15 novembre 2013

[Abbé Yves le Roux, fsspx] Subversion ou tradition?

SOURCE - Abbé Yves le Roux - La Porte latine - novembre 2013

Chers amis et bienfaiteurs,

L'homme boitait bas, un rictus inquiétant et quasi permanent fendait son visage. Redouté de tous, méprisé par beaucoup, courbé par l'âge et ses circonvolutions morales, s'avançait Talleyrand. Monseigneur de Talleyrand pour être juste, car ce triste sire, maître es-subversion, était évêque; bien qu'il affectionnât, de la révolution française à la restauration, de hanter plus les couloirs du pouvoir que monter les marches du sanctuaire.

De cette époque, la subversion s'est infiltrée partout et les maîtres de la révolution ont fourbi leurs armes : la subversion ne relève plus du seul fait de quelques hommes au génie dévoyé mais constitue l’essentiel de l'air que nous respirons. Elle imprègne les rouages de la société, s'est introduite dans les familles et s'est infiltrée jusque sur les marches du sanctuaire : la subversion est l'arme de guerre de la révolution. A la fin des années soixante, de Paris à Woodstock, elle s’est exprimée avec violence dans le scandaleux et satanique slogan Ni Dieu ni maître : rien d’autre que la haine d'un ordre dans lequel l'homme n'est pas son seul maître.

Aussi, la révolution institutionnalise-t-elle la haine de l'autorité qui se présente en réalité comme le dernier rempart qu'il faut abattre à tout prix pour établir le chaos révolutionnaire. L'autorité est, en effet, nécessaire au plein épanouissement de l'homme qui resterait un avorton s'il n'avait cette puissance tutélaire qui veille et lui permet d'atteindre la plénitude de son âge : il faut donc l'abattre. Par ses instigations multiples, ses attaques pernicieuses, ses coups de butoirs répétés qui suscitent la suspicion, la subversion va s'y employer, profitant de notre propension naturelle à ne pas vouloir nous soumettre. Peu à peu, l'autorité prend ainsi les traits de l’ennemi qui nous veut du mal ou, du moins, nous conduit à notre perte.

Plus qu'une technique révolutionnaire qui ne représenterait finalement qu'une étape d'un mouvement plus vaste, la subversion est non seulement l'arme qui établit la révolution mais son âme réelle, son essence propre. Cœur de la révolution, elle est d’abord un refus de filiation. En effet, emboîtant le pas de Satan, le subversif rejette la paternité divine et toutes celles qui en découlent. Ni Dieu, ni maître trouve ici son apogée. On remarquera aussi, distillant ce poison, poison elle-même, que la subversion entraîne dans sa perte celle de la révolution et de ses adeptes : machine infernale, moderne Moloch, elle se nourrit du sang de ses enfants.

La subversion est donc parfaitement antinomique à toute forme de tradition qui est essentiellement une adoration de Dieu le Père. Cette dernière reconnaît en effet que Dieu est et qu'Il Lui est essentiel de se révéler par des canaux paternels. L'autorité est, dès lors, reconnue et respectée comme cette paternité divine qui atteint l'homme, le conduit et le protège. Accidentellement lorsque l'autorité en charge n'est plus fidèle à son rôle de gardien du bien commun, il revient aux défenseurs de la tradition de lui rappeler son rôle et de le faire publiquement ; respectant ainsi la nature même de l'autorité. Mais cette remontrance publique, loin d'être une opposition viscérale à l'autorité, est un service qui lui est rendu. L'opposition n'est qu'apparente, due à des circonstances dramatiques lorsque ceux qui ont reçu en dépôt l'autorité sont eux-mêmes imbus des principes révolutionnaires.

Entre subversion et tradition l'opposition demeure totale et la tradition disparaîtrait si elle venait à accepter le principe de subversion et à devenir suspicieuse de toute forme d'autorité.

Or depuis quelques mois désormais, cette tentation subtile de défiance de l'autorité s'est introduite dans les rangs des défenseurs de la tradition de l'Église.

Bernées par la force de suspicions répétées et amplifiées par la chambre d'écho Internet, prises par la peur irraisonnée d'une prétendue trahison sans existence réelle, jamais prouvée ni démontrée, certaines personnes de bonne volonté font objectivement et tristement le jeu du démon. Leurs attaques diffamantes, qui ne sont péremptoires et solennelles que parce qu'elles ont pour but d'impressionner et de cacher leur inanité, tiennent le rôle peu glorieux d'agents de la subversion en distillant une méfiance contre l'autorité en charge de la tradition. Il est grand temps de cesser cette guerre intestine suicidaire à l'heure même où nous assistons à une nouvelle attaque en règle des derniers vestiges de la tradition au sein de la sainte Église.

Combattre pour l'honneur de Dieu et de sa Paternité devrait nous protéger de sombrer dans la tentation d'épouser les principes qui minent cet honneur et cette paternité.

La liturgie au temps de l'avent nous invite à suivre Notre Dame et saint Joseph sur le chemin qui mène à la crèche. Ce chemin est celui de la dépendance tranquille, de la simplicité rayonnante, de la filiation honnête et de l'humble soumission à la volonté de Dieu. Ce chemin est un chemin de conversion, bien loin de toute voie subversive.

Empruntons-le hardiment !

In Christo sacerdote et Maria.


Abbé le Roux +