SOURCE - Isabelle de Gaulmyn - La Croix - 13 mars 2007
Rome insiste sur le sens de l'Eucharistie dans l'Eglise
Le Vatican a publié mardi 13 mars l'exhortation apostolique post-synodale qui reprend l'essentiel des propositions émises par l'assemblée du synode sur l'Eucharistie en octobre 2005
Voici le second grand document du pontificat. Après l’encyclique Deus caritas est en 2006, l’exhortation apostolique sur l’Eucharistie Sacramentum caritatis (« Le sacrement de l’amour ») a été rendue publique mardi 13 mars à Rome.
Mais contrairement à Deus caritas est, qui portait clairement la marque de Benoît XVI, l’exhortation est d’abord un document d’Église élaboré à partir de l’assemblée synodale qui a rassemblé 252 évêques du monde entier en octobre 2005 au Vatican. Contrat rempli : le document est bien le reflet de l’équilibre qui s’était alors dégagé de ces trois semaines de discussions.
On ne trouve donc pas ici, comme certains le craignaient, un « motu proprio caché sur le rite tridentin », qui aurait eu valeur de remise en cause de la réforme liturgique conciliaire. L’exhortation, au contraire, rappelle que « les pères synodaux ont constaté l’influence bénéfique que la réforme liturgique réalisée à partir du Concile Vatican II a eue pour la vie de l’Église ». Pas d'innovations, mais un approfondissement
Benoît XVI poursuit : « Les difficultés et aussi certains abus qui ont été relevés ne peuvent masquer que le renouveau liturgique qui contient encore des richesses qui n’ont pas été clairement explorées, est bon et valable. » De ce point de vue, le document développe « l’herméneutique du renouveau dans la continuité », l’interprétation du Concile telle que ce pape l’avait formulée devant la curie en décembre 2005. C’est, soulignait le cardinal Angelo Scola mardi devant la presse, un « acte de réception de l’enseignement conciliaire ».
En creux cependant, Sacramentum caritatis exprime l’inquiétude des pères synodaux, ces évêques du monde entier qui ont fait cette assemblée : la difficulté, aujourd’hui, de célébrer l’Eucharistie. Mais le document ne préconise que des solutions équilibrées. Pas d’innovations. Plutôt un approfondissement de ce qui se fait déjà.
Ainsi, le lien entre célébration eucharistique et ordination sacerdotale – seul un prêtre peut présider l’Eucharistie – est souligné. Le synode s’était inquiété de la pénurie du clergé, du fait des diminutions des vocations. Or, confirme l’exhortation post-synodale, cela ne doit pas faire revenir sur la discipline du célibat, dont elle rappelle le sens pour l’Église latine : « Il est une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même, qui donne la vie pour son épouse. » Les pistes préconisées ne surprendront pas : plus juste répartition des prêtres, meilleures implications des religieux et… encouragement des vocations. Pas question, donc, de revenir sur le célibat.
Promotion du chant grégorien et du latin
Même attitude à l’égard des divorcés remariés, non admis à la table eucharistique : un « problème pastoral épineux et complexe », qui « touche de manière croissante les milieux catholiques eux-mêmes », reconnaît le pape, qui confirme ici cette impossibilité tout en rappelant clairement que les divorcés remariés continuent d’appartenir à l’Église et insiste sur la possibilité de faire reconnaître par l’Église la nullité d’un mariage.
Sur le plan liturgique, on ne retrouve pas ici des conceptions que le cardinal Ratzinger avait affirmées dans ses écrits avant de devenir pape. Mais l’exhortation, par petites touches, reflète les inflexions romaines qui se dessinent aujourd’hui concernant « l’ars celebrandi », c’est-à-dire l’art de célébrer : meilleur respect du rituel, attention aux formes de langage, éviter l’improvisation… Avec, aussi, une promotion du chant grégorien « comme chant propre de la liturgie romaine » et du latin, mais essentiellement lors des grandes célébrations internationales.
Et Benoît XVI demande que « les futurs prêtres, soient préparés à comprendre et à célébrer la messe en latin, ainsi qu’à utiliser des textes latins et à utiliser le chant grégorien ».
Surtout, l’exhortation met un accent particulier sur la participation des fidèles, que le « concile Vatican II a opportunément voulue ». Pour un approfondissement de Vatican II
Est rappelée enfin l’autorité de l’évêque sur la célébration de la liturgie dans son territoire. On attend donc avec intérêt le motu proprio annoncé à plusieurs reprises, qui devrait élargir les possibilités de célébrer en rite tridentin : l’exhortation semble poser des limites précises à toute libéralisation du rite préconciliaire.
Vivre l’Eucharistie dans notre société actuelle n’est pas toujours facile, avaient souligné les pères synodaux. Sacramentum caritatis met l’accent sur le dimanche, s’opposant aux entorses au repos dominical observées actuellement dans des pays de tradition chrétienne. Le problème de la « cohérence eucharistique » avait aussi été longuement évoqué par le synode : les catholiques en situation de responsabilité, notamment politique, allusion au débat américain sur le refus de la communion aux hommes politiques ayant voté en faveur de l’avortement. La réponse, rappelle l’exhortation apostolique, est du ressort de l’évêque.
Enfin, ce document en annonce un autre : un « compendium » (résumé de la doctrine de l’Église) devra être rédigé, de façon à rendre plus lisible cette doctrine sur l’Eucharistie. Il est vrai que les textes sur le sujet ne manquent pas, et cette exhortation vient plus s’y ajouter que les modifier. Mais, si le pape n’infléchit pas la discipline, il encourage par cette exhortation un approfondissement de Vatican II.
Isabelle DE GAULMYN, à Rome