24 août 2009

[Paix Liturgique] Pourquoi tant d'aveuglement dans le diocèse de Versailles?

SOURCE - Lettre de Paix Liturgique n°192 - 24 août 2009
Loin de s'apaiser, la marée calme mais montante des demandes de célébration de messes selon la forme extraordinaire dans le diocèse de Versailles se transforme peu à peu en véritable lame de fond qui déstabilise les autorités du diocèse.

Plus que jamais il y a une distorsion entre le discours officiel et les réalités de terrain.

Nous reproduisons ci-dessous l'intervention orale du Père Olivier Leborgne, Vicaire Général du diocèse de Versailles, lors du colloque organisé le dimanche 28 septembre 2008 au Palais des Congrès de Versailles par un groupe de fidèles attachés au développement de la forme extraordinaire.

Ce texte vieux de presque un an n’a pas pris une ride...
Mesdames, Messieurs, Chers Pères,

Permettez-moi de vous saluer. C’est donc au nom de Monseigneur Aumonier que je suis présent parmi vous et que je vous adresse ces quelques mots. Cette rencontre étant organisée dans la ville de Versailles, l’évêque du lieu désire ainsi manifester son intérêt pour tous ceux qui y participent et je remercie donc les organisateurs de cette rencontre de m’avoir permis de prendre la parole devant vous.

Les mots de l’Apôtre des Nations que nous entendions dans la liturgie de ce jour, selon la forme ordinaire du rite, me paraissent tout-à-fait adaptés à ce que j’ai compris de l’esprit de cette rencontre et je me permets de vous les relire : « Frères, s’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète, ayez le même amour, le même sentiment. Recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun ne soit pas préoccupé de lui-même mais aussi des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments que l’on doit avoir dans le Christ Jésus ». Et suit la magnifique hymne aux Philippiens, que, malheureusement je ne prends pas le temps de citer. Cette rencontre a pour objet d’évoquer la mise en œuvre en France du Motu proprio Summorum pontificum donné par Benoît XVI le 7 juillet 2007. Je me bornerai pour ma part à vous livrer quelques éléments concernant cette mise en œuvre dans le diocèse de Versailles et à évoquer quelques questions qui peuvent y être liées.

A l’heure où à été rendu public le Motu proprio du Saint-Père, le diocèse de Versailles vivait déjà une application généreuse du Motu Proprio Ecclesia Dei Afflicta, puisque dans 3 lieux, non seulement la messe selon ce que nous appelons désormais la forme extraordinaire du rite romain y était célébrée, et que le catéchisme y était donné, l’ensemble des sacrements célébré, et que les chapelains et vice-chapelains respectifs pouvaient y déployer leurs ailes pastorales dans une bonne intelligence et fraternité avec le clergé diocésain. Pour une part, et j’y reviendrai, Monseigneur Aumonier et son prédécesseur, avaient anticipé sur le futur Motu proprio. Quand, il y a un peu plus d’un an, celui-ci a été publié, Monseigneur Aumonier a pris deux décisions, qu’il a communiquées le 9 juillet à l’ensemble des prêtres du diocèse. D’une part, soutenir les lieux déjà existants, proposant la messe selon le missel extraordinaire, et d’autre part, demander aux prêtres du diocèse, dans l’esprit du Motu proprio reçu dans sa totalité, d’accueillir volontiers les demandes faites par des groupes stables, en discernant, dans la sollicitude pastorale, ce qui paraissait opportun et possible. Vous le savez sans doute, cela a permis non seulement que des messes selon la forme extraordinaire du rite soit célébrées dans des lieux où elle ne l’était pas auparavant en semaine, je pense à Saint-Nom-la-Bretèche ou au Vésinet, ou certains dimanches, comme à Rambouillet, mais aussi, cela a permis des célébrations dominicales, selon la forme extraordinaire du missel romain, dans deux nouveaux lieux. Rolleboise, dans l’ouest du diocèse, et tout récemment, la Chapelle des Clarisses à Versailles. Pour Rolleboise, nous pouvons remarquer que nous sommes là dans la visée explicite du Motu proprio, puisqu’il s’agit d’un groupe de fidèles de la Fraternité-Saint-Pie-X, qui a demandé, avec son pasteur, à revenir dans l’Eglise-Mère. A Versailles, le Motu proprio n’a fait qu’encourager une réflexion que nous avions entamée plusieurs mois auparavant et qui visait à répondre au mieux au bien des fidèles. Les Abbés Guimon et Servigny, qui ont demandé à être incardinés dans le diocèse de Versailles, ont été confirmés comme chapelain et vice-chapelain de Notre-Dame des Armées, et la Chapelle des Clarisses est désormais confiée au curé de la paroisse Saint-Louis, pour que la messe selon la forme extraordinaire du rite y soit célébrée. Les Abbés Leroux et Cayla de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, y ont été nommés vice-chapelains. C’est ainsi maintenant six lieux dans le diocèse, qui non seulement proposent ainsi quinze messes selon la forme ancienne du missel tous les dimanches, dont sept à Versailles-ville, et neuf dans un rayon de 3 kilomètres autour de la paroisse Notre-Dame, mais aussi permettent à l’ensemble de l’activité paroissiale, pastorale pardon, de se développer.

Voici donc où nous en sommes aujourd’hui. Certains pensent que ce n’est pas assez. Il est certain que personne ne fait assez pour la communion, et que l’Esprit Saint nous pousse à toujours progresser en ce sens. En même temps, nous savons tous ce qui est de foi catholique, que c’est l’évêque, successeur des Apôtres et pasteur au nom du Christ, par la grâce de l’Onction reçue lors de son ordination, qui est le garant de l’unité, et que si Amour et Vérité se rencontrent comme le dit le Psaume 84, et que donc il n’est pas de Charité sans Vérité, pas plus qu’il n’est de Vérité sans Charité, la disponibilité à l’esprit qui fait la communion sous l’autorité de l’évêque, ne saurait se confondre avec quelque esprit mondain de revendication ou de groupes de pression.

De nombreuses questions se posent encore. Parmi celles-ci, j’en évoquerai quatre.

Première question : qu’est-ce qu’un groupe stable ?

Le Motu proprio n’en donne pas de définition. Si certains peuvent clairement être nommés comme tels, et il y en a plusieurs dans le diocèse, une demande personnelle ou deux ou trois personnes peut-elle être réputée d’un groupe stable ? Et qu’en est-il quand une personne dit représenter un groupe dont elle veut pourtant garder l’anonymat ?

Pour la deuxième question, permettez-moi de citer l’article 5, paragraphe 1 du Motu proprio du Saint-Père dans son intégralité. Je cite : « Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande, de célébrer la messe selon le rite du missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles, en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’évêque, selon les normes du Canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Eglise ».

La visée du Saint-Père Benoît XVI est, par le Motu proprio, de favoriser l’unité.

L’article 5 dans son paragraphe 1 dit deux choses qui, me semble-t-il, sont inséparables : dans la Vérité, il faut faire tout ce qui est possible pour élargir la communion si l’on peut dire et en ce sens accueillir volontiers la demande, la demande d’un groupe stable, d’une part ; et d’autre part, le curé concerné doit apprécier ce qui convient pour le bien des fidèles, et je cite le Motu proprio : « en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’évêque, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de l’Eglise ».

Le Pape fait donc appel à la responsabilité pastorale des curés pour, si l’on peut dire, élargir la communion sans l’abîmer. Je vais prendre deux exemples pour illustrer ce propos. Nous sommes confrontés à Versailles à un bon problème, aussi paradoxal cela puisse-t-il paraître. Les églises de Versailles, et vous pourrez vérifier, sont pleines le dimanche. La paroisse Notre-Dame, pour ne citer qu’elle, rassemble tous les dimanches 3600 fidèles pour la messe, selon la forme ordinaire du rite. La demande qui a été faite, au moins dans une de ses formulations à un moment, demanderait de déplacer peu ou prou toutes les messes du matin, ce qui concerne 2500 fidèles.
Autre exemple, dans une autre paroisse du diocèse où une demande a été faite et accueillie avec une réelle bienveillance par le curé, quand après réflexion et concertation, il a annoncé qu’il était dans l’impossibilité de répondre favorablement à cette demande, toute l’assemblée dominicale a applaudi. Ces applaudissements ont blessé certaines personnes, comment ne pas les comprendre ? Cela blesse l’unité, cela m’a blessé. On ne peut que regretter cette réaction spontanée de l’assemblée. Mais on ne peut pas l’ignorer. Cela veut dire qu’il y a des craintes et des peurs et qu’il faut sans doute plus que quelques mois pour les apaiser. C’est un long travail que d’œuvrer pour l’unité, et il faut tout faire pour, mais comme dit le Saint-Père, cela ne doit pas provoquer la discorde. La question est importante et elle habite le cœur de Monseigneur Aumonier, comment travailler à la communion sans abîmer la communion ? Cela ne signifie pas que rien n’est ou ne sera possible, mais qu’il faut du temps, du dialogue et que rien ne sera possible, sans une détermination partagée qui évite tout ce qui ajoute aux peurs, excite les craintes ou même, inconsciemment, favorise la discorde.

Autre question : le Motu proprio favorise l’instance paroissiale pour répondre à la demande de groupes stables. S’agit-il alors seulement de mettre à disposition un lieu matériel et physique, aussi proche et beau soit-il, ou de permettre une vraie communion paroissiale ? En d’autres termes, sommes-nous fidèles à l’esprit du Motu proprio quand on veut une messe quitte à faire venir un prêtre d’ailleurs pour célébrer la messe et donner le catéchisme ou devons-nous favoriser des solutions véritablement paroissiales où un prêtre puisse célébrer la messe selon les deux formes du missel pour rassembler sa communauté et offrir une vraie cohérence pastorale ? Des prêtres du diocèse de Versailles désirent, dans ce sens, sincèrement apprendre à célébrer la messe selon la forme extraordinaire du missel, et plusieurs l’ont déjà fait. Certains aussi qui célèbrent habituellement selon la forme extraordinaire désirent apprendre à célébrer selon la forme ordinaire pour donner une visibilité plus forte à cette unité. Je m’en réjouis profondément.

Une dernière question habite un certain nombre de prêtres de notre diocèse, qu’il me paraît important de vous partager. S’il est vrai, comme le dit l’adage théologique, que l’Eucharistie fait l’Eglise, alors comment le signifier concrètement ? L’une des spécificités de la Foi catholique, vous le savez, est qu’elle est très réaliste. Comment donc le signifier concrètement quand un curé ne peut jamais rassembler sa communauté dans une même forme de l’unique rite romain ?

En vous remerciant de votre attention, et en vous priant de bien vouloir m’excuser du fait que je ne pourrai pas rester très longtemps et que vous allez me voir partir assez vite, je voudrais vous souhaiter une bonne rencontre. Je la confie à Notre-Dame pour que, par son intercession, nous devenions toujours davantage ce que nous sommes et ce que la messe ne cesse de faire de nous, l’unique corps du Christ, livré pour le salut du monde. Je vous remercie.

Les commentaires de Paix Liturgique :

1- Ce texte de septembre 2008 n’a pas pris une ride. Il résume toujours aussi parfaitement la mauvaise foi affligeante de l’évêché et le décalage complet entre le dogme versaillais « nous avions anticipé le Motu Proprio, la demande est largement satisfaite, tout va bien » et les réalités de terrain qui se traduisent par une opposition systématique au Motu Proprio de Benoît XVI.

2- "Que chacun ne soit pas préoccupé de lui-même mais aussi des autres", "il est certain que personne ne fait assez pour la communion". Ces belles paroles ne doivent-elles pas s'appliquer en premier lieu à ceux qui ont l'autorité, le pouvoir, et tiennent aujourd'hui les commandes d'un système au bord de la faillite ? Cette citation, placée dans le contexte de l'intervention du père Leborgne, sous-entendrait que les fidèles demandeurs de la messe selon la forme extraordinaire sont des enfants gâtés qui ne pensent qu'à eux. Est-ce vraiment l'esprit du Motu Proprio de Benoît XVI ? N’est il pas normal que les enfants demandent à leur père ce dont ils ont besoin pour vivre ? Mgr Aumonier, comme autorité du diocèse, n’a-t-il pas le devoir de se préoccuper des autres, suivant ainsi l'exemple de Benoît XVI ?

3- Le Père Leborgne ose ensuite dire que le diocèse de Versailles vivait déjà une application généreuse du Motu Proprio Ecclesia Dei Afflicta. Quelle méconnaissance de son propre diocèse ! Mgr Aumonier n'est-il pas conscient du nombre de fidèles qui fréquentent les lieux de messe extraordinaire ? N'a-t-il pas lui-même, dans son communiqué de presse de septembre 2008 annoncé qu'il confiait à la Fraternité Saint Pierre un nouveau lieu de culte dans Versailles pour désengorger la chapelle Notre Dame des Armées ? Il est évident que le diocèse de Versailles propose, par rapport à des diocèse ruraux, un nombre plus élevé de lieux de cultes destinés à la forme extraordinaire ; mais ramené au nombre et à l'attente des fidèles de ce diocèse, très largement favorable ou tout au moins ouvert à la forme extraordinaire, ces lieux sont en réalité des miettes.

4- Ainsi, le père Olivier Leborgne revient-il à nouveau sur le cas de Notre Dame de Versailles, croyant bon d'indiquer que plusieurs options s'offrent aux fidèles de cette paroisse dans un rayon de 3 km autour de leur église. Il oublie que les lieux existants sont bondés. Il ignore sans doute la difficulté pour une famille nombreuse (et c'est souvent le cas…) de faire 3 kms en ville ou de prendre sa voiture à Versailles le dimanche matin dans le quartier Notre Dame, pour aller assister à la messe. Il refuse surtout de faire une lecture simple et honnête du texte du Pape qui, incontestablement, doit s'appliquer dans une paroisse ou près de 1000 fidèles souhaitent bénéficier de la forme extraordinaire de l'unique rite romain. A moins que lorsque le Père leborgne dit « le Motu proprio favorise l’instance paroissiale », ces mots pourtant simples et clairs n’aient pas le même sens que pour tout un chacun.

5- Le Motu proprio est ainsi balayé, fort maladroitement, du revers de la main. Le Père Leborgne, après avoir liquidé la demande des fidèles de la paroisse Notre Dame de Versailles, qui représente indiscutablement un groupe stable très important, s'amuse à jouer sur les mots en s'interrogeant sur la réalité d'un groupe stable à partir de deux ou trois fidèles. De qui se moque-t-on ? Au lieu de tergiverser sur les demandes les moins importantes, Mgr Aumonier ne devrait-il pas demander à ses curés d'instaurer un véritable dialogue dans les paroisses où, comme le reconnaît le Père Leborgne, il existe des groupes stables importants ? C'est par ce dialogue que pourront s'apaiser les tensions dont il dénonce lui-même l'existence. En effet, quand des fidèles de saint Germain en Laye applaudissent à l'annonce que fait leur curé de refuser la demande de messe extraordinaire dans leur paroisse, est-il normal que ce dernier ne dise pas un mot pour ramener le calme ? Plutôt que de prendre cette exemple pour justifier l'inaction, Mgr Aumonier ne devrait il pas condamner de tels agissements et demander au curé concerné de mettre en place un dialogue au sein de sa paroisse pour "éviter que la tunique sans couture du Christ ne se déchire davantage"?

6- Enfin, le Père Leborgne démolit ses propres arguments. Il s'interroge sur la meilleure option, entre des lieux destinés exclusivement à la forme extraordinaire ou bien des messes extraordinaires au sein des paroisses, insistant sur le fait que la solution paroissiale permettrait à un prêtre de célébrer la messe selon les deux formes du missel, rassemblant ainsi toute sa communauté en offrant une vraie cohérence pastorale… et quelques instants plus tard il s'inquiète du fait qu'un curé ne puisse pas rassembler toute sa communauté autour d'une unique forme du rite !

7- Un double langage ? Le Père Leborgne, tiendrait-il un langage différent selon les personnes qu'il a en face de lui. Aurait-il prononcé les paroles qui vont suivre devant des paroissiens ordinaires ? "Benoît XVI veut nous provoquer à nous retrouver comme des frères et pas seulement comme des cousins éloignés. Le Motu Proprio vise à inciter des fidèles à retrouver leur place dans l'Eglise en leur signifiant que la question liturgique n'arrêtera pas leur retour dans l'Eglise. Nous sommes dans une injonction de travailler à la communion. Les gens, qui regardaient auparavant les traditionalistes du coin de l'œil, qui eux-même considéraient les autres commes des laxistes, sont invités à s'accueillir avec bienveillance. L'Eglise, ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre. C'est un vrai défi." Le Parisien Yvelines du 3 juillet 2008.

Que d'incohérences, mon Père, que d'incohérences Monseigneur !
Etes-vous si mal à l'aise pour vous défendre si maladroitement ?
Que craignez-vous ?
Pourrez-vous entendre la demande d’une partie importante du troupeau avant qu'il ne soit trop tard ?