Mgr Vingt-Trois continue à beaucoup « s’amuser » |
Jean Madiran - Présent - vendredi 2 mars 2007 leforumcatholique.org |
Mgr Vingt-Trois continue à beaucoup « s’amuser » Un ton un peu moins haut, s’il vous plaît ! Feu et flammes brusquement fulminés par l’archevêque de Paris contre Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour ses trente ans. La Croix résume cette philippique en annonçant que Mgr Vingt-Trois a « haussé le ton » et qu’il « n’entend admettre » aucune espèce de « normalisation de ce qu’il considère comme un état de fait acquis par la force ». Les prêtres de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dit l’archevêque, « ne reconnaissent pas l’entière validité et la rectitude de l’enseignement » de Vatican II. On sait par les déclarations qu’il fit en janvier dernier à La Nef (cf. Présent du 19 janvier) [NDXA : il s'agit, selon moi, plutôt de PRESENT du 11 janvier] avec quel sentiment de mépris Mgr Vingt-Trois considère les « groupes contestant le concile Vatican II » : il les trouve « assez amusants ». Telle est sa superbe pratique paternelle du dédain pastoral. Mgr Vingt-Trois a tort, pour les besoins de sa polémique, de parler du Concile à la légère. Le Concile est en recul dans l’Eglise. On ne lui attribue plus l’autorité absolue qui lui avait été d’abord attribuée par usurpation. Plus personne parmi ses partisans n’ose dire désormais qu’il a « autant d’autorité et plus d’importance que le concile de Nicée ». Le concile de Nicée avait défini les dogmes concernant la divinité de Jésus-Christ, ce qui a tout de même passablement plus d’importance et d’autorité qu’un concile pastoral. Aujourd’hui il est officiellement admis par le saint-siège qu’il y a un problème d’interprétation de Vatican II, et qu’il a été mal interprété par le soi-disant « esprit du Concile ». C’est nous qui pourrions trouver « assez amusante » l’attitude décalée, anachronique et désorientée de Mgr Vingt-Trois à cet égard, si du moins nous avions comme lui la légèreté irresponsable de rire de ces problèmes qui sont graves, et même tragiques. L’autre légèreté de Mgr Vingt-Trois est de faire grief aux prêtres de Saint-Nicolas de n’être « pas incardinés au diocèse de Paris ni dans un autre diocèse ». Ce n’est pas eux qui ont refusé l’incardination ; c’est l’archevêché de Paris et la plupart des autres diocèses qui la leur ont refusée. Et pourquoi ? A cause de la messe, et du brutal abus de pouvoir à son sujet perpétré par l’épiscopat français d’abord en 1969, confirmé et réitéré par la suite, quasiment jusqu’à aujourd’hui. Rappelons donc ce qu’il en est. L’année 1969 est celle où apparaît une messe nouvelle, la messe de Paul VI. La messe traditionnelle va-t-elle disparaître ? A l’été et l’automne 1969, Mgr Lefebvre fonde, tout à fait légalement, la FSSPX et son séminaire d’Ecône pour y instruire et former des prêtres capables (et désireux) de célébrer la messe tridentine. A peine quelques semaines plus tard l’épiscopat français, par son ordonnance du 12 novembre, prend l’initiative précipitée, inattendue et brutale de conférer à la messe nouvelle une obligation exclusive qui équivaut à une interdiction absolue de la messe traditionnelle. On ne peut plus cacher, on sait aujourd’hui, même les évêques en sont instruits depuis maintenant quinze ou vingt ans au moins, que la messe traditionnelle n’a jamais été interdite et n’aurait pas pu l’être. Elle ne l’a été que par un effroyable abus de pouvoir, d’ailleurs dénoncé comme tel, j’en suis le témoin, par des clercs et des laïcs dès 1970. Mais l’épiscopat français, dès le début, s’est accroché à cette tromperie. Son ordonnance du 14 novembre 1974 est venue confirmer l’interdit porté par celle de 1969. Et dans les paroisses tout le clergé diocésain, ou presque, répétait et répétait par ordre et trop souvent répète encore que la messe traditionnelle était et demeure interdite. Le noyau dirigeant de l’épiscopat, que La Croix appelle sa « gouvernance », sait qu’il ne peut plus parler d’interdiction. Il s’accroche pourtant, et avec quelle arrogance, à en conserver des lambeaux, à maintenir la messe sous le régime odieux de l’autorisation préalable, d’ailleurs souvent refusée. Les évêques en communion avec le Pape sont les successeurs des apôtres et la hiérarchie légitime de l’Eglise de Jésus-Christ. Nous ne contestons en rien leur autorité, c’est justement à elle que, depuis un demi-siècle pour ma part, nous adressons nos requêtes, réclamations et protestations. Mais nous contestons leurs abus de pouvoir. Et puis nous voudrions les aider à comprendre qu’au point où, sans rien retrancher de leur pouvoir spirituel, la plupart de leurs personnes ont perdu notre confiance, ils devraient, en ce qui concerne par exemple Saint-Nicolas du Chardonnet, avoir la clairvoyance, à défaut d’humilité, de parler sur un ton un peu moins haut. Si Mgr Vingt-Trois trouve mon propos un peu sommaire ou trop ramassé, je suis à sa disposition pour lui fournir beaucoup plus de détails et d’explications. Pour l’« amuser » encore et toujours, sans doute. Jean Madiran - Article publié dans le n° 6287 de Présent daté du vendredi 2 mars 2007 |