Vive la Forme extraordinaire ! - Archive 6 - Que penser de l’appellation « liturgie traditionnelle » ? - Lettre d'Oremus d'Octobre 1997 |
11 août 2008 - lettre 131 de paixliturgique.com |
Nous publions aujourd’hui une lettre déjà publiée en octobre 1997 par l’association Oremus au sujet de l’appellation « Liturgie traditionnelle ». Il a fallu le génie et la bienveillante charité de notre Pape Benoît XVI pour régler "par le haut" un débat stérile et insoluble qui nous était imposé et qui empêchait de faire avancer les choses. Aujourd’hui, sans hésitation, les fidèles qui désirent vivre leur foi catholique au rythme de la messe tridentine peuvent participer à des célébrations selon la forme extraordinaire du rite romain. Aujourd'hui, l'essentiel est affirmé : la forme extraordinaire n'a jamais cessé d'être permise et nous sommes attachés légitimement à cette forme merveilleuse de célébration. Longue vie à notre Pape Benoît XVI! Voici cette lettre : Que penser de l’appellation « liturgie traditionnelle » ? Lors de la précédente Lettre d’Oremus, nous avons essayé de présenter les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. Nous voudrions maintenant approfondir une question qui, depuis plusieurs années, fait l’objet d’un débat : comment en effet, faut-il dénommer la liturgie à laquelle sont attachés les fidèles qui désirent continuer à suivre aujourd’hui la liturgie décrite dans le missel de 1962 ? Depuis plusieurs années l’usage s’est largement répandu, notamment en France, de la nommer « liturgie traditionnelle ». Cependant, venant d’opinions très diverses, des voix se sont élevées pour contester le bien-fondé de cette appellation. Pour enrichir le débat, nous avons souhaité interroger Monsieur Marc Bouhier, vice-président de l’association Oremus, afin de connaître son point de vue sur la question. L’utilisation presque systématique de l’expression « liturgie traditionnelle » est assez récente ; pouvez-vous nous rappeler les appellations qui avaient été utilisées précédemment ? Beaucoup de fidèles ne pensaient pas, même après le concile, que la liturgie serait modifiée d’une manière importante. Cette conviction était fondée par leur lecture de la constitution conciliaire sur la liturgie qui ne leur permettait pas de penser que l’on se trouverait bientôt en pleine « guerre liturgique ». Aussi la surprise fut-elle très grande et les premières prises de position qui se sont exprimées chez les fidèles lors de la mise en place des étapes des réformes postconciliaires se sont-elles focalisées sur la question de l’usage ou de l’abandon de la langue latine. Ainsi, les fidèles qui refusèrent cette réforme sont apparus, et cela pendant longtemps, essentiellement comme les défenseurs de « la messe en latin ». Il est à noter que les médias, qui n’ont jamais très bien saisi la nature des débats liturgiques, en sont souvent restés à cette analyse simpliste de la situation, et il n’est pas rare encore aujourd’hui de voir des articles de presse réduire les débats liturgiques au refus de l’usage du latin pour certains, et à sa défense par d’autres. Les fidèles « traditionalistes » usèrent-ils de cette appellation de « messe en latin » ? Même si très tôt se développa une abondante littérature faisant l’apologie de l’usage du latin dans la liturgie, les fidèles attachés à la liturgie antérieure aux réformes ne se considèrent pas à priori comme des tenants du latin, bien que beaucoup d’entre eux aient vu dans la défense de cette langue, et tout particulièrement du chant grégorien, un moyen de conserver leur patrimoine liturgique. Parmi les documents qui furent produits par les militants de la première heure, c’est plutôt l’appellation de « messe de toujours » qui semble avoir été le plus fréquemment utilisée. Elle exprime bien, de la part de ceux qui l’employaient, le désir de résister à une prétendue « nouvelle messe » présentée trop souvent comme toute différente des formes liturgiques précédentes. Quand on se souvient de ce que furent certaines expériences liturgiques de la fin des années 60 et du début des années 70 ou, sous couvert de nouvelles liturgies, l’on en venait trop souvent à faire n’importe quoi et notamment beaucoup de politique, l’on ne peut que comprendre la réaction de fidèles qui furent enclins à se regrouper autour de ce qu’ils considéraient être la « messe de toujours » c’est-à-dire le rempart indispensable à la défense de leur foi. Mais la messe antérieure aux réformes postconciliaires était-elle la « messe de toujours » ? Je pense que tous les défenseurs de « la messe de toujours » savaient que, même si elle avait des racines très anciennes, elle avait été codifiée au XVIe siècle par saint Pie V, à l’époque du concile de Trente - au moment où ce pape avait estimé que dans le contexte d’éclatements provoqués par la réforme protestante, la liturgie romaine avait besoin d’être restaurée. C’est pourquoi, bien vite, le nom qui fut donné à la liturgie ancienne fut plutôt celui de « messe de saint Pie V ». Mais la messe décrite dans le missel de 1962 était-elle véritablement celle de saint Pie V ? L’on peut estimer que, dans sa promulgation en 1570 jusqu’en 1969, c’est globalement le missel de saint Pie V qui est resté en usage dans l’Eglise latine. Cependant, nul n’ignore que ce missel avait connu, notamment au XXe siècle, quelques légères modifications qui n’avaient cependant modifié que fort peu le texte de 1570. Est-ce le seul motif de cet attachement à l’appellation « messe de saint Pie V » ? Je ne le pense pas, et je crois qu’il faut chercher ailleurs cette volonté très forte, chez les fidèles des années 70, de rattacher à saint Pie V la liturgie d’avant 1969. En effet, l’on doit se souvenir que, sinon en droit, du moins dans les faits, pratiquement du jour au lendemain le missel de 1962, modifié en 1965, s’est trouvé en quelque sorte proscrit. Dans ce contexte, l’un des seuls moyens qui restât aux fidèles, qu’ils fussent savants canonistes, théologiens éminents ou pieux laïcs, fut de s’attacher à la lettre des termes de la bulle Quo primum tempore édictée en préambule du missel de 1570 par saint Pie V, qui accordait à celui-ci un usage imprescriptible. Ce n’est pas mon souhait d’étudier ici la justesse de cette argumentation ou les réserves que l’on pourrait y apporter : sachons seulement qu’elle se développa pour permettre à des prêtres et à des fidèles de continuer à vivre au rythme de l’ancienne liturgie tout en restant en communion ave l’Eglise. Ces fidèles eurent-ils raison de développer cette argumentation ? C’est une question extrêmement complexe sur laquelle je ne m’étendrai pas ici, car elle nécessiterait de longs développements. Cependant, il faut rappeler que la manière souvent très brutale et l’absence presque totale de pédagogie avec lesquelles furent appliquées les réformes, à partir de 1969, expliquent bien souvent les réactions vives qui furent alors celles de nombreux prêtres et fidèles. Comment est né le concept de « messe traditionnelle » ? L’indult promulgué en 1983, qui autorisait - il est vrai d’une manière rare et parcimonieuse - la célébration de la liturgie tridentine, a rendu caduc, pour une partie des fidèles, le besoin de rattacher la liturgie qu’ils appréciaient à saint Pie V, par le simple fait que l’indult lui-même reconnaissait la validité de cette liturgie et qu’elle n’était donc plus irrémédiablement proscrite ou interdite. C’est dans ce contexte que les fidèles en virent à parler de « liturgie traditionnelle ». Comment s’explique ce choix ? Il ne s’explique que si l’on se souvient qu’à cette époque nombreux étaient les clercs qui, évoquant le nouvel Ordo de 1969, parlaient, dans un souci d’en imposer l’application, de la « messe du concile ». Cette appellation n’était pas particulièrement heureuse, car la liturgie célébrée lors du concile fut, hormis quelques célébrations en rite oriental, la liturgie codifiée par le missel de 1570 ! Rappelons aussi que le désir parfois violent chez certains d’imposer la nouvelle liturgie confortait les défenseurs de l’ancienne dans leurs convictions que ces deux expressions étaient fondamentalement différentes. En effet, s’il ne s’était agi que d’une réforme semblable à celle entreprise par Pie XII, pourquoi était-il nécessaire de se montrer aussi violent, aussi peu charitable, aussi peu pastoral, à une époque qui était tellement attachée à ce concept ? L’on comprendra que, dans un tel contexte, les fidèles aient ressenti le besoin de trouver une appellation simple pour dénommer la liturgie d’avant les réformes ; c’est ainsi que s’est répandue l’appellation de « messe traditionnelle ». Comment fut reçue cette dénomination de « liturgie traditionnelle » ? Un certain nombre d’ecclésiastiques proches ou éloignés de la « liturgie traditionnelle » ont émis des réserves quant à cette appellation. En effet, ils considéraient que dénommer la liturgie d’avant les réformes postconciliaires « liturgie traditionnelle », semblait impliquer que l’on considérait que la liturgie issue de la réforme postconciliaire n’était plus elle-même « traditionnelle », c’est-à-dire qu’elle était une nouvelle messe, au moins implicitement distincte, si ce n’est étrangère à la messe de toujours… Que pouvez-vous répondre à cette objection ? Cela est possible, mais qui en est responsable ? Nous devons rappeler que les défenseurs des réformes liturgiques ont toujours affirmé leur souhait de mettre en place des formes nouvelles, et qu’ils l’ont réalisé. Aussi est-ce du fait de leur propre initiative que le nouvel Ordo missae n’apparaît plus aux fidèles - et cela sans porter de jugement de valeur - comme aussi « traditionnel » que la liturgie d’avant les réformes. Citons, par exemple, les paroles du père Gelineau, qui dans son étude Demain la liturgie, publiée en 1979, déclarait : « Que ceux qui ont encore connu et célébré comme moi la grand-messe chantée en latin et en grégorien se souviennent, s’ils le peuvent. Qu’ils lui comparent la messe actuelle d’après Vatican II. Non seulement les mots, les mélodies et certains gestes sont autres. En vérité, c’est une autre liturgie de la messe. Il faut le dire sans ambages : le rite romain tel que nous l’avons connu n’existe plus. Il est détruit. » Une telle déclaration, de la part de l’un des principaux promoteurs de la réforme liturgique, confirme bien que dans le fond et sans polémique la liturgie « conforme au missel de 1962 » est bien, au moins dans ses formes extérieures, plus proche de la tradition ancienne que la messe issue du nouvel Ordo missae de 1969, et que l’appellation de liturgie traditionnelle qui lui et donnée n’est donc pas inexacte. Mais que s’est-il passé dans les faits ? Il est vrai qu’aujourd’hui les liturgies issues de la réforme de 1969 ne forment pas un ensemble monolithique. Comment comparer en effet la messe célébrée à l’abbaye de Solesmes avec les liturgies célébrées dans la presque totalité des paroisses ? Cependant, dans les deux cas, même si l’esprit en est très différent, de nombreux éléments ont profondément évolué par rapport à la liturgie d’avant les réformes ; indiquons seulement la place de l’autel, les rites de distribution de la communion ou la systématisation des concélébrations… Tout cela nous démontre que la liturgie nouvelle n’est plus la « liturgie ancienne » mais bien, comme le dit le père Gélineau , « une autre liturgie ». Pensez-vous que l’on puisse trouver une autre appellation pour la liturgie traditionnelle ? Je pense que ce sera très difficile. En effet, si l’on voulait revenir à l’expression « messe latine » ou « messe en latin », cela ne serait guère possible, car comment alors dénommer la messe de 1969 célébrée en latin dans de nombreuses abbayes et par certains prêtres ? L’appellation « messe classique » utilisée par le cardinal Ratzinger ne semble pas pouvoir rencontrer de succès. En effet, en français, le mot « classique » a une petite connotation vieillotte qui empêchera les fidèles de l’adopter. Quant au vocable de « liturgie ancienne », il est par trop péjoratif ou caricatural… Comment voyez-vous la résolution de cette difficulté ? La question est de savoir si les uns et les autres cherchent la paix ou la guerre. Si, comme je le souhaite et l’espère, la plupart aujourd’hui cherchent d’une manière authentique la paix et la réconciliation, je crois que cette difficulté se réglera vite. Ne pouvant pas trouver de solution parfaite, je pense que la « paix des braves » voudrait que les documents officiels continuent à parler du « missel de 1962 » et que l’on laisse les fidèles employer l’appellation « liturgie traditionnelle » pour dénommer la liturgie développée par ce missel, tout en sachant que cette appellation ne correspond pas parfaitement à la réalité. Mais n’est-ce pas un défaut typiquement français que de vouloir systématiquement et toujours définir parfaitement ce qui parfois ne peut l’être ? Commentaires de Paix Liturgique : 1/ En parlant de forme extraordinaire du rite romain, le Saint Père redonne toute sa place, sa légitimité, son opportunité et sa fécondité au Missel de 1962. Non, cette forme de célébration de la messe et de tous les autres sacrements n’a jamais été interdite, nonobstant toutes les inexactitudes et les mensonges que l’on a pu entendre ces dernières années. Merci Très Saint Père de rappeler aussi clairement cette vérité immuable et de clore ainsi un débat stérile. 2/ Assurément le Saint Père connaît parfaitement ce sujet liturgique, ses enjeux et ses conséquences. Il maîtrise ce dossier comme personne. Il est l’homme providentiel que l’Eglise attendait pour poursuivre le travail de réconciliation initié par Jean-Paul II. C’est notre espérance. Longue vie au Saint Père ! |