20 août 2009

[CRC - Il Est Ressuscité] Pour sortir de la crise

SOURCE - Contre Réforme Catholique - frère Bruno de Jésus - aout 2009
L’encyclique “ sociale ” annoncée pour Pâques 2007, quarantième anniversaire de Populorum progressio, est enfin parue. Son retard nous a été une invitation providentielle à relire et mettre en pratique la Lettre sur le Sillon, “ Notre charge apostolique ”, du pape saint Pie X, en prévision de son proche centenaire (25 août 1910 ; reproduite intégralement dans l’autodafé, p. 681-700), « le plus humain des textes pontificaux de ce siècle, dont nul Pape n’a plus osé parler depuis, pas même Pie XII béatifiant et canonisant son Docteur ! » (Georges de Nantes, CRC n° 225, août-septembre 1986).

Saint Pie X condamne le mouvement démocrate chrétien du Sillon avec une fermeté et une clarté prophétique. En effet, « le recul du temps donne à saint Pie X une étourdissante nouveauté » observe l’abbé de Nantes (ibid.), et la doctrine de ce saint Pontife éclaire comme un phare notre nuit qui s’épaissit parce que la doctrine qu’il condamnait a triomphé au Concile. Pour le constater, il suffit de comparer le texte de saint Pie X à celui de la “ Constitution pastorale ” Gaudium et spes sur “ La vie économique et sociale ” (Il est ressuscité n° 80, avril 2009) et sur “ La vie de la communauté politique ” (Il est ressuscité n° 81, mai 2009).

Saint Pie X s’adresse aux évêques français :

« Non, vénérables Frères, il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle où chacun se pose en docteur et en législateur, on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie [c’est précisément ce que se proposait le mouvement du Sillon de Marc Sangnier] ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux [le concile Vatican II a tout au contraire décidé de transformer l’Église en servante du monde en construction, sur la base nouvelle des droits de la Personne humaine condamnés jusque-là, encore par saint Pie X, précisément] ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. [Paul VI a voulu inventer une civilisation nouvelle, qu’il appelait la « civilisation de l’amour ». Tandis que, pour saint Pie X, il n’y en a qu’une...] Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. »

Surprenant optimisme : la civilisation chrétienne, la cité catholique non seulement « a été » mais « elle est » encore, malgré toutes les révolutions qui ont tenté de l’anéantir, la dernière en date étant celle du concile Vatican II. Depuis ce Concile, les Papes ne parlent plus jamais de la “ Chrétienté ”. Alors que pour saint Pie X, et pour l’abbé de Nantes, son fidèle disciple, « il ne s’agit que de l’instaurer et de la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine de la révolte et de l’impiété : Omnia instaurare in Christo. » (Lettre sur le Sillon, n° 11)

On peut dire que « les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine de la révolte et de l’impiété » ont mené leur assaut final à la faveur du concile Vatican II, et donc avec tout le prestige, la puissance, l’autorité de l’Église. Dans un premier temps, elles l’ont emporté en substituant, au sein même de l’Église, au cœur du sanctuaire, le culte de l’homme qui se fait Dieu au culte du Dieu qui s’est fait homme. Et la crise présente qui s’étend sur le monde est le salaire de cette impiété suprême. Pour en sortir, il nous faut contre-attaquer « l’utopie malsaine » qui en est la cause, et lui opposer les « fondements naturels et divins » de la « civilisation chrétienne », de la « cité catholique » que nous voulons restaurer avec l’aide de Dieu et le bon secours du Cœur Immaculé de Marie. C’est ce que nous tenterons en commentant l’encyclique Caritas in veritate dans les pages qui suivent.

« L’utopie malsaine » dont il s’agit, et qui a triomphé au concile Vatican II, est le personnalisme : un système philosophique, métaphysique, inventé par Jacques Maritain, maître à penser des papes Paul VI et Jean-Paul II. Si nous voulons instaurer, restaurer une société catholique, il faut commencer par réfuter ce prétendu “ humanisme intégral ” inventé pour faire pièce au “ nationalisme intégral ” et transformer l’Église en Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle. Un seul philosophe a opposé une métaphysique vraie, “ relationnelle ”, à la philosophie “ personnaliste ” de Maritain : l’abbé de Nantes, notre Père, qui n’a pas hésité à en tirer toutes les conséquences, jusqu’à s’élever contre les erreurs de Paul VI et de Jean-Paul II.

Sur cette base, nous pourrons rétablir les « fondements naturels et divins » d’une vie « économico-sociale », l’abbé de Nantes préfère dire : « écologique ». L’écologie catholique de nos 150 Points s’oppose au capitalisme et au socialisme, ou plutôt : au socialo-capitalisme responsable de la crise actuelle. Dans les années du Concile et des pontificats de Paul VI et Jean-Paul II, le “ système ” capitalo-socialiste a triomphé au point de paraître conduire l’humanité sur la voie d’un “ progrès ” merveilleux, Populorum progressio, qui faisait l’homme vraiment roi de l’univers. Et c’est notre idéal “ écologique ” qui faisait figure d’utopie. Aujourd’hui, ça n’est plus du rêve. Dans l’effondrement du système capitalo-socialiste, c’est l’écologie catholique... ou la famine pour tout le monde.

Pour que renaisse l’ordre de la Chrétienté, il faut, selon la recommandation de saint Pie X, ne pas nous laisser « égarer, dans le dédale des opinions contemporaines, par le mirage d’une fausse démocratie ». Il adressait cette recommandation aux évêques français, sans pouvoir soupçonner que tous les évêques du monde tomberaient dans cette erreur et en produiraient, en Concile, cinquante ans plus tard, un document époustouflant sous le titre Gaudium et spes, dans un « langage emphatique plein de promesses aussi sonores qu’irréalisables », celui-là même que saint Pie X disait emprunté « à la rhétorique des pires ennemis de l’Église et du peuple. » L’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI en est aujourd’hui le fruit achevé, insurpassable.

Il a manqué aux Pères du concile Vatican II, il manque à Benoît XVI, d’être « persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d’hier [ils étaient même persuadés du contraire, et Benoît XVI est l’héritier de cette conviction : selon eux, tout a commencé avec Léon XIII, premier Pape “ social ”] ; que, de tout temps, l’Église et l’État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l’Église, qui n’a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n’a pas à se dégager du passé et qu’il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l’évolution matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes. » (n° 44 de la Lettre “ Notre charge apostolique ” sur le Sillon, du 25 août 1910)

frère Bruno de Jésus.