Traditionalisme catholique en France: une enquête sur l'application du motu proprio "Ecclesia Dei" |
Religioscope - 14 octobre 2002 |
Même si la question de la célébration liturgique n'était pas la seule raison des catholiques traditionalistes pour s'opposer aux conséquences du Concile Vatican II, elle a été la bannière de leur résistance. A la suite des sacres épiscopaux auxquels procéda Mgr Marcel Lefebvre en 1988, le pape Jean-Paul II publia un motu proprio intitulé Ecclesia Dei, en application duquel est reconnu à ceux qui le désirent le droit de participer à des messes célébrées selon le rite dit "de saint Pie V". Quatorze ans après, quelle est la situation en France? Le numéro de septembre 2002 de la Lettre d'Oremus fait le point. La lettre apostolique Ecclesia Dei du 2 juillet 1988 exprimait la tristesse face aux sacres effectués par Mgr Lefebvre. Mais, pour ceux des catholiques traditionalistes qui ne souhaitaient pas la rupture, il ouvrait également des perspectives à première vue encourageantes, puisque le pape y déclarait: "A tous ces fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, je désire aussi manifester ma volonté - à laquelle je demande que s'associent les évêques et tous ceux qui ont un ministère pastoral dans l'Eglise - de leur faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs aspirations." Différentes questions posées par des fidèles au cours des années suivantes donnèrent à Rome l'occasion d'indiquer qu'une "application large et généreuse", comme le disait le texte de 1988, était bien l'objectif visé: il s'agissait de permettre à tous ceux qui le désiraient, indépendamment de leur âge (donc également des fidèles nés après Vatican II), de pouvoir assister à des messes célébrées selon la "liturgie catholique latine traditionnelle", pour utiliser l'expression que tendent à préférer aujourd'hui ceux qui s'y montrent attachés. Qu'en est-il dans les faits? Un périodique traditionaliste, la Lettre d'Oremus, a eu l'heureuse initiative de se livrer à une enquête pour savoir dans quels diocèses de France la "liturgie traditionnelle" était régulièrement célébrée avec l'approbation de l'évêque diocésain. La France étant "un des pays où la messe traditionnelle est certainement la plus répandue", les résultats de cette enquête présentent un intérêt particulier. Il faut souligner que les évêques diocésains "sont seuls responsables dans leur diocèse de l'application ou non du motu proprio". Dans 49 diocèses de la France métropolitaine sur 93, "la messe traditionnelle est célébrée régulièrement (c'est-à-dire au moins chaque dimanche et fête) dans au moins une chapelle ou église paroissiale accessible aux fidèles ordinaires". Le nombre de diocèses passe à 51 si l'on inclut les diocèses dans lesquels cette messe est célébrée dans un monastère. Au total, cela représente 82 lieux de messe en France (73 dans des chapelles et 9 dans des monastères). Dans 31 diocèses sur 51, il n'y a qu'un seul lieu. Cela signifie donc, notent les rédacteurs, que l'accès à une "messe traditionnelle" reste très difficile pour beaucoup de fidèles, en raison des distances géographiques. Une observation importante: "une étude détaillée montrerait que c'est souvent dans des lieux reculés que les autorisations sont données". Dans certains diocèses, tout serait fait pour décourager ceux qui souhaitent des célébrations selon le rite tridentin. En outre, l'enquête soulève un autre problème: contrairement à ce qui s'est passé dans plusieurs diocèses aux Etats-Unis, il est en France "assez rare que la communauté traditionnelle dispose d'un lieu de culte qui lui soit propre avec les facilités de n'importe quelle paroisse du diocèse". Si l'on considère les lieux de culte dans lesquels la "messe traditionnelle" est célébrée sans l'accord de l'évêque diocésain - c'est-à-dire les lieux de culte dépendant, pour la plupart, de la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre - ils sont implantés dans 79 diocèses, avec 164 lieux de culte où la messe traditionnelle est célébrée au moins une fois par semaine. Cela indique donc qu'une demande existe bien dans la plupart des diocèses, selon l'analyse des rédacteurs de la Lettre. La Lettre d'Oremus considère que la situation n'est donc pas réglée. En revanche, elle se réjouit de voir que plusieurs diocèses viennent d'autoriser l'installation de prêtres provenant d'instituts de formation traditionalistes (Institut du Christ-Roi et Fraternité Saint-Pierre). |