miséricorde et bonté, a engagé des pourparlers avec les responsables de la Fraternité, lesquels ne se hâtent pas de manifester leur désir de rentrer dans la communion de l'Église, bien au contraire. Une stratégie de conciliation apparente à la base ne saurait justifier une fin de non-recevoir au sommet. Il n'est pas exclu que les fidèles soient victimes d'un double langage, plus ou moins conscient, sur la réalité du schisme ou son absence. 7) Mais pourquoi la préférence pour la Messe en latin serait-elle schismatique ? La Messe en latin n'est en rien schismatique ! D'abord, la Messe actuelle est de rite latin. La messe dite de Paul VI est la version révisée du Rite romain, " foi inchangée, tradition ininterrompue ", dit l'introduction au Missel. Ensuite, permission a été donnée par Jean-Paul II de faire usage de la Messe dite de Saint Pie V (édition de 1962) aux fidèles le désirant, dans le motu proprio Ecclesia Dei (1988), dont le Pape demande aux pasteurs une application " large et généreuse ". Point n'est besoin d'être schismatique pour assister à une Messe latine dite de Saint Pie V. D'ailleurs, il apparaît de plus en plus nettement que le schisme dont nous parlons a eu lieu pour d'autres raisons que celle à laquelle pense tout le monde, la Messe en latin. Comme le dit le Pape, le schisme est issu d'une conception faussée de ce qu'est la véritable Tradition de l'Église. Il court le risque, en outre, de marquer une primauté du politique sur le spirituel. 8) Y a-t-il un risque de dérive sectaire ? Le schisme lefebvriste procède d'un acte formel et grave de désobéissance à l'Église. Il préfère sa vision des choses à celle qu'enseigne l'Église en son Magistère authentique. Cette préférence est la marque d'un durcissement des esprits et des cœurs. Elle est source de dégénérescence de ce que ce mouvement comporte de bon. Encore une fois, il appartient ainsi à l'esprit moderne qu'il déteste tant. La vertu de ses prêtres et la piété à laquelle ceux-ci appellent les fidèles ne sont pas en cause. On invoque souvent leur souci de doctrine. Dans la confusion actuelle, ils n'ont pas de mal à paraître éclairés et exigeants. Mais cette solidité doctrinale est beaucoup plus passionnelle que théologique. Elle met nombre de choses sur le même plan, qu'il faudrait distinguer et nuancer, et commet bien des inexactitudes sur des sujets graves, à commencer par ce qu'enseigne le Concile Vatican II. Il n'est pas possible, pour les fidèles, de suivre les prêtres de la fraternité Saint Pie X. Ils le pourront le jour où la réconciliation sera effective. Il faut prier pour cela, d'autant que le mouvement lefebvriste est menacé, au contraire, d'une dérive sectaire. Cette dérive n'est pas d'abord doctrinale, mais psychologique (autojustification constante, violence verbale, diabolisation du monde extérieur, surenchère affective, mystique du petit reste (seul à être sauvé), noircissement constant et souvent inexact de l'Église : il n'est qu'à lire la critique qu'il fait du Catéchisme de l'Église catholique, suspecté de bien des déviances ! Que penser, que faire ? On ne peut être catholique qu'en étant humblement obéissant à l'autorité légitime de l'Église, à son enseignement et aux directives proposées par ses évêques et pasteurs en parfaite communion avec le Saint-Père. Il est vrai qu'une large part de la dissidence lefebvriste trouve son origine dans les troubles doctrinaux et liturgiques qui ont suivi le Concile Vatican II en France. C'est pourquoi chacun, prêtre ou laïc, est ramené à l'exigence d'une semblable obéissance, d'une transmission complète et courageuse de la foi, et d'une liturgie digne, fidèle au Missel et contemplative. On ne saurait dénoncer un mal qu'en supprimant la source d'où il affirme provenir. Mais on ne saurait réformer l'Église en se plaçant hors d'elle. La communauté des Dominicains de Bordeaux, octobre 2002. |